Retour à l'accueil
29 janvier 1832 - Numéro 14
 
 

 



 
 
    
CONSEIL DES PRUD?HOMMES.

Séance du 26 janvier

(présidée par m. guérin.)

[6.2]La séance, ouverte à 6 heures et demie, n'a, en grande partie, présenté que des difficultés entre les apprentis et leurs maîtres ; plusieurs ont été conciliées, et les apprentis ont dû rentrer dans leurs ateliers respectifs pour y finir leur apprentissage.

Un négociant expose au conseil que l'ouvrière qu'il fait appeler, fait défaut et lui a mis sa pièce par coupe de 12 aunes au Mont-de-Piété. Vu le défaut, la cause a été renvoyée.

Une contestation, qui a paru exciter beaucoup d'intérêt, est celle du sieur Mery qui avait un apprenti qui, buvant avec excès des liqueurs, à la suite de quelques raisons avec sa mère chargée de le nourrir, ayant perdu la raison, s'est précipité dans le Rhône d'où il a été retiré et transporté à l'hôpital où il est dangereusement malade. Le sieur Mery expose au conseil qu'ayant fait pour son élève plus que ses engagemens ne portaient, il réclame un défrayement en sus de la somme de 50 francs reçue par lui, en passant les conventions.

Le conseil, attendu la position dans laquelle se trouve le jeune homme, condamne sa mère à payer au sieur Mery la somme de dix francs en plus des 50 f. déjà reçus, et ce dernier à rendre les effets de son apprenti.

Parmi les causes qui ont offert quelques difficultés, on remarque celle du sieur Comparin qui avait passé un acte d'apprentissage avec le sieur Levasseur, crêpeur. Ce dernier a déclaré au conseil avoir été content de son élève pendant plusieurs mois ; ayant vendu son atelier au sieur Magnin, ce dernier a renvoyé l'élève après l'avoir gardé quelques mois, par la raison qu'il ne pouvait plus s'accorder avec lui, ne faisant plus son devoir et absentant continuellement. Le sieur Comparin fait observer qu'il n'a absenté de chez son maître que par cause de maladie, et Me Chasting, chargé de sa défense, réclame aux sieurs Levasseur et Magnin le défrayement porté par l'acte d'apprentissage, en cas de non exécution par l'une des deux parties.

Le conseil a renvoyé l'affaire à jeudi prochain, à la charge aux sieurs Levasseur et Magnin de produire leur acte de vente.

Le Sr Pruneville réclame aux sieurs Chaboud et Gerbe un défrayement pour ses frais de montage, n'ayant fabriqué qu'une pièce fantaisie de 26 aunes ; il réclame de plus sa façon entière sur 6 aunes que le sieur Chaboud lui a fait couper pour changer de peigne, et qu'il ne lui a porté qu'à moitié prix, ainsi que la façon de 2 aunes qui lui ont été supprimées sur sa dernière coupe parce qu'il y avait quelques taches d'huile, ne devant à la rigueur payer que le dégraissage. Le sieur Pruneville fait encore observer que le sieur Chaboud a fait cesser son métier pendant 8 jours.

Le sieur Chaboud répond que les 6 premières aunes qu'il a fait couper étaient de mauvaise fabrication, et a fait changer le peigne faisant trop de rayures à l'étoffe, et que, dans le nombre des taches, il y en avait deux dont la couleur était rongée.

Le conseil a renvoyé cette affaire pardevant MM. Gaillard et Rey.

Le sieur Chambe réclame aux sieurs Pitiot et Gariot le prix de 3 fr. par aune sur la dernière pièce de peluches pour chapeaux qu'il a fabriquée, et que ces messieurs ne lui ont portée qu'au prix de 2 f. 50 c. ; il expose au conseil qu'il a eu beaucoup de frais et de temps perdu [7.1]à cette dernière pièce, ayant été obligé de tordre plusieurs petits poils qui ne produisaient que 3 aunes d'étoffes.

Il réclame en outre contre l'injuste prétention du sieur Pitiot à ne pas vouloir reprendre un remisse et un peigne fournis par eux comme prêt et qui ont été portés sur son livre, en garantie, à un prix plus élevé que leur valeur.

Le sieur Chambe expose encore au conseil que ces messieurs lui ont donné, lorsqu'il a commencé à travailler pour eux, une fausse disposition, en ayant fait remettre le poil de la peluche sur trois lisses, qu'il n'a pu faire marcher et a été forcé de remettre son métier dans une disposition d'usage, ce qui lui a fait perdre beaucoup de temps. Il fait encore observer au conseil que la misère seule l'a forcé de travailler pour ces messieurs qui l'ont toujours payé 25 c. par aune de moins que les autres négocians qui font fabriquer cet article, et s'est écrié à plusieurs reprises avec l'accent de la douleur et de la souffrance : Est-ce à ce prix que je puis vivre et payer mon boulanger !!!

Le sieur Pitiot dit pour sa défense qu'il a vendu le remisse et les peignes à cet ouvrier, en lui donnant du temps pour se liquider, et que le prix des façons qu'il veut payer à cet ouvrier, est le prix courant de sa maison ; à l'égard du remontage pour changer la disposition, le sieur Pitiot observe qu'il y a long-temps que cela a eu lieu, du consentement de l'ouvrier ; qu'au surplus il avait repris un peigne sur deux qu'il avait fournis.

Le conseil, attendu qu'il est d'usage dans plusieurs maisons de prêter à leurs ouvriers les remisses et les peignes, et que le prix le plus bas de la peluche pour chapeaux est de 2 francs 75 cent, condamne le sieur Pitiot à payer ce prix à son ouvrier sur sa dernière pièce, à reprendre son remisse et son peigne, et à payer les frais.

Un chef d'atelier réclame au sieur Pelet, qui a fait défaut, des tirelles, que ce dernier lui refusait. Le conseil, vu l'ancien usage d'accorder des tirelles, condamne par défaut le sieur Pelet à les payer à l'ouvrier.

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique