[1.1]Morts ! morts !… Ils ne sont plus !… ils ne sont plus, nos frères !
Le trépas a fermé leurs sanglantes paupières :
Ils sont morts côte à côte et tous frappés au cœur !
[…]
[…]
[…] Ne troublez pas nos hymnes funéraires ;
Laissez-nous les pleurer, car ils étaient nos frères !
Pleurer fait tant de bien quand le cœur est serré.
Que craignez-vous d’ailleurs ? Une larme stérile
Ne ranimera pas un corps froid, immobile,
Et sous la chaux vive enterré !
[…]
Laissez-nous les pleurer, notre douleur amère
S’épanche sans accens de haine et de colère.
Quand du signe de deuil, il faut nous entourer,
Nos crêpes ne sont point un factieux emblème,
Nous ne proférons pas de secret anathème ;
Nous pleurons !… Est-ce donc un crime de pleurer ?
A. altaroche. (Le 6 juin. Deuil).
La devise de Lyon était admirable ; c’était le plus saint des drapeaux, celui du travail et du courage : Vivre en travaillant, mourir en combattant. La victoire ne pouvait manquer de suivre un tel symbole de force et de moralité. Les gardes nationaux eux-mêmes se joignirent aux prolétaires. Les troupes réglées eurent l’honneur d’une défaite dans ce conflit entre citoyens.
La tribune.
La république a consacré des hymnes aux martyrs de St-Méry ; un capitaine que l’atmosphère des cours n’avait pu corrompre, versa publiquement des pleurs sur l’illustre général dont Ste-Hélène a dévoré la vie. Simples prolétaires, nous venons aussi verser quelques larmes, entonner un chant funèbre sur la tombe de nos camarades morts pour notre cause. Qui s’en offensera ?…
[1.2]Le champ de bataille où le soldat meurt pour la défense de son pays est bien glorieux : honte à celui qui ne joindrait pas sa voix à celle de ses frères pour chanter le Te Deum de la victoire !
Des passions contraires accueillent toujours le récit des combats que des citoyens généreux ont livrés à un pouvoir liberticide. Ce n’est que la tête couverte d’un voile funèbre, que la patrie célèbre leurs triomphes ou raconte leurs revers. Elle ne saurait oublier que le sang des siens a coulé, versé par des mains fratricides, et la muse de l’histoire n’a jamais permis qu’on appendît aux voûtes de son temple les trophées de la guerre civile, sans les recouvrir d’un crêpe.
C’est aussi avec une douleur profonde que nous venons, dans ce triste et glorieux anniversaire, déposer notre modeste offrande aux mânes des victimes de novembre. Puissent leurs familles être enfin consolées !
Grace à eux, dont ces trois jours bornèrent l’existence, novembre a commencé l’ère de l’émancipation des travailleurs. Ils furent braves dans le combat, magnanimes après la victoire. Nous dirons à leur louange : La misère coudoya la richesse sans lui dire : partage ; et la haine s’oublia elle-même sans songer à la vengeance. Sublime exemple de moralité dans l’Hercule populaire ! Et vous qui leur survivez, plus heureux et non moins braves, citoyens ! vos ennemis ont oublié votre clémence le jour où ils n’ont plus craint votre force ; mais, votre modération a rallié à votre cause tous ceux qui portent un cœur d’homme. Recueillez-en le fruit.
Prolétaires de toutes les classes, vous vous unîtes, dans ces trois jours, par une fraternité d’armes, par une communauté de dangers, ne l’oubliez jamais. Continuez à rester unis. De votre union dépend votre force.
Adieu, citoyens qui n’êtes plus ! Votre souvenir vivra toujours dans nos cœurs.