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21 décembre 1833 - Numéro 15
 

 




 
 
     
AVIS.

[1.1]Nos efforts ont été couronnés de succès, et chaque jour nous en fait espérer un plus grand. Sans nous embarrasser de criailleries quelconques, sans nous laisser détourner par les obstacles de toute nature qu’on nous a suscités à notre début ; forts de notre conscience et de l’appui des hommes qui nous connaissent ; certains aussi de répondre à un besoin public, nous avons marché avec modération, mais avec force. Plus d’un dissident s’est rallié à nous, plus d’une sympathie inattendue s’est révélée en notre faveur. Que les citoyens auxquels ces paroles s’adressent, reçoivent ici nos sincères remercimens.

Nous avons atteint depuis quelques jours le nombre de trois cents abonnés ; ce chiffre est la meilleure réponse que nous puissions faire à nos détracteurs. Nous avons prévenu dans notre prospectus qu’aussitôt que ce nombre serait obtenu, le prix du journal serait augmenté, seulement pour ceux qui viendraient ensuite. Mais l’Echo des Travailleurs est moins une spéculation privée qu’une œuvre d’émancipation. Jaloux de faire tous les sacrifices possibles à la cause sainte du prolétariat, les actionnaires ont résolu de ne faire subir l’augmentation qu’aux personnes qui s’abonneront après le 1er janvier prochain. En conséquence, et jusqu’à cette époque exclusivement, les abonnemens continueront d’être reçus au même prix ; ils seront ensuite portés, savoir : à 1 fr. 50 c. pour un mois,fr. pour trois mois ; 8 fr pour six mois, et 15 fr. pour un an.

Cette augmentation est nécessaire pour couvrir nos frais ; et nous ferons observer que ces prix sont encore au-dessous de ceux de tous les journaux qui paraissent deux fois par semaine.

Nous recevrons jusqu’au premier janvier prochain au prix actuel les abonnemens que l’on voudrait ne faire partir que de cette époque, mais après le 1er janvier, ils seront irrévocablement augmentés pour tous ceux qui n’auraient pas souscrit.

sur le remplacement partiel des prud’hommes.

Il faut enfin se déterminer à parler sérieusement d’une chose, malheureusement trop sérieuse. Nous n’avions trouvé qu’une expression convenable, gachis, pour désigner la conduite de l’administration dans l’opération si simple cependant du renouvellement partiel du conseil des prud’hommes ; mais nos lecteurs ont droit de nous demander davantage. Il n’est donc pas hors de propos que nous signalions en détail l’illégalité flagrante des arrêtés de M. le préfet du Rhône, des 26 novembre et 14 décembre dernier. Nous sommes obligés de jeter auparavant un coup-d’œil en arrière pour bien poser la question qui a été embrouillée, peut-être à dessein ; mais nous serons aussi succincts que possible.

[1.2]Lorsque la fabrique était organisée en corporation, à l’instar des autres professions, elle avait des maîtres-gardes pour veiller à la conservation de ses priviléges, à la défense de ses droits et à l’observance de ses devoirs. Ces maîtres-gardes, par suite d’un mode vicieux d’élection, étaient plutôt sous l’influence des négocians que des ouvriers. La révolution française fit justice de tous ces abus ; la suppression des corporations, des jurandes et maîtrises était le corollaire obligé de la liberté du commerce et de l’industrie ; mais par suite, le commerce et l’industrie n’avaient plus de protection à demander à une autorité quelconque. Ils devaient la chercher en eux-mêmes. Le commerce trouva cette protection dans l’argent. Par reconnaissance, il éleva ce métal au rang de puissance publique. L’industrie n’eut pas la même ressource, elle ne fut que la vassale du commerce, et le commerce oublia trop souvent que c’était d’elle qu’il empruntait son éclat et son utilité.

Les hommes ne peuvent s’assembler sans que de leur contact il naisse des intérêts divers que les passions exploitent et transforment en collision dans l’état de nature, en procès dans l’état social. De là la justice criminelle pour réprimer et punir les méfaits de l’homme social ; la justice civile pour décider le droit de chacun et soumettre les intérêts au joug de la loi. La loi civile est donc la règle générale ; mais les dévelopemens du commerce et de l’industrie ont nécessité des règles spéciales à chacun d’eux ; plus encore des hommes spéciaux pour les appliquer. De là sont nées successivement les juridictions consulaires et des prud’hommes ; nous parlerons ailleurs des premières, car il existe aussi là des vices préjudiciables à la cause des prolétaires. Aujourd’hui, c’est des secondes dont nous avons à traiter.

Un décret du 18 mars 1806 a fondé le conseil des prud’hommes de Lyon, qui a servi de type aux conseils créés ensuite dans la plupart des villes manufacturières. Nous consignerons ici une observation, parce qu’elle trouve sa place. Le pouvoir, prodigue envers la justice civile, a été plus que parcimonieux envers le commerce et l’industrie ; tandis qu’il a donné des traitemens exagérés à certains fonctionnaires de l’ordre judiciaire, à ceux surtout qui sont les moins utiles ; il s’est reposé sur l’honneur du soin d’indemniser les juges du commerce, et sur la munificence des villes, du soin d’indemniser les juges de l’industriei.

Un autre décret du 11 juin 1809 porte entre autres dispositions :

Art. 3. Les conseils des prud’hommes seront renouvelés sur chaque [2.1]année le premier jour du mois de janvier. Si le conseil est composé de quinze membres, il sera renouvelé la première année : deux prud’hommes marchands fabricans, et un prud’homme chef d’atelier ; la deuxième année trois prud’hommes marchands fabricans, et trois prud’hommes chefs d’atelier ; la troisième année idem. – Le sort désignera ceux des prud’hommes qui seront renouvelés la première et la deuxième année ; dans les autres années ce seront les plus anciens nommés.

Ce décret a encore force de loi, aucune ordonnance royale ne saurait y porter atteinte. M. le préfet n’en fait pas mention dans ses arrêtés des 26 novembre et 14 décembre ; il cite en place un décret du 3 août 1810, qui n’a aucun rapport à cette matière.

Le 15 janvier 1832, une ordonnance a réorganisé le conseil des prud’hommes ; elle a porté le nombre des membres de la section de fabrique à 17, et la totalité des membres du conseil à 25. Elle n’a rien innové au décret du 3 novembre 1810, qui règle l’élection des huit membres du conseil représentant les sections de dorure, bonneterie, passementerie et chapellerie, et dont, par conséquent, nous n’avons pas à nous occuper actuellement.

En vertu de cette ordonnance, la fabrique de soierie eut neuf prud’hommes négocians et huit prud’hommes fabricans. Ce n’est pas ici le lieu de critiquer cette ordonnance dans ses parties défectueuses ; nous devons l’accepter telle qu’elle existe, nous en ferons la critique plus tard ; ne nous occupons pas davantage de la section des négocians, car, à vrai dire, nous aimons autant Pierre que Paul. Occupons-nous seulement des sections ouvrières. Si les négocians se croyent violés dans leurs droits, nous sommes prêts à être leur organe, mais nous ne pouvons nous en donner nous-mêmes la mission.

Au 1r janvier 1833, M. Falconnet, prud’homme fabricant, sortit par la voie du sort et fut remplacé par M. Dumas. M. Sordet sortit également et fut remplacé par M. Milleron : tous deux n’avaient été qu’un an en exercice ; mais la raison le voulait ainsi, il fallait bien que quelques uns subissent l’arrêt du sort. Mais il fut bien entendu que dans aucun cas les prud’hommes ne pouvaient excéder le terme légal de leurs fonctions fixé par le décret de 1809 ; car il n’y a pas de pire incompétence que celle qui résulte du défaut de qualité du juge, et c’est ce qui arriverait si un prud’homme pouvait se proroger dans ses fonctions au-delà du terme légal.

En suivant l’ordre rationnel prescrit par l’ordre du 15 janvier 1832, executé loyalement au lr janvier 1833, il devait y avoir pour le ler janvier 1834 un tirage au sort entre les six membres chefs d’atelier restans pour en éliminer trois, et au lr janvier 1835 les trois autres sortaient par rang d’ancienneté.

Une ordonnance du 21 juin 1833 est venue apporter des modifications à celle du 15 janvier 1832. La part des libertés était trop large, on a voulu la restreindre ; l’Echo de la Fabrique, que nous rédigions alors, a dit tout ce qu’il était possible de dire contre cette ordonnance liberticide ; il en signala les vices et la tendance soit aux ouvriers, soit aux prud’hommes eux-mêmes ; mais il ne put pas attaquer les choses sans qu’il en résultât quelqu’attaque contre les personnes. De là des haines, qu’il eût été prudent de ne pas susciter, mais qu’il était beau de braver après les avoir prévues, car dans cette précision nous terminâmes une série d’articles contre cette ordonnance en disant : « Les prud’hommes ont continué d’être sourds à la voix de leurs concitoyens ; ils ont gardé leurs fonctions ; ils se les sont partagées, ainsi qu’on ferait d’une somme d’argent, malgré de nombreux murmures, et leur siége n’est pas si élevé que la plainte de l’auditoire n’ait pu parvenir jusqu’à eux… Trève alors de nos réflexions, quel bien pourraient-elles produire ? Mais si les magistrats populaires oublient leurs obligations ; si, enivrés par un contact vénéneux avec le pouvoir, rebelles aux avertissemens de la presse, ils ne se complaisent que dans l’éloge et s’irritent contre un blâme consciencieux quelque modéré qu’il soit, c’en est assez… Ouvriers, prolétaires, voilons la statue de la liberté et attendons des jours meilleurs. » (Echo de la Fabrique, N° 30, p. 242).

Nous ne reviendrons donc pas sur cette ordonnance [2.2]désastreuse ; sa lâche acceptation a avili aux yeux de leurs commettans les prud’hommes chefs d’atelier. Aussi ils se cramponnent à leur siége, convaincus que justice sera faite de leur félonie.

Cette ordonnance n’ayant été attaquée par aucune voie légale, doit être exécutée. Elle n’est aujourd’hui justiciable que de l’opinion publique.

Quels étaient les changemens apportés par cette ordonnance à l’organisation du conseil des prud’hommes ? Un seul : elle divisait les prud’hommes en titulaires et en suppléans, et elle décidait qu’à l’avenir la section représentée par un tituléraire nommerait un suppléant et réciproquement. Un tirage au sort eut lieu. Les titulaires et les suppléans furent ainsi repartis :

Titulaires, MM. Dumas de la lre section ; Bourdon de la 5me ; Martinon de la 7me ; Milleron de la 6me. – Suppléans, MM. Labory de la 2me section ; Perret de la 3me ; Charnier de la 4me, et Verrat de la 8me.

(La suite au prochain N°).


i. La ville alloue 700 fr. aux prud’hommes de Lyon. Cette place, pour être convenablement rétribuée, mériterait 1800 fr.

conseil des prud’hommes.

Séance du jeudi 19 décembre 1833.

Les différens entre Brunet, fabricant, et son apprentie, se représentent de nouveau. M. Perret, nommé arbitre pour connaître des comptes, avait reconnu la fille Muet débitrice de 82 francs 15 centimes envers son maître. Brunet expose en vain au conseil que son élève a resté six ans, dans son atelier, sans avoir jamais témoigné de mécontentement ; qu’elle n’a plus que deux mois pour terminer son apprentissage, que par suite de son refus de travailler, son métier est resté vacant, sans que la pièce soit terminée. Le conseil rejetant la demande d’indemnité du maître, condamne Muet père à payer à Brunet 82 francs 15 centimes, somme due par la fille Muet.

Par condescendance, l’huissier appelle seulement le sieur Martin, et l’on voit M. Brisson quitter sa chaise curule et venir se placer à la barre. Cette affaire a déja paru à l’audience du lundi, elle avait été renvoyée par devant MM. Bender et Labory ; ces messieurs sont absens et n’ont point remis de rapport, et, sur la demande de M. Brisson, l’affaire est renvoyée de nouveau à huitaine.

