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8 février 1834 - Numéro 29
 

 




 
 
     

EPHEMERIDES LEGISLATIVES.

[1.1]Chambre des Députés. – février. M. Persil fait le rapport du projet de loi sur les crieurs publics, et conclut à son adoption avec des amendemens qui le rendent encore plus sévère. La discussion est renvoyée à mercredi, malgré la demande de MM. Corcelles et Garnier Pagès. – Le ministre de la guerre présente un projet de loi par lequel un crédit extraordinaire de 27 millions 111,000 f, lui serait ouvert sur l’exercice de 1834. – Le ministre de la marine en présente un semblable de 2 millions 100,000 f. Ils sont tous deux renvoyés à une même commission. – Le ministre du commerce apporte le projet de loi sur les douanes. – Le ministre des finances en présente un sur les patentes. – M. Pataille fait le rapport de la commission à laquelle a été renvoyée la proposition d’autorisation de poursuivre M. Cabet, demandée par le procureur-général de la cour. Ce rapport conclut à l’autorisation ; la discussion est renvoyée au mercredi suivant. – On discute le projet de loi relatif à l’augmentation de l’effectif de la gendarmerie, dans l’Ouest. Plusieurs députés sont entendus.

M. PRUNELLE

ET L’ECHO DES TRAVAILLEURS.

Nous avons enfin obtenu la permission de faire poser des affiches pour annoncer la création de l’echo des travailleurs. Raconter toutes les difficultés que nous avons éprouvées, énumérer nos courses pour arriver à ce résultat, serait aussi ennuyeux pour les lecteurs qu’il a été fastidieux pour nous de nous y soumettre. Mais nous ne pouvons passer complètement sous silence les obstacles que nous avons eu à surmonter ; car l’intérêt général de la presse, et même celui du commerce, se confondent dans cette circonstance avec le nôtre. Il s’agit de savoir, et nous portons cette question au tribunal de l’opinion publique, il s’agit de savoir s’il dépend d’un maire de s’opposer à la publicité d’une entreprise commerciale, et cela pour son bon plaisir, sans être tenu de donner aucune raison et sans qu’il reste aux citoyens aucun recours contre une décision arbitraire.

Nous devons dire, parce qu’il faut rendre justice à chacun, que nous n’avons triomphé de l’obstination de M. Prunelle que par l’intervention, éclairée et soutenue de M. le préfet. Que serait-il arrivé si ce fonctionnaire avait épousé les idées étroites et illégales de M. le maire ?

Nos placards sont, chacun peut en juger, on ne peut plus inoffensifs. Impossible à l’autorité la plus méticuleuse de les blâmer dans leur rédaction ; c’est donc bien à l’entreprise même que M. Prunelle voulait s’opposer. Nous allons raconter les faits en peu de mots : Ayant soumis, au mois de novembre dernier, à M. Prunelle, un exemplaire de ces placards pour qu’il y mit son permis d’afficher, nous fûmes étrangement surpris lorsqu’il nous fut rendu avec ces mots écrits de la main même de cet administrateur : Refusé, en conformité de l’art. 1er de la loi du 10 décembre 1830. Nous recourûmes [1.2]à cette loi et nous vîmes qu’elle ne contenait d’autre prohibition que d’afficher des écrits, des nouvelles politiques, des proclamations, ce qui est en effet naturel ; mais pouvait-on, sans sortir des limites du sens commun, assimiler l’annonce d’un ouvrage politique, d’un journal quelconque, à des écrits, des nouvelle politiques ? Telle était la question. Notre gérant et notre rédacteur en chef se rendirent à la mairie ; ils trouvèrent M. Prunelle inflexible. Pourvoyez-vous auprès de M. le préfet, qu’il casse mon arrêté. Ce fut sa seule réponse.

Une pétition fut présentée à M. le préfet. Ce magistrat s’empressa d’écrire à M. le maire, mais ce dernier persista dans sa volonté qu’un raisonnement quelconque était cependant loin d’étayer. Lassés d’attendre en vain, nous demandâmes à M. le préfet qu’il lui plût de casser l’arrêté du maire. Etrange anomalie ! des citoyens obligés de demander au représentant du pouvoir exécutif, protection contre le représentant du pouvoir municipal. Ici nous fûmes arrêtés par un incident auquel on est loin de s’attendre. En vertu de quelle loi, nous répondit M. Gasparin, le droit d’afficher est-il soumis au visa de MM. les maires ? Je n’en connais pas : comment youlez-vous que je casse l’arrêté que vous me dénoncez ? Des recherches faites par plusieurs jurisconsultes n’amenèrent aucun résultat. Le conseil nous fut même donné de sommer, par huissier, M. le maire de donner son visa, et, en cas de refus, d’afficher et d’attendre le procès qui nous serait fait. Ce conseil, nous allions le suivre ; mais, voulant épuiser auparavant toutes les voies pacifiques, nous nous adressâmes à M. le préfet, en lui demandant non plus de casser l’arrêté du maire, puisqu’il y répugnait, mais de nous autoriser lui-même à faire afficher dans toute l’étendue du département. Voici sa réponse :

Lyon, le 25 janvier 1834.
Monsieur,
Dans la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire hier, vous me demandez l’autorisation de faire placarder, dans l’étendue du département, une affiche par laquelle vous annoncez la publication de l’Echo des Travailleurs.
Cette affiche, dont un exemplaire était joint à votre lettre, ne me paraît rien contenir qui soit de nature à empêcher que vous ne la fassiez placarder. Mais il n’existe, à ma connaissance, aucune disposition législative de laquelle on puisse tirer l’induction que je sois en droit de vous accorder ou de vous refuser l’autorisation que vous réclamez.
Recevez, monsieur, l’assurance de ma parfaite considération.
Le conseiller d’état, préfet du Rhône, GASPARIN.

Dans l’entrevue que nous eûmes alors avec M. Gasparin, il nous engagea à tenter une dernière démarche pour vaincre l’obstination de M. Prunelle. Nous suivîmes cet avis, et, en remettant un second exemplaire de notre affiche avec la lettre ci-dessus de M. le préfet, [2.1]nous prévînmes M. le secrétaire de la mairie de nos dispositions à passer outre en cas de refus et à appeler enfin sur cette affaire l’investigation de toute la presse, intéressée comme nous au triomphe de la légalité et du bon sens. Nous ne savons si c’est à ces menaces dont M. Prunelle a pu sentir la portée, ou si c’est à un retour de justice dû à sa conscience d’homme privé, que nous avons obtenu cette permission que l’arbitraire seul pouvait refuser.

Nous devions ce narré qui précède, soit pour expliquer le retard de la pose de nos affiches, soit pour prévenir, par la publicité, le renouvellement de semblables vexations. Nous avons fait notre devoir.

SUR LA LIBRE DEFENSE

Devant le Conseil des Prud’hommes.

réponse à m. le préfet du département du rhône .

L’Echo de la Fabrique, en rendant compte, dans son N° 55, de l’entrevue de MM. Charnier et Ray avec M. le préfet du Rhône, rapporta certaines paroles que nous avions présentées différemment, c’est-à-dire d’une manière dubitative et telles qu’il nous semblait convenable qu’un fonctionnaire avait pu s’exprimer. Nous nous proposions de rectifier notre récit d’après celui de notre confrère ; mais ce dernier ayant reçu, le 20 janvier dernier, une lettre par laquelle M. le préfet relevait et taxait d’inexactitude les différences existantes entre son récit et le nôtre, nous dûmes attendre la réponse de l’Echo de la Fabrique. Ce journal, par son silence prolongé, paraît avoir accepté le désaveu de M. le préfet. Nous maintenons donc notre narré comme le seul véritable ; mais ce n’est pas pour constater notre plus ou moins grande exactitude que nous prenons la plume : un soin plus sérieux nous occupe, et aurait dû, ce nous semble, éveiller la sollicitude de l’Echo de la Fabrique. Ce soin est celui de répondre à une doctrine erronée de M. le préfet, et qu’il convient de combattre à sa naissance. La lettre de ce magistrat ne nous ayant pas été adressée, c’était naturellement à l’Echo de la Fabrique à répondre ; mais puisque ce journal a des choses plus importantes à faire que de défendre les ouvriers, nous supplérons à son silence ; car il faut bien que la fabrique ait un organe ; elle est assurée de toujours la trouver en nous, et nous avons prouvé qu’aucun autre soin ne pouvait nous distraire de ce devoir.

M. le préfet, en terminant sa lettre, s’exprime ainsi : Quant aux autres questions traitées incidemment, je n’ai pris aucun engagement… Celle du droit d’appeler un défenseur tient à l’interprétation de la loi spéciale sur les prud’hommes et à la police intérieure de ces conseils dont le législateur n’aurait à s’occuper, qu’en cas de désaccord dans la jurisprudence des tribunaux ; c’est sous ces rapports que je ne crois pas devoir en saisir le ministère.

Nous répondrons en peu de mots : La sagacité ordinaire de M. le préfet l’a abandonné en cette occasion. Essayons de le prouver.

M. Royer-Collard1 a dit un jour, aux applaudissemens de toute la France : « Il n’y a pas de droit contre le droit. » Nous nous emparons de cet axiome pour l’appliquer à la question qui nous occupe. Le droit d’appeler un défenseur est-il ou non de droit commun ? L’affirmative n’est pas douteuse. C’est un droit qui ne souffre aucune exception. