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1 février 1834 - Numéro 27
 

 




 
 
     
CONSULTATIONS GRATUITES
et amicales

[1.1]APRÈS-DEMAIN LUNDI,

Et tous les lundi et jeudi de chaque semaine,

de midi a deux heures,

sur toutes espèces d’affaires,

AU BUREAU DE L’ECHO DES TRAVAILLEURS.

– Incessamment, l’ouverture du Cercle prolétaire au bureau de l’Echo des Travailleurs.

ÉPHÉMÉRIDES LEGISLATIVES.

Chambre des députés. 27 janvier. – Discussion du projet de loi sur la pension à accorder à la veuve Jourdan. M. Mauguin parle éloquemment pour. Il est adopté par 213 voix contre 93. Celui en faveur de la veuve Decaen est adopté par 190 voix contre 86. Ceux en faveur des veuves Daumesnil et Gérard sont rejetés, le 1er par 145 voix contre 120, le second par 170 contre 63.

28 janvier. – M. Vatout développe sa proposition sur les chemins vicinaux ; elle est prise en considération. – M. Desjobert1 développe sa proposition sur les chemins cantonaux et communaux ; elle est aussi prise en considération. – M. Bavoux développe aussi la sienne sur le divorce, laquelle est également prise en considération.

– M. Persil a été nommé rapporteur de la loi sur les crieurs publics.

De la Concurrence.

Les économistes, après avoir long-temps prêché la libre concurrence, se sont ravisés, depuis deux ou trois ans, et beaucoup d’entr’eux mettent aujourd’hui à signaler les inconvéniens, les dangers même de ce système, l’ardeur et le talent qu’ils employaient jadis à le faire prévaloir ; ils ont raison de modifier ce que leur première opinion avait d’exclusif et par conséquent d’exagéré ; ils auraient tort si, par une exagération opposée, ils frappaient d’une absolue condamnation le principe dont ils furent long-temps les promoteurs.

Le principe de la libre concurrence est une conquête acquise au siècle présent, conquête grandement utile, à laquelle l’industrie a dû les progrès immenses accomplis par elle depuis quarante ans ; conquête qui assure et garantit le développement individuel, la liberté personnelle, dont le sentiment et le besoin forment l’un des traits saillans du caractère des peuples modernes.

Le principe de la libre concurrence a pour toujours brisé les moyens d’ordre du passé, moyens d’ordre qui ne maintenaient la paix et la régularité dans les corps que par l’étouffement et la strangulation des volontés et des capacités individuelles. La concurrence seule peut consacrer le principe sur lequel les sociétés modernes tendent à s’asseoir, le principe de la capacité, en tout [1.2]différent et opposé au principe de la naissance, base des sociétés anciennes ; en d’autres termes, et pour parler, le langage politique, c’est le principe de la concurrence qui amène la substitution du principe d’élection au principe de légitimité.

Ce serait en effet méconnaître à la fois et la destinée visible de nos sociétés modernes et la nature du principe de la concurrence, que de s’imaginer que, relégué dans le monde industriel, il doit rester étranger au monde politique : qui ne sait, aujourd’hui, que l’industrie et la politique ont l’une pour l’autre une mutuelle et vive affinité, et que leur fusion pourra seule mettre un terme aux dissensions qui nous travaillent ?

Néanmoins, comme ce principe a une naissance industrielle, et que les courtes applications qu’on a pu en faire ont eu lieu en industrie, ce que nous nous proposons d’en dire aujourd’hui se rapporte plus à la concurrence industrielle qu’à la concurrence politique.

La concurrence est un bien, parce qu’elle met en jeu toutes les individualités ; parce qu’elle éveille, sollicite et pousse toutes les ambitions, et que, sans regarder au front de l’individu si la naissance l’a classé ou non parmi ceux qu’on nomme privilégiés, elle lui ouvre comme à tous la carrière commune, et le laisse, s’il est plus capable, plus habile, plus laborieux, devancer des rivaux qui souvent au début le méprisaient.

Mais comme aujourd’hui le principe est appliqué d’une manière négative, c’est-à-dire, qu’établir la concurrence, consiste à ne régler par aucune prévision, par aucun moyen d’ordre, la lutte pure et simple que l’intérêt individuel établit entre les hommes, la concurrence enfante autant de désastres que de bienfaits. Et à faire le calcul des efforts infructueux, des ruines folles, des entreprises mal conçues, mal conduites, du temps, des travaux, des talens, des capitaux qu’elle gaspille et consomme en pure perte, on comprend tout de suite que si le principe de la concurrence est un principe vrai, utile, qui ne périra point, c’est un principe incomplet, exagéré, qui a besoin d’un contre-poids.

Le contre-poids de la concurrence doit être l’association entre les concurrens et l’égalité de chances au point de départ. Si vous admettez que tous les membres d’une société, tous les Français, par exemple, soient égaux devant la loi, et que tous peuvent, selon leur talent, leur moralité, leur habileté, se créer une fortune, un rang, une considération, il faut ou vous rendre coupable de la plus grossière inconséquence, ou établir pour tous des moyens d’éducation, d’instruction beaucoup plus complets que ceux qui existent. Car entre deux hommes égaux de talent, dont l’un a pu étudier sa profession, et dont l’autre est forcé, par sa position, de ne connaître que la routine superficielle, [2.1]la libre concurrencé est un jeu de mot dérisoirement cruel.

Ce n’est pas tout : l’homme que l’instruction a convenablement développé pour entrer dans la carrière industrielle, a besoin d’un capital, d’un instrument de travail ; celui des deux concurrens qui se trouve en possession de cet instrument par lui-même, a de nouveau sur son rival une écrasante supériorité. Enfin, si nulle autorité compétente ne règle le concours, si l’on admet indifféremment, dans la carrière l’homme riche et le fripon, l’homme incapable et l’homme habile, il en résultera un conflit pareil à celui dont nous sommes témoins.

Je n’ajouterai plus qu’un mot : les concurrens ne sont point associés, et le triomphe de l’un d’eux est ordinairement la ruine des autres : en sorte qu’il n’est presque point de découverte ou d’invention utile à la société qui n’ait coûté à quelqu’un de ses membres la perte de son repos, de son bien-être et de sa fortune.

Pour remédier à tant de maux, notre intention n’est point de proposer une refonte générale de la société, une répartition nouvelle des fortunes, un système politique et moral tout nouveau : ce serait une œuvre peu utile pour le présent, et c’est du présent surtout, du réalisable, du possible que nous voulons nous occuper. Aussi après avoir signalé d’une manière rapide et générale les dangers et les maux de la concurrence, nous tâcherons de montrer comment, sans sortir des cadres de notre société actuelle, il serait possible, sinon de la guérir en entier, au moins d’en diminuer de beaucoup les ravages.

Le principe de la concurrence est un principe impérissable, acquis aux sociétés modernes par les quarante ans de luttes et de combats que la France a soutenus pour affranchir la personnalité des entraves de l’organisation féodale et substituer au moins virtuellement le principe de l’élection ou de la capacité au principe de la légitimité par droit de naissance. Mais, ce principe appliqué d’une manière exclusive et absolue, comme on a tenté de le faire, engendre une foule innombrable de malheurs, désorganise la société, et partout établit une lutte acharnée entre les intérêts individuels qu’il n’a la puissance ni de concilier par l’attrait, ni de comprimer par l’autorité. Ce principe a besoin d’un contre-poids, et ce contre-poids est l’association.

Trois choses rendent principalement la concurrence désastreuse, savoir : 1° l’inégalité dans les chances de concours entre les concurrens ; 2° l’absence de solidarité entr’eux ; 3° le défaut de publicité et de centres pour les opérations industrielles.

Nous avons rappelé plus haut que le principal avantage de la libre concurrence, ce qui en fait un principe impérissable et acquis aux sociétés humaines, c’est l’émancipation de la personnalité ; la faculté donnée à chaque individu de se développer selon toute l’énergie et la vitalité qu’il tient de la nature ; en un mot, l’assurance de la vraie liberté, c’est-à-dire l’exercice entier et complet de chaque existence d’homme, et par conséquent la supériorité du plus capable, du plus laborieux, du plus actif sur le moins capable, le fainéant, le paresseux.

Or, pour que cet avantage incontestable de la libre concurrence fût réel et complet, il faudrait nécessairement que tous les concurrens fussent égaux au point de départ, c’est-à-dire qu’excepté l’inégalité naturelle du talent, la capacité, inégalité qui rend la concurrence fructueuse et utile, chacun, pour se développer soi-même, fût en possession de tous les moyens d’éducation et d’instruction désirables. Tant que l’éducation primaire ne sera pas gratuite et surtout industrielle, cette égalité sera fort loin d’exister : il arrivera souvent que le moins capable, c’est-à-dire, de deux hommes celui que ses talens rendent le moins utile à la société, recevant les bienfaits d’une instruction dont son voisin sera privé, écrasera son compétiteur, et tiendra ainsi dans le monde une place différente de celle que lui aurait assignée dans l’intérêt général une concurrence vraiment libre.

Pour remédier à ce premier inconvénient, l’inégalité entre les concurrens résultant du défaut d’éducation, il est une chose tellement facile que la loi votée dernièrement par la chambre des députés commence à le faire, [2.2]c’est d’étendre le plus possible les bienfaits gratuits de l’instruction primaire. De plus, il faudrait donner à cette instruction une direction industrielle plus prononcée ; en même, temps, supprimer dans les collèges royaux une partie des bourses au moyen desquelles on apprend à des enfans pauvres du latin et du grec dont ils ont peu à faire, pour les établir dans les écoles industrielles : ajoutez qu’il serait bon de créer successivement des écoles d’application pour les divers métiers et branches d’industrie, telles, par exemple, que l’école d’horlogerie de Mâcon.

L’inégalité de chances dans le concours industriel qui résulte de l’inégalité d’instruction, est moins sensible aujourd’hui qu’elle ne le sera dans quelques années, précisément parce que l’industrie n’a presque point d’école, et se trouve livrée à la routine ; mais dans peu de temps ce sera bien différent

Quant à l’inégalité plus profonde, qui provient de l’inégale facilité avec laquelle les concurrens se procurent les capitaux, instrument nécessaire de tout travail, inégalité telle que souvent le moins habile possède par lui-même et sans rien payer des capitaux qui coûtent 10, 12 pour cent d’intérêt, qui sont même quelquefois impossibles à obtenir pour l’homme habile, entreprenant, – il est un moyen bien simple de la faire disparaître, au moins de la diminuer efficacement par la création de banques et de comptoirs d’escomptes.

Dans notre société actuelle où chaque homme s’isole, où la devise générale est Chacun son droit, chacun chez soi, il est assez difficile d’établir entre les concurrens industriels une solidarité qui n’est pas encore dans les mœurs. Néanmoins, on pourrait, en beaucoup de circonstances, instituer une espèce d’association entre les hommes qui poursuivent un même résultat. Ainsi, en matière de travaux publics, pourquoi la compagnie adjudicataire ne serait-elle pas tenue, elle qui a profité des travaux et des dépenses des compagnies évincées, de leur payer une indemnité convenue, ou de leur assigner une certaine part dans les bénéfices de l’entreprise ?

Il serait plus facile encore d’établir la publicité des mouvemens et des opérations de commerce, dont l’absence, en ouvrant la carrière à la spéculation, détourne les capitaux et les talens de la seule industrie utile, l’industrie productive, pour les lancer dans les voies ruineuses et infécondes de l’agiotage. Il y a maintenant plus de deux cents feuilles, la plupart paraissant deux ou trois fois par semaine, disséminées sur le sol de la France : il en coûterait peu d’avances, et ce serait même une spéculation lucrative pour elles que de présenter tous les quinze jours un tableau exact du mouvement du commerce sur les principaux marchés de leurs départemens ; de faire enfin pour notre production intérieure ce que font pour les arrivages maritimes les feuilles de Nantes, du Havre, de Marseille, de Bordeaux ; ce que fait, mais d’une manière trop générale, le Journal du Commerce.

Pour que ce bulletin industriel eût toute son utilité, il devrait coter le prix du travail et les variations du salaire aussi exactement que le prix des denrées. Il serait alors un puissant mobile d’instruction et d’aisance pour la classe ouvrière comme pour la classe négociante, qui seule jusqu’ici a eu ses bulletins commerciaux.

D’autres moyens peuvent encore diminuer le fléau de la concurrence ; mais ceux-ci nous ont paru les principaux : voila pourquoi nous les avons indiqués en première ligne.

Ch. L.

– Nous donnerons dans le prochain numéro le discours prononcé par grignon, ouvrier tailleur, devant la cour d’appel de Paris.

l’echo de la fabrique va changer encore de direction. M. Bernard, ayant donné sa démission, a été remplacé, le 21 de ce mois, par M. Matrod, chef d’atelier ; ce dernier succède aussi à M. Labory, dans la gérance du matériel, mais on a jugé convenable de séparer de nouveau la rédaction en chef de la gérance ; et les actionnaires ont nommé rédacteur en chef un négociant qui paraît, d’après ce qu’on nous a dit, désirer garder l’anonyme.

CONSEIL DES PRUD'HOMMES.

Président, M. Riboud (30 janvier).

[3.1]Guerin Philipon, négociant, se plaint d’une contravention commise à son préjudice par Farge, Cessy et Floret. Le conseil renvoie au lendemain à 1 heure, au greffe, pour vérifier.

La cause entre Generiat, ouvrier teinturier, et Verrier, dont nous avons parlé dans le dernier numéro, est appelée. Le maître est condamné à payer deux journées à 2 f. 80 c. et aux frais.

