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LYON.
D'UN SYSTÈME D'ASSOCIATION ENTRE LES CHEFS D’ATELIERS ET OUVRIERS EN SOIE. 1
L'homme n'est point né pour vivre isolé ; le premier besoin de son enfance est de chercher une société, et dès que la nature lui donne la force de se mouvoir, de marcher, il est attiré par un penchant surnaturel vers d'autres enfans de son âge. En grandissant il éprouve le même désir ; s'il a le cœur droit, il se choisit une société franche et loyale avec laquelle il passe les heureux jours de sa jeunesse. En vieillissant ce besoin se fait sentir encore. Revenu des illusions du jeune âge, il cherche la paix dans l'intérieur de sa famille, et des délassemens au milieu de quelques amis. Ainsi l'homme est né pour la société et non pour l'isolement. Nous croyons donc que pour qu'il puisse aspirer au bonheur à venir, il doit se rallier à ses semblables et chercher auprès d'eux un abri contre l'infortune. Nous n'appellerons point société ces réunions qu'on fait dégénérer en conciliabules où on discute tout, or les moyens de rendre l'homme heureux ! nous n'appellerons point société ces cohues, ces espèces de clubs où tous les membres parlent à la fois et dont on manque le but essentiel, celui de se comprendre. Nous n'appelrons [1.2]point enfin société ces réunions mystérieuses et dignes de pitié où l'on parodie dans l'ombre les francs juges et les Templiersi. La société telle que nous la voyons, doit être toute industrielle ; elle ne doit avoir pour but que l'amélioration du sort de la classe ouvrière en portant dans son sein un accroissement de facultés qu'elle ne trouvera point tant que ses membres seront épars. Les siècles avancent, aucune classe ne doit rester en arrière sous peine d'être anéantie. Et pourquoi, tandis que des capitalistes, des négocians, des armateurs se réunissent en société sous le nom de compagnies pour opérer avec leurs capitaux, des chefs d'ateliers, des ouvriers ne pourraient-ils pas se réunir pour opérer avec leurs faibles ressources ? Pourquoi lorsqu'un chef d'atelier aurait besoin de quelques fonds pour monter un métier, pour entreprendre un article qui lui serait avantageux, ne pourrait-il avoir recours à une espèce d’assurance mutuelle, à une caisse commune entre les associés, où il puiserait les ressources nécessaires pour subvenir aux besoins du moment et par là se mettrait à même de sortir de son inaction ? Nous ne pensons pas que la société telle que nous l'envisageons doive être nombreuse ; selon nous, elle doit ressembler à un cercle d'amis ; mais si les hommes ressentaient tout le bien qu'elle peut produire, les sociétés [2.1]se multiplieraient à l'infini. Car, nous le demandons à tous les cœurs doués d'un peu de sensibilité, qu'est-ce que l'homme isolé, sans amis, sans appui ? n'est-ce pas un être errant, pour ainsi dire, au milieu des populations, un orphelin qui vit et meurt abandonné ? Eh bien ! que les ouvriers se rapprochent, qu'ils forment entr'eux des sociétés, que ces sociétés soient au grand jour ; que l'amour de l'humanité, la vertu et des lois en soient les premiers fondemens ; que chaque sociétaire soit pénétré que ce n'est point pour bouleverser, anéantir, qu'il en fait partie, mais bien pour avoir des amis qui viendront à son secours dans des momens de besoin : alors, l'ouvrier, le chef d'atelier, se créeront un avenir heureux et obtiendront l'approbation de toutes les classes, comme l'appui des gouvernans. Pour pénétrer les ouvriers du bien que peut produire ce que nous avançons, nous n'avons qu'à citer un seul fait : Si dans ce moment les hommes n'étaient point isolés, ne pourraient-ils pas mieux s'entendre pour la nomination des membres du conseil des prud'hommes ? Car il ne s'agit pas ici de nommer tels ou tels parce qu'ils promettent de faire une opposition constante et irréfléchie ; il s'agit de nommer des hommes fermes, mais sages, ne composant jamais avec leur conscience, et connus par leurs précédens. Voilà à quoi le système d'association, tel que nous l'entendons, aurait servi, et nous croyons que les ouvriers et les chefs d'ateliers doivent s'empresser à se former en cercles d'industrie, pour éviter la décadence totale de nos manufactures et le fléau de la misère. Dans quelques jours nous mettrons sous les yeux de nos lecteurs un projet de société, qui sera en harmonie avec nos lois comme avec l'humanité.
i A Dieu ne plaise que nous pensions ici faire la critique d'une société ancienne où figurent aujourd'hui tant d'hommes illustres, il est dans le nombre des sociétés d'honorables exceptions, et celle dont nous parlons ici est connue par des services signalés qu'elle rend chaque jour à l'humanité et aux sciences.
LE BAL ET LES PRUD’HOMMES. 1
Savez-vous bien ce que c'est qu'un bal au ministère ? ouvrez les journaux, et vous y verrez les détails pompeux d'une fête administrative. Fleurs, lustres, harmonie suave, rien n'y est épargné ; votre cœur bondira de plaisir au seul récit de tout cet éclat, de toute cette magnificence. Eh quoi ! vous ne paraissez pas ému, touché ? Vous ne bénissez pas une sollicitude si inquiète de vos besoins ? Ignorez-vous que votre industrie en retirera un immense profit ! Et qu'avez-vous à désirer quand là haut, on rit, on chante, on se foule, ivre de jouissances, toujours renouvelées ! Ah ! c'est que les traits du peuple ne se modèlent pas sur la figure des grands ; c'est que par le temps lourd qui nous pèse, plus leurs fêtes à eux, sont belles, plus leurs femmes parées, plus leurs joies éclatantes, et plus aussi notre misère à nous, nous semble profonde et amère. Les théories de M. Dupin n'ont pas fait fortune parmi nous, peuple, et nous n'entrevoyons pas encore la nécessité de créer des charges exprès pour dépenser des revenus. Nous avions la bonhomie de croire que l'or prodigué aux décorations prestigieuses d'un bal, eût fait bien plus d'heureux, tari bien plus de larmes, accumulé bien plus de bénédictions, distribué qu'il eût été à tant de mains tendues par le besoin et la souffrance. Nous aimions à croire que quelque pudeur restait au front de nos gouvernans, et que, désolés de leur impuissance à nous soulager, ils auraient au moins la pitié de ne pas insulter à nos maux par un faste inopportun. Nous n'avions pas réfléchi qu'ils ont une majorité à assurer, des indécis à entraîner, chose bien plus importante que de venir au secours de l'industrie. [2.2]Il est vrai qu'on vient de nous jeter une ordonnance sur l'organisation nouvelle des prud'hommes ; hélas ! toujours même défiance des uns, même partialité pour les autres ! Nous avions cru jusqu'ici, les intérêts de huit à dix mille chefs d'ateliers, aussi respectables que ceux de six cents fabricans ; aussi, n'avons-nous pu contenir notre surprise à la vue de ce neuvième fabricant, nommé comme pour faire pencher la balance ; mais surtout comment qualifier cette disposition de l'ordonnance : La fabrique d'étoffes de soie nommera huit chefs d'ateliers ou ouvriers possédant en propriété au moins quatre métiers ! Créer une aristocratie ! c'est par trop fort ; déclarer d'un trait de plume, immoral et incapable (car l'exclusion équivaut à tout cela) tout ouvrier ne possédant pas quatre métiers, nous semble de nos jours une étrange anomalie. Pourquoi pas alors établir des échelons parmi les fabricans, et ne donner le droit d'élection, par exemple, qu'à ceux faisant mouvoir au moins deux cents métiers par jour ? Les opérations se trouveraient grandement simplifiées par ce mode nouveau. Peut-être nous dira-t-on que des élections faites par 10,000 individus, seraient tumultueuses ? Qui empêche de ne les réunir que successivement au nombre de 600 ? qu'elles seraient longues à opérer ? qu'il y ait quatre collèges de 600 personnes, aux quatre points cardinaux de la ville, et en cinq jours tout sera terminé. Mais ajoutera-t-on, et c'est là le grand argument, c'est qu'un ouvrier ne possédant qu'un métier, ne présente pas les garanties nécessaires ! singulier raisonnement, en vertu duquel est enclin au désordre, celui-là même que la moindre commotion peut priver de ses moyens d'existence ! La raison en est, que c'est toujours le même système qui nous régit, celui de la peur ; on ne donne qu'en grimaçant ce qu'on devrait accorder de bonne grâce ; partant, point de reconnaissance. Au lieu d'entrer franchement, et d'une manière large dans la voie des améliorations, au lieu d'encourager l'esprit d'association, on est toujours dominé par de puériles terreurs, guidé par de mesquines chimères, on crie à l'émeute, on tremble devant le haillon du prolétaire, et on ne sent pas que le moyen de le rendre inoffensif, est de l'attirer à soi, de le soulager, et non de le repousser et de le maudire. Pour nous, qui ne demandons que justice et concorde, nous espérions que l'ordonnance eût dû être ainsi conçue : 1.° La fabrique d'étoffes de soie nommera seize prud'hommes, dont huit fabricans nommés au scrutin secret, par tous les fabricans, justifiant de leur patente, et huit chefs d'ateliers ou ouvriers, nommés également au scrutin, par tous les chefs d'ateliers ou ouvriers, justifiant de la possession d'un métier. 2°. Le président du conseil des prud'hommes sera élu au scrutin secret, et pris parmi les huit fabricans nommés pour faire partie du conseil. 3.° Le vice-président sera élu parmi les huit ouvriers faisant partie du conseil. De cette manière les droits de tous eussent été respectés. Chaque ouvrier possédant un métier, se fût senti représenté dans le prud'homme auquel il aurait donné sa voix ; les fabricans n'auraient pas paru avoir une prédominance injuste, et nous pouvons affirmer que tout ouvrier aurait avec joie reconnu pour son président le fabricant à qui l'éducation doit nécessairement donner plus d'instruction et de capacité. On arriverait graduellement en suivant cette marche, à la fusion d'idées, d'intérêts, à l'harmonie que nous [3.1]désirons vivement voir régner entre toutes les classes de travailleurs, et qu'on n'obtiendra qu'en leur témoignant égale confiance, égale protection. Léon F.
