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28 décembre 1833 - Numéro 17 |
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Avis.
[1.1]Nous avons atteint depuis quelques jours le nombre de trois cents abonnés. Ayant prévenu dans notre prospectus qu’aussitôt que ce nombre serait obtenu, le prix du journal serait augmenté, mais seulement pour ceux qui viendraient ensuite, les actionnaires de l’Echo des Travailleurs, qui est moins une spéculation privée qu’une œuvre d’émancipation, jaloux de faire tous les sacrifices possibles à la cause sainte du prolétariat, ont résolu, en conséquence, de ne faire subir l’augmentation qu’aux personnes qui s’abonneront après le 1er janvier prochain, et jusqu’à cette époque exclusivement les abonnemens continueront d’être reçus au même prix. Ils seront ensuite portés, savoir : à 1 fr. 50 c. pour un mois, 4 fr. pour trois mois, 8 fr. pour six mois, et 15 fr. pour un an. Cette augmentation est nécessaire pour couvrir nos frais ; et nous ferons observer que ces prix sont encore au-dessous de ceux de tous les journaux qui paraissent deux fois par semaine. Nous recevrons jusqu’au premier janvier prochain au prix actuel les abonnemens que l’on voudrait ne faire partir que de cette époque, mais après le 1er janvier, ils seront irrévocablement augmentés pour tous ceux qui n’auraient pas souscrit.
ÉPHÉMÈRIDES LÉGISLATIVES1. Chambre des Députés, 23 déc. – Ouverture de la session de 1834. – Discours prononcé par Louis-Philippe. – 24 idem. M. Gras-Préville est le président d’âge ; MM. Duchatel, Lannes de Montébello, Garnier-Pagès et Girardin, secrétaires provisoires. – Les bureaux sont tirés au sort. – On procède à la nomination du président, il y a 299 votans ; M. Dupin aîné obtient 220 voix. Les autres sont ainsi réparties, le général Lafayette 39 ; Jacques Lafitte 11 ; Odilon-Barrot 11 ; Dupont de l’Eure 7 ; Rouillé de Fontaine 7. – On passe à la nomination des 4 vice-présidens ; M. de Schonen obtient 164 voix ; M. Benjamin Delessert 158 ; M. Etienne 151 ; ils sont proclamés. – La suite est renvoyée au jeudi 26.– M. Bérenger avait obtenu 140 voix ; M. Odilon-Barrot 62. Le compétiteur de M. Bérenger est M. Persil qui a eu 124 voix. – Message de la Chambre des Pairs qui annonce qu’elle est constituée. Chambre des Pairs, 24 décembre. – La Chambre est composée de 248 membres ayant voix délibérative (252 en totalité), 98 sont présens. On procède à la nomination des secrétaires ; MM. duc de Brissac, comte de Bondy, comte Reille et Marquis Laplace sont élus. – La commission pour l’adresse au Roi est choisie : elle est composée de MM. Molé, Villemain, Siméon, Decase, Mollien, Girod-de-l’Ain et Cousin.
D’une Profession de Foi a demander aux candidats prud’hommes chefs d’atelier. La concession faite aux ouvriers en soie de Lyon du droit exhorbitant dans une monarchie, de nommer directement leurs juges, a été le salaire des journées de novembre ; qu’on ne dise plus qu’elles ont été stériles pour la liberté. [1.2]Les ouvriers en soie doivent donc bien se garder de laisser perdre ce droit précieux ; car, l’instant d’après où la monarchie l’accorda, elle s’en repentit ; du moins, toutes les tentatives qu’elle a faites depuis nous semblent le prouver. Tel qu’il est, restreint à quelques-uns, au lieu d’appartenir à tous, ce droit, nous l’avons dit, n’est pas suffisant, mais il porte en lui le germe d’une extension prochaine, et il suivra, à cet égard, les chances de l’électorat politiquei. Tel qu’il est, il est un pas immense dans la voie de la démocratie ; il représente, quoique faiblement, mais il représente l’élection appliquée à la magistrature et le jury introduit dans la législation civile. Considérée sous ce point de vue que nous nous réservons d’étendre et de développer, l’institution actuelle du conseil des prud’hommes de Lyon est l’amélioration la plus importante dont la révolution de juillet ait doté la France. Nous ne savons pas poser un principe sans en tirer les conséquences ; car, ce sont les conséquences qui font apprécier la virilité du principe. Nous demandons pardon de faire une courte digression. Le droit d’élire leurs juges, concédé aux ouvriers en soie de Lyon, serait illusoire, s’il n’avait pour première conséquence de soumettre ces juges à la censure de ceux qui les ont élus. Cette censure n’a rien qui répugne à l’indépendance judiciaire. Pour le prouver, il nous suffira de demander pourquoi la loi aurait exigé pour la validité des jugemens et arrêts, qu’ils fussent précédés des considérans en vertu desquels les juges prononcent, si elle n’avait voulu par là soumettre ces mêmes considérans à l’appréciation publique ; d’où résulte évidemment que le juge ne peut pas juger sans s’être rendu compte des motifs qui le déterminent, et que ce compte ne doit pas être rendu à huis clos, si nous pouvons nous exprimer ainsi, mais à la société tout entière qui l’approuve ou le blâme ? Tant pis pour le juge dont les considérans sont mal fondés (nous ne supposons que l’erreur) ; tant pis ; il est incapable de rendre la justice, il doit céder sa place à un autre. On le voit, dans notre argumentation il ne s’agit pas de questions individuelles, qui satisfont toujours l’une des parties ; il ne s’agit pas de récriminations personnelles, mais de principes généraux que le juge doit connaître et appliquer avec discernement, et de l’oubli desquels il est responsable. Les électeurs d’un magistrat ont donc droit de lui demander les mêmes garanties que les électeurs politiques [2.1]demandent au député. Il est en effet toujours quelques questions prédominantes sur lesquelles tout homme de bonne foi a de prime abord une opinion fixe et arrêtée. Ainsi, de même que l’on demanda aux députés de la session de 1831 s’ils voteraient pour ou contre l’hérédité de la pairie, qui était la question capitale, et par sa solution entraînait toutes les autres ; de même les ouvriers appelés à nommer aujourd’hui leurs prud’hommes, sont en droit d’exiger d’eux une réponse catégorique à ces deux questions : Etes-vous pour ou contre la libre défense ; pour ou contre une jurisprudence fixe ? Car ce sont les deux questions vitales dont la non solution entretient le malaise et l’irritation dans la fabrique, et s’oppose à son émancipation complète. Les prud’hommes ne sont tombés si bas que parce qu’ils n’ont pas voulu ou su accomplir le vœu de leurs commettans. Ils avaient promis cependant ; mais où sont consignées leurs promesses ? Il faut se mettre en garde contre une nouvelle surprise. On ne le peut qu’en exigeant une profession de foi, non pas occulte, mais publique, imprimée. Il ne suffit pas d’engagemens contractés dans le sein d’une société secrète, ainsi qu’a voulu l’insinuer le gérant de l’Echo de la Fabrique, mais d’engagemens pris en face du peuple, coram populo, afin de pouvoir flétrir celui qui y manquerait du nom de PARJURE. Mais, sont-elles dans nos mœurs ces professions de foi, avons-nous entendu dire ? Pouvons-nous ainsi paraître solliciter des suffrages ? Pouvons-nous, en un mot, nous porter ostensiblement pour candidats ? Nous avons groupé toutes ces objections pour y répondre de suite, et nous l’espérons, d’une manière péremptoire. Quant à la première, c’est comme si l’on disait : La liberté est-elle dans nos mœurs ? On ne manquera pas de l’affirmer, et, à notre tour, nous affirmerons que la liberté n’est pas possible si l’on ne se résout pas à vivre d’une vie publique. Ce ne serait pas être digne de la liberté que de ne pas savoir se soumettre à ses exigences. A la seconde objection, qui renferme la troisième, nous répondrons encore par l’affirmative : oui, l’on peut et l’on doit, c’est un acte de bon citoyen, on doit solliciter les suffrages. A Rome, les candidats, vêtus d’une robe blancheii, se tenaient, dès le matin, au forum ; en Angleterre, ils montent sur les hustings avec leurs partisans. Nous ne demandons aucune de ces démonstrations que nos mœurs superbes et hypocrites repoussent encore… mais nous désirons une présentation, une demande officielle par la voie de la presse. Cette manière de procéder est toute française : la politique s’en est déja servi avec succès ; pourquoi ne l’imiterait-on pas ?… Qui peut arrêter les candidats, car enfin il en existe nécessairement ; qui peut les arrêter dans cette démarche officielle ? Le mépris ou l’amour-propre ? Le MÉPRIS… envers leurs concitoyens ! Oh ! ils ne sont pas dignes d’occuper une magistrature, ceux qui ne voient dans leurs concitoyens que des instrumens nécessaires à leur élévation, et qu’on repousse ensuite du pied. Le respect envers le peuple, lors même qu’on se croirait supérieur par ses talens à la majorité de ceux qui le composent, doit entrer dans nos mœurs, si nous voulons connaître la liberté ; la liberté n’est pas une prude, c’est une fille forte qui trinque et chante au cabaret, mais en expulse l’orgie. Scipion l’Africain vantant ses services, au lieu de répondre au tribun qui l’accusait, était, non-seulement, comme on l’a observé, un fort mauvais comptable, mais encore un mauvais citoyen ; aussi, il fut le précurseur de César… L’amour-propre, c’est-à-dire la crainte de ne pas réussir et de succomber après des démarches publiques, car on ne se fait pas faute de démarches secrètes, soit par soi, soit par ses amis. Indignité encore ! Le véritable citoyen remercie les dieux avec Pedarète, que Sparte ait trouvé trois cents citoyens plus dignes que lui. Et quelle fatuité d’ailleurs ! Si le candidat ne veut pas aller chercher les suffrages, il faut donc que les suffrages aillent chercher le candidat, comme Cincinnatus à sa charrue ? Y a-t-il beaucoup de Cincinnatus ? Et le peuple tout entier n’a-t-il pas aussi son amour-propre ? Doit-il courir la chance d’un refus ? non. Nous parlons tous les jours de l’avénement prochain [2.2]d’un ordre de choses fondé sur la liberté et l’égalité ; sachons nous en rendre dignes, car cet ordre de choses demande d’autres mœurs. Commençons ici notre apprentissage de citoyens. Allons, chefs d’atelier ! une voix amie qui ne vous a jamais trompés, vous dit de faire cet essai de liberté. Vous qui vous proposez pour candidats, venez déposer dans tous les journaux de Lyon votre profession de foi : ce n’est pas à nous à vous la dicter. Dites ce que vous voulez faire, quels sont les principes qui vous animent ; dites ce que vous pensez d’une jurisprudence écrite et de la libre défense. Venez, car c’est à vous à solliciter les suffrages, et non à vos collègues à vous les offrir ; vous devez, si vous êtes citoyens, les solliciter publiquement. Il n’y a point de honte à les demander ; il n’y a point de honte à succomber. Les Romains étaient aussi grands que vous, et ne craignaient pas de donner au peuple cette marque de déférence. Vous, électeurs, rejetez impitoyablement celui qui n’aura pas voulu se soumettre à cette juste exigence ; sans doute, il a une arrière pensée.
i. Pourra-t-on refuser encore long-tems aux autres professions le droit de nommer leurs juges ? Non, la moralité du gouvernement y est intéressée. S’il persistait à ne pas le vouloir, on serait trop en droit de lui dire qu’il a accordé à l’insurrection victorieuse ce qu’il refuse à la justice ; et lorsque toutes les professions nommeront leurs juges spéciaux, pourra-t-on refuser à l’universalité des citoyens de nommer les juges de l’ordre civil ? ii. Candida, blanche, d’où est venu le nom de candidat.
Association commerciale d’échanges. Nous avons inséré dans le n° 6 du journal une lettre signée J.... qui annonçait une série d’attaques contre le système d’échanges, proposé par M. Mazel jeune, de Paris, établi récemment à Lyon. M. Mazel nous adressa immédiatement une lettre signée de lui et de MM. J. Dubroca et Laget, par laquelle ces messieurs priaient M. J.... de poser les objections qu’il avait à faire, et s’engageaient d’y répondre ; le public aurait été juge. M. J.... n’a rien répondu ; cela nous a démontré l’inconvénient d’accueillir des lettres anonymes qui compromettent notre responsabilité seule, et dorénavant nous en refuserons l’insertion toutes les fois que l’auteur ne se sera pas fait connaître à nous, au moins confidentiellement. Nous n’avions pas voulu le faire à notre début ; mais nous suivrons l’usage universellement adopté par nos confrères. Il nous importe qu’on ne puisse soupçonner aucun commérage entre nous et l’association d’échanges, pour procurer à cette dernière une facile victoire. En conséquence, et puisque M. J.... a oublié le devoir qu’il avait contracté envers nous, nous emprunterons à un autre journal les objections qu’un autre anonyme, M. X..., a soulevées contre l’association d’échanges. Ce sont les suivantes : « Avancer que dans les transactions commerciales on peut arriver à se passer du numéraire, ou d’un signe quelconque qui serve d’intermédiaire entre les marchandises et de point de comparaison à leur valeur, est une chimère que l’on doit mettre en compagnie de la pierre philosophale et de la quadrature du cercle. Une semblable proposition ne saurait supporter l’examen. Les premiers hommes, dit-on, pratiquaient l’échange ; mais aujourd’hui, les plus sauvages des deux mondes ont leur numéraire qu’ils trouvent dans de simples coquillages. Par quelle anomalie bizarre, les directeurs de l’échange, qui repoussent le numéraire comme une inutilité, se font-ils payer une commission de 4 pour cent ? C’est le plus beau démenti qu’ils puissent donner à leur système, et cette condition prouverait sans réplique, que le travailleur qui se lie à l’association doit toujours se procurer des espèces, ne serait-ce que pour acquitter les droits d’échanges. Dans les 1 000 ou 1 200 adhésionnaires qu’a réunis la société d’échanges, les professions sont toutes hors de proportion. On trouve engagés des avocats et des médecins plus que la réunion ne fournira de procès et de malades ; on voit un grand nombre de professions qui ne sont nullement utiles aux besoins journaliers, tandis qu’il manque totalement de boulangers, de bouchers, d’épiciers ; c’est que ceux-ci ont trop bien compris qu’à leur égard l’échange était sans intérêt, sans objet ; leurs marchandises étant de première nécessité, l’argent ne peut jamais manquer de venir les chercher. On ne rencontre parmi les adhésionnaires ni bijoutiers, ni horlogers : ici la raison n’est pas difficile à saisir. » Nous attendrons la réponse de MM. Mazel, Laget [3.1]et Dubroca. Toutes les opinions doivent pouvoir librement se produire ; ce n’est pas au journaliste à leur fermer l’issue. Pour nous, nous n’oublierons jamais ce devoir.
