Association commerciale d’échanges.
Nous avons inséré dans le n° 6 du journal une lettre signée J.... qui annonçait une série d’attaques contre le système d’échanges, proposé par M. Mazel jeune, de Paris, établi récemment à Lyon. M. Mazel nous adressa immédiatement une lettre signée de lui et de MM. J. Dubroca et Laget, par laquelle ces messieurs priaient M. J.... de poser les objections qu’il avait à faire, et s’engageaient d’y répondre ; le public aurait été juge. M. J.... n’a rien répondu ; cela nous a démontré l’inconvénient d’accueillir des lettres anonymes qui compromettent notre responsabilité seule, et dorénavant nous en refuserons l’insertion toutes les fois que l’auteur ne se sera pas fait connaître à nous, au moins confidentiellement. Nous n’avions pas voulu le faire à notre début ; mais nous suivrons l’usage universellement adopté par nos confrères.
Il nous importe qu’on ne puisse soupçonner aucun commérage entre nous et l’association d’échanges, pour procurer à cette dernière une facile victoire. En conséquence, et puisque M. J.... a oublié le devoir qu’il avait contracté envers nous, nous emprunterons à un autre journal les objections qu’un autre anonyme, M. X..., a soulevées contre l’association d’échanges. Ce sont les suivantes :
« Avancer que dans les transactions commerciales on peut arriver à se passer du numéraire, ou d’un signe quelconque qui serve d’intermédiaire entre les marchandises et de point de comparaison à leur valeur, est une chimère que l’on doit mettre en compagnie de la pierre philosophale et de la quadrature du cercle. Une semblable proposition ne saurait supporter l’examen. Les premiers hommes, dit-on, pratiquaient l’échange ; mais aujourd’hui, les plus sauvages des deux mondes ont leur numéraire qu’ils trouvent dans de simples coquillages.
Par quelle anomalie bizarre, les directeurs de l’échange, qui repoussent le numéraire comme une inutilité, se font-ils payer une commission de 4 pour cent ? C’est le plus beau démenti qu’ils puissent donner à leur système, et cette condition prouverait sans réplique, que le travailleur qui se lie à l’association doit toujours se procurer des espèces, ne serait-ce que pour acquitter les droits d’échanges.
Dans les 1 000 ou 1 200 adhésionnaires qu’a réunis la société d’échanges, les professions sont toutes hors de proportion. On trouve engagés des avocats et des médecins plus que la réunion ne fournira de procès et de malades ; on voit un grand nombre de professions qui ne sont nullement utiles aux besoins journaliers, tandis qu’il manque totalement de boulangers, de bouchers, d’épiciers ; c’est que ceux-ci ont trop bien compris qu’à leur égard l’échange était sans intérêt, sans objet ; leurs marchandises étant de première nécessité, l’argent ne peut jamais manquer de venir les chercher. On ne rencontre parmi les adhésionnaires ni bijoutiers, ni horlogers : ici la raison n’est pas difficile à saisir. »
Nous attendrons la réponse de MM. Mazel, Laget [3.1]et Dubroca. Toutes les opinions doivent pouvoir librement se produire ; ce n’est pas au journaliste à leur fermer l’issue. Pour nous, nous n’oublierons jamais ce devoir.