Manjeant, apprenti, assisté de son père, fait appeler Tremot, luthier ; il se plaint de voies de fait exercées contre lui par son maître lorsqu’il rentre en état d’ivresse, et d’avoir été plusieurs fois renvoyé. Le conseil,  après avoir entendu des témoins, résilie les engagemens, sans indemnité ; mais l’apprenti ne pourra se replacer qu’en cette qualité.

Tabarin, fabricant, se plaint que Neyrot, son apprenti, ne fait pas ses tâches : il veut être payé de l’arrière depuis le 4 décembre. Le conseil, vu l’âge de l’apprenti, le décharge des arrières des tâches jusqu’à ce jour et met l’atelier sous la surveillance de MM. Labory et Dumas.

La demoiselle Nallet demande la résiliation de son engagement avec la demoiselle Chabry, fabricante, attendu, que cette dernière, qui demeurait à Ste-Foy, va habiter la commune de Soucieux. Le conseil renvoie à huitaine pour prononcer, attendu qu’il trouve dans la cause qui lui est soumise, un point de droit important à fixer.

L’Hôpital, fabricant, réclame à Morier et Cc, une indemnité, vu la mauvaise qualité d’un poil de velours en fabrication. Le conseil délègue MM. Martinon et Brisson pour faire les vérifications nécessaires.

Brachet, fabricant, se plaint de la mauvaise manière de Bonnet, négociant, de donner la trame des pièces ; il en résulte, selon lui, des erreurs au préjudice des ouvriers. MM. Joly et Bourdon sont choisis par le conseil pour lui faire un rapport à ce sujet.

La demoiselle Melliat, ouvrière chez Lariviève, relieur de livres, réclame son salaire d’un an, à raison de 20 f. par mois, n’ayant reçu que 40 f. Le maître nie ne rien devoir. Le conseil renvoie à huitaine, pendant lequel temps il fera une enquête sur la moralité des parties.

Lyonnet, fabricant, qui avait été débouté de sa demande en indemnité de montage de métiers contre Savoie, négociant (voy. l’Echo, n. 25), rapporte un certificat de M. Léon Favre, autre négociant, qui constate que le métier a réellement été monté pour M. Savoie, ce que ce dernier avait nié, et demande que le conseil, éclairé par la production de cette pièce, réforme son précédent jugement. M. Savoie fait présenter une lettre annonçant qu’il est indisposé. La cause est renvoyée à huitaine.

Jacob, fabricant, expose le sujet de sa difficulté avec Tocanier frères ; ces derniers refusent de recevoir des mouchoirs au prix de façon convenu, en prétendant qu’ils sont ternes. Le conseil renvoie les parties au greffe, pour le lendemain à 11 heures, afin de vérifier l’état des mouchoirs.

Un industriel est parvenu à faire sur les étoffes de soie des impresions en relief semblables à celles faites sur le drap, manteaux, meubles, etc. ; il veut céder son procédé. S’adresser à M. Alexandre, rue Bourbon-Villeneuve, n° 26, à Paris.

Bibliothèque Populaire i.

(Suite. Voy. N° 20).

L’agriculture est la nourrice du genre humain ; ses principes ont été recueillis, en 1 v., par M. Devaux1, sous le titre de Précis d’Agriculture. Il n’est plus permis à personne de s’occuper par routine d’un art quelconque ; il n’est plus permis non plus d’ignorer les lois naturelles [3.2]des phénomènes célestes et de la végétation. M. A. a décrit les premiers dont l’ensemble forme ce qu’on appelle Météorologie2, en 1 vol. ; et MM. Douy et Brisseau de Mirbel les seconds, sous le titre de Physique végétale3, aussi en 1 vol. M. Douy a encore écrit un traité du Jardinier Maraîcher , 1 vol.

L’histoire naturelle se lie à l’agriculture ; elle doit être l’étude favorite de l’agriculteur. MM. J. Cuvier, et D. Dumezille4 ont donné, en 2 vol., l’Ornithologie ou Histoire naturelle des oiseaux, et, en 2 v. aussi, celle des Mammifères. M. Bory St-Vincent5 a décrit à la manière de Buffon, dans un traité plein de charme et de science, L’instinct et les mœurs des animaux. Il a resserré, en 1 v.,  cette matière aussi intéressante pour le naturaliste que  pour le philosophe.

Que seraient les sciences et les arts sans la santé ; elle est, on avouera, la chose nécessaire par excellence. Conserver la santé, est l’objet de l’hygiène ; la rétablir, est celui de la médecine. M. A. Brière de Boismont6 a publié, en 1 volume chaque, un traité d’Hygiène et un traité de Médecine domestique.

Il est une autre hygiène, une autre médecine que celles qui s’occupent du corps : si la santé du corps est la chose nécessaire par excellence, comme nous l’avons dit, la santé de l’esprit vient immédiatement après. La morale est à l’ame ce que la médecine est au corps. Les auteurs de la Bibliothèque populaire ont eu garde de l’oublier. M. Ad. Lecomte7 a abrégé Dumarsais et Condillac : il a débarrassé l’art de raisonner des formes pédantesques du syllogisme ; écrivant pour le peuple, il s’est mis à la portée de tous. La Logique Populaire de cet auteur contient, en 1 vol., tout ce qu’il est nécessaire de savoir de la dialectique. Ce livre mérite d’être apprécié, c’est un service rendu au peuple ; car un faux raisonnement est quelquefois l’équivalent d’une mauvaise action. Nous avons commencé par la logique, parce que nous la regardons, dans un siècle de vérité, comme le Portique de la morale ! Cette dernière doit s’appuyer sur elle pour être universellement comprise. Elle doit être évidente et logique, autrement elle ne serait pas la morale ; car la morale et la vérité sont une.

En général, rien n’est si ennuyeux qu’un livre de morale ; aussi est-on convenu de dire qu’elle devait s’inspirer plutôt que se prêcher. MM. Ferdinand Denis8 et Senancourt9 l’ont senti ; et tous deux, dans un cadre ingénieux, ont résumé les plus hautes leçons de la sagesse, qu’il soit permis aux hommes de connaître. Tous deux ont mérité une belle récompense : la médaille d’or du prix Monthyon. Le premier a mis en action cette pensée profonde, que les proverbes étaient la sagesse des nations ; et, des rives du Gange au sein des capitales de l’Europe, il a fait voyager un jeune Brahme désireux de s’instruire et chargé de rapporter dans sa patrie la sagesse populaire. M. de Senancourt, connu par de vastes et magnifiques travaux littéraires et scientifiquesii, a écrit un Vocabulaire de simple vérité . Ces deux ouvrages n’ont qu’un volume chacun. Ne nous en étonnons pas : l’Evangile n’a que quelques pagesiii.

La littérature est l’auxiliaire de la morale, suivant la belle pensée de Bacon : Un peu de science nous éloigne de la religion, beaucoup nous y ramène10. Ne pouvant faire entrer dans un cadre nécessairement restreint à raison même de l’universalité des connaissances qui doivent y trouver place, les rédacteurs de cette ENCYCLOPÉDIE se sont bornés à faire des extraits des Poètes français vivans et des Prosateurs français vivans11 : 2 vol. de poésie et 1 v. de prose, extraits de nos meilleurs écrivains contemporains, entretiendront ou feront naître le goût de la lecture. Les Merveilles de la Nature (partie géographique par V. Parisot12), en 1 v., et un traité de Topographie, en 1 v., satisferont cette passion morale qu’on ne saurait trop encourager.

On a appelé mathématiques, c’est-à-dire sciences par excellence, les applications diverses du calcul. Il est [4.1]utile que tous les hommes, dans quelle profession qu’ils se trouvent, aient une connaissance élémentaire des mathématiques, c’est une vérité qui est aujourd’hui universellement reconnue. M. Adhemard13 a publié, en 2 v., un traité d’Arithmétique. M. C. Chelle14, en 2 v., la Théorie des Calculs. M. Ajasson de Grand-Sagne15, en 2 vol., les Elémens de Géométrie, d’après Clairaut et M. J.-C. Cherpin des Notions Elémentaires d’Arpentage16, en 1 v. N’oublions pas un Traité élémentaire de Mécanique, aussi en 1 v. par M. A. Chevalier.

N’oublions pas non plus un Traité Elémentaire de physique d’après Gay-Lussac, en un volume par le même Aug. Chevalier17.

Enfin, nos, mœurs se démocratisant chaque jour, il importait que les citoyens connussent leurs droits et devoirs politiques. M. Savagner père18, ancien magistrat, a écrit, en 2 vol., les Droits et Devoirs municipaux. Nous n’aurons pas besoin de faire l’éloge de cet ouvrage lorsque nous aurons dit qu’il a mérité et obtenu de l’Institut une médaille d’or du prix Monthyon.

Dans une bibliothèque populaire, on ne pouvait oublier ce qui tient à l’instruction élémentaire ; une Méthode de lecture, en 3 vol., a été publiée par M. Herpin19 ; une Grammaire française, par M. Dufey fils20, en 1 vol. ; MM. J. Chemes et Jouy21, de l’Institut, ont fait un véritable cadeau au peuple en mettant à sa portée par un prix minime un Dictionnaire français, en 6 vol., qui peuvent être facilement réunis en un seul de grosseur médiocre.

Voila la nomenclature des divers ouvrages faisant partie de la Bibliothèque Populaire qui ont paru jusqu’à ce jour. Ils forment, on le voit, 78 volumes, qui ont été divisés pour la facilité des souscripteurs en treize livraisons. Nous indiquerons successivement les ouvrages qui composeront chaque nouvelle série, à fur et mesure qu’ils paraîtront.


i. On souscrit chez M. falconnet, rue Tholosan, n. 6,
ou au bureau du journal. Prix : 40 fr. les 120 volumes, francs de port. Le volume séparé : 40 c.
iiOberman, Isabelle, résumé de l’Histoire de la Chine, résumé
des Traditions morales et religieuses de tous les peuples, etc. Il est
de l’école de Fabre-d’OIivet, Balanche, etc.
iii. Une remarque facile à faire, est que sans exception (nous n’en connaissons pas encore), les ouvrages longs sont médiocres, et les titres longs, ambitieux, dénotent un mauvais ouvrage.

LE DESESPOIR DE CASSETTE,
occidentale fantastique
imitée de LA DOULEUR DU PACHA,

Orientale par victor hugo1.

On se disait partout : « Qu’a donc monsieur Cassette ?
Un noir penser fermente en son ame inquiète
Et rend plus sombre encor son front triste et blêmi ?
Qui nous révélera le malheur qui le frappe ?
Aurait-il ébréché le briquet de Jemmapes,
Ou le coupe-choux de Valmy ?

Quel chagrin imprévu l’agite et le tourmente ?
Le trois aurait-il donc baissé de trois francs trente,
Ou le pain serait-il augmenté de deux liards ?
A-t-on mis par hasard trop d’huile en la salade,
Dans le bischop du sucre au lieu de cassonade,
Trop de beurre aux croûtons frits pour les épinards ?

Son aîné, qui reçut tous les dons en partage,
Convoite-t-il déjà le tardif héritage
Du rifflard paternel et du grand coffre-fort ?
A-t-on dans son verger dérobé quelques pêches ?
Ou sa portière a-t-elle accepté des dépêches
Qui ne fussent pas franc de port ?

Le vaisseau qui portait ses fonds en Angleterre
A-t-il dû délaisser, avant de toucher terre,
Aux vagues en courroux sa riche cargaison ?
A-t-on sur ses volets dessiné quelque poire ?
A-t-il vu se glisser, au fond du réfectoire,
Un vieux chat, hôte oisif de sa vieille maison ?

Qu’a donc monsieur Cassette ?… » Ainsi partout l’on glose.
Tous se trompent. Hélas ! de son humeur morose,
Si nul ne peut encor pénétrer le secret ;
Piteux comme un ventru que l’on charivarise,
Si, dans le désespoir qui le mine et le brise,
Il épile son faux toupet,

Ce n’est pas que le temps ou la rouille dévore
Le sabre de Valmy, qui serait neuf encore
S’il n’en avait fait faire un cercle de tonneau ;
Ni que dans son verger il craigne l’escalade ;
Ni qu’on ait prodigué beurre, huile ou cassonade ;
Ni qu’aux bords de la Manche ait sombré son vaisseau.

Sa portière eut toujours trop d’ordre et de prudence
Pour immoler trois sous à sa correspondance ;
Du trois comme du pain on voit les prix florir ;
Trop sale est son volet pour subir une poire,
Et son œil n’aperçoit, au fond du réfectoire,
Ni chat, ni Schonen à nourrir :

[4.2]Son fils ne conçoit pas de coupable espérance ;
De la loi naturelle il attendra la chance :
Hormis une future, il ne convoite rien.
Que lui faut-il, pourvu qu’une main prévoyante
Lui compte chaque mois ses douze francs cinquante,
Pour ses menus plaisirs et pour son entretien ?

Ce n’est, ni la Pologne au cercueil étendue,
Ni la jeune Italie au gibet suspendue,
Ni la Grèce qu’Othon reçoit comme un joujou…
– Mais qu’a-t-il donc enfin ce malheureux Cassette,
Aussi morne qu’Etienne eu un temps de disette ?
– Il vient d’égarer un gros sou.

altaroche.

Nouvelles générales.

paris – La cour de cassation a rejeté le 23 de ce mois le pourvoi de Mes Pinard, Michel et Dupont, contre l’arrêt de la cour de Paris qui les a suspendus, les deux premiers pour six mois et le troisième pour un an.