Nous ne pouvons concevoir tant de complaisance, tant de partialité pour escamoter la publicité, et tout cela en présence d’un nombreux auditoire ; car cette affaire si simple intéresse une trentaine de fabricans chefs d’atelier ; elle devait se décider à la première audience. En effet, de quoi s’agit-il ? Martin réclame un franc l’aune d’une étoffe-armure (aucun prix n’est convenu) : il appuie sa demande en prouvant que les mêmes articles, moins réduits en trame que ceux du prud’homme Brisson, ont été payés par M. Paul Eymard un franc, et prouve ainsi qu’il ne demande rien au-dessus du cours. A des demandes si justes, le conseil, ce nous semble, devait faire droit sans retard.

M. Brisson, comme prud’homme et fabricant, n’ignore pas le cours. Il y aurait eu convenance de sa part à se faire justice, plutôt que d’user de son influence pour en retarder l’exécution. Ce n’est pas du reste que cela soit nouveau de voir un prud’homme négociant à la barre ; ils y ont tous, excepté M. Goujon, (c’est une justice à lui rendre, et qui n’est pas suspecte de notre part) été traduits plus ou moins souvent. (V. la lettre de MM. Martin et Vachez).

Nous avons appris que le conseil s’était assemblé récemment en comité particulier, afin de rédiger quelques articles d’un réglement concernant la loi sur les dépôts d’échantillons.

Avis aux Serruriers.

Suivant le mode établi dans la capitale, MM. les maîtres serruriers de la ville de Lyon et ses faubourgs, ont établi un bureau central, situé rue Ecorche-Bœuf, n. 18, chez M. Sabatier, marchand de vin. L’ouvrier pourra se présenter gratis pour obtenir de l’ouvrage, on lui donnera les renseignemens nécessaires pour en obtenir.

Le président, chavelet.
fage, secrétaire.

Au Rédacteur.

[3.1]Monsieur,

Après avoir traduit M. brisson, prud’homme, à la barre du conseil dont il fait partie nous croyons utile de le traduire à celle de l’opinion publique, suivant l’usage que les travailleurs ont adopté. Nous le devons d’autant plus, que la qualité de M. Brisson le rend plus coupable qu’un autre. Nous avons à cœur de justifier ce que M. Martin, l’un de nous, a dit à l’audience que la concurrence étrangère était au griffon. Voici les faits : M. Paul eymard a monté une certaine quantité de courans en cinq chemins, au prix de 1 fr., qu’il a loyalement marqué sur les livres des maîtres. M. Brisson a eu la fantaisie de monter le même article, mais il a eu le soin de ne marquer aucun prix sur les livres des maîtres qui se sont adressés à lui. Sur les réclamations de ceux-ci, il leur a dit qu’il ne voulait payer que 85 c. Cette diminution arbitraire n’a pas pu être acceptée ; mais, en outre, qu’est-il arrivé ? M. Paul Eymard, sentant bien qu’il ne pourrait soutenir la concurrence avec M. Brisson, si ce dernier était autorisé à payer quinze centimes, par aune, de moins que lui, a cessé cet article. M. Martin a fait appeler M. Brisson pour l’audience de lundi dernier ; la cause a été renvoyée en conciliation au lendemain par-devant MM. Bender et Labory. Nous sommes fâchés de faire entendre des plaintes contre ces deux Messieurs ; mais ils n’ont pas rempli leur devoir : aucun rapport n’a été déposé par eux ; aussi, M. le président a-t-il renvoyé la cause à huitaine. M. Labory, à qui nous venons de nous plaindre, nous a répondu qu’il s’était contenté de faire un rapport verbal à M. Riboud son collègue ; M. Bender n’ayant pas été d’accord avec lui ; et que s’il ne l’avait pas fait par écrit, c’est qu’en ayant déjà donné plusieurs écrits, M. le président n’y avait pas fait attention. Nous lui avons répondu, et vous serez sans doute de notre avis, qu’il devait toujours faire son devoir, et qu’alors nous nous serions plaints du président, et non de lui. Vous sentez en effet, Monsieur, combien un renvoi nous est préjudiciable : indépendamment de la perte de notre temps, nous sommes exposés à une perte pécuniaire, car nous ne pouvons faire travailler nos ouvriers qu’au prix de 1 fr., et si, par hasard, le conseil venait à allouer un prix moindre, nous serions en perte de tout l’excédent.

Enfin, Monsieur, et pour prouver de plus en plus ce que c’est que la concurrence coupable que la cupidité de quelques négocians suscite à leurs confrères, nous vous dirons que nous sommes certains que M. Brisson cessera l’article, s’il est condamné à le payer 1 fr., et M. Paul Eymard le reprendra. M. Brisson a donc spéculé sur la main-d’œuvre ? Tous les négocians honnêtes doivent se réunir à nous pour blâmer cette conduite.

Agréez, etc.

Martin, Fab., rue du Chariot-d’Or, n. 10.
Vachet, Fab., rue Masson, n. 21.

Mont-de-Piété.

Vendredi prochain 27 décembre aura lieu, dans la salle ordinaire, rue de l’Archevêché la vente des effets mobiliers engagés pendant le mois de NOVEMBRE 1832, c’est-à-dire du N. 70,052 au N. 77,144.

Voyez, pour l’ordre des ventes, l’avis inséré dans le N. 6 du journal.

Des Brevets d’invention.

La législation des brevets d’invention a besoin d’une réforme complète. Nous allons, pour le faire mieux comprendre, mettre sous les yeux de nos lecteurs un exemple tout récent de ce qui se passe dans l’arrondissement de Saint-Etienne. Depuis quelque temps, une fabrication nouvelle, celle des tissus élastiques au moyen du caout-chouc, ou gomme élastique, a été apportée dans l’arrondissement de Saint-Etiennei. Nous croyons utile de donner quelques détails sur cette substance qui est très employée dans les arts, depuis quelques années.

Le caout-chouc est une substance résineuse qu’on retire par incision de l’hévé, arbre qui croît naturellement au Brésil et à la Guyanne, dans l’Amérique méridionale. Elle en découle en liqueur blanche comme du lait, qui brunit et se durcit ensuite à l’air. On la recueille sur cet arbre en lui donnant la forme d’une poire, au moyen d’un morceau de terre grasse sur lequel on fait découler la résine, et qu’après cette opération, on extrait de l’intérieur, en la brisant. On l’envoie en Europe toute desséchée et préparée aussi sous diverses formes. Les Indiens en font des chaussures, des bouteilles, des vases, etc. Ce produit avait déja été employé en France, avec succès, dès 1795. Quelques années après, plusieurs chimistes et manufacturiers ont réussi dans les essais qu’ils ont fait. En 1811, M. Champion établit des tissus hygiéniques imperméables ; après lui, Marqui, et ensuite plusieurs chimistes [3.2]français ; mais on fit long-temps de vains efforts pour filer la gomme élastique afin de la rendre propre au tissage.

En 1820, Nalder prit un brevet d’invention pour la fabrication de divers objets dans lesquels le caout-chouc coupé en fils servait de ressorts. Il introduisait ces fils dans une espèce de coulisse ou boyau formé de cuir ou de toute autre matière. Il obtenait de cette manière des tissus pour bretelles, ceintures, etc., parfaitement élastiques. Ce brevet, tombé depuis long-temps dans le domaine public, a donné l’idée de tous les autres brevets qui ont été pris depuis cette époque. En 1820, Reithoffer et Purtfher prirent, à Vienne en Autriche, un brevet de 5 ans, pour une invention ayant pour objet de confectionner des tissus élastiques, au moyen du caout-chouc et l’emploi d’autre matières filamenteuses. Ce brevet, étant expiré, est encore entré depuis dans le domaine public. En 1829, ils contractèrent une société avec Reybert qui se chargea de prendre des brevets d’importation en Angleterre et en France. Mme Reybert vint pour cela à Paris, où elle communiqua cette invention à MM. Rattier et Guibal, qui demandèrent, le 12 novembre 1829, un brevet d’invention en leur nom, qu’ils ne purent obtenir, la demande n’étant pas accompagnée des plans et pièces justificatives.