Suite. (V. notre N°7.) Jacques était tout-à-fait guéri de la manie de se croire dans le meilleur des mondes possibles. Cependant son cœur n'était point abattu, et sans croire aux doctrines de St-Simon, doctrines au-dessus de son intelligence, il croyait que l'homme pouvait aspirer au bonheur et que tout n'était pas tellement bouleversé pour désespérer de l'avenir. Navré des bruits sinistres qui circulaient et de la stagnation du commerce, il résolut de rassembler ceux qui autrefois l'avaient délégué pour défendre leurs intérêts, afin de les prévenir contre de perfides insinuations et de ranimer en eux cet amour de la patrie qui ne doit pas s'éteindre dans les cœurs vraiment français. Il les convoqua, et tous se rendirent à l'appel de celui qu'ils regardaient comme le plus vertueux des hommes et le meilleur des citoyens. Jacques arriva au milieu des industriels : sa présence arrêta le choc bruyant des conversations, et chacun se disposa à écouter en silence l'homme décoré du ruban des braves. Après avoir accordé un instant aux douces émotions de l'amitié, Jacques se leva et commença ainsi : « Vous connaissez mes précédens ; un journal qui prend notre défense, s'est plu de publier mon histoire. Je n'ai point provoqué cette faveur, mais je l'en remercie parce que je pense que l'honnête homme ne doit pas craindre, mais désirer qu'on mette sa vie au grand jour, et ce n'est que lorsque de mauvaises actions l'ont déshonoré qu'on doit souhaiter qu'on y jette un voile et qu'on creuse la terre pour y enfouir les erreurs du passé. Ne confondez pas mon histoire avec un petit écrit publié sous le nom du bonhomme Jacques, fruit d'un cerveau étroit qui fait de son bonhomme un imbécille, et lui fait dire des sottises dont les moindres sont que les ouvriers se plaignent à tort, et que beaucoup gagnent trois francs par jour… Mais, laissons un libelle digne de mépris. Nous ne sommes point ici pour nous occuper de quelques misérables phrases ; et le désir de voir renaître la confiance et la prospérité dans cette industrie à laquelle nous nous sommes voués, voilà ce qui doit remplir notre pensée. N'attendez pas de moi des traits d'éloquence ; je n'ai jamais connu que celle dont est pénétré un cœur droit, et pour toutes leçons je n'ai entendu que celle de l'homme des siècles, lorsqu'il nous disait : Soldats, le soleil d'Austerlitz va paraitre ! mais qui aime son pays, qui désire le servir par tous les moyens, n'a pas besoin d'éloquence, et la meilleure est celle de la raison. Vous le savez, nous déplorons tous les horreurs qui ont désolé notre cité ; malheur à l'ame perverse qui voudrait provoquer de nouveaux malheurs ! pour celui-là, l'infamie serait trop douce, la loi devrait lui appliquer la peine due aux parricides parce qu'il cherche à frapper la patrie d'un coup mortel. La patrie ! et quel est celui qui ne doit point lui sacrifier jusqu'à ses ressentimens personnels ? quel est celui de ses enfans qui méconnaîtrait sa voix, lorsqu'elle nous invite pour son salut à l'extinction des haines, à l'oubli du passé et à ne former qu'un seul faisceau contre lequel viennent se briser toutes les combinaisons anti-françaises ? Vous le [3.2]savez aussi, des bruits sinistres ne cessent de circuler ; sont-ils propagés par la crainte ou par nos ennemis ? à Dieu ne plaise que j'entende par nos ennemis les hommes qui nous ont été opposés, la querelle est vidée, et l'erreur a été reconnue des deux côtés. J'appelle nos ennemis ceux dont les vœux coupables vont au-delà de la frontière. Ces bruits n'en portent pas moins atteinte à notre industrie ; il serait temps de les faire cesser ; que les ouvriers au lieu de les répéter les méprisent, qu'ils se tiennnent en garde contre la malveillance, car nous ne pouvons attendre de bonheur que de la sécurité. Vous le voyez, je ne flatte personne ; je parle avec la franchise d'un vieux soldat et d'un ouvrier en soie, car d'après leur conduite dans les déplorables événemens de novembre, ce dernier titre m'honore autant que le premier. Je vous connais et je n'ai pas besoin de flatter mes amis : et qui de nous voudrait un bouleversement ? Le drapeau qui flotte sur nos têtes n'est-il pas le même que celui pour lequel nous et nos pères avons combattu ? N'est-ce pas pour ce drapeau que les ouvriers en soie de Lyon ont soupiré pendant 16 ans ? Rallions-nous autour de lui, et soyons désormais unis pour l'intérêt du pays et de notre industrie avec les hommes généreux qui, quoique plus fortunés, nous tendront la main comme à des frères, et soyons aussi la terreur des étrangers qui croient profiter de nos divisions… » Ici Jacques s'arrêta, son œil brillait comme aux jours de la victoire ; son cœur était plein d'amour de la patrie, et il avait communiqué à son auditoire le feu sacré qui l'embrasait. Tous les hommes qui le composaient se levèrent spontanément, et d'une voix unanime, proclamèrent l'oubli du passé, l'amour de l'ordre, et jurèrent de se ranger autour de Jacques si jamais l'étranger osait menacer encore notre belle France !... A. V.
Nous avons reçu une lettre anonyme, jeudi soir, où après plusieurs injures dégoûtantes de cynisme, on nous dit poliment, que nous traînons dans la fange du juste-milieu. Nous l'aurions méprisée si elle n'avait attaqué que nous, mais elle insulte à tous les délégués des ouvriers, dont le crime aux yeux de son auteur, est de n'avoir point conspiré. Notre insolent correspondant est prié de passer à notre bureau où on lui rendra raison, tant en notre nom qu'en celui de tous ceux qu'il insulte. Cette petite galanterie est signée : Un franc républicain. Mais comme nous savons à peu près d'où le trait part, nous croyons qu'il aurait dû signer, un franc carliste. Falconnet.
AU RÉDACTEUR
Lyon, le 26 janvier 1832. Monsieur, Deux dames, accompagnées d'un vicaire et faisant la quête annuelle pour les pauvres de la paroisse, se sont présentées chez moi ces jours derniers ; j'étais absent, et déjà j'avais préparé mon offrande pour leur retour, lorsque j'ai réfléchi que les paroissiens les plus nombreux et d'une misère plus urgente à secourir étaient, pour un fabricant, les ouvriers privés de travail et chargés de famille : et mon cœur m'a dit que je ferais une œuvre tout aussi méritoire et mieux entendue, en donnant du pain à quelques-uns de ceux qui n'ont pas l'habitude de tendre la main pour en avoir, qu'en participant à une aumône méthodique pour une foule de gens, dont une grande partie n'a pour tout mérite que de se rouler à [4.1]toute heure du jour sous les pas de MM. les curés dont ils surprennent la pitié. Je vous prie donc. Monsieur le Rédacteur, de m'envoyer l'adresse de trois ouvriers sexagénaires, ou chargés de famille, à qui je délivrerai des bons de pain pendant la saison rigoureuse. Agréez l'assurance de ma considération. Un Fabricant. Note du Rédacteur. - Nous avons envoyé à notre honorable correspondant trois mères de famille, dont les maris ont été victimes des événemens de novembre, et elles ont reçu de suite des secours. Nous taisons le nom de ce négociant éminemment connu ; nous nous abstenons aussi de tout éloge ; de pareils faits n'ont pas besoin de commentaires. Seulement, nous le remercions de nous fournir l'occasion d'épancher nos cœurs en rendant justice à qui sait si bien la mériter. Dieu veuille qu'il ait de nombreux imitateurs. L'initiative prise par notre honorable correspondant a déjà porté son fruit ; une autre maison de commerce a fait mettre à notre disposition 200 livres de pain.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES DE LYON.
Nous, préfet du département du Rhône, Vu l'ordonnance du roi, du 15 de ce mois, qui élève à 25 membres le conseil des prud'hommes de Lyon, et dispose que la fabrique d'étoffes de soie nommera 17 prud'hommes, dont 9 marchands-fabricans, et 8 chefs d'ateliers ou ouvriers possédant, en propriété, au moins 4 métiers ; Considérant que l'ordonnance précitée, dont nous avons ordonné la publication par affiches, prescrit que les 9 prud'hommes marchands-fabricans de soierie seront élus dans une assemblée générale de tous les marchands-fabricans qui justifieront de leur patente ; Que, pour l'élection des 8 prud'hommes chefs d'ateliers ou ouvriers en soierie, la ville de Lyon et les communes de Vaise, la Croix-Rousse, Caluire et la Guillotière, seront, par nous, divisées en huit arrondissemens, dans chacun desquels un des prud'hommes sera nommé par les chefs d'ateliers et ouvriers domiciliés dans l'arrondissement, qui justifieront de la possession de 4 métiers ; Considérant que l'art. 4 de l'ordonnance précitée prescrit aux électeurs l'obligation de se faire inscrire, avant le terme des assemblées, sur un registre à ce destiné, dans leur mairie respective, et nous charge de déterminer, par un arrêté, le mode de cette inscription, et le délai dans lequel elle devra avoir lieu ; Considérant qu'il est urgent de hâter l'exécution de ces mesures ; Arrêtons : Art. 1er A compter du 23 de ce mois , il sera ouvert dans chacune des mairies de Lyon, Vaise, la Croix-Rousse, Caluire et la Guillotière, un registre sur lequel seront inscrits d'office, ou d'après les déclarations des parties intéressées, tous les chefs d'ateliers, ou ouvriers en soierie, possédant en propriété au moins 4 métiers. Art. 2. Ces inscriptions devront être opérées dans les dix jours. Art. 3. Le 2 février prochain, MM. les maires feront publier et afficher le tableau de ces inscriptions, conformément au modèle annexé au présent arrêté, n°1. Art. 4. Pendant les cinq jours qui suivront la publication de la liste des chefs d'ateliers électeurs du conseil des prud'hommes, tout individu omis pourra présenter sa réclamation à la mairie. [4.2]Dans le même délai, seront admises à la mairie les réclamations contre les individus indûment portés sur cette liste. Art. 5. Le maire prononcera sur ces réclamations, dans le délai de cinq jours, après avoir pris l'avis d'une commission de trois membres du conseil municipal, délégués à cet effet par le conseil municipal, dont nous autorisons la convocation. Le maire notifiera sa décision aux parties intéressées dans les cinq jours. Art. 6. Dans le même délai de cinq jours, toute partie qui se croirait fondée à contester une décision rendue par le maire dans la forme qui vient d'être prescrite, pourra appeler devant nous, pour être statué dans le même délai en conseil de préfecture. Art. 7. MM. les maires, sur la communication de notre décision, feront opérer sur leur liste les rectifications prescrites. Art. 8. La liste ainsi rectifiée, sera close et affichée à la diligence du maire de chacune des ville ou communes indiquées, le 4 mars prochain : MM. les maires nous adresseront le même jour un exemplaire de ces listes. Art. 9. Immédiatement après la réception des listes, nous procéderons à la formation des 8 arrondissemens, à leurs délimitations et à l'indication du jour et du lieu où l'assemblée de chaque arrondissement devra avoir lieu. Art. 10. Il sera également ouvert à la mairie de Lyon, un registre sur lequel seront inscrits tous les marchands-fabricans de soierie qui justifieront de leurs patentes, et dont il sera dressé une liste séparée, conformément au modèle annexé au présent arrêté, sous le n° 2. Art. 11. Les formes et les délais prescrits par notre présent arrêté, seront observés à l'égard de cette liste. Art. 12. MM. les maires de la ville de Lyon et des communes de Vaise, la Croix-Rousse, Caluire et la Guillotière, sont chargés de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié, affiché, et en outre inséré au recueil des actes administratifs de cette préfecture. A Lyon, hôtel de la préfecture, le 21 janvier 1831. Le préfet du Rhône, Gasparin.
