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30 novembre 1833 - Numéro 9
 
 

 



 
 
    

Au Rédacteur.

Lyon, le 26 novembre 1833.

Monsieur,

Tous les hommes vertueux ne peuvent se défendre d?un sentiment pénible, en voyant l?espèce de division que des hommes imprudens semblent vouloir semer entre les travailleurs d?une même profession. Je n?ai pas sous les yeux les pièces du procès ; je ne connais la lettre de Me Chaney que par l?analyse qu?en a fait un de vos collaborateurs, et je m?étonne avec lui que des paroles aussi amères aient pu tomber de la plume d?un homme aussi honorable. De son côté, M. Sigaud, en répondant à cette attaque, a oublié toute modération, et a laissé échapper des soupçons qui pourraient nous blesser. Quoi qu?il en soit, je ne relèverai aucune des expressions injurieuses ou hasardées qui ont été prononcées de part et d?autre. Les Mutuellistes ne m?ont pas nommé leur avocat, et s?ils en avaient eu besoin, certes, ils auraient mieux choisi. Je ne veux être que médiateur : je suis Mutuelliste, mais je suis avant tout de la grande famille des travailleurs ! et mon unique but est de resserrer les liens qui doivent les unir tous dans une douce fraternité. Les sentimens patriotiques et cet ardent amour de l?humanité qui animent toutes les productions de votre plume, me sont un sûr garant que vous fermerez vos colonnes à tout ce qui pourrait donner quelques suites à cette querelle impie, dont les résultats seraient si funestes à la sainte cause du prolétariat qui se plaide aujourd?hui devant le tribunal de l?humanité. Quant à moi, je déclare que tout homme qui voudrait de nouveau se salir dans cette dispute, ferait acte de mauvais citoyen ; et je suis persuadé que vous ne voudrez pas encourir ce reproche. Comme écrivain, fuyez une rivalité haineuse ; et si un journal se dit le défenseur exclusif de tel ou tel, laissez-le dans sa triste spécialité. Élevez bien haut la bannière de l?émancipation de tous les travailleurs, et tous les hommes généreux viendront se ranger autour d?elle ; ou plutôt abjurant toute espèce d?antagonisme, réunissez vos efforts, et placez-vous comme deux phares lumineux pour éclairer l?entrée du port au vaisseau du prolétariat. Ce vaisseau ne craint pas d?être submergé ! Mais dans l?obscurité, et poussé par la tempête, il pourrait, dans sa marche rapide, briser les obstacles qu?il rencontrerait devant lui, au lieu de les éviter ; et les pilotes qui le conduisent ne veulent pas que son entrée soit marquée par aucun désastre, mais que son heureux pavillon soit salué par des acclamations universelles.

Veuillez, Monsieur, etc.

POIZAT, Mutuelliste.

Note du rédacteur. ? Nous insérons avec plaisir cette lettre d?un fabricant-Mutuelliste. Elle prouve ce que notre gérant a dit, que la majorité était loin de partager les sentimens étroits et exclusifs de quelques-uns, dont bien involontairement sans doute Me Chaney s?est fait l?organe. Nous ferons observer seulement à M. Poizat, que ce n?est pas l?Echo des Travailleurs qui le premier a été hostile ; il doit nous comprendre : notre journal d?ailleurs est issu d?une nécessité qu?on a eu tort de faire naître. N?est-il pas constant, en effet, que les fabricans non Mutuellistes avaient besoin d?un organe, le jour où l?Echo de la Fabrique tombait sous la dépendance immédiate du Mutuellisme, par le choix d?un gérant-rédacteur qui lui appartient ? L?Echo des Travailleurs, lui, ne fait aucune acception de la qualité des ouvriers, il ne voit en eux que des prolétaires à défendre ; il se bornera à ce rôle, jamais il n?attaquera le premier. Il n?aurait garde de le faire, puisqu?il compte plus d?une sympathie dans les rangs du Mutuellisme, et qu?il est disposé également, et peut-être plus que d?autres, à reconnaître les avantages de cette société, pourvu qu?elle se restreigne dans de justes bornes ; mais il a dû répondre à des allégations injurieuses qui empruntaient une grande importance du nom et du talent de l?avocat qui se les est légèrement permises. Il y a été universellement [3.1]invité ; il aurait manqué à son devoir en ne le faisant pas.

 

 

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