de l’association
ENTRE LES MAITRES ET LES OUVRIERS.
[1.1]Partout où il y aura travail, dans l’ordre de choses actuel, il y aura opposition entre le maître et l’ouvrier. L’un cherchera toujours à diminuer les bénéfices de l’autre ; les intérêts seront divergens et devront nécessairement en souffrir. Supposez au contraire les intérêts liés et vous verrez la différence. Le maître aura profit à ce que l’industrie prospère, parce qu’il doit en retirer les plus grands avantages ; l’ouvrier s’y intéressera également, parce que ses bénéfices devront croître proportionnellement aux bénéfices généraux. Ajoutez que le logement et les denrées acquises aux frais de l’association pourront être plus économiquement achetées. Et qu’on ne crie pas au rêve ! à la folie ! Cette forme ne serait pas plus difficile à donner à l’industrie que celle qui a été adoptée et que l’on suit encore. Il n’est pas moins aisé d’engager des hommes à se lier dans leur intérêt, qu’à leur persuader de travailler à se nuire réciproquement. L’esprit d’association est naturel aux créatures ; il a fallu l’habitude pour le détruire. C’est là ce qu’on ne saurait trop répéter, c’est là ce que le gouvernement devrait comprendre. Pourquoi des essais d’association de ce genre ne sont-ils pas faits par lui dans les nombreuses entreprises qu’il tente pour son compte ! Pourquoi n’emploie-t-il pas ce système dans les colonies agricoles qu’il avait annoncées et dont on ne parle plus ? Pourquoi, à défaut de son action directe, n’encourage-t-il pas les essais partiels que tentent de simples particuliers, mais malheureusement avec des forces insuffisantes, faute d’être encore bien compris ? Regardons autour de nous : tous les hommes avancés, de quelque opinion qu’ils soient, quelque doctrine qu’ils professent, s’accordent sur ce point, qu’il n’y a de force possible qu’avec l’association, de prospérité à attendre que par son moyen. Ainsi Fourrier prêche la transformation du monde en un vaste phalanstère dans lequel seraient combinés les harmonies et le désaccord, comme dans une vaste et riche partition…. Association ! – St-Simon, et après lui ses disciples professent l’indispensabilité d’une religion ou lien qui rattache les intérêts et les cœurs des hommes. Association ! – Les catholiques, sous l’inspiration de La Mennais, demandent une résurrection des croyances du moyen-âge avec la charité réciproque et la fraternité chrétienne. Association ! – Les républicains, encore sans plan avoué, mais pressentant pourtant l’importance de ce grand mot, se forment partout en clubs politiques, s’enchaînent les uns les autres par des promesses, des dons, des souffrances même ; et, dans cette union, voient l’assurance du succès et de leur avenir. Association ! – Enfin, les économistes [1.2]utilitaires, eux-mêmes, dont M. Bowring a été jusqu’à présent l’expression la plus entière et la plus saillante, que demandent-ils ? l’échange libre des produits, la fraternisation des peuples et de leurs industries, la sainte-alliance des hommes de métiers, et par suite l’abaissement du prix des produits et l’accroissement de consommation pour chacun ! Encore l’association !…
Ainsi partout, de quelque côté que l’on regarde, quelque drapeau que l’on voie, toujours ce grand nom se lit comme devise. Certes, il y a dans une telle concordance de tous les hommes avancés un fait social concluant et une haute instruction. Quand un même cri part de tant de bouches, il mérite d’être écouté !…