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coalition
des ouvriers layetiers-emballeurs. (Police correct. de Paris). [1.1]Nous avons annoncé dans notre dernier numéro la condamnation des ouvriers layetiers-emballeurs, savoir : Cassetuyle et Kueman à six mois de prison ; Bien-Aimé, Comor, Vaillant et Ruel à deux mois. Cette condamnation a été suivie de deux incidens qui ont produit dans la foule une vive émotion. La femme de Cassetuyle s’est trouvée mal. Peut-être que cette malheureuse, indépendamment du chagrin qu’elle éprouve de la captivité de son mari, se trouve sans ressources, sans moyens d’existence, obligée, elle et ses enfans, de mendier ou de voler pour ne pas mourir de faim. Le pouvoir devrait réfléchir combien la vie de la classe laborieuse est précaire, et ne pas détruire à jamais, pour satisfaire à une prescription légale, plus ou moins juste, l’existence de toute une famille. La prison, pour l’homme riche, n’est que la privation de la liberté, et c’est déja un supplice ; mais pour le prolétaire, elle est souvent pire que la mort. L’autre incident est celui-ci : un homme s’est avancé à la barre, et a dit : Président ! je demande la parole au nom des ouvriers. Le tribunal a refusé de l’entendre : Voici les considérans du jugement. Attendu que la coalition est tout concert organisé entre les ouvriers d’un même ou de divers corps d’état, à l’effet de faire cesser, en même temps de travailler, interdire le travail dans un atelier, empêcher de s’y rendre, et d’y rester avant ou après certaines heures, et en général, pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux ; Attendu que les prévenus ont pris part à la coalition dont s’agit : Cassetuyle, en présidant la réunion de la barrière de l’Etoile, sachant quel en était l’objet, et en défendant à des ouvriers layetiers de continuer leurs travaux ; Bien-aimé, en écrivant et signant des circulaires pour provoquer la seconde réunion, et en proposant et rédigeant les conditions nouvelles à imposer aux maîtres layetiers ; Vaillant et Ruel, en figurant dans les réunions, et en faisant partie du groupe de 5 individus qui, le 9 octobre dernier, ont, au nom de la société, ordonné avec menaces aux ouvriers de Demouchy de déserter leur atelier ; Kueman et Comor, en prenant part aux réunions, et en menaçant avec violence divers ouvriers s’ils ne quittaient pas leurs travaux. Le tribunal de police correctionnelle de Paris, en formulant tel qu’il l’a fait son jugement, a commis une grave erreur. Il devait condamner sévèrement, si l’on veut, les violences que les ouvriers layetiers avaient pu commettre, mais là s’arrêtait son droit. Espérons que les tribunaux supérieurs anéantiront un précédent aussi fâcheux, et qui nous reporte à plus de vingt ans en arrière. Un épisode de ce procès a fait rire ceux des auditeurs auxquels il n’a pas donné un grave sujet de réflexion ; [1.2]c’est la lettre de M. Lambert à M. le procureur du roi, dans laquelle ce citoyen excipe de sa qualité de patenté, de garde national, de sujet dévoué, etc., pour demander à ce magistrat qu’il intervienne dans ses débats avec ses ouvriers… Ce jugement a lieu de nous étonner. Il confond la coalition et la violence. Il est en contradiction avec la doctrine qui prévaut aujourd’hui, et que le maire de Lyon a paru sanctionner dernièrement, même dans sa réponse au Précurseur. Nous persistons à soutenir que l’article 415 du code pénal est aboli par la charte de 1830 ; qu’il n’est plus en harmonie avec nos mœurs ; nous persistons à croire et à dire que la coalition n’est coupable que lorsqu’elle veut contraindre les dissidens à se rallier à elle. Toute autre doctrine, celle qui proscrirait la coalition, c’est-à-dire, le principe d’association, serait attentatoire aux droits des citoyens, subversive de la charte nouvelle qui repose sur la souveraineté du peuple.
maison centrale de commerce
ENTRE LES CHEFS D’ATELIER ET OUVRIERS, pour la fabrication et la vente des étoffes de soie. Arrêté de la Commission provisoire. Nous soussignés, membres de la commission provisoire nommée le 21 juillet 1833 par les sociétaires de la Maison centrale, déclarons à nos concitoyens, que les Statuts de ladite société, dont la rédaction nous a été confiée, sont terminés, et ont été soumis au barreau lyonnais, qui nous a déclaré que les présens statuts étaient conformes aux lois constitutionnelles et au Code de commerce. Vu cette déclaration, nous avons voté à l’unanimité l’impression de dix mille exemplaires pour être distribués à toutes les personnes qu’ils pourraient intéresser. Fait à la Croix-Rousse, ce 13 novembre 1833. Signé : C. Naudot, Bonnard, Colombin, Gautier, Armand aîné, J. Garçon, Verdun, Lardet, Marion. Suit cette adresse A NOS CONCITOYENS. Lorsque l’on considère les grands changemens que notre siècle a opérés dans une infinité de choses, on est amené à se demander si notre classe industrielle ne pourrait pas entrer en lice pour marcher à l’émancipation du mouvement progressif. Sommes-nous donc si fortement enchaînés dans notre état de misère et de souffrance, que nous ne puissions faire quelques efforts pour en sortir, ou apporter [2.1]tout au moins quelques améliorations à notre sort ? Non, ce siècle de lumières ne doit pas s’écouler sans nous avoir fait aussi sentir sa bienfaisante influence. La postérité ne nous accusera pas d’avoir, par des sentimens d’égoïsme ou de lâcheté, refusé de travailler à la réforme des vices de notre organisation sociale, en augmentant le bien-être des ouvriers. C’est en nous unissant que nous y parviendrons, c’est en formant une Maison centrale de commerce que nous pourrons lutter avec avantage contre ces négocians inhumains qui se sont enrichis jusqu’à présent aux dépens de nos sueurs et de nos privations. Cet établissement, auquel rien ne peut s’opposer, fera disparaître de notre cité le tableau déchirant qu’elle présente, toutes les fois que le commerce fléchit, faute de demandes étrangères. Dans ces momens de crise, des centaines de fabricans ne manquent jamais de spéculer sur la misère publique, en baissant le prix d’un travail qui est déja trop limité pour suffire aux premiers besoins des familles. Le moyen que nous proposons fera également cesser tous les abus dont nous avons été tant de fois les victimes, devant les divers conseils qui se sont succédés dans notre ville, et qui ont amené de si graves événemens ; il empêchera le retour de ces collisions déplorables qui laissent dans l’un et l’autre camp des haines si difficiles à éteindre. Rallions-nous donc, et mettons-nous à l’œuvre sans crainte, car nous avons tout ce qu’il faut pour réussir : nous comptons parmi nous assez d’hommes éclairés capables de nous diriger, et l’argent ne nous manquera pas ; nos milliers de bourses réunies formeront un capital aussi considérable que celui des premières fabriques de Lyon. Pour ne pas morceler les statuts, nous les renvoyons au prochain numéro, où ils seront insérés en entier.
Affaire Arguillère et Mourron, Contre MM. Derobert et Bernard, gérant de L’Echo de la Fabrique. L’Echo de la Fabrique contient dans son dernier numéro (24 novembre, N° 47) une lettre signée Derobert, fabricant, dans laquelle la maison Arguillère et Mourron est signalée comme volant les ouvriers en se servant de balances qui donneraient un déficit de 25 grammes par pesée. L’énormité de ce déficit aurait dû en faire suspecter la sincérité, et le gérant de l’Echo de la Fabrique, tisseur lui-même, aurait dû rectifier l’erreur dans laquelle tombait Derobert. L’indépendance ne consiste pas à accueillir toute plainte sans examen. M. Bernard a eu, au contraire, l’incroyable idée d’annoter cette lettre et d’enchérir sur M. Derobert. Nous ne doutons nullement, dit-il, de la vérité du fait ; c’était cependant son devoir de douter avant de lancer une accusation aussi grave ; c’était même son devoir de s’enquérir. M. Bernard demandait un exemple ; cet exemple vient de lui être donné, mais dans un sens différent : MM. Arguillère et Mourron, avant de dresser une plainte en diffamation contre le gérant de l’Echo de la Fabrique ont voulu rendre évidente la calomnie dont ils étaient victimes. Ils ont fait appeler à l’audience de lundi dernier du conseil des prud’hommes, le sieur Derobert, afin qu’une enquête eût lieu sur les faits dont il se plaignait ; ils ont demandé que MM. Bernard et Falconnet assistassent à cette enquête. Le conseil a délégué à cet effet quatre de ses membres, MM. Goujon, Martinon, Bourdon et Joly. Ces fonctionnaires se sont rendus, hier matin, avec MM. Derobert, Bernard et Falconnet, au domicile de MM. Arguillère et Mourron. Il a été prouvé que le déficit de 25 grammes par pesée ne pouvait exister, puisqu’une quatrième pesée de deux roquets de jointe au poids de 30 grammes, qui avait été faite aux mêmes balances, ne donnait lieu à aucune réclamation. Le sieur Derobert est enfin convenu avoir pesé ensemble la pièce et les deux roquets, et dès-lors l’erreur par lui commise a été clairement démontrée. Derobert a signé la rétractation suivante, en présence de toutes les parties. Nous ignorons si la maison Arguillère et Mourron jugera l’insertion [2.2]de cette rétractation, dans l’Echo de la Fabrique, suffisante. Il ne nous appartient pas d’en dire davantage. Voici cette rétractation qu’on nous transmet : Lyon, ce 26 novembre 1833. « Je soussigné, reconnais et déclare, pour rendre hommage à la vérité, que toutes les allégations contenues dans la lettre que j’ai adressée à l’Echo de la Fabrique de dimanche dernier, sont fausses et nullement fondées ; je déclare, qu’après la vérification qui a été faite à la requête de MM. Arguillière et Mourron, par une commission composée de quatre membres du conseil des prud’hommes, et en présence de MM. Falconnet et Bernard, gérant de l’Echo de la Fabrique, il a été unanimement reconnu par ces Messieurs et par moi-même, que j’avais fait erreur, et que tous mes comptes avaient été réglés avec justice et bonne foi. En conséquence, je rétracte publiquement la lettre dont ces Messieurs ont à se plaindre, dans tout son contenu. Signé, DEROBERT. La présente déclaration faite en présence des témoins ci-dessous signés : E.-Ant. Goujon, prud’homme ; Martinon, prud’homme ; Bourdon, prud’homme ; Joly, prud’homme ; Falconnet, ancien prud’homme ; Bernard, gérant de l’Echo de la Fabrique.
conseil des prud’hommes.
Séance du lundi 25 novembre 1833. Cette séance n’a produit aucune cause intéressante, si ce n’est celle des sieurs Arguillère et Mourron contre Derobert, laquelle doit donner lieu, dit-on, à une plainte en diffammation contre le gérant de l’Écho de la Fabrique (Voyez l’article : Affaire Arguillère et Mourron, etc.)
Nous avons reçu un exemplaire de l’adresse que les chefs d’atelier et ouvriers passementiers de la fabrique de rubans de St-Etienne ont remise le 9 du courant à M. le préfet de la Loire, pour être envoyée au roi. Nous donnerons, dans un prochain numéro, cette adresse remarquable par le talent et les connaissances de son rédacteur, M. Ph. Hedde.
Jurisprudence. La cour de cassation a décidé qu’on ne pouvait ouvrir un bal public sans autorisation. – La même cour a décidé que les vernis dans lesquels l’alcool entre pour une quantité quelconque, n’étaient soumis à aucun droit. C’est la maison Duverdy, de Lyon, qui a obtenu cette décision contre la régie.
Nous appelons l’attention publique sur un journal qui se distingue de la foule par sa spécialité et son importance. le Conseiller des Femmes est le titre de cette publication hebdomadaire, à laquelle toutes les femmes sont appelées à concourir, soit comme actionnaires ou abonnées, soit comme rédactrices. Toutes y trouveront un enseignement utile, un délassement agréable. Une dame est le rédacteur en chef : Mme Eugénie niboyet s’acquitte avec zèle et talent de cet emploi difficile pour celui qui veut l’exercer en conscience. M. Léon boitel, que l’art des Didot1 a enlevé à la chimie, s’est déclaré gérant responsable. L’entreprise ne peut que gagner à cette utile association ; le talent et le patriotisme modestes de M. Boitel sont bien supérieurs, à notre avis, à d’autres qui se produisent avec beaucoup de fracas, sans être plus vrais. le Conseiller des Femmes n’est pas une œuvre saint simonienne ; il doit peut-être le jour à cette doctrine comme la plupart de nos meilleurs principes d’économie sociale ; mais on n’y trouve rien de ce qui a justement choqué dans la doctrine du père Enfantin. Nous souhaitons donc à ce journal tout le succès qu’il mérite ; il doit être le vade mecum des mères de famille.
Exposition St-Pierre. L’Ecole de Lyon existait ; elle est morte, et pourquoi ? M. GUICHARD. – M. DUPRÉ. (3me Article). M. Jal1, Lyonnais renégat, qui a souvent mis de l’esprit où il fallait du bon sens, niait dans le temps qu’il y eût une école de peinture lyonnaise. N’en déplaise [3.1]à M. le marin d’eau douce du Constitutionnel, Lyon a fait école ; Lyon avait son coloris, son faire, sa manière qui le distinguaient de Paris avec lequel il lutta plus d’une fois heureusement ; l’Anneau de Charles-Quint, le Tasse, le jeune Chasseur, etc. sont là pour le prouver2. Qu’on dise que cette école, qui aurait fait moins de jaloux si elle eût eu moins de mérite, n’existe plus, à la bonne heure ! Les journaux de Paris, le farniente de nos artistes, mais surtout la parcimonie des héritiers, chef et famille de la révolution de juillet, l’ont tuée, et bien tuée, je vous l’assure : un De profundis sur elle. – Cependant si nous n’avons plus d’école ; nous avons encore des peintres, témoin M. J. Guichard3. M. J. Guichard profitait, grandissait en silence alors que notre école s’en allait mourrant ; il paraît même avoir attendu qu’elle fût morte pour se poser peintre. Il a dit comme l’artiste romain : Anch’io son pittore, et en vérité il a pu le dire. Touche hardie, coloris frais et ferme, entente habile des effets du clair-obscur, M. Guichard, quoique bien jeune encore, possède à un haut degré toutes ces qualités qui font vivre le peintre plus long-temps que sa vie. – Son Rêve d’Amour est, malgré de nombreux défauts, une belle page. La femme est superbe d’expression et de carnation ; voyez comme cette tête et ce sein sont traités ! Vous admirez l’une, et vous êtes tenté de toucher l’autre : Arrêtez… cette femme ne veut que du sommeil qu’elle goûte ; sa bouche élargie par les baisers vous annonce assez qu’elle n’a plus faim de plaisirs. Je ne vous demande qu’une chose, c’est de dégager son bras droit de dessous son corps, et aussi d’adoucir la saillie de sa hanche droite : cela fait, cette femme sortira du pinceau de l’Albane. – Je n’aime pas l’amant ; sa figure plombée, son gros nez, son larynx extra-protubérant, sont d’un mauvais effet ; comme tant d’autres hommes, il ne vaut pas sa maîtresse : il n’est que bien peint et c’est trop peu pour M. Guichard. – Quant au Turc jaloux, ma foi ! je ne sais qu’en dire. Il a un beau turban, une grande pelisse, un joli poignard, il a enfin tout ce qui constitue un Turc, excepté ce qu’un Turc, en pareille occasion, doit avoir avant tout, l’expression de la jalousie. Je cherche en celui-ci un Orosmane, et je n’y trouve qu’un eunuque du sérail. C’est dommage, car sa tête orientale est modelée à la Rubens : ce n’est pas trop dire. – La Mauvaise Pensée est un autre tableau de M. Guichard, qui révèle aussi toutes les qualités de cet artiste. Cette tête d’homme est parfaite de couleur et d’expression ; il y a dans cette cervelle visiblement agitée une pensée ou d’assassinat, ou de suicide, que M. Guichard a eu le tort de vouloir expliquer : le public n’aime pas qu’on lui en dise plus qu’il n’en faut pour qu’il devine. Aussi, ce diable, avec sa figure fauve et ses doigts crochus est une superfétation risible au milieu d’une composition qui fait penser. Qu’il aille donc au bénitier et fasse place à un ciel de feu et de tempêtes, pareil à celui qu’on voit dans le Caïn de Pierre Guérin4. M. Guichard est capable de comprendre ce conseil. M. Dupré a garni l’exposition de nombreux portraits et d’un tableau d’intérieur. On peut mettre au bas de toutes ces productions : Violet, violet, violet. M. Dupré a le défaut qu’il outre encore beaucoup, de M. Revoil ; mais qu’il est loin d’avoir les qualités de ce professeur ! Un peintre qui voit mal la couleur n’a point d’avenir ; il peut travailler pour le temps, c’est-à-dire, gagner de l’argent, mais il n’aura rien à démêler avec la postérité. Cette tête lie de vin, grosse, bouffie, ballonnée est à la rigueur celle du chanteur Tilly ; mais son regard, son sourire, sa vie, où sont-ils ?… Tout cela est resté au bout du pinceau de M. Dupré. – M. Dupré a exposé encore un petit portrait en pied de M. le président Reyre, en robe rouge : mêmes défauts, sans compensations, sauf quelques fragmens de draperie assez bien traités. – A ce propos, je dirai qu’il est peut-être peu convenable que des hommes publics se livrent en buste, ou reproduits par le pinceau, aux regards de la foule. Ces hommes veulent-ils faire en cela acte d’amour-propre ? C’est possible, mais ils ont tort et doublement tort. D’abord la fortune est une injustice sociale dont les gens sensés dissimulent autant qu’il est en eux les trop brillans priviléges ; ensuite quand on n’est pas un Aristide5 [3.2](et qui est par le temps qui court un Aristide) ? on ne doit s’efforcer d’être que l’homme de sa famille, de ses amis et de ses fonctions. Un juge sur son siége juge les autres, mais quand il en est descendu, et qu’on le rencontre, on le juge à son tour. B. (A.)
Le pauvre diable industriel. Un vagabond. – Pourriez-vous me dire pourquoi l’on m’a conduit devant vous, M. le maire ? Un maire. – On vous accuse d’être vagabond. Le vagabond. – Seriez-vous assez bon pour m’expliquer ce qu’on entend par ce mot ? Le maire. – On dit que vous ne justifiez d’aucun moyen d’existence ; que vous êtes sans état et sans domicile. Le vagabond. – Il est vrai, mais cela me rappelle que dans le temps où j’avais des moyens d’existence, un état et un domicile, j’allais quelquefois au spectacle ; je vis alors représenter une pièce dans laquelle un propriétaire avare disait naïvement à un malheureux locataire que : Lorsqu’on n’a pas de quoi payer son terme, Il faut avoir une maison à soi. Mon cas est aujourd’hui le même : me reprocher d’être vagabond, lorsqu’on sait que je suis hors d’état de me procurer un domicile, me paraît une ironie cruelle. Le maire. – C’est un délit prévu par le code pénal, et je serai obligé de vous faire arrêter et traduire en police correctionnelle, si vous ne justifiez d’aucune ressource. Le vagabond. – Hélas ! M. le maire, vous me rendriez service en me faisant arrêter ; on sera bien forcé de me nourrir et de me coucher en prison. Vraiment, si vous n’avez pas cette bonté, je ne sais plus comment faire. Le maire. – Fainéant ! Grand et fort comme vous voilà, ne pouvez-vous travailler ? Le vagabond. – Monsieur, je fais tout ce qu’on veut, je puis parcourir toute la chaîne des travaux, depuis la tenue d’ordre d’une maison de commerce, jusqu’à pousser la brouette. Le maire. – Eh bien ! avec des talens si variés, qui vous empêche de vous occuper ? Le vagabond. – Pourrriez-vous m’indiquer du travail dans votre petite ville ? Le maire. – Pas pour le moment ; nous avons beaucoup de monde à la charge de la commune : nous ne savons comment donner de l’ouvrage à nos pauvres. Le vagabond. – C’est ainsi partout. Le maire. – Pas possible. Le vagabond. – Un homme que le sort a jeté hors de son industrie, ne peut trouver à vivre par le temps qui court. Le maire. – L’ingénuité de vos réponses m’intéresse ; votre langage n’est pas celui d’un aventurier. Comment êtes-vous tombé dans l’affreuse détresse où je vous vois ? Le vagabond. – Monsieur, j’étais filateur de coton à St-Quentin ; j’occupais quelques centaines d’ouvriers ; cette industrie me procurait une honnête aisance, grace aux douanes protectrices qui m’assuraient le privilége de vendre à mes compatriotes, moyennant 6 fr. la livre, ce qui leur aurait coûté 10 sous, si le commerce eût été libre. En 1814, la ligne des douanes fut percée par les armées alliées ; la France fut inondée de cotons bruts qui n’avaient pas payé de droits, et de cotons filés qui valaient mieux que les miens, et qui ne coûtaient pas le quart. Je fus complètement ruiné. Je vins à Paris, où l’on me conseilla de fabriquer des calicots. Je fabriquai les plus belles étoffes du monde. Un banquier m’avait ouvert un crédit qui soutenait mes opérations. Un jour que j’avais 30,000 fr. à payer, je fus le prier de m’avancer cette somme sur 60,000 fr. de papier que je tenais des gens à qui je vendais mes tissus ; je lui offris de lui engager aussi pour 40,000 fr. de marchandises. Il me répondit que j’étais un honnête homme, que le gage était bon, mais que pour lui il ne pouvait plus m’avancer un sou, que même il m’engageait sérieusement à lui rembourser 1,500 fr. que je lui devais, [4.1]attendu qu’il ne prêtait plus au commerce, mais au gouvernement. En spéculant sur les effets publics, me dit-il, je double mes capitaux tous les ans ; l’industrie, ne vaut plus rien, le gouvernement seul est bon. Après ce beau discours, je sortis tout étourdi ; je ne payai pas mes 30,000 fr., je fus poursuivi ; le banquier était le plus acharné à faire rentrer ses 1500 fr. Enfin on fit tant, que tout fut vendu à l’enchère, et que, les frais déduits, on retira 10,000 fr. de tout mon avoir. Quant à moi je fus mis à la porte. C’est alors que je débutai dans la carrière du vagabondage, ainsi que vous appelez cela. Dans un hôtel garni, où l’on voulut bien me louer un galetas, je ruminai sur ma position, et j’enfantai un beau projet qui devait assurer au commerce le crédit que les banquiers lui refusent à présent. J’inventai d’abord une banque d’escompte destinée au petit commerce ; on se moqua de moi, et l’on m’apprit que la banque de France possédait seule le privilége d’émettre les billets payables au porteur et à vue. J’imaginai alors des combinaisons ingénieuses qui devaient en tout temps fixer le prix des marchandises à leur véritable valeur, et faciliter leur échange sans que le plus ou le moins de numéraire pût en rien influer sur leur cours. Mon projet, porté au conseil d’état, y resta un an sans réponse ; pendant ce temps je vécus d’emprunts, et me déshonorai aux yeux de mes amis. Enfin on me répondit au conseil d’état, que si un grand banquier voulait présenter mon projet, il serait accepté. Je fus leur parler à tous ; on rit beaucoup de l’audace que j’avais eue d’inventer quelque chose en finances. Personne ne voulut lire mon projet. La misère me pressait. Comme je me connaissais très bien en cotons bruts, filés et tissés, je fus trouver ceux qui en avaient à vendre, et je les abouchai avec ceux qui en voulaient acheter. Je fis beaucoup d’affaires, et je passai pour très intelligent dans cette partie ; c’est ce qui me perdit. La compagnie des courtiers me poursuivit, comme usurpant les fonctions des membres de cette compagnie ; je fus condamné à une amende, et mis en prison. Cela n’empêche pas qu’il n’y a pas un seul de mes persécuteurs qui se connaisse en cotons aussi bien que moi. Sorti de prison, je voulus employer les 100 fr. qui me