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25 janvier 1834 - Numéro 25
 

 




 
 
     
CONSULTATIONS GRATUITES et amicales

[1.1]APRÈS-DEMAIN LUNDI,

Et tous les lundi et jeudi de chaque semaine,

de midi a deux heures,

sur toutes espèces d’affaires,

AU BUREAU DE L’ECHO DES TRAVAILLEURS.

ÉPHÉMÉRIDES LEGISLATIVES.

La chambre des pairs et la chambre des députés n’ont tenu aucune séance.

DE LA FERMETÉ NÉCESSAIRE AUX OUVRIERS

dans leurs rapports avec les négocians.

Plus on cède, plus on est obligé de céder : cette maxime est de tous les temps, elle est vraie dans toutes les positions ; c’est surtout aux ouvriers qu’il convient de la rappeler, en ce moment où les opérations commerciales languissent. Nous savons combien l’application de cette maxime peut être pénible, mais nous savons aussi combien son abandon serait préjudiciable ; on nous permettra une courte digression.

Vivre en travaillant est la condition imposée à l’humanité par Dieu même ;i l’homme a donc droit au travail : puisque c’est du travail qu’ils doit tirer sa subsistance, c’est pour faciliter l’homme dans l’exploitation du travail que la société a été créée ; ainsi la société qui refuserait le travail a un de ses membres serait en état de révolte contre la divinité ; elle serait immorale. L’homme enlevé à la liberté naturelle par la société doit trouver une compensation aux devoirs que cette dernière lui impose : où trouve-t-il cette compensation ? est-ce dans la protection que la loi lui accorde ? Non, car cette protection est souvent un mensonge ; toujours elle est une amère dérision pour celui qui n’a rien. Où peut-il donc trouver cette compensation ? Dans une facilité de vivre, plus grande que dans l’état sauvage. Sous ce rapport, la société doit donc aussi à ses membres le travail, condition de l’existence, comme l’homme, par suite d’un décret céleste, se doit lui-même au travail.

Ces principes posés, et pour en faciliter l’intelligence, nous les formulerons de cette manière : 1° l’homme se [1.2]doit au travail ; 2° la société doit le travail à l’homme ; 3° le travail doit nourrir l’homme.

Nous ne nous étendrons pas sur les deux premières propositions, elles sont évidentes et comprises de chacun ; nous pourrons d’ailleurs y revenir ; il est des vérités triviales qu’on ne saurait néanmoins répéter trop souvent. Nous nous bornerons à dire quelques mots sur la dernière.

Cette dernière proposition est sans doute aussi certaine que les deux premières, et cependant l’on agit de toute part comme si elle n’existait pas. La convention seule, parmi nos diverses assemblées législatives, a eu la conscience de cette vérité : elle n’a eu qu’un tort, celui d’abaisser le prix de la subsistance, ne sachant pas qu’il fallait au contraire élever celui du travail. Héritiers des doctrines qu’elle a léguées au genre humain, nous devons nous garder de son erreur. Le travail doit nourrir l’homme : posons ce principe parce qu’il est juste, et quelles qu’en soient les conséquences, aucune clameur ne doit nous arrêter. Nous ne serions pas dignes de défendre la cause du prolétariat, si nous hésitions à proclamer une vérité quelque audacieuse qu’elle puisse être. Le bon Fontenelle voulait, s’il avait la main pleine de vérités, ne l’ouvrir qu’à demi pour les laisser tomber goutte à goutte ; nous ne partageons pas cette opinion, car c’est ainsi que des hommes bien intentionnés, mais timides, cherchent à prolonger la longue enfance de l’humanité, et lui dénient le droit de prendre la robe virile. Nous ne tirerons cependant pas aujourd’hui toutes les conclusions qui dérivent nécessairement de ce principe ; nos lecteurs les pressentent déjà, et nous saurons bientôt les leur rendre de plus en plus palpables. Nous nous contenterons de dire, en thèse générale, que si le travail descend à un taux où il ne peut plus nourrir l’homme, ce dernier doit le refuser ; car alors ce n’est plus son affaire, mais celle de la société tout entière dont l’institution n’a pas eu d’autre but. Il ne faut donc pas que sous un prétexte quelconque les travailleurs consentent à abaisser le prix du travail ; s’ils le font, c’est un véritable suicide qu’ils commettent, ils doivent avoir la fermeté de refuser tout travail non rétribué ; ils doivent se déterminer à souffrir plutôt que de consentir à avilir le salaire. Ils souffriront sans doute pendant quelque temps, mais ils seront indubitablement dédommagés, au lieu que, s’ils entrent dans la voie du rabais, ils ne savent pas où ils s’arrêteront, et au bout est un abîme. C’est pour n’avoir pas scrupuleusement observé la maxime que nous avons invoquée en commençant cet article, vivre en travaillant, que les ouvriers en soie de notre ville en vinrent un jour au point d’inscrire sur leur bannière : Mourir en combattant. Ils n’auraient jamais eu l’idée de cette déplorable ressource, [2.1]s’ils avaient plus long-temps médité sur la première partie de leur devise.

L’obstination des travailleurs vaincra celle de ceux qui les exploitent, c’est-à-dire forcera ces derniers à restreindre leurs bénéfices. Nous sentons le besoin de nous expliquer, afin que nos paroles ne soient en aucun cas mal interprétées. Loin de nous l’idée que la classe commerçante se fasse un jeu des souffrances de la classe laborieuse ; mais voici de quelle manière il faut envisager la question. Les conditions d’alimentation, et en général les habitudes de la vie étant plus dispendieuse dans la première classe que dans la seconde, l’envie, le désir naturel de faire fortune étant aussi plus grand dans cette classe, il lui faut des bénéfices beaucoup plus élevés, c’est-à-dire des bénéfices qui ne sont nullement en rapport avec le travail, ou pour mieux dire, cette classe cote son travail à trop haut prix. Plus soucieuse aussi que la classe ouvrière, elle fait une large part aux chances du commerce, et veut s’assurer contre elles par une prime trop forte ; en un mot, la journée du négociant n’est nullement en rapport avec la journée de l’artisan. La spéculation et le travail n’ont pas encore consenti à habiter le même toit, à être de la même famille. Sans doute il faut faire une part à l’intelligence qui ordonne, mais il ne faut pas la faire trop forte aux dépens du travail qui exécute. Ainsi nous posons en fait que le négociant appelle perdre lorsqu’il ne gagne pas suffisamment ; lorsque les affaires vont bien, style de commerce, le négociant spécule et gagne, mais encore alors il fait petite part à l’ouvrier ; lorsque les affaires vont mal, le négociant gagne moins, c’est naturel, mais il veut reporter la totalité de la perte sur l’ouvrierii, c’est là que commence l’injustice. C’est contre cette injustice que nous voulons prémunir les ouvriers, et nous n’avons qu’un conseil à leur donner, c’est d’être fermes et de refuser le travail à l’instant même où le travail ne peut plus les nourrir.iii


i. Un philosophe a énergiquement exprimé : Nasci pœna, labor vita, necesse mori.
ii. Nous citerons deux exemples pour le prouver. A l’époque du tarif, on avait porté à 90 c. les cotepalis qui étaient payés 45 c. ; un négociant s’en plaignit à un fabricant de notre connaissance, et eut la naïveté de lui dire dans la conversation, qu’à 70 c. on aurait pu consentir : Il payait donc 45 c. ce qu’il avouait pouvoir payer 70 c. autre exemple. Le prix des velours fut porté à 11 fr. 25 c., au lieu de 7 fr. 50 c. Un négociant alla chez M. Martinon, et obtint de la complaisance de ce dernier de réduire le prix à 10 fr. (M. Martinon fut vertement tancé par ses collègues, de s’être arrogé un droit qui n’appartenait qu’à la commission réunie : ceci est de notoriété publique). Il avouait encore par là un bénéfice illicite de 2 fr. 50 c.
iii. Nous donnerons à cet égard un exemple récent qui prouvera qu’avec de la fermeté la condition des ouvriers peut s’améliorer. M. Bonnand, négociant très connu de cette ville, a proposé dernièrement de porter à 1 fr. 10 c. les étoffes façonnées pour ombrelles qu’il payait 1 fr. 20 c. : refus de la part des chefs d’atelier. M. Bonnand fait couper les pièces, paye des indemnités, etc ; mais ne pouvant vaincre l’entêtement des chefs d’atelier, il a bientôt rétabli ses prix. Voyez encore l’affaire Martin et Brisson, et tant d’autres que nous pourrions citer.

Election des Membres du conseil des Prud’hommes.

18 janvier. – Fabrique de soierie. – MM. Théophile roux, goujon et gamot. Sur 434 électeurs inscrits, 106 ont voté. M. Roux a eu 68 voix, M. Goujon 65, et M. Gamot 64.

20 idem. – M. micoud jeune, au 2e tour de scrutin. Il a eu 21 voix, sur 22 votans. La veille M. J. Gaillard avait été porté en concurrence avec lui. 48 électeurs s’étaient présentés.

15 idem. – Fabrique de dorures, etc.– M. alloignet, au 2e tour de scrutin. Il y avait 95 électeurs inscrits, 19 se sont présentés au ler tour de scrutin et 12 au 2e M. Alloignet a eu 9 voix.

20 idem. – Fabrique de bonneterie, etc. – M. chantre, réélu. Il y avait 72 électeurs inscrits, 20 votans. Ce prud’homme a obtenu 19 voix,

Fabrique de chapellerie. L’élection n’a pas eu lieu par suite d’une erreur commise dans la qualité du prud’homme à remplacer.

conseil des prud’hommes.

présidence de m. riboud.

Séance du jeudi 23 janvier 1834.

Lyonnet, fabricant, réclame à Savoie, négociant, un défraiement pour montage de métier attendu qu’il n’a [2.2]fait qu’une pièce ; il croit pouvoir affirmer qu’on a mis à bas son métier, parce qu’il a exigé le laçage du dessin. Savoie dit que Lyonnet s’est présenté chez lui pour demander de l’ouvrage, qu’on lui a offert un courant en 8 chemins, et qu’il n’a pas dit que le métier était à monter ; qu’au reste, la pièce étant mal fabriquée, il demande qu’elle soit vérifiée pour être payée moitié façon. Lyonnet déclare que le métier a été monté exprès puisqu’il travaillait en 4 chemins pour M. Léon Favre. La cause ayant déjà paru le 17 du courant, le conseil déclare que le métier occupé par Savoie, n’est pas le même occupé précédemment par M. Léon Favre et déboute Lyonnet de sa demande ; quant au prix de façon, l’étoffe n’étant que trop légère, ce qui aurait pu être corrigé par le commis de ronde, elle sera payée au prix marqué sur le livre.

Coq, négociant, réclame à Poulet, fabricant, un défraiement de 44 journées pour un temps trop long qu’il aurait mis à monter un métier de schals au quart, la pièce lui ayant été donnée le 4 novembre, et le premier schal rendu le 24 décembre seulement. Poulet dit qu’il n’avait pas promis de rendre avant les premier jours du mois de janvier, puisqu’il avait encore de l’ouvrage sur son métier, et qu’il était à remonter lorsqu’il, a reçu la pièce. Le conseil renvoie à huitaine pour prononcer, pendant lequel temps une enquête sera faite. Les membres désignés sont MM. Reverchon et Perret.

Nous voyons dans la demande du sieur Coq une absurdité grande, puisque du novembre au 24 décembre il y a 50 jours, dans ce nombre dimanches, plus le temps de monter, armer le métier et fabriquer le 1er schal. Rien ne peut prouver que le temps n’a pas été employé, surtout dans des jours aussi courts que ceux de décembre.

Généria, ouvrier teinturier, réclame à Verrier, maître teinturier, son livret. Ce dernier le lui refuse, attendu qu’il n’a pas donné sa huitaine. Généria dit que son maître n’ayant pas constamment d’ouvrage, il avait travaillé à sa dernière semaine les trois premiers jours, et qu’il avait été obligé de cesser à défaut d’ouvrage, et s’était placé ailleurs. Verrier dit au contraire que c’est les trois derniers jours qu’il a travaillé et que les trois premiers ont été manqués par sa faute. Le conseil renvoie à huitaine pour prononcer, pendant lequel temps une enquête sera faite ; autorise Généria à travailler pendant ce temps sans livret.

Boulot, liseur, fait appeler la dame Arnaut, qui fait défaut, afin qu’elle ait à finir un dessin qu’elle a commencé à lire chez lui. Le négociant est mis en cause pour attester que la dame Arnaut a réellement promis le lire. Le sieur Guille, aussi liseur, chez qui il paraît que la dame Arnaut est allé travailler, se trouve présent pour elle. Le conseil ne voulant pas l’entendre, renvoie à huitaine pour faire citer la dame Arnaut et adresse quelques mots de reproche au sieur Guille, pour avoir sollicité la sortie de la dame Arnaut de chez Boulot.

Une cause entre Trévoux, fabricant, et Dupont, apprenti, natif de Savoie, pour réglement de tâches, est renvoyée par devant MM. Martinon et Milleron. L’apprenti n’a pas fini son temps, le service militaire l’ayant appelé ; l’apprentissage se trouve résilié, conformément à la loi, et le père paiera l’arriéré des tâches.

M. le président, s’adressant à tous les auditeurs, leur dit que lorsqu’ils auront un apprenti à prendre de ce pays, ils doivent s’assurer d’une caution qui habite la France, sans quoi leurs intérêts se trouveraient lésés. En effet, ayant écrit au consul sarde, et ce dernier à son gouvernement : pour avoir l’autorisation de poursuivre en dommages-intérêts, ses sujets, le gouvernement a refusé ; ce qui ferait que l’industrie lyonnaise passerait à l’étranger à nos dépens.

Nous sommes priés d’insérer la lettre suivante de M. Dazon, mécanicien, en réponse à celle de M. Noyer, contenue dans le-N° 55 de l’Echo de la Fabrique.

Au Gérant.

Lyon, 20 janvier 1834.

Monsieur,

Je vous prie d’insérer dans votre prochain numéro ma réponse à la lettre calomnieuse du sieur noyer, demeurant au faubourg de Bresse.

Ouvrier sans doute misérable par sa faute ou faute de savoir travailler, il a voulu se venger de mon refus de lui donner 60 francs pour le nourrissage de ses enfans, en menaçant de me calomnier par la voie des journaux, ce qu’il a fait dans votre numéro 55, où il se plaint de mes mécaniques, quoiqu’il en connaisse la bonté. Son instigateur se cache plutôt que de lui faire la charité des 60 francs pour payer le nourricier de ses enfans : la vengeance vient de ce que j’ai livré mes prix courans bien inférieurs à ceux établis avant moi.

Avant de distribuer mon prospectus, j’avais vendu une mécanique, le 14 septembre, à M. Dubois ; elle était sans garantie. Le sieur Noyer se plaignit qu’elle ne confectionnait pas, il me demanda 20 f. par sa lettre pour toute indemnité du temps perdu pour la ranger et démontage de son métier ; je les lui ai donnés sur reçu. J’ai de plus livré une autre mécanique, que le sieur noyer trouve bonne, quoique je ne dusse rien au sieur dubois, vendeur de la mécanique ; de là sont venues les menaces et la diffamation.

Pour répondre à mon détracteur, je joins ici les certificats des chefs d’atelier au moins aussi honorables que le sieur noyer.

Agréez, etc.

dazon.

Les soussignés déclarent être parfaitement contens des mécaniques achetées par eux à M. dazon, savoir :

MM. cotter, rue Belle-Cordière, n. 10, 4 mécaniques à la Jacquard. – turin, rue de l’Hôpital, n. 33, une mécanique de 700. – chenevat, rue Madame, n. 18, aux Brotteaux, une mécanique de 700. – fournier, maison Durand, grande allée des Brotteaux, une mécanique de 1,500. – drivon aîné, montée des Carmélites, n. 27, une mécanique de 1,050. – moreaux, maison Brunet, une mécanique de 1,500. – bony , aux Quatre-Colonnes, deux mécaniques de 1,500. – lisbois, rue Rozier, n. 1, une mécanique de 1,500. – sibon, maison Clavel, à la Guillotière, une mécanique de 1,500. – zaffais, quai de Bondy, n. 154, six mécaniques.

Au rédacteur.

Lyon, 23 janvier 1834.

Monsieur,

Je vous remercie d’avoir, de votre propre mouvement, appelé l’attention publique sur mon affaire avec MM. Grillet et Trotton. L’intérêt de la classe ouvrière exige en effet que de semblables affaires ne se terminent pas à huis-clos. Je m’étais adressé, à l’époque où ma cause fut jugée, au gérant de l’Echo de la Fabrique, qui refusa d’insérer ma lettre, je ne sais pourquoi. Je lui en ai adressé une seconde, le 12 de ce mois : ne l’ayant pas vue dans le dernier numéro, quoiqu’il y ait eu place plus que suffisante, puisqu’on a inséré des articles totalement étrangers à la fabrique, je présume qu’on lui réserve le même sort qu’à la première, c’est pourquoi je vous prie de l’accueillir.

Vous obligerez votre dévoué.

CHAPEAU (Antide), Fab., rue Groslet, n° l.

Au rédacteur de l’Echo de la Fabrique.

Lyon, 12 janvier 1834.

Monsieur,

Je vous prie d’insérer ma présente dans votre prochain numéro.

Quoique dévoué aux institutions desquelles nous tenons chacun les devoirs que nous nous devons mutuellement, je dois envers mes concitoyens garder ma promesse et livrer à la publicité les motifs qui m’ont forcé d’avoir des contestations avec la maison Grillet et Trotton et quelle justice en a réglé les différens. Je ne laisserai point ignorer que depuis plusieurs années je travaille pour la maison Ajac, où M. Trotton est entré premier commis, ce qui me donna lieu d’adhérer à travailler pour lui. Comme il allait se mettre à son compte, il me soumit d’abord des conventions qui me parurent assez favorable mais que la suite du temps m’apprit à juger autrement ; tel qu’une fois ces messieurs envoyèrent un commis à la maison pour voir ou emporter ce qu’il y avait de confectionné ; n’ayant point de schal coupé et préparé à rendre, ce commis se livra à des propos les plus abjects, oubliant l’honneur, le devoir qu’on doit dans la société. Je me tus néanmoins, et me contentant de l’accompagner sur réserve. Je me rendis quelques jours après au magasin, ou je m’expliquai avec M. Trotton sur la conduite furibonde de son commis, et le priai instamment de ne pas me le renvoyer. Depuis ce moment, toutes les fois que je rendais ou faisais rendre de l’étoffe, la fabrication était répudiée, jugée inférieure : donc on me marquait [3.2]rabais, raccommodage à volonté. Alors convaincu d’une injustice aussi notable, je fus contraint de faire comparaître M. Trotton au conseil des prud’hommes ! là j’y formai ma demande à pouvoir rompre toute convention, s’il était possible, d’après toutes les disgraces que j’éprouvais, représentant mon livre qui confirmait leur vrai plaisir de tout marquer à mon détriment. Le conseil ne s’occupa que de la forme de nos conventions, envisageant toujours l’exposé de M. Trotton qui affirmait que sur 100 louis de façons faites, je n’avais que trois francs de rabais, tandis que si on eut examiné mon livre et mon compte, à la même date, on aurait trouvé douze francs au lieu de trois francs. Mais bref, je fus altéré, et de la mercuriale que je recevais aussi gratuitement du président, en face d’un public nombreux, et du mensonge qui prenait consistance auprès du conseil : alors on me condamna à payer une indemnité de 800 francs à MM. Grillet et Trotton pour la non exécution de nos conventions. Cependant mes quatre métiers ont continué de travailler jusqu’au huit du présent mois ; me voyant ainsi jugé, il me restait alors de me référer au tribunal de commerce : mes moyens de défense furent présentés par un avoué qui, avant toutes choses, m’assurait un gain de cause infaillible. Eh bien ! devant le tribunal, il s’est borné à divaguer en répétition de mots qui ne se rattachaient nullement à la défense de mes droits. Le tribunal prononça la confirmation du jugement de prud’homme et à payer les frais de la procédure. Ce fut ainsi que, courbant sous le joug d’une prévention dont je n’avais point à rougir, je me suis empressé d’acquitter la dette que la loi m’a imposée, le onze courant ; néanmoins en ma qualité d’ouvrier, j’ai demandé à mon adversaire de me faire une déduction sur la somme prescrite : il m’a proposé qu’à cette condition, je signerais un écrit qui, selon moi, en l’acceptant, me vouait à l’humiliation et me forçait au silence. Repoussant leur épreuve, j’ai offert quatre cents francs, plus les frais payables de suite. Ils ont accepté ma proposition, craignant que je ne veuille ou ne puisse les payer s’ils attendaient davantage. Tel est le récit exact de ma hardiesse à me plaindre de la malignité et de l’injustice des hommes.

Recevez, monsieur le rédacteur, l’assurance de ma parfaite considération,

chapeau-antide.

Au Rédacteur.

Un individu a présenté au Mont-de-Piété les objets suivans : 10 foulards de Lyon ; trois mouchoirs mousseline-laine, imprimés, marqués : (–) SXZ. SSA. S. S. A. M. Y. C. X. Z. C. XZ. ; 4 sautoirs crêpe-lisse zéphir brochés ; 2 fichus grenadines imprimés ; 2 fichus crêpe zéphir imprimés.

Nous l’avons arrêté. MM. les négocians qui pourraient les reconnaître n’ont qu’à se présenter chez moi.

J’ai l’honneur d’être, etc.

Le commissaire de police de la Métropole, ARNAUD, rue St-Jean, n° 23.

Extrait du Courrier du Mans, 6 novembre 1832.

Le maire de la ville de la Flèche, officier de la Légion-d’Honneur,
Ne peut laisser partir M. Williams, oculiste anglais, aussi célèbre par son art que par sa bienveillance, de la ville de la Flèche, où il n’a passé qu’une seule nuit, sans lui exprimer sa vive reconnaissance, en son nom et en ceux des malheureux affligés de maladies d’yeux qu’il s’est empressé de soumettre gratuitement à l’application de son traitement.
Le maire soussigné atteste, pour rendre hommage à la vérité et à la justice, que les moyens employés par M. Williams ont produit un merveilleux effet, en procurant, au bout de quelques pansemens, que les infirmes ont reçus, un soulagement remarquable sur tous, et surtout l’un deux qui de borgne a recouvré entièrement l’usage des deux yeux. C’est avec un bien vif regret que les habitans de la Flèche voient partir M. Williams, après un séjour aussi court dans leur ville : leur regret est atténué par l’espoir qu’il leur laisse, d’y revenir pour plus long-temps, s’il fait de nouveaux voyage dans l’ouest de la France.
Le maire de Flèche, Le baron bertrand-geslin.

Copie d’une lettre insérée dans le journal l’Ami des Lois, à l’insu de M. Williams.

Le Mans, 11 novembre 1832.
Monsieur,
Je m’empresse de vous remercier sincèrement pour vos soins efficaces donnés à ma fille, âgée de 17 ans, qui avait perdu la vue d’un œil depuis l’âge de deux ans, malgré les efforts des médecins et oculistes de Paris et autres les plus célèbres, qui n’ont pu obtenir aucune amélioration ; actuellement elle commence à distinguer tous les objets de ce même œil, quand l’autre est tout-à-fait fermé : cet heureux événement est dû à vos soins, et je crois de mon devoir de vous en exprimer toute ma reconnaissance ; car si cette cure eût eu lieu dans le XIIe siècle, où le peuple était très superstitieux, elle eût été regardée comme un miracle.
Beaucoup d’autres personnes que j’ai trouvées chez vous, connaissant que mon intention est de vous écrire pour ma fille, me prient de vous faire part du changement total opéré sur leur vue depuis que vous avez la bonté de les traiter, et de vous demander en grace de leur continuer l’application de vos précieux remèdes, le plus long-temps que vous pourrez, convaincues dans la suite d’y trouver leur guérison ; notamment la mère d’un enfant âgé de 8 à 9 ans, aveugle de naissance, qui commence à voir assez clair pour distinguer la première fois de sa vie tous les objets. Une autre personne âgée, de plus [4.1]de 66 ans, qui n’a jamais vu que d’un œil, commence à voir des deux yeux. Une autre, âgée de 18 ans, de la ville de Château-du-Loir, presque aveugle depuis plusieurs années, trouve ses yeux beaucoup mieux. Une autre très affligée de la goutte sereine, et dont les yeux n’avaient jamais été enflammés depuis son enfance, m’assure que sa vue est beaucoup améliorée.
Enfin, M. le docteur, tous vos malades me prient instamment de vous exprimer leur vive gratitude pour vos bienfaits, et de croire que leur reconnaissance sera éternelle comme celle de votre, etc.
heutrel, professeur de danse, demeurant Grande-Rue, n° 10, au Mans.

M. Williams se trouvera chez lui tous les jours à l’hôtel des Colonies, rue de la Préfecture, n° 8, à Lyon, entre onze heures du matin et quatre heures du soir, où les malades aisés, éloignés de la ville, pourront lui adresser leurs consultations par écrit, franco : il répondra.

exposition

des produits de l’industrie française de paris.

Les châles dépasseront tout ce qu’on a vu de plus remarquable en ce genre, et leur bas prix ne sera pas moins surprenant que les progrès de leur fabrication.

Les objets de précision sont nombreux ; les articles de modes sont abondans et distingués par leurs prix modérés et par leur exécution. Les membres du jury paraissent toutefois avoir éprouvé un grand embarras à l’aspect de la foule des corsets de luxe, qui afflue à l’exposition. Il y en a de toutes les formes, et il en a paru plusieurs du prix de 4 à 500 fr.

souffrances d’hiver

Le souffle de l’automne a jauni les vallées ;
Leurs feuillages errant dans les sombres allées
Sur le gazon fleuri retombent sans couleurs :
Adieu l’éclat des cieux ! leur bel azur s’altère,
Et le soupir charmant de l’oiseau solitaire
A disparu comme les fleurs.

L’aquilon seul gémit dans les campagnes nues :
Tout se voile ; les cieux, vaste océan de nues,
Ne reflètent sur nous qu’un jour terne et changeant ;
L’orage s’est levé ; l’hiver s’avance et gronde,
L’hiver, saison des jeux pour les riches du monde,
Saison des pleurs pour l’indigent !

Oh ! le vent déchaîné sème en vain les tempêtes,
Heureux du monde ! il passe et respecte vos têtes :
L’ivresse du plaisir embellit vos instans,
Et, malgré les hivers, vous respirez encore
Dans les tardives fleurs que vos soins font éclore
Un dernier souffle du printemps.

Et le bal recommence, et la beauté s’oublie
Aux suaves concerts de la molle Italie,
A ces accords touchans de grace et de langueur ;
Et bercée à ces bruits qu’un doux écho prolonge,
Votre ame à chaque instant traverse comme un songe
Tous les prestiges du bonheur.

Mais la douleur aussi veille autour de sa proie…
Soulevez, soulevez ces longs rideaux de soie,
Qui défendent vos nuits des heures du matin !
Hélas ! à votre seuil que verrez-vous paraître ?…
Quelque femme éplorée, ou bien encor peut-être,
Un vieillard tout pâle de faim.

Oh ! vous ne savez pas ce qu’on souffre à toute heure
Sous ces toits indigens, frêle et triste demeure,
Où l’aquilon pénètre, et que rien ne défend :
Non, vous ne savez pas ce que souffre une mère,
Qui, glacée elle-même au fond de la chaumière,
Ne peut réchauffer son enfant !

Non, vous n’avez pas vu ces fantômes livides,
Sous vos balcons dorés tendrent des mains avides :
Le bruit des instrumens vous dérobe à moitié
Ce cri que j’entendais au pied de vos murailles,
Ce cri du désespoir qui va jusqu’aux entrailles…
Oh ! pitié ! donnez par pitié !

Pitié pour le vieillard dont la tête s’incline !
Pitié pour l’humble enfant ! pitié pour l’orpheline
Qu’un peu d’or ou de pain sauve du déshonneur !
Ils sont là ; leur voix triste essaie une prière :
Dites, resterez-vous aussi froids que la pierre
Où s’agenouille la douleur ?

Je le demande au nom de tout ce qui vous aime,
Je le demande au nom de votre bonheur même,
Par les plus doux penchans et par les plus saints nœuds ;
Et si ces mots sacrés n’ont pu toucher votre ame,
S’il faut un nom plus grand, chrétiens, je le réclame
Au nom du Christ pauvre comme eux.

[4.2]Donnez : ce plaisir pur, ineffable, céleste,
Est le plus beau de tous, le seul dont il nous reste
Un charme consolant que rien ne doit flétrir ;
L’ame trouve en lui seul la paix et l’espérance.
Donnez : il est si doux de rêver en silence
Aux larmes qu’on a pu tarir !

Donnez ; et quand viendra cette heure ou la pensée
Sous le vent de la mort languit triste, oppressée ;
Le frisson de vos cœurs sera moins douloureux ;
Et quand vous paraîtrez devant le juge austère,
Vous direz : J’ai connu la pitié sur la terre,
Je puis la demander aux cieux !

E... T...

Nouvelles générales.

paris. – On a reçu des nouvelles du vaisseau de guerre français, le Superbe. Ce bâtiment a fait naufrage, le 15 décembre, dans le port de Parekia (île de Paros). Neuf marins ont péri.

besançon. – M. Miran, rédacteur en chef du Patriote Franc-Comtois, a été acquitté le 20 janvier par la cour d’assises de cette ville, d’une accusation d’offenses envers la personne du roi.

dôle. – Un banquet patriotique a été offert au général Bachelu, le 18 janvier courant.

Extérieur.

espagne. – M. Zéa, ministre, a été remplacé par M. Martinez la Rosa ; le ministre de la justice, par M. Gazeli ; celui de la marine, par M. Vaquez-Figuerora ; celui des finances, par M. Arnalde par intérim ; les autres ministres sont conservés.

– L’insurrection libérale de la Catalogne prend une grande consistance.

Lyon.

Ce soir, à 8 heures, au foyer du Grand-Théâtre, aura lieu le concert de Mme Feuillet-Dumas, harpiste de la cour belge, que nous avions annoncé, par erreur, pour mercredi dernier. – On y entendra Mme Dérancourt, M. Beaumann, etc.

– Demain aura lieu la clôture de l’exposition du tableau de Boissy-d’Anglas, par M. Court.

– Mardi prochain, M. Reverchon comparaîtra devant le tribunal de police correctionnelle comme prévenu d’avoir publié et imprimé un écrit périodique, paraissant d’une manière périodique, soit par livraisons et irrégulièrement, sans déclaration et sans cautionnement.

– Les assises du 1er trimestre de 1834 s’ouvriront le 3 mars prochain, sous la présidence de M. Badin, assisté de MM. Balleydier et Bréghot du Lut.

cancans.

Un négociant, M. L...., surprit un de ses commis emportant de la soie qu’il s’était procurée en soustrayant une partie des matières qu’il remettait aux chefs d’atelier. Il fit appeler les parens du jeune homme, et exigea dix mille francs pour ne pas livrer le coupable à la police. C’est bien : mais le négociant donna-t-il aux ouvriers ces 10,000 fr. ? Oh non ! il les garda pour lui.

AVIS

Le 15 janvier courant, on a retiré du Rhône, au port dit du Magasin, sur la commune de Loire, le cadavre d’une femme inconnue.

Signalement : Agée d’environ 50 ans, taille de cinq pieds, cheveux grisaillés, front rond et découvert, yeux gris-bleu, nez bien fait, bouche moyenne, menton rond, visage rond.

Elle avait pour vêtemens, une robe de laine noire, une jupe en fleuret rapiécée en divers endroits, un tablier de cotonnade bleue rayée, et une chemise en toile, sans marque. Elle portait des souliers forts.

Les personnes qui pourraient donner des renseignemens sur cette femme, sont priées de les adresser à la préfecture du rhone, division de la police.

ANNONCES.

(N° 14). CODE DES OUVRIERS ou recueil méthodique des lois et réglemens concernant les ouvriers, chefs-d’ateliers, contre-maîtres, compagnons et apprentis, avec notes explicatives par Me Malepeyre, avocat de Paris ;
Publié par la Société nationale pour l’émancipation intellectuelle.
Prix : 20 centimes.
A paris, au bureau central, rue des Moulins, n. 18.
A lyon, au bureau de la succursale, rue de la Préfecture, n. 5, et au bureau du journal.

De la coalition des chefs d’atelier de Lyon, par Jules Favre, avocat. Au bureau de l’Echo des Travailleurs, chez Babeuf, libraire, rue St-Dominique. Brochure in-octavo de 43 pages. Prix : 75 c.

 

 

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