– La cour d’assises de Paris a condamné Aubry Foucault1, gérant de la Gazette de France à 3 mois de prison et 4,000 fr. d’amende. – La cour royale de Paris saisie des appels respectifs du ministère public et des prévenus dans l’affaire de la coalition des ouvriers tailleurs, de Paris, a confirmé le jugement de 1re instance, en réduisant la peine d’emprisonnement pour Grignon à 3 ans, Troncin et Maurin à 2 ans, Cussac à 1 an ; et elle a condamné Delorme à 3 mois, Fournier à 2 mois, Vanaker à un mois. Ces trois derniers avaient été acquittés par les premiers juges.

– M. Persil s’est désisté de l’assignation donnée à Armand carrel, dont nous avons parlé dans le dernier numéro, et assigné M. Conseil pour le 14 février prochain. Ainsi ce jour-là deux gérans du National de 1834 paraîtront pour répondre d’une interdiction prononcée contre le gérant de l’ancien National.

– M. bowring est arrivé samedi 25 à Paris.

– M. dulong, député républicain, gendre de M. Dupont de l’Eure, a été tué en duel le 29 janvier, par le général Bugeaud.

moulins (Allier.) – La patrie vient de faire une grande perte. Achille roche, rédacteur en chef du Patriote de l’Allier est mort le 26 de ce mois, atteint d’une violente péritonite. Des discours ont été prononcés sur sa tombe par MM. Adolphe Michel, rédacteur du Mémorial de l’Allier, Trélat, rédacteur-gérant du Patriote du Puy-de-Dôme. Une foule immense a suivi le convoi de ce citoyen, orné d’un drapeau tricolore surmonté d’un crêpe.

Achille Roche s’est fait connaître et a payé sa dette de haine à la restauration comme éditeur des mémoires du conventionnel levasseur, de la Sarthe. Il a ensuite rédigé le Globe avec Sainte-Beuve et Leroux ; le nouveau Journal de Paris tant qu’il fut républicain, et le Mouvement, jusqu’à son incorporation à la Tribune. Il a publié en dernier lieu le Manuel du Prolétaire, 1 vol. in-18.

chalons-sur-saône. – Une ordonnance de M. Petiot-Groffier2, maire, en date du 23 janvier, abolit, à partir du 1er février, les taxes du pain et de la viande.

mally (Ain.) – Cette commune est en ce moment ravagée par le typhus.

Extérieur.

nassau (Duché de) Une convention entre la France et ce duché, en date du 19 septembre 1833, porte que pendant cinq années les vins et étoffes de soie de France, seront exempts de tous nouveaux droits en sus de ceux établis aujourd’hui. Par réciprocité, l’entrée en France des eaux minérales est réduite, le vase compris, à 1 fr. les 100 kilog.

Lyon.

M. Reverchon, éditeur des feuilles populaires : Le Précurseur du Peuple ; La Voix du Peuple, etc., a été condamné mercredi dernier, par le tribunal de police correctionnelle, à un mois de prison et 200 f. d’amende. Il a été défendu avec beaucoup de talent par Me Périer, M. Perret, imprimeur, a été acquitté ; M. Petetin a présenté lui-même quelques observations en faveur des prévenus.

– M. teuiller, dont les patriotes lyonnais regrettent la mort prématurée, a légué 1,300 fr. à la société d’instruction élémentaire. –La clôture de l’exposition publique et gratuite du tableau de Boissy-d’Anglas à la Convention, est renvoyée à mardi 4 février prochain. On peut le voir, en attendant, tous les jours, de 10 heures à 4 heures, à l’Hôtel-de-Ville.

cancans.

M. le préfet ordonne de faire, dans le mois, l’échenillage dans le département. Allons, tant mieux ! A la besogne, citoyens. Il ne manque pas de chenilles à Lyon ; travaillez, détruisez toutes les chenilles.

Quand on refuse un bouillon, il faut être bien malade, n’est-ce pas MM. de l’Echo de la Fabrique ?

COSTUMES DE BAL.

M. ballefin esprit, rue St-Côme, n° 4, à l’entresol, tient un assortiment de costumes pour bals, neufs, dans tous les genres.

Notes (ÉPHÉMÉRIDES LEGISLATIVES. Chambre des...)
1 Amédée Desjobert (1796-1853), alors député de la Seine-Inférieure.