restaient à faire un petit commerce dans les rues de Paris ; je n’avais pas imaginé les obstacles qui m’attendaient : toutes les places, dans les marchés, dans les rues, dans les carrefours, appartenaient à d’heureux privilégiés fortement protégés par ce qu’on appelle des inspecteurs de police ; et malgré toutes mes démarches, je ne pus trouver un pouce de terrain pour m’établir à vendre des passe-lacets, des franges et du fil, triste image de mon ancien commerce. Enfin, comme j’avais eu des chevaux autrefois, je voulus me faire cocher de place ; hélas ! il faut posséder au moins 3,000 fr. pour acheter un numéro. Il me restait mes épaules, je voulus être fort, la corporation me rejeta, prétendant que les renseignemens avaient appris que j’étais un monsieur ; enfin j’étais en train de solliciter une plaque de commissionnaire, lorsqu’un de mes anciens amis, qui faisait bâtir un beau quartier, me fit agréer, par son entrepreneur, pour servir les maçons. J’ai passé plusieurs années à ce métier ; pendant que je m’y livrais avec ardeur, j’avais la consolation d’entendre dire que la France était parvenue au plus haut point de prospérité, si bien que ce pléthore de bonheur creva un jour et produisit une bataille à coups de fusils dans les rues de Paris, entre le peuple le plus heureux du monde et son gouvernement. Je me comportai pendant ces mémorables journées comme il convenait à un homme victime de tout un faux système social ; et je jure ici devant Dieu qu’en risquant ma vie contre les gardes de Charles X, je n’avais en vue qu’un changement de position, et que je n’y mettais pas la moindre idée politique. C’est sans doute pour me punir de ces vues intéressées que depuis il m’a été impossible de retrouver de l’ouvrage, et que la police du nouveau gouvernement, que j’avais aidée à s’établir, m’a chassé de la capitale, moi et dix mille de mes compagnons, comme moi sans ouvrage. (La suite au prochain numéro).
Nouvelles générales. PARIS. [4.2]L’association républicaine pour la liberté individuelle et pour la liberté de la presse, est divisée en six comités : d’enquête, de défense, de secours des prisons et des finances, de la presse, de législation et central (La Tribune donne les noms de tous les membres de ces comités, au nombre desquels figurent plusieurs députés : MM. le général Lafayette, Dupont (de l’Eure), d’Argenson, Garnier-Pagès, Cabet, etc., dans son numéro du 3 novembre dernier.) – Le second atelier des ouvriers tailleurs d’habit, dont nous avons parlé, est établi rue des Poulies, n° 6 bis. Il est dirigé par MM. St-Michel et Jourdain, élus par leurs camarades. autun. – Les ouvriers tailleurs d’habit ont repris leurs travaux en suite d’un accord amiable avec les maîtres. chantilly. – Les ouvriers de la manufacture de toiles peintes de M. Barbette, se sont révoltés et ont parcouru la ville en criant vive l’Empereur ! mais le lendemain ils sont rentrés dans les ateliers. – Ceux de la manufacture de porcelaine ont déclaré que s’ils n’étaient pas augmentés dans la quinzaine, ils cesseraient les travaux. itteville (Seine-et-Oise). – Une émeute a eu lieu dans cette commune contre les employés des droits-réunis. grenoble. – Une ordonnance du 24 octobre dernier, ordonne la réorganisation de la garde nationale. Le Dauphinois avait annoncé que si cette ordonnance n’était pas promulguée à l’expiration des délais fixés par la loi, les Grenoblois se réuniraient et réorganiseraient eux-mêmes leur garde-nationale. marseille. – Les ouvriers cordonniers ont prié le Peuple Souverain, journal républicain de cette ville, d’annoncer qu’ils allaient former une association entr’eux. metz. – Les ouvriers tailleurs d’habit demandent une augmentation de 2 fr. par pièce. toulon (Var). – Les ouvriers cordonniers et les garçons boulangers se sont aussi coalisés. vanvay (Côte-d’Or). – Les couturières, qui sont les tailleurs de l’endroit, se sont coalisées et ont arrêté une diminution des heures de travail.
Lyon.
Le n° 267 (jeudi 21 novembre) de la Glaneuse, a été saisi pour son article intitulé 21, 22, 23 novembre : le gérant est cité pour le 4 décembre à l’audience de la cour d’assises. – M. Peiffer, chirurgien aide-major de l’Hôtel-Dieu, jeune homme d’un grand mérite, est décédé le 21 novembre. Police Correct. 26 Novembre. – Trois ouvriers cordonniers, les citoyens Tardy, Vuillamy et Durand, prévenus de coalition, et arrêtés préventivement depuis dix-huit jours, ont été condamnés, les deux premiers, à 15 jours de prison, et le troisième à 8 jours. Ils ont été défendus par Me Michel-Ange Perrier, qui a plaidé la question de coalition avec le talent et l’énergie qui distinguent ce jeune orateur du barreau lyonnais.
cancans.
Est-ce bien de mettre une veuve à la porte pour ne pas déranger un total ? Peut-on dire sans pléonasme : Malheureuses victimes ? – La grammaire dit non ; B..... dit oui. Lequel croire ? Rassurez-vous, braves ouvriers, vous aurez encore des croûtes cet hiver. Nous ne parlons pas de celles de l’Exposition publique. Ainsi devinez.
ANNONCES. biographie des sages-femmes célèbres, Par M. Delacoux, D-M. Cet ouvrage formera un beau volume in-4°, caractère cicéro, orné de 20 portraits, dessinés par Leclerc. Il sera composé de 10 livraisons, dont cinq ont déja paru. Le prix pour l’ouvrage entier, est de 15 fr. ; chaque livraison vendue séparément 1 fr. 75 cent. A Lyon, chez M. Targe, libraire, rue Lafond. (8) [7] M. lattier, fabricant de peignes à tisser, en tous genres, qui demeurait montée des Carmélites, en face la Barrière de Fer, demeure actuellement rue vieille-monnaie, n. 2, au 2e, du côté de la Grande Côte. – Il tient un assortiment complet de peignes neufs et de rencontre, et fait des échanges. [6] A louer Emplacement d’un métier pour maître, et d’une mécanique à dévider. S’adresser à M. rivière, rue de Noalles (Boucherie St-Paul), n. 11, au 4e.
Notes (Nous appelons l’attention publique sur un...)
Il est fait référence ici à l’imprimeur François Didot (1689-1757) et à la dynastie d’imprimeurs, éditeurs et typographes qui commença avec lui.
Notes (Exposition St-Pierre . L’Ecole de Lyon...)
Auguste Jal (1795-1873), historien et journaliste d’origine lyonnaise. L’idée d’une « Ecole lyonnaise » de peinture avait germé au début de la Restauration ; elle suivait d’une quinzaine d’années la création du Musée des Beaux-Arts de Lyon et son installation au Palais Saint-Pierre. La remarque fait notamment référence aux tableaux L’Anneau de Charles Quint de Pierre-Henri Revoil (1776-1842) et Le Tasse et Montaigne de Richard Fleury (1777-1852). Joseph Guichard (1806-1880), peintre lyonnais. Pierre Guérin (1774-1833), peintre français. Il s’agit d’une référence à Aristide de Thèbes.
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