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4 décembre 1833 - Numéro 10
 
 

 



 
 
    
LE MARÉCHAL JOURDAN.

Encore une pierre qui tombe
Du temple de la Liberté.
Alex. dumas1.

Jean-Baptiste JOURDAN, maréchal de l?empire, pair de France, gouverneur des Invalides, est mort à Paris le 23 novembre dernier. Il était né à Limoges le 29 avril 1762.

Soldat en 1778, il combattit pour l?indépendance américaine, et puisa à cette école les principes de liberté qui le guidèrent pendant le cours d?une carrière aussi longue qu?honorable. Rentré dans sa patrie, la France le compta au nombre de ses plus zélés défenseurs. En mai 1793, il fut nommé général de brigade ; en 1794, il commanda l?armée de la Moselle et remporta la célèbre victoire de Fleurus. Nommé en 1797 au conseil des Cinq-Cents, il porta à la tribune nationale les [3.2]sentimens républicains qui animaient l?immense majorité de l?armée française. L?attentat de brumaire ne vit pas Jourdan au nombre de ses complices ; nous l?en louerons spécialement et sans réserves. Jourdan ne prostitua pas, comme tant d?autres, la cocarde tricolore aux pieds d?un maître ; le général Bonaparte lui en sut mauvais gré et ne l?appela en activité de service qu?en 1809 ; il savait que Jourdan acceptait sa royauté comme un fait qu?il n?avait pu empêcher, et contre lequel sa dignité de citoyen se révoltait en secret. Jourdan, successivement gouverneur de Naples et major-général de l?armée d?Espagne, partagea les revers de cette armée à Vittoria. Ainsi s?est terminée sa carrière militaire active.

1815 ramena de l?île d?Elbe l?empereur des Français. Ce fut alors un devoir à tous les citoyens de se rallier à lui. Carnot lui-même, le sublime Carnot en donna l?exemple ; Jourdan le suivit? Les revers de la nation à cette époque désastreuse sont trop connus pour les rappeler ici ; les Bourbons furent imposés une seconde fois à la France, et Jourdan resta dans une espèce d?ostracisme.

La révolution de 1830 présageait une ère nouvelle. Jourdan fut, à son début, ministre des affaires étrangères ; mais son grand âge et plus encore les combinaisons de la politique orléaniste, lui donnèrent bientôt pour retraite la place de gouverneur des Invalides. Disons encore quelques mots à sa gloire.

Le maréchal Jourdan n?a jamais eu honte d?un nom qu?il avait illustré par des vertus civiques et guerrières ; il n?a jamais demandé à la féodalité d?affubler ce nom d?un titre de prétendue noblesse, de l?ensevelir sous les oripeaux du blason. Né plébéien, il a vécu, il est mort plébéien. Qu?il en soit publiquement loué !

Paix et honneur aux cendres de Jourdan ! Après avoir payé notre tribut à ses mânes, il nous reste une bien triste réflexion à émettre : les hommes géans de la Convention, les soldats qui préservèrent la France de l?invasion étrangère, ne sont plus qu?en bien petit nombre. Cette noble génération va tout à l?heure appartenir tout entière à l?histoire?

Ils s?éteignent chaque jour, les nobles débris de la France républicaine? Puissent des hommes nouveaux surgir dignes de les remplacer !

M. C.

Notes (LE MARÉCHAL JOURDAN.)
1 Passage tiré de l?Elégie sur la mort du général Foy, publié par Alexandre Dumas (1802-1870) en 1825.

 

 

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