On nous a communiqué l'article suivant : Pénétrés de l'urgente nécessité d'apporter un remède prompt et efficace à l’état déplorable où se trouve la fabrique de Lyon, plusieurs fabricans, qui se trouvaient momentanément à Paris, ont fait, auprès de nos députés et du ministre du commerce, les démarches les plus actives pour les éclairer sur les causes de notre détresse et solliciter les mesures propres à rendre à nos manufactures leur ancienne prospérité. Voici les mesures que ces fabricans ont indiquées et sollicitées. 1° Des primes d'encouragement à accorder aux planteurs de mûriers qui auraient concouru, par des plantations nouvelles, à augmenter la masse de nos soies indigènes, de manière à pouvoir bientôt nous passer des soies étrangères. 2° Des primes d'encouragement à accorder aux filateurs et aux mouliniers qui produiraient la plus grande quantité de soies perfectionnées d'après le mode indiqué par la commission d'enquêtes de 1829. Nos grèges, nos organsins et nos trames acquerraient par ce moyen un degré de régularité et de propreté bien supérieur à celui des soies étrangères. Nos tissus seraient infiniment plus beaux, et nos ouvriers pourraient, sans travailler aussi long-temps, faire une journée bien plus forte, et par conséquent plus productive. [5.1]3° La suppression de l'impôt que le gouvernement perçoit à l'entrée des soies étrangères. La France ne produisant pas assez de soie pour alimenter ses fabriques, il faut de toute nécessité avoir recours aux soies de Piémont et d'Italie ; et il est bien clair qu'étant obligés de payer environ 5 pour cent de droit pour l'introduction de ces soies, les fabricans de Lyon ne peuvent pas fournir à la consommation leur étoffe au même prix que les fabricans suisses qui sont exempts de toute espèce de droit. 4° Une prime de 2 pour cent sur l'exportation des étoiles unies de pure soie, du prix de 2 f. 50 c. à 3 f. 50 c. l'aune. Cette mesure aurait l'immense avantage de détruire la concurrence des fabriques étrangères, et de ramener a Lyon tous les acheteurs allemands qui, depuis plusieurs années, s'alimentent en Suisse pour leurs étoffes unies. 5° La suppression ou au moins une meilleure répartition des impôts indirects qui pèsent sur les ouvriers. 6° Une nouvelle organisation du conseil des prud'hommes. 7° Enfin, des secours quelconques pour nos malheureux ouvriers sans travail. Nous avons la satisfaction d'annoncer que les démarches de ces fabricans n'ont point été vaines. Appuyées par la chambre de commerce , elles ont eu pour résultat : 1° Une ordonnance du Roi qui double le nombre des prud'hommes, et établit l'élection directe pour les chefs d'ateliers ; ceux-ci auront donc désormais une représentation plus conforme à leurs vœux et à leurs besoins. Cette mesure était la plus importante de toutes ; car la masse des lumières se trouvant considérablement augmentée dans le conseil des prud'hommes et la confiance bien établie dans leurs mandataires, on doit en espérer, pour l'avenir, les plus heureux résultats. 2° D'après un système que nous nous réservons de combattre encore, et des raisonnemens que les bornes de cet article ne nous permettent pas de développer, le ministère ne juge pas convenable d'accorder la prime qui lui a été demandée ; mais, par compensation, il a promis de lever l'impôt qui pèse sur les soies étrangères. D'un autre coté, nos députés se sont engagés à persister dans la demande de la prime : nous concevons donc encore l'espoir de l'obtenir ; mais dans tous les cas, nous aurons toujours l'abolition du droit d'entrée, ce qui est une amélioration bien sensible. 5° Une somme de 400,000 francs a été promise pour venir au secours des ouvriers nécessiteux, soit par l'établissement d'une caisse de prêt, soit par la création de travaux publics destinés à occuper les pauvres ouvriers qui manqueraient de travail. Enfin, les autres mesures, appuyées et soutenues par nos députés, seront tôt ou tard réalisées. Ainsi, nons avons l'espoir bien fondé de voir renaître notre ancienne prospérité. Mais ajoutons aussi que cette prospérité tant désirée dépend uniquement de notre union et de notre confiance dans l'avenir. Faisons de part et d'autre tous nos efforts pour rétablir cette harmonie que la mauvaise foi ou un mal-entendu sont parvenus à troubler un instant. Jetons un voile épais sur nos malheurs récens, oublions nos misères et nos dissensions passées. Fabricans, chefs d'ateliers, ouvriers, quelle que soit notre position sociale, nous sommes tous frères et enfans d'une même famille : tenons-nous donc constamment en garde contre l'ennemi commun qui tenterait de nous désunir, et travaillons tous ensemble à la prospérité commune. Un Fabricant.
[5.2]M. Charnier, chef d'atelier, délégué pour aller solliciter auprès de MM. les ministres des améliorations pour la fabrique, est de retour à Lyon. Il nous a témoigné son mécontentement de ce que l'ordonnance relative au conseil des prud'hommes exclut de l'élection les chefs d'ateliers ne possédant que deux ou trois métiers, tandis que dans sa demande ces derniers y étaient compris ; notre opinion est la même que celle du délégué des ouvriers, et, sans doute, le ministère cherchera à rendre l'élection du conseil des prud'hommes plus en harmonie avec les besoins de la fabrique et nos institutions.
Organe de la classe ouvrière1, l'Echo doit en répéter la joie comme le mécontentement. L'ordonnance sur la réorganisation du conseil des prud'hommes, ainsi que l'arrêté du préfet, est le sujet de vives réclamations de la part des chefs d'ateliers, ne possédant point 4 métiers, et qui pensent, avec juste raison, avoir autant de capacité pour élire un membre du conseil des prud'hommes, que leurs confrères, que l'ordonnance rend électeurs. Un fait qui est certain, c'est que dans plusieurs arrondissemens, et principalement dans celui de St-George, les ateliers d'unis de 4 métiers sont si peu nombreux, que ceux qui les possèdent n'osent pas prendre sur leur responsabilité de nommer leur prud'homme : il y a dans ce quartier des hommes qui professent l'état depuis trente ans, qui n'ont jamais possédé plus de deux métiers, et qui ne désirent pas, par le temps qui court, en posséder davantage. Nos anciens chefs d'ateliers sont dans l'affliction la plus profonde, de se voir exclus de nommer leurs juges conciliateurs, le seul espoir qui leur restât pour soulager leur cœur oppressé des nombreux abus dont ils ont été les victimes depuis nombre d'années ; tout est donc perdu, disent-ils, on veut faire de l'aristocratie parmi nous, afin d'y semer la haine et la division ; que n'en fait-on de même parmi les négocians, que n'exclut-on ces petits fabricans, qui n'occupent pas journellement vingt métiers, et dont quelques-uns ayant des ateliers, auront droit de voter à l'élection des négocians et à celle des ouvriers, en réalisant ainsi un double vote. Le petit nombre de ceux qui se présentent pour se faire enregistrer sur les listes électorales, prouve combien sont fondées les plaintes que nous venons de rapporter. Nous espérons de la bienveillante sollicitude de M. le préfet, qu'il voudra bien prendre quelque mesure conciliatrice à ce sujet. D'un autre côté, nous invitons nos confrères dont les ateliers sont au-dessous de quatre métiers, à penser qu'une semblable exclusion ne saurait durer, et que l'ordonnance sur le conseil des prud'hommes est un premier pas fait dans la carrière des améliorations.
Le 24 de ce mois, ont eu lieu les élections des membres du tribunal de commerce. Sont nommés : Président, M. Bourbon. Juges, MM. J. Bodin, Noël Rambaud, Bruno-Faure, Léon Canot. Suppléans, MM. N. Gayet, A. E. Second, Morel aîné, E. Morel , Seriziat-Carichon. Une cinquantaine de commerçans ont pris part aux élections ; espérons que ces messieurs seront plus exacts lors de la nomination des membres du conseil des prud'hommes. [6.1]Une ordonnance du roi, en date du 19 janvier 1832, nomme : Maire de Lyon, M. Prunelle. Adjoints, MM. Terme, de Boisset, Vachon-Imbert, Martin, Jordan-Leroy, Gautier (Etienne), de Cazenove (Arthur), Morel. Jeudi 26, a eu lieu l'installation de M. le maire, de MM. les adjoints, ainsi que du conseil municipal, par M. Gasparin, préfet du Rhône.
NOUVELLES DIVERSES.
- Des prohibitions protègent les propriétaires fonciers contre l'introduction des blés étrangers. C'est là une législation évidemment désavantageuse aux consommateurs. La loi des céréales, qu'on a senti le besoin d'améliorer, a souvent porté le blé à 24 fr. l'hectolitre, tandis qu'il ne valait que 20 fr., et fait payer ainsi le pain deux liards de trop par livre à tous les pauvres de France. Les bestiaux étrangers sont frappés d'un droit d'importation qui contribue à élever le prix des viandes. La même chose a lieu pour les tissus et pour une foule d'autres objets. Les fers sont aussi frappés d'une taxe d'importation. Tous les travailleurs auxquels le fer est d'une haute utilité, les laboureurs, les voituriers, les manœuvres, les ouvriers de toute espèce, sont obligés de payer le fer sept ou huit sous la livre, tandis que le fer anglais ne leur coûterait que trois sous. Il résulte de là que les propriétaires d'usines font des bénéfices énormes ; qu'ils peuvent acheter le bois dont ils font une immense consommation, à un prix très-élevé ; que le bois se vend très-cher dans les marchés, et que le chauffage devient à peu près impossible aux malheureux. Il s'agit de savoir si les lois de douanes doivent être combinées dans l'intérêt exclusif des propriétaires de terres, d'usines et de bois, ou bien dans l'intérêt général ? Enfin un dernier vœu qu'on doit former, et qui a déjà été émis dans cette feuille, c'est de voir s'établir dans toutes les provinces des banques sur le modèle de la banque de France, qui fonrniraient aux travailleurs des capitaux que ceux-ci pourraient faire fructifier en s'enrichissant. Si les moyens que nous proposons étaient adoptés, il en résulterait une grande baisse dans le prix des objets de première nécessité ; les salaires pourraient supporter sans inconvénient la diminution dont les événemens les ont frappés, la production serait plus facile, notre industrie pourrait lutter avec celle de l'étranger. Les propriétaires eux-mêmes finiraient par reconnaître les avantages de ce changement, car il ne peut rien être fait en faveur de l'industrie et de la consommation qui ne profite à la propriété. Dans le cas où il deviendrait indispensable de dégrever les petits propriétaires fonciers, on aurait à examiner s'il convient de laisser libres d'impôts les richesses mobilières, les placemens sur obligations authentiques ou hypothécaires, et choses de luxe. On aurait à examiner si la base de l'impôt doit être la quotité ou la progression, si, proportion gardée, 1,000 fr. d'impôt ne sont pas moins lourds pour celui qui possède 10,000 fr. de rente, que 100 fr. pour celui qui a seulement 1,000 fr. de revenu. (Journal de la Nièvre.)
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 26 janvier (présidée par m. guérin.) [6.2]La séance, ouverte à 6 heures et demie, n'a, en grande partie, présenté que des difficultés entre les apprentis et leurs maîtres ; plusieurs ont été conciliées, et les apprentis ont dû rentrer dans leurs ateliers respectifs pour y finir leur apprentissage. Un négociant expose au conseil que l'ouvrière qu'il fait appeler, fait défaut et lui a mis sa pièce par coupe de 12 aunes au Mont-de-Piété. Vu le défaut, la cause a été renvoyée. Une contestation, qui a paru exciter beaucoup d'intérêt, est celle du sieur Mery qui avait un apprenti qui, buvant avec excès des liqueurs, à la suite de quelques raisons avec sa mère chargée de le nourrir, ayant perdu la raison, s'est précipité dans le Rhône d'où il a été retiré et transporté à l'hôpital où il est dangereusement malade. Le sieur Mery expose au conseil qu'ayant fait pour son élève plus que ses engagemens ne portaient, il réclame un défrayement en sus de la somme de 50 francs reçue par lui, en passant les conventions. Le conseil, attendu la position dans laquelle se trouve le jeune homme, condamne sa mère à payer au sieur Mery la somme de dix francs en plus des 50 f. déjà reçus, et ce dernier à rendre les effets de son apprenti. Parmi les causes qui ont offert quelques difficultés, on remarque celle du sieur Comparin qui avait passé un acte d'apprentissage avec le sieur Levasseur, crêpeur. Ce dernier a déclaré au conseil avoir été content de son élève pendant plusieurs mois ; ayant vendu son atelier au sieur Magnin, ce dernier a renvoyé l'élève après l'avoir gardé quelques mois, par la raison qu'il ne pouvait plus s'accorder avec lui, ne faisant plus son devoir et absentant continuellement. Le sieur Comparin fait observer qu'il n'a absenté de chez son maître que par cause de maladie, et Me Chasting, chargé de sa défense, réclame aux sieurs Levasseur et Magnin le défrayement porté par l'acte d'apprentissage, en cas de non exécution par l'une des deux parties. Le conseil a renvoyé l'affaire à jeudi prochain, à la charge aux sieurs Levasseur et Magnin de produire leur acte de vente. Le Sr Pruneville réclame aux sieurs Chaboud et Gerbe un défrayement pour ses frais de montage, n'ayant fabriqué qu'une pièce fantaisie de 26 aunes ; il réclame de plus sa façon entière sur 6 aunes que le sieur Chaboud lui a fait couper pour changer de peigne, et qu'il ne lui a porté qu'à moitié prix, ainsi que la façon de 2 aunes qui lui ont été supprimées sur sa dernière coupe parce qu'il y avait quelques taches d'huile, ne devant à la rigueur payer que le dégraissage. Le sieur Pruneville fait encore observer que le sieur Chaboud a fait cesser son métier pendant 8 jours. Le sieur Chaboud répond que les 6 premières aunes qu'il a fait couper étaient de mauvaise fabrication, et a fait changer le peigne faisant trop de rayures à l'étoffe, et que, dans le nombre des taches, il y en avait deux dont la couleur était rongée. Le conseil a renvoyé cette affaire pardevant MM. Gaillard et Rey. Le sieur Chambe réclame aux sieurs Pitiot et Gariot le prix de 3 fr. par aune sur la dernière pièce de peluches pour chapeaux qu'il a fabriquée, et que ces messieurs ne lui ont portée qu'au prix de 2 f. 50 c. ; il expose au conseil qu'il a eu beaucoup de frais et de temps perdu [7.1]à cette dernière pièce, ayant été obligé de tordre plusieurs petits poils qui ne produisaient que 3 aunes d'étoffes. Il réclame en outre contre l'injuste prétention du sieur Pitiot à ne pas vouloir reprendre un remisse et un peigne fournis par eux comme prêt et qui ont été portés sur son livre, en garantie, à un prix plus élevé que leur valeur. Le sieur Chambe expose encore au conseil que ces messieurs lui ont donné, lorsqu'il a commencé à travailler pour eux, une fausse disposition, en ayant fait remettre le poil de la peluche sur trois lisses, qu'il n'a pu faire marcher et a été forcé de remettre son métier dans une disposition d'usage, ce qui lui a fait perdre beaucoup de temps. Il fait encore observer au conseil que la misère seule l'a forcé de travailler pour ces messieurs qui l'ont toujours payé 25 c. par aune de moins que les autres négocians qui font fabriquer cet article, et s'est écrié à plusieurs reprises avec l'accent de la douleur et de la souffrance : Est-ce à ce prix que je puis vivre et payer mon boulanger !!! Le sieur Pitiot dit pour sa défense qu'il a vendu le remisse et les peignes à cet ouvrier, en lui donnant du temps pour se liquider, et que le prix des façons qu'il veut payer à cet ouvrier, est le prix courant de sa maison ; à l'égard du remontage pour changer la disposition, le sieur Pitiot observe qu'il y a long-temps que cela a eu lieu, du consentement de l'ouvrier ; qu'au surplus il avait repris un peigne sur deux qu'il avait fournis. Le conseil, attendu qu'il est d'usage dans plusieurs maisons de prêter à leurs ouvriers les remisses et les peignes, et que le prix le plus bas de la peluche pour chapeaux est de 2 francs 75 cent, condamne le sieur Pitiot à payer ce prix à son ouvrier sur sa dernière pièce, à reprendre son remisse et son peigne, et à payer les frais. Un chef d'atelier réclame au sieur Pelet, qui a fait défaut, des tirelles, que ce dernier lui refusait. Le conseil, vu l'ancien usage d'accorder des tirelles, condamne par défaut le sieur Pelet à les payer à l'ouvrier.
Depuis une quinzaine de jours, la condition est encombrée de soie ; les mouliniers ne peuvent suffire à l'emploi des crêpes et des grenadines dont il s'est monté bon nombre de métiers, et qui malheureusement cessent de matières. Tous les négocians ont des commissions, et ils avouent que la peur seule les retient de faire fabriquer. Dans ce triste état d'incertitude, ceux qui sont les plus à plaindre, ce sont les ouvriers dont on ne se lasse point de diminuer le salaire, dans un moment où l'on semble leur faire entrevoir un meilleur avenir.
ESSAI SUR LES MOYENS DE FAIRE CESSER LA DÉTRESSE DE LA FABRIQUE.
Tel est le titre d'une brochure que vient de publier M. E. Baune, professeur à l'institution St-Clair. Jamais écrivain n'aborda la question avec plus de profondeur et de franchise ; ses vues sont élevées, ses pensées sont claires et précises, ses combinaisons sont celles de l'homme de bien plein de son sujet, du philantrope cherchant à rendre heureux ses concitoyens. Nous l'avons lue attentivement et nous avons été frappés de la lucidité avec laquelle l'auteur expose ses vues d'amélioration. Citer tout ce qui est grand, généreux, utile dans cet écrit ce serait le transcrire en entier ; ce serait priver le lecteur d'une douce surprise, d'une émotion que doit éprouver un cœur vraiment français, à chaque [7.2]page ou l'ami du pauvre, de l'industriel se fait si bien connaître. Pourtant notre conviction est différente en quelques points de celle de M. E. Baune ; par exemple, nous ne pensons pas que la misère d'un grand nombre d'ouvriers vienne de leur peu d'économie, cette tradition échappée des salons était peu faite pour figurer dans un écrit éminemment utile. Le compagnonage est encore un point à controverser. Sans prendre le mot à la lettre, car le mot même n'existe pas dans la fabrique, M. Baune répète ce que nous ont dit cent fois les fabricans qui insinuent qu'un chef d'atelier ne devrait avoir que deux métiers, un pour lui, l'autre pour sa femme. Mais cette femme, mère de trois enfans en bas-âge, pourra-t-elle le faire mouvoir et avoir soin de sa famille, de son ménage ? ainsi le chef d'atelier restera seul à travailler et gagnera 2 fr. par jour pour 5 personnes. M. E. Baune exagère un peu la concurrence étrangère, et en définitive il s'appuie sur M. Fulchiron, sur le député qui a dit que l'ouvrier pouvait vivre à Lyon avec 28 ou 32 sous, ce dont l'auteur de la brochure doute. Nous aurions préféré qu'il s'appuyât de ses propres lumières et certes nous n'aurions eu qu'à le féliciter. M. E. Baune voudra bien nous pardonner ces quelques lignes où nous disons notre pensée. C'est parce que nous sentons toute l'importance de son écrit : c'est parce que l'homme qui l'a tracé a acquis notre estime et qu'à la franchise nous n'opposons que la franchise. L'écrit de M. Baune ne doit pas seulement intéresser le commerçant, le chef d'atelier et l'ouvrier ; le magistrat doit le méditer ; il peut y puiser des moyens d'amélioration pour les classes inférieures, au physique comme au moral. Nous recommandons la lecture de cette brochure au public : des pensées fortes et lumineuses, un sens droit, un patriotisme sans fard, un style pur et entraînant, tout doit la faire rechercher par les hommes qui désirent le bien de leur pays.