Au Rédacteur. Monsieur, L’obligeance avec laquelle vous avez reçu ma dernière lettre, me donne la hardiesse de vous envoyer la présente, pour vous conter un fait dont j’ai été témoin. Revenant, vendredi 20 courant, de faire mes stations au sujet du jubilé, j’entendis deux hommes qui marchaient devant moi dire entre eux qu’ils allaient aux prud’hommes. Ces mots me rappelèrent diverses conversations que quelques habitans du Mont-Sauvage faisaient à la porte de mon ermitage, lorsque, pendant les belles soirées d’été, ils venaient se délasser de 16 heures d’un travail pénible. Je profitai de l’occasion, et les suivis jusque dans la salle où les représentans de la Thémis ouvrière viennent rendre leurs arrêts. Je ne tardai pas à voir entrer certains personnages qu’un voisin obligeant me dit être les prud’hommes. Je cherchai alors sur leurs figures si je découvrirais quelques traits analogues à leur nom. Un prud’homme, me disais-je, doit être différent d’un autre homme ; car, dans notre siècle, c’est chose rare qu’un prudhommei. Je cherchais en vain, je ne vis rien dans leurs traits pour justifier ce beau nom. Mais, me souvenant d’un passage de saint Paul aux Corinthiens, qui dit : Ne jugez pas les hommes à la mine, mais à leurs actions, je me décidai à rester. Plusieurs causes passèrent successivement et furent jugées, puisqu’on est convenu d’appeler jugement toute décision bonne ou mauvaise, et il y en a parfois qui n’ont rien de commun avec le jugementii ; mais une fixa mon attention : ce fut celle de veuve Rousset avec St-Olive. Ce dernier était représenté par un certain original à voix aigre, qui après avoir accablé la pauvre veuve de vexations plus humiliantes les unes que les autres, finit par lui promettre (ce que, disait-il, elle ne méritait pas) 5 francs, si elle rendait sa pièce le 28 décembre, fabriquée parfaitement. Parfaitement, vous entendez ? Et c’est ainsi qu’il prétendait l’indemniser de 6 journées de travail qu’il lui avait fait perdre en lui enlevant son dessin, ce qui fut cause qu’un bon ouvrier qui aurait pu rendre la pièce au temps dit (car, remarquez que l’époque était fixée sur le livre), s’en était allé. La veuve était assistée de son contre-maître auquel, d’après la demande du représentant St-Olive, la parole fut interdite. En vain, objecta-t-il qu’un contre-maître avait aussi bien qu’un commis, le droit de défendre son patron ; il fallut se taire, et l’homme à voix aigre, d’un ton goguenard, et se frottant les mains, lui apprit qu’il était associé et non commis. La pauvre veuve n’ayant plus ce fort ouvrier, et ne pouvant promettre de rendre la pièce au jour dit, a été condamnée à voir lever cette pièce et à perdre ses 6 journées. Je témoignai mon indignation à mon voisin de ce que les prud’hommes chefs d’ateliers ne s’étaient pas opposés à l’interdiction de la parole au contre-maître de la veuve : « Ils s’en garderaient bien, me dit-il, les négotians ne les inviteraient plus à dîner et le préfet à danser. » Je me retirai l’ame remplie d’amertume en m’écriant : Pauvres prolétaires ! mon Dieu ! ayez pitié d’eux ! On m’a dit que ceux qui siégeaient était MM. Joly, Labory, Dépouilli et Bourdon. Veuillez, monsieur le rédacteur, rendre ma lettre publique ; peut-être que ces messieurs, honteux de voir leurs noms compromis par une action si indigne (refuser la parole au défenseur de la veuve, et la donner au commis intéressé d’un négociant) [3.2]rougiront et agiront mieux une autre fois.iii Veuillez, monsieur le rédacteur, accepter l’assurance de mon parfait devoûment, et recevoir mes salutations et mes vœux pour la prospérité de la vraie tribune des travailleurs. le solitaire du mont-sauvage. NOTA.– Nous supprimons la note qui est au bas de cette lettre. Il n’est pas convenable que nous reproduisions les éloges que M. le solitaire du Mont-Sauvage veut bien faire de nous. Nous ferons tout pour les mériter. Si notre correspondant veut que nous insérions, ce qui a trait à M. ..... dans cette note, il n’a qu’à en faire le sujet d’une autre lettre. Nous recevrons toujours ses communications avec plaisir, et lorsqu’il voudra bien se faire connaître personnellement à nous, il nous obligera.
i. Note du rédacteur. – Le solitaire du Mont-Sauvage fait un jeu de mots. Nous pouvons l’assurer que nos prud’hommes sont des hommes très ordinaires. ii. Encore un jeu de mots. Décidément notre solitaire est un calembouriste. iii. Nous en doutons : les prud’hommes sont incorrigibles. Ils auraient obtenu la libre défense s’ils avaient osé l’exiger ; mais les prud’hommes chefs d’atelier n’en voulaient pas davantage que les prud’hommes négotians. Ils ont refusé (sauf deux) de signer une protestation collective que nous leur avions proposée d’insérer dans tous les journaux, lors de l’affaire de Tiphaine. Cela seul nous apprit à les juger.
