Retour à l'accueil
1 janvier 1834 - Numéro 18
 
 

 



 
 
    

Au Rédacteur.

Monsieur,

Je viens vous remercier de l’accueil que vous avez fait à notre première, et vous prier d’avoir l’obligeance d’insérer cette seconde dans votre patriotique journal.

M. Brisson a été contraint de payer à Martin, 1 fr. l’aune d’étoffe armure qu’il ne voulait payer que 85 cent., et par la publicité donnée à cette affaire, il s’est vu forcé de payer un même prix à tous les maîtres sans distinction. Etant du nombre de ces derniers, j’ai reçu les confidens reproches de M. Brisson, lors de notre réglement de compte, pour lesquels il m’a fallu, suivant l’usage, droguer fort long-temps. M. Brisson me dit : Vous m’avez rendu un joli service en avertissant vos confrères que cet article valait 1 fr. Si vous m’eussiez réclamé ce prix en particulier, je vous aurais accordé ce que vous demandiez. Toutefois ! il n’oublia pas d’ajouter : pourvu que vous m’eussiez promis le secret. C’est à vous à qui j’en veux personnellement. Que M. Brisson exhale sa mauvaise humeur, tant qu’il lui plaira, il ne me forcera jamais à travailler pour lui au-dessous du cours ; mes confrères avaient tous droit au même salaire, et je ne crois pas que le titre de membre du conseil des prud’hommes, que possède M. Brisson, lui confère le privilége de faire travailler au-dessous du cours. Ce cours est déjà trop bas, et la faible somme de 15 cent. par aune que M. Brisson voulait retenir à son profit, est à peu près le seul bénéfice sur lequel les chefs d’atelier pouvaient compter : le leur ravir est une injustice.

Je m’applaudis des reproches qui m’ont été adressés par M. Brisson, et je crois devoir les rendre publics ; la publicité est la sauvegarde des travailleurs : chacun son droit, et le droit pour tous, telle doit être notre maxime.

VACHET, Fabricant, rue Massonrue Masson, n° 21.

Note du rédacteur. – MM. Vachet et Martin se sont montrés dans leur affaire avec M. Brisson honnêtes et généreux ; ils ont rendu un véritable service à leurs confrères, qui allaient être exploités à qui mieux mieux. Eclairer chacun sur ses véritables intérêts, les appuyer dans leurs justes réclamations, est un devoir pour tout bon citoyen ; et si tous remplissaient ce devoir sacré avec zèle, l’exploitation des travailleurs ne pouvant subsister, le malaise actuel cesserait bientôt. Dès-lors, il n’existerait point de divisions parmi les hommes d’une même profession, qui ne doivent avoir qu’un but, celui d’améliorer leur sort, de se soulager dans les malheurs communs, et de réclamer leurs droits presque toujours méconnus.

On doit se convaincre chaque jour que plus on cède, moins on a de force pour défendre ensuite ce qu’il est impossible de céder, et que la multiplicité des réclamations, le nombre des réclamans, rendent impossible toute vengeance qu’on testerait d’exercer contre les ouvriers.

Nota.– On nous assure, mais nous ne voulons pas le croire, que quelques chefs d’atelier auraient accepté à 70 cent, ce qui est payé à leurs confrères 1 fr. – Nous, ne pouvons pas le croire. Ces chefs d’atelier, en se nuisant à eux-mêmes, compromettraient les intérêts de leurs camarades.

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique