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29 janvier 1832 - Numéro 14
 
 

 



 
 
    

On nous a communiqué l'article suivant :

Pénétrés de l'urgente nécessité d'apporter un remède prompt et efficace à l’état déplorable où se trouve la fabrique de Lyon, plusieurs fabricans, qui se trouvaient momentanément à Paris, ont fait, auprès de nos députés et du ministre du commerce, les démarches les plus actives pour les éclairer sur les causes de notre détresse et solliciter les mesures propres à rendre à nos manufactures leur ancienne prospérité.

Voici les mesures que ces fabricans ont indiquées et sollicitées.

1° Des primes d'encouragement à accorder aux planteurs de mûriers qui auraient concouru, par des plantations nouvelles, à augmenter la masse de nos soies indigènes, de manière à pouvoir bientôt nous passer des soies étrangères.

2° Des primes d'encouragement à accorder aux filateurs et aux mouliniers qui produiraient la plus grande quantité de soies perfectionnées d'après le mode indiqué par la commission d'enquêtes de 1829.

Nos grèges, nos organsins et nos trames acquerraient par ce moyen un degré de régularité et de propreté bien supérieur à celui des soies étrangères. Nos tissus seraient infiniment plus beaux, et nos ouvriers pourraient, sans travailler aussi long-temps, faire une journée bien plus forte, et par conséquent plus productive.

[5.1]3° La suppression de l'impôt que le gouvernement perçoit à l'entrée des soies étrangères. La France ne produisant pas assez de soie pour alimenter ses fabriques, il faut de toute nécessité avoir recours aux soies de Piémont et d'Italie ; et il est bien clair qu'étant obligés de payer environ 5 pour cent de droit pour l'introduction de ces soies, les fabricans de Lyon ne peuvent pas fournir à la consommation leur étoffe au même prix que les fabricans suisses qui sont exempts de toute espèce de droit.

4° Une prime de 2 pour cent sur l'exportation des étoiles unies de pure soie, du prix de 2 f. 50 c. à 3 f. 50 c. l'aune.

Cette mesure aurait l'immense avantage de détruire la concurrence des fabriques étrangères, et de ramener a Lyon tous les acheteurs allemands qui, depuis plusieurs années, s'alimentent en Suisse pour leurs étoffes unies.

5° La suppression ou au moins une meilleure répartition des impôts indirects qui pèsent sur les ouvriers.

6° Une nouvelle organisation du conseil des prud'hommes.

7° Enfin, des secours quelconques pour nos malheureux ouvriers sans travail.

Nous avons la satisfaction d'annoncer que les démarches de ces fabricans n'ont point été vaines. Appuyées par la chambre de commerce , elles ont eu pour résultat :

1° Une ordonnance du Roi qui double le nombre des prud'hommes, et établit l'élection directe pour les chefs d'ateliers ; ceux-ci auront donc désormais une représentation plus conforme à leurs vœux et à leurs besoins.

Cette mesure était la plus importante de toutes ; car la masse des lumières se trouvant considérablement augmentée dans le conseil des prud'hommes et la confiance bien établie dans leurs mandataires, on doit en espérer, pour l'avenir, les plus heureux résultats.

2° D'après un système que nous nous réservons de combattre encore, et des raisonnemens que les bornes de cet article ne nous permettent pas de développer, le ministère ne juge pas convenable d'accorder la prime qui lui a été demandée ; mais, par compensation, il a promis de lever l'impôt qui pèse sur les soies étrangères. D'un autre coté, nos députés se sont engagés à persister dans la demande de la prime : nous concevons donc encore l'espoir de l'obtenir ; mais dans tous les cas, nous aurons toujours l'abolition du droit d'entrée, ce qui est une amélioration bien sensible.

5° Une somme de 400,000 francs a été promise pour venir au secours des ouvriers nécessiteux, soit par l'établissement d'une caisse de prêt, soit par la création de travaux publics destinés à occuper les pauvres ouvriers qui manqueraient de travail.

Enfin, les autres mesures, appuyées et soutenues par nos députés, seront tôt ou tard réalisées. Ainsi, nons avons l'espoir bien fondé de voir renaître notre ancienne prospérité.

Mais ajoutons aussi que cette prospérité tant désirée dépend uniquement de notre union et de notre confiance dans l'avenir. Faisons de part et d'autre tous nos efforts pour rétablir cette harmonie que la mauvaise foi ou un mal-entendu sont parvenus à troubler un instant. Jetons un voile épais sur nos malheurs récens, oublions nos misères et nos dissensions passées. Fabricans, chefs d'ateliers, ouvriers, quelle que soit notre position sociale, nous sommes tous frères et enfans d'une même famille : tenons-nous donc constamment en garde contre l'ennemi commun qui tenterait de nous désunir, et travaillons tous ensemble à la prospérité commune.

Un Fabricant.

 

 

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