Avis aux ouvriers tailleurs. La société philantropique des ouvriers tailleurs de Lyon, fondée le 15 septembre dernier, vient d’arrêter en conseil qu’à dater du 1er janvier 1834, tout sociétaire qui aura rempli les conditions voulues par le réglement, recevra les secours pour maladie. Malgré toutes les entraves que cette société a éprouvées et la désunion qu’on a cherché à glisser dans son sein, rien n’a pu décourager ses membres. L’ouvrier sentait depuis long-temps ses besoins ; il a compris que ce n’était que dans une société fondée sur des bases solides qu’il pouvait trouver un soulagement à ses maux. Soit qu’il voyage, qu’il soit inoccupé ou malade, l’association lui procure des appuis, des ressources ou des consolations. Si les ouvriers des corps d’état qui ne vivent pas en compagnonage prenaient pour règle une semblable institution, leur position en serait sensiblement améliorée. Lorsqu’ils sont malades ou que l’ouvrage leur manque, ils ne se trouveraient pas dans la nécessité de faire des dettes qui deviennent souvent pour eux un fardeau accablant. Hommes de travail, n’en doutez pas, c’est parce que vous n’êtes pas sous notre bannière philantropique que l’on vous exploite si facilement ! Ralliez-vous à nous ; c’est par la force que lui prêtera cette assurance mutuelle, que l’ouvrier prendra une place dans la société, comme les maîtres et les négocians ont chacun pris la leur. Nous sommes aujourd’hui ouvriers, demain nous pouvons devenir maîtres : le seul moyen d’arriver pacifiquement à l’amélioration universelle, c’est l’association !… Réunis en société, les ouvriers s’instruisent, se moralisent et trouvent des conseils pour se perfectionner dans leur travail. Si l’un d’eux s’écarte de ses devoirs, ses frères et associés le privent de leur amitié, il perd les secours qui résultent de l’état de fraternité, et sa propre faute le rend malheureux. C’est donc tout à la fois, par sentiment et par intérêt, qu’ils tiennent tous à l’association lorsqu’ils l’ont formée. – En résumé, l’ouvrier a senti que l’association est le meilleur des moyens qu’il ait en son pouvoir pour échapper à la misère et pour s’assurer un heureux avenir. Il y a vingt ans et plus, si les ouvriers se fussent associés, ils n’auraient pas aujourd’hui à lutter contre le malaise qui tourmente la classe industrielle ; loin de là, ils recueilleraient les fruits que leur auraient procurés pendant cet espace de temps, un travail assuré et le soutien qu’ils se seraient mutuellement donné. Ouvriers, qui vivez encore isolés, associez-vous donc !…
conseil des prud’hommes.
Séance du 27 décembre 1833. présidence de m. Putinier. Durouge, fabricant, réclame à d’Hautencourt et Garnier, négocians, un défraiement pour 16 journées perdues, [4.1]savoir : 12 sur un métier et 4 sur un autre, lesquels métiers devaient travailler avec le même dessin, ce qui n’a pas eu lieu, le dessin qui lui avait été remis se trouvait avoir une forte partie des cartons coupés trop étroits. D’après le rapport de MM. Perret et Reverchon, qui avaient vu le dessin, le conseil condamne les sieurs d’Hautencourt et Garnier à payer à Durouge la somme de 80 fr. pour ces 16 journées, sauf leur recours contre le sieur Sigaud, liseur. Ce dernier était assigné pour cette même audience, mais sa femme s’étant présentée pour lui sans pouvoir, la cause est renvoyée à huitaine à cet égard. Chatanay et Bottier ont fait assigner Dailly, leur maître, afin de lui réclamer les sommes qu’ils prétendent leur revenir, en comptant les tâches, comme il l’a despotiquement décidé M. le président du conseili. Dailly répond, en lisant un mémoire : mais, par malheur, Dailly sait à peine lire ; il ne lie pas ses phrases, de sorte qu’on le comprend à peine. L’auditoire qui, d’abord prêtait peu d’attention à cette affaire, finit par y être très attentif. Le conseil lui-même, malgré la lenteur des expressions de Dailly, lui maintient la parole ; mais arrivé au passage où ce chef d’atelier demande à exercer son droit de récusation contre un des membres du conseil (M. Bourdon) le président l’interrompant lui dit qu’il ne souffrira pas que l’on jette du blâme sur un de ses collèguesii. De tous ces débats il résulte que Dailly qui a déja été forcé de renvoyer deux de ses élèves, a été obligé de renvoyer les deux autres ; il déclare abandonner tous ses droits, et ne leur rien devoir. Il paraît que le président n’avait d’abord pas bien compris : car, sur l’observation des membres chefs d’atelier, plus au courant de cette affaire, il décide que les conventions seront résiliées, ainsi que le demande Dailly. Les parties sont renvoyées, pour régler leurs comptes respectifs, devant MM. Charnier et Dumas. Ce dernier, à ce que nous avons cru entendre, était aussi récusé par Dailly. Tous les auditeurs, ainsi que le conseil, ont encore pu se convaincre de l’absurde et injuste usage qui ne permet pas la libre défense. Dailly, malgré un mémoire écrit, n’a pu se faire comprendre. Quand donc le conseil reconnaîtra-t-il que la libre défense est la sauvegarde des droits de tous, et ne peut qu’éclairer le conseil qui n’a sans doute pas plus de prétention à l’infaillibilité et à la prescience, que les autres tribunaux ?
ii. M. le vice-président est prié de faire supprimer dans la prochaine édition du Manuel des Prud’hommes le titre de la récusation.
ANECDOTE CONTEMPORAINE. Un mauvais riche. (24 novembre 1833.) Un malheureux ouvrier des environs de Birdin (Irlande), étant tombé dangereusement malade, et se trouvant dépourvu de toutes ressources, les habitans des environs décidèrent qu’il serait fait en sa faveur une collecte de… pommes de terre. On se rassemble environ une trentaine de personnes de tous rangs et de tout sexe qui s’interessaient au sort du pauvre malade, et on se rend, dans le cours de cette journée philantropique, sur un champ de patates. Le propriétaire de ce champ ayant trouvé mauvais qu’on le contraignît à faire une bonne action malgré lui, appela la force armée. Les paysans refusèrent de quitter les lieux qu’ils avaient envahis, et exaspérés par la menace que fit le commandant de tirer sur eux, ils lancèrent contre les soldats des pierres énormes qui en blessèrent plusieurs. Ce n’est qu’après un combat fort opiniâtre qu’on a pu s’emparer d’eux ; dix sont maintenant dans les prisons de Daudrum.
Nouvelles générales. Paris. – Cour d’Assises. – Adolphe Rion1, directeur de la Propagande républicaine, mis en jugement pour avoir publié une 27e édition [4.2]de la Déclaration des droits de l’homme, de Robespierre, a été acquitté le 21 décembre. Idem. – Les 27 accusés du complot dit du 28 juillet, ont été acquittés le 22 décembre, et mis en liberté, à l’exception de Raspail, Parfait et Boucher-Lemaître, retenus pour autre cause. A cette même audience, et par suite des réserves faites contr’eux par M. Delapalme, trois avocats, défenseurs des accusés, ont été suspendus, savoir : Me Dupont pendant un an ; Mes Michel de Bourges et Pinard, pendant 6 mois. – Ils se sont pourvus en cassation. – Me Parquin a convoqué le conseil de discipline de l’ordre des avocats, pour aviser à ce qu’il y aurait à faire en faveur de ces illustres membres. – Association libre pour l’éducation du peuple. – Cette société avait fait ouvrir deux cours gratuits d’hygiène en faveur du peuple. Le premier, professé par M. Gervais de Caen2, faubourg St-Antoine, place Royale, n. 15 ; le second, par M. Desavinière, faubourg Saint-Jacques, rue des Fossés-St-Jacques, n. 11 ; la police a employé la force armée pour les faire cesser, le dimanche 22 décembre. Aix. – Le Peuple Souverain, journal républicain dont M. Imbert, décoré de juillet, est le rédacteur-gérant, a été acquitté pour la 4e fois. Idem. – M. Déoux, de Marseille, traduit en jugement à raison d’un journal républicain, l’Arbre de la Liberté, qu’il avait publié le 6 août dernier, a été acquitté. Chalons-sur-Saône. – MM. Julien Duchesne, rédacteur-gérant du Patriote de Saône-et-Loire, et Lacomme, avocat, accusés de diffamation envers M. Chopin d’Arnouville, sous-préfet d’Autun, ont été acquittés par le jury. Digne (Basses-Alpes). Le pont en chaînes de fer qu’on venait d’établir sur la Durance, près le château Arnoux, s’est écroulé au moment où on faisait les épreuves nécessaires avant de le livrer au public ; l’ingénieur en chef et six ouvriers ont été blessés. Cet événement a eu lieu le 15 décembre. – Le même jour, 77 maisons, composant le village d’Alos, ont été incendiées. Tarbes. – L’élection de Barrère a été annulée parce qu’il lui manquait 33 c, pour compléter son cens d’éligibilité, mais il s’est pourvu au conseil d’état, attendu qu’il paie 500 fr. du chef de sa femme. – Le Populaire fait cette réflexion, qu’un pareil fait répond victorieusement à l’accusation de cupidité qu’on a fait peser sur les hommes de la Convention ; nul n’était plus en état de s’enrichir que Barrère, et, cependant, il ne paie que 149 fr. 67 c. de contributions, ce qui suppose une très médiocre fortune. Vauxbains. – Marie-Charles-Joseph Pougens3, de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, est mort dans cette commune, près la ville de Soissons, le 19 de ce mois, frappé d’une attaque d’apoplexie foudroyante ; il était âgé de 78 ans, et aveugle depuis plusieurs années. Belgique. – La chambre des représentans a adopté à l’unanimité la proposition de M. Gendebien, d’allouer 1 fr. 25 c. par jour à chaque réfugié polonais.
Lyon.
La faculté des sciences rétablie à Lyon par ordonnance du 19 de ce mois, se compose des sept chaires suivantes : Mathématiques (analyse et mécanique) ; Astronomie ; Physique ; Chimie ; Zoologie ; Botanique ; Minéralogie et Géologie. – Vendredi 27 décembre de 8 à 11 heures du soir, l’éclipse de lune a été visible à Lyon ; à 9 heures et demie le globe lunaire avait entièrement disparu ; à minuit il brillait de nouveau, entouré d’un vaste cercle lumineux.
cancans.
On vient d’ouvrir une loterie pour l’achat des objets d’arts de l’exposition publique du Musée de Lyon. M. Etienne Gauthier a, suivant son habitude, souscrit pour 40 billets. – En versera-t-il le montant ? – C’est une loterie. M. le Préfet dit en parlant de M. Lab... : Mon prud’homme, comme qui dirait : Mon chien. B.... quittera-t-il 1200 pour 700 ? Pourquoi pas ! Avez vous oublié ce qu’a dit l’indiscret Charn... ?
(13). M. KAUFMANN, dont le nom est aussi honorablement connu comme écrivain que comme patriote, publie ses chansons par livraisons. La 1re livraison paraît aujourd’hui ; prix : 50 c. on souscrit : Chez Carle, orfèvre, quai St-Antoine ; Baron, libraire, rue Clermont ; Babeuf, libraire, rue St-Dominique ; Gœury, cabinet littéraire, place des Célestins ; au bureau du Précurseur, etc.
Notes (ÉPHÉMÈRIDES LÉGISLATIVES . Chambre des...)
Parmi les députés et pairs mentionnés ici, se trouvent Basile-Gabriel Rouillé de Fontaine (1773-1859), Augustin-Marie Cossé-Brissac (1775-1848), Honoré-Charles Reille (1775-1860), Matthieu-Louis Molé (1781-1855) et Elie Decazes (1780-1860).
Notes (Nouvelles générales. Paris . – Cour...)
Adolphe Rion avait publié en 1833 le prospectus de la collection Ouvrages républicains. Association de propagande démocratique. Gervais de Caen (1799-1854), médecin et administrateur, membre de la Société des droits de l’homme. Charles Pougens (1755-1837), imprimeur et homme de lettres.
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