Erratum - Dans notre dernier N°, p. 3, 2e colonne, aux art. 6, 7 et 8 de la commande pour la maison du roi, au lieu de velours, lisez : taffetas 15/16.
Une souscription est ouverte au bureau de l’Echo de la Fabrique en faveur des blessés, des veuves et des orphelins des trois journées de novembre. Nous en appelons à toutes les ames généreuses, à ces coeurs philantropes qui ont secouru l'infortune jusque sur des rives étrangères, et dont l'humanité ne manquera pas de venir au secours de leurs concitoyens malheureux.
ANNONCES DIVERSES.
en vente, Chez Baron, libraire, rue Clermont. essai sur les moyens de faire cesser la détresse de la fabrique, par e. baune, professeur à l’institution saint-clair . [8.1]en vente Au Bureau de l’Echo de la Fabrique, réplique de m. bouvier du molart aux récriminations insérées dans les journaux ministériels du 6 janvier.
AVIS.
A louer, emplacement pour un ou deux métiers pour maître ou maîtresse, sur le quai de la Baleine, avec un cabinet indépendant. Sadresser au Bureau du Journal. - A vendre un métier de peluches pour chapeaux avec accessoires, ayant un remisse en soie. S'adresser au Bureau du Journal. A vendre, un atelier de six métiers en velours façonné et uni, avec beaucoup d'ustensiles et accessoires. S'adresser chez M. Drivon cadet , côte des Carmélites, à la barrière de fer. - On demande plusieurs ouvrières pour des courans et des unis. - On demande des ouvriers compagnons pour des métiers de peluches pour chapeaux. - On demande des apprentis pour des velours et des unis. S 'adresser au Bureau du journal.
Notes (LYON. D'UN SYSTÈME D'ASSOCIATION ENTRE LES CHEFS D’ATELIERS ET OUVRIERS EN SOIE.)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Empruntant à plusieurs sources intellectuelles nouvelles, notamment le saint-simonisme, nuancé également par la vie quotidienne du système complexe de la fabrique lyonnaise, le thème de l’association va se transformer rapidement ; significativement, alors que Vidal évoque, dans ce numéro de fin janvier, un système d’association propre à la fabrique, dès le mois de mars 1832, on se demandera, dans les pages de L’Echo de la Fabrique, si ce journal ne doit pas devenir l’organe de « toute la classe ouvrière » (numéro du 11 mars 1832). Sur l’évolution du thème de l’association dans cette période, voir, en particulier, W. H. Sewell, Gens de métiers et Révolution. Le langage du travail de l’ancien régime à 1848, Paris, Aubier, 1983. Aussi, Gabriel Perreux, La propagande républicaine au début de la Monarchie de Juillet, ouv. cit., chapitre 2.
Notes (LE BAL ET LES PRUD’HOMMES.)
L’auteur de ce texte est Léon Favre d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Les canuts réclamaient du travail et de l’instruction, deux leviers de l’émancipation physique et morale, et non la charité. Lorsqu’en décembre 1832 Garnier-Pagès demandera « qu’a-t-on fait pour les ouvriers de Lyon ? » et que M. Fulchiron répondra, à la Chambre, « la charité », Marius Chastaing notera, « Voilà tout ce que nous offre le coryphée des aristocrates de coffre-fort auxquels juillet a donné le pouvoir » (L’Echo de la Fabrique du 9 décembre 1832).
Notes (HISTOIRE DE JACQUES.)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (Organe de la classe ouvrière , l' Echo...)
L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (...)
Le Journal des connaissances utiles fut lancé par Emile de Girardin (1802-1881) en 1831. L’’initiative participe donc au mouvement qui allait donner naissance à la presse bon marché. Pour 4 francs par an les abonnés avaient accès chaque mois à 32 pages serrées d’informations. L’éducation intellectuelle et politique du citoyen passait par une connaissance pratique et professionnelle solide : les rubriques du journal développaient alors les informations relatives, aussi bien, aux engrais, semences, techniques de fabrication du papier, qu’aux nouvelles lois, aux règlements de l’administration municipales, aux problèmes de jurisprudence, aux considérations sur l’enseignement. La Société nationale pour l’éducation intellectuelle constituait l’une des entreprises philanthropique associée par Girardin au Journal des connaissances utiles. A partir de 1834, Emile de Girardin sera député, dans la fraction ministérielle, et, en juillet 1836, il lancera le journal La Presse ; quotidien conservateur bon marché qui allait révolutionner le journalisme. Références : C. Bellanger, J. Godechot, P. Guiral, F. Terrou (dir.), Histoire générale de la presse française, ouv. cit., tome II, 3e partie, p. 115-117. Egalement, Christophe Charles, Le siècle de la presse (1830-1939), Paris, Seuil, 2004.
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