M. Verdier, obtint en 1830 une mention honorable pour ses taffetas gommés ; le caout-chouc en dissolution était étendu sur le tissu, et on réunissait deux pièces que l’on comprimait pour faire couler l’excès du liquide. Dans cet état, le tissu est parfaitement imperméable : l’air même ne peut le traverser. Aussi, s’en sert-on avec avantage pour faire des coussins que l’on remplit d’air ; et on pourrait, en opérant sur des toiles grossières, obtenir des tissus imperméables pour couvrir les voitures, les bâtimens, etc.

Mais ne voila-t-il pas que le 31 mars 1830, MM. Rattier et Guibal, de Paris, demandèrent et obtinrent (en demandant, on obtient toujours en payant), un brevet de 15 ans, pour l’art de réduire en fil le caoutchouc, et d’en former des tissus à l’aide de toute matière filamenteuse. Nous croyons inutile de faire remarquer l’absurdité de cette spécification qui semble vouloir comprendre toute la fabrication des tissus élastiques. Ces Messieurs, après avoir décrit dans leur brevet trois moyens généraux de couper la gomme, bien entendu avec des ciseaux, comme on le fait de temps immémorial dans les colléges, ont annoncé qu’ils tendent cette gomme pour lui donner plus de finesse ; et dans cet état, ils recouvrent le fil de caout-chouc, de fils de coton ou de toute autre matière, à l’aide d’un métier à lacet ordinaire ; le caout-chouc est dans le lacet ce que l’on a toujours appelé, à Saint-Chamond et à Saint-Etienne, l’ame. Notez bien que le métier à lacet, ainsi que ce produit, ne sont pas des inventions, puisque MM. Richard et Chambovet ont depuis long-temps exécuté des lacets semblables, avec la différence que l’ame était formée d’un gros fil de chanvre. MM. Rattier et Guibal réunissent plusieurs fils ainsi recouverts, et en forment la chaîne d’un tissu qu’ils tissent à la manière ordinaire et sur des métiers pareils à ceux de nos ouvriers de montagnes. Ces Messieurs avaient, il paraît, peu de connaissance en fabrique, puisqu’ils n’ont pas même détaillé dans les procédés de fabrication les métiers les mieux appropriés à ce genre de tissage ; ils se sont ravisés, en avril 1832, et ont pris un supplément à leur brevet d’invention, pour le coupage de la gomme seulement, au moyen d’une machine : ils ont ajouté aussi que tout est fait de la même manière, jusqu’au tissage ; seulement, au lieu d’ourdir la chaîne par les procédés ordinaires, on met chaque fil sur une bobine et un contre-poids à chaque bobine, tendue au moyen d’une corde, invention connue de tout temps à Lyon et à Saint-Etienne pour les velours façonnés, sur roquetins.

Le 16 juillet 1832, MM. St-Gilles et Blanchin, de Paris, plus modestes dans la spécification de leur brevet, ont pris un brevet d’inv. de 5 ans pour des tissus et toiles élastiques dans lesquelles ils emploient le fil de caout-chouc pur, sans qu’il ait été recouvert d’autre matière sur le métier à lacet. Une partie du tissu est formée de caout-chouc pur, l’autre de toute autre matière filamenteuse. [4.1]Ils ont fait cession de ce brevet à M. Daubrée, qui, après avoir apporté de grandes améliorations dans ce genre de fabrication, prit un nouveau brevet d’invention et de perfectionnement de 15 ans, le 14 août 1832. M. Daubrée a élevé une filature de gomme élastique près de Clermont, et s’est associé, pour l’exploitation de la fabrication des tissus élastiques, avec une maison de Saint-Etienne. Avec les débris et restes de la gomme élastique qui ne peut être employée à faire des fils, M. Daubrée établit un cirage hydrofuge qui met les chaussures à l’abri de l’humidité.

M. J. Boivin, de Saint-Etienne, a pris aussi, depuis cette époque, un brevet pour une machine à couper la gomme élastique.

Sans vouloir examiner ici la validité ou l’absurdité de la plupart des brevets, nous terminerons en faisant connaître la marche suivie par le juge de paix dans les procès qui se sont élevés à Paris et à Saint-Etienne. MM. Rattier et Guibal ayant appelé à Paris tous les soi-disant contrefacteurs de leurs produits, ont obtenu du juge de paix plusieurs jugemens contradictoires, exécutoires, nonobstant appel, avec saisie des marchandises et métiers, amendes, dommages et intérêts, etc. Ceux-ci ont rappelé de ces jugemens, et les procès commencés vont durer plusieurs années. Les frais s’élèveront à des sommes considérables, ce qui ne serait pas arrivé, si des conseils de prud’hommes ou des tribunaux de commerce eussent été appelés à connaître des affaires de ce genre. On sent quel mal il peut résulter pour toutes les contrées manufacturières de France, qu’un juge de paix très versé dans les matières civiles, mais souvent très ignorant en fait de matières commerciales, placé à 100 lieues de nous, puisse arrêter tout-à-coup les travaux d’un grand nombre d’ouvriers.

Faisons des vœux pour que le gouvernement, éclairé sur la question des brevets d’invention, fasse prompte justice aux réclamations de toutes les chambres de commerce de France, afin que les fabricants, les ouvriers et mécaniciens, n’étant pas distraits de leurs juges naturels, puissent exercer leur industrie avec toute confiance et sécurité.

P. H.


i. Cette fabrication vient de tomber dans le domaine public. (V. l’Echo des Travailleurs, N° 3).

Nouvelles générales.

PARIS. – Les douze hôtels de monnaie sont supprimés à compter du 1er janvier 1835.

– Une descente de la police a eu lieu, le 14 décembre, dans les bureaux de l’association pour la liberté de la presse et la liberté individuelle, établie rue Louis-le-Grand, n. 9. On voulait saisir des papiers relatifs à la coalition des ouvriers tailleurs ; mais on n’a rien trouvé.

– Le procès des 27, accusés de la conspiration dite du 28 juillet, continue, mais de manière à faire prévoir leur acquittement.

– Le maréchal Moncey, duc de Conegliano1, est nommé gouverneur des invalides.

marseille. – Les ouvriers chapeliers ont formé une association philantropique et industrielle.

dijon. – Les ouvriers cordonniers se sont coalisés.

omer (St). – Le cit. Frédéric Degeorges, rédacteur du Patriote du pas de Calais2, traduit devant la cour d’assises de cette ville pour deux prétendus délits de presse, a été acquitté les 10 et 12 de ce mois.

Lyon.

Une ordonnance du 9 décembre rétablit la Faculté des sciences.

– Le cit. Caussidière a été arraché de son lit à la prison de Roanne, mardi dernier, à 5 heures du matin, pour être transféré à Montbrison. On lui a mis les fers aux mains comme à un criminel.

– Le procès de la Glaneuse a été renvoyé aux prochaines assises, attendu la maladie de Me Périer.

– Nous apprenons avec plaisir que les charges qui pesaient sur le cit. Tiphaine se sont complètement évanouies à la première interrogation.

[4.2]– Un homme, accusé de viol sur deux enfans en bas âge, dans le quartier St-Jean, a été arrêté.

– Jeudi dernier, à 7 heures du soir, l’omnibus de l’île Barbe a été arrêté par une bande d’une vingtaine d’hommes armés, à la hauteur de la maison Canard. Le postillon a soustrait par une prompte fuite les voyageurs à cette attaque. Les voleurs ont brisé les grilles du pont de l’île Barbe, coupé les câbles de plusieurs bateaux qui sont venus se briser contre les piles du pont du Change, et enfin dévasté la maison Canard.

La 2e séance de M. Berbrugger, disciple de Fourier, a eu lieu mercredi 18 décembre, à 8 heures du soir, dans la salle de la Loterie. Elle a été consacrée à démontrer que la découverte de la théorie sociétaire est appuyée sur des principes incontestables, et que son application est devenue indispensable dans l’état où se trouve la société. L’exposition de la doctrine phalanstérienne (première livraison, prix 50 c.) a paru vendredi dernier, et se trouve chez Babeuf, libraire, rue St-Dominique, n. 2 ; et à la salle de la Loterie, chez le concierge. Les personnes qui auraient des objections à faire ou des éclaircissemens à demander sur le système de Fourier, peuvent s’adresser, encore aujourd’hui samedi 21 décembre, à 8 heures du soir, chez M. Berbrugger, place St-Michel, n. 2.

cancans.

Lab… et B..... ont pris, dit-on, la jaunisse : ils n’étaient déja pas blancs.

Du tabac et des couteaux-eustache, par MM. J. Ducommerce et Letemps, collaborateurs de M. B.....

Promettre et tenir sont deux, et souhaiter sont trois, paroles d’un prud’homme. ah ! jésuite.

Je vous en souhaite : propos de gamin.

Ses amis les plus dévoués, n’ont pas voulu lui promettre leur voix en cas de réélection ; ils se sont contentés de la lui souhaiter.

Il va s’endormir sur le velours, ce cher Mart…

Sous presse : une collection d’ana à l’usage des ouvriers : Prudomiana, Laboriana, Gamotiana, Brissoniana, Martinoniana, Prunelliana, Vachoniana, etc.

Si St-Ol… choisissait un prud’homme, il nommerait B...... ; s’il choisissait un journaliste, il nommerait encore B......

Labory rime avec Barthélemy.

Il y a Echo et Echo ; tous ne rendent pas le même son.

ANNONCES.

HISTOIRE PARLEMENTAIRE
de la révolution française,
ou
JOURNAL DES ASSEMBLÉES NATIONALES,
depuis 1789 jusqu’en 18151,
contenant
La narration des événemens, les Débats des Assemblées, les Discussions des principales Sociétés Populaires, et particulièrement de la Société des Jacobins ; les procès-verbaux de la commune de Paris, les Séances du Tribunal révolutionnaire, le Compte-rendu des principaux procès politiques, le Détail des budgets annuels, le Tableau du mouvement moral, extrait des journaux de chaque époque, etc. ; précédée d’une Introduction sur l’histoire de France jusqu’à la convocation des Etats-généraux,
Par Buchez et Roux, anciens rédacteurs de l’Européen.
Cette Histoire, destinée à tenir lieu de toutes les Collections de journaux de la Révolution, et autres documens, aura de 15 à 20 volumes in-8°, dont chacun contiendra la matière de 2 volumes in-8° ordinaires, imprimés avec soin sur un beau papier, en caractères neufs.
Il en paraîtra tous les quinze jours un demi-volume de 15 ou 16 feuilles, dont le prix est de 2 francs.
on souscrit a paris :
Chez paulin, libraire, place de la Bourse.

(12) on demande un jeune homme de 14 à 15 ans, qui sache écrire et qui soit très actif, pour être employé dans un bureau ; il recevra un petit appointement.
S’adresser à M. Legras, rue Grolée, n° 1, de 7 heures à midi et de 2 heures à cinq heures.

Notes (Nouvelles générales. PARIS . – Les douze...)
1 Il s’agit ici du maréchal Bon-Adrien Jannot de Moncey (1754-1842).
2 Mention du journal Le propagateur. Journal du Pas-de-Calais, publié depuis 1828 et dirigé alors par Joseph-Frédéric Degeorge (1797-1854).

Notes (ANNONCES.)
1 Annonce de la parution du premier des nombreux volumes de Philippe-Joseph Buchez (1796-1865) et Pierre-Célestin Roux-Lavergne (1802-1874), Histoire parlementaire de la Révolution française, ou Journal des assemblées nationales depuis 1789 jusqu’en 1815.

 

 

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