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22 janvier 1834 - Numéro 24
 
 

 



 
 
    
chemins de fer.

[2.2]Les chemins de fer sont une invention moderne. En 1680 (sous les Stuart), époque à laquelle le charbon de terre fut substitué au bois dans beaucoup d?usines d?Angleterre, l?on imagina des chemins artificiels en bois pour rendre les transports plus faciles ; mais bientôt l?humidité et la pesanteur des charges eurent pourri et rompu ces machines imparfaites, et l?on s?en dégoûta. L?esprit humain n?est jamais prompt à perfectionner, et s?écarte difficilement des ornières frayées. Il fallut cinquante-huit années avant que l?on songeât à remplacer le bois par le fer ; trente autres années s?écoulèrent encore avant que l?on eût l?idée de diviser, en le répartissant sur plusieurs chariots, le poids énorme qui pesait sur un seul.

En 1825, ceux de nos compatriotes qui parcouraient l?Angleterre remarquèrent des routes en fer aux environs de Newcastle, sur la rivière de Ware et sur la Severn. Dans les comtés d?York, de Lancastre, de Stafford, de Shorp, de Surrey, dans la principauté de Galle, dans les comtés de Monmouth, de Clamorgen, de Cuermathen, il en existait un grand nombre, soit pour le service des forges, soit comme embranchement avec des canaux. A Pegweilly, près Newport, commençait l?une de ces routes, qui avait 28 milles d?étendue, sans compter la longueur des embranchemens.

Les ingénieurs, dont l?Angleterre est peuplée, s?occupaient tous à cette même époque de tirer parti de cette importante découverte. On discutait lequel valait mieux des chemins à ornières creuses ou des chemins à bandes saillantes destinées à recevoir des roues à ornières en forme de poulies. Palmer proposait des barres métalliques fixées sur bois et destinées seulement au transport de petits chargemens. Un autre ingénieur, M. James, proposait un système de voies en fer sous forme de tuyaux creux, pouvant servir à supporter les voitures et à conduire de l?eau. John Easton proposait des bandes en fer à crémaillère fixée sur des bâtis en maçonnerie et des roues dentées intérieurement, tandis que Vallance imaginait de faire le vide dans des souterrains pour y faire marcher les voitures par la pression atmosphérique, et que plusieurs autres perfectionnaient les voitures à vapeur.

Entraînés par le mouvement industriel, les journalistes s?occupèrent de donner une grande publicité à des travaux dont ils commençaient à comprendre l?importance.

A la même époque, sur le continent l?on était moins éclairé sur l?avantage des chemins de fer. Les trois écoles qui se partageaient alors la jeune génération, celle de l?ancien Globe dirigée par P. Dubois, celle du Producteur, et celle de Owen, représentées par M. Rey, durent nécessairement s?occuper des chemins de fer. Le Globe, où peut-être écrivait quelque ami de Dutens, se prononça pour la construction du système de canalisation dont cet ingénieur nous a laissé la description. Le Producteur, dans plusieurs articles, se borna à résumer les publications anglaises. Le traducteur de Relgod, M. Mellet, qui a construit avec M. Henry le chemin du département de la Loire, parvint à faire prévaloir, chez ceux qui s?occupaient des idées de coopération de Robert Owen, la supériorité de ce moyen de communication.

En 1828, les chemins de fer étaient connus en France. Des travaux de ce genre étaient en pleine activité entre Lyon et St-Etienne, et M. Fournel, ingénieur des mines, directeur des mines et fonderies du Creusot, proposait aux maîtres de forges de Champagneun chemin de fer traversant leurs contrées, comme le seul moyen d?échapper à la ruine qui les menaçait, tandis qu?il faisait pressentir ces grandes communications qui devront un jour se croiser, en partant des quatre extrémités de notre patrie. C?est aussi à la même époque que remonte la première pensée de remplacer la rivière de Loire, comme moyen de transport entre Nantes et Orléans, par un chemin de fer latéral à ce fleuve. Elle fut consignée dans la Revue de l?Ouest, journal alors hebdomadaire. Dans le même temps, l?un des plus habiles négocians de Nantes, M. Dobrée, communiquait un projet à peu près semblable.

La route projetée entre Liverpool et Manchester ayant été terminée, elle devint le théâtre d?un essai de voitures [3.1]à vapeur dont les résultats furent bientôt publiés dans toute l?Europe. Les voitures la Pesée et la Nouveauté qui firent assaut de vitesse dans cette circonstance, méritent d?être signalées dans l?histoire des progrès de l?humanité. Le résultat de leur lutte fut de donner aux penseurs de nouveaux sujets de méditations, et nous leur devons sans doute le système méditerranéen de M. Michel Chevalier. Ce projet est la plus grande conception industrielle, qui ait jamais été faite ; il aurait pour but de rendre à la mer Méditerranée son ancienne importance en couvrant l?Europe, le nord de l?Afrique et l?ouest de l?Asie de nombreuses lignes de chemins de fer qui toutes viendraient aboutir à quelques-uns des ports de son littoral. N?est-il pas à regretter qu?un aussi gigantesque projet n?est pas été compris ?

L?invention des chemins de fer doit entraîner de grandes modifications dans le commerce intérieur et même dans le commerce extérieur. Avant la découverte de la boussole, toutes les communications avec l?Orient se faisaient au moyen de la Méditerranée ; de là les beaux jours d?Etmalphi, Gênes, Florence, Venise, Marseille et Barcelone. Depuis la découverte de la boussole, l?introduction des voyages de longs cours, et surtout depuis la découverte de l?Amérique, les ports d?Occident ont acquis une grande importance. Si le code maritime publié à Barcelone au 13e siècle, sous le titre de Consulat de la Mer, ne parle point des ports de l?Ouest, le nouveau code maritime publié depuis sous le titre de Recueil des lois d?Oleron, attribue une tout autre importance aux villes maritimes de l?Occident. Mais aujourd?hui les chemins de fer projetés, la conquête d?Alger, la civilisation de l?Egypte et de la Turquie, offrent de ce côté au commerce de nouveaux élémens de spéculation et de fortune. A nous donc de comprendre notre position et de savoir conserver nos avantages en redoublant d?industrie et d?activité.

A. G.

 

 

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