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29 janvier 1832 - Numéro 14
 
 

 



 
 
    
ESSAI SUR LES MOYENS DE FAIRE CESSER LA DÉTRESSE DE LA FABRIQUE.

Tel est le titre d'une brochure que vient de publier M. E. Baune, professeur à l'institution St-Clair. Jamais écrivain n'aborda la question avec plus de profondeur et de franchise ; ses vues sont élevées, ses pensées sont claires et précises, ses combinaisons sont celles de l'homme de bien plein de son sujet, du philantrope cherchant à rendre heureux ses concitoyens. Nous l'avons lue attentivement et nous avons été frappés de la lucidité avec laquelle l'auteur expose ses vues d'amélioration. Citer tout ce qui est grand, généreux, utile dans cet écrit ce serait le transcrire en entier ; ce serait priver le lecteur d'une douce surprise, d'une émotion que doit éprouver un c?ur vraiment français, à chaque [7.2]page ou l'ami du pauvre, de l'industriel se fait si bien connaître.

Pourtant notre conviction est différente en quelques points de celle de M. E. Baune ; par exemple, nous ne pensons pas que la misère d'un grand nombre d'ouvriers vienne de leur peu d'économie, cette tradition échappée des salons était peu faite pour figurer dans un écrit éminemment utile.

Le compagnonage est encore un point à controverser. Sans prendre le mot à la lettre, car le mot même n'existe pas dans la fabrique, M. Baune répète ce que nous ont dit cent fois les fabricans qui insinuent qu'un chef d'atelier ne devrait avoir que deux métiers, un pour lui, l'autre pour sa femme. Mais cette femme, mère de trois enfans en bas-âge, pourra-t-elle le faire mouvoir et avoir soin de sa famille, de son ménage ? ainsi le chef d'atelier restera seul à travailler et gagnera 2 fr. par jour pour 5 personnes.

M. E. Baune exagère un peu la concurrence étrangère, et en définitive il s'appuie sur M. Fulchiron, sur le député qui a dit que l'ouvrier pouvait vivre à Lyon avec 28 ou 32 sous, ce dont l'auteur de la brochure doute. Nous aurions préféré qu'il s'appuyât de ses propres lumières et certes nous n'aurions eu qu'à le féliciter.

M. E. Baune voudra bien nous pardonner ces quelques lignes où nous disons notre pensée. C'est parce que nous sentons toute l'importance de son écrit : c'est parce que l'homme qui l'a tracé a acquis notre estime et qu'à la franchise nous n'opposons que la franchise.

L'écrit de M. Baune ne doit pas seulement intéresser le commerçant, le chef d'atelier et l'ouvrier ; le magistrat doit le méditer ; il peut y puiser des moyens d'amélioration pour les classes inférieures, au physique comme au moral. Nous recommandons la lecture de cette brochure au public : des pensées fortes et lumineuses, un sens droit, un patriotisme sans fard, un style pur et entraînant, tout doit la faire rechercher par les hommes qui désirent le bien de leur pays.

 

 

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