Notes (Bibliothèque Populaire .)
1 Auguste-Nicaise Desvaux (1784-1856) dont le Précis d’un cours d’agriculture générale, ou Institutions agricoles appropriées à toutes les intelligences, fut publié dans la Bibliothèque Populaire en 1832.
2 Probablement ici J.-B. François-Etienne Ajasson de Grandsagne (1802-1845), Traité de météorologie ou explication des phénomènes de l'atmosphère, la pluie, les vents, la foudre, publié dans la Bibliothèque populaire en 1832.
3 J. Douy publie en 1832, après révision par Charles François Brisseau de Mirbel (botaniste et homme politique français, 1776 - 1854), Physique végétale, ou Traité élémentaire de botanique, d'après MM. Brisseau de Mirbel, Achille Richard et Lamarck. Il publie également en 1833 : Le Jardinier-maraîcher, ou Traité des plantes potagères cultivées en France, d'après MM. Pirolle,... et Poiteau,...
4 C. Demézil publie en 1832 : Ornithologie, ou Histoire naturelle des oiseaux, d'après le « Règne animal » de M. le Bon Georges Cuvier.
5 Jean-Baptiste-Geneviève-Marcellin Bory de Saint-Vincent (1778-1846) naturaliste et géographe. Il publie plusieurs ouvrages dont Instinct et moeurs des animaux en 1833.
6 Alexandre Brierre de Boismont (1798-1881), médecin et aliéniste réputé. On lui doit de nombreux ouvrages sur l’aliénation et le suicide ainsi qu’un Traité d'hygiène, ou Précautions à prendre pour l'entretien de la santé et Médecine domestique, comprenant les premiers secours à administrer dans les maladies et accidents qui menacent promptement la vie, tous deux publiés en 1833.
7 Alfred Lecomte, dont la Logique populaire, publié une première fois en 1832, renouvelait les travaux classiques de César Chesneau du Marsais (1676-1756) et de Etienne Bonnot de Condillac (1715-1780).
8 Ferdinand Jean Denis (1798-1890) publie en 1832 à la Bibliothèque populaire Le Brahme voyageur, ou la Sagesse populaire de toutes les nations.
9 L’écrivain Etienne Pivert de Sénancour (1770-1846) est salué par les romantiques lors de la parution d’Oberman en 1804. Il publie un grand nombre d’ouvrages dont un Résumé de l’histoire de la Chine en 1824, un Résumé de l’histoire des traditions morales et religieuses en1825 et en 1833, Isabelle ainsi qu’un Petit vocabulaire de simple vérité.
10 Citation prêtée à Francis Bacon, philosophe et homme d’Etat anglais (1561-1626).
11 Il s’agit du Petit dictionnaire des poètes français vivans, avec l'indication de leurs ouvrages, de l'année dans laquelle ces ouvrages ont paru et des libraires chez lesquels ils se vendent de Jacques Lablée paru en 1814, et de l’ouvrage Prosateurs français vivans. Fragmens extraits des ouvrages de MM. Ampère, Ballanche, Balzac…, paru en 1833.
12 Valentin Parisot (1805- ?) qui avait notamment publié dans la Bibliothèque populaire une Géographie de l’Europe (1833) et peu auparavant, avec Edme-François Jomard une Géographie de la France.
13 Joseph Adhémar (1797-1862) publie en 1834 la deuxième édition de son Traité complet d’arithmétique.
14 Charles Chelle publie en 1833 une Théorie des calculs, ouvrage extrait de celui de Condillac, intitulé: Langue des calculs.
15 François-Étienne Ajasson de Gransagne (1802-1845) publie Élémens de géométrie d'après les élémens de Clairaut, suivis de l'usage de quelques instrumens de mathématiques... en 1833.
16 Jean-Charles Herpin publie en 1833 les Notions élémentaires d'arpentage, à l'usage des propriétaires ruraux, des instituteurs de campagne, et des élèves primaires. Il s’inspire des travaux d’Alexis Claude de Clairault (1713-1765), mathématicien français.
17 Auguste Chevalier (1809-1868) publie en 1833 un Traité élémentaire de physique, d'après M. Gay-Lussac.
18 Savagner père écrit en 1833 les Droits et devoirs municipaux des Français. L’ouvrage est réédité en 1834.
19 Jean-Charles Herpin, Abrégé de la méthode naturelle de lecture, 1833.
20 Dufey (fils) publie en 1833, réédités en 1834, ses Élémens de grammaire française.
21 Sans doute ici Jules-François Chenu, Dictionnaire français, rédigé d’après l’orthographe de l’Académie, publié à la Bibliothèque populaire en 1833 sous les auspices d’Etienne de Jouy (1764-1846).

Notes (LE DESESPOIR DE CASSETTE,)
1 La Douleur du pacha est le 7e poème du recueil Les Orientales publié par Victor Hugo en 1829.

Notes (Nouvelles générales. paris – La cour de...)
1 Louis Aubry Foucault qui fut gérant de la Gazette de France pendant quarante ans.
2 Fortuné Joseph Petiot-Groffier (1788–1855), photographe, industriel et homme politique français. Il fut maire de Chalon-sur-Saône de 1832 à 1835.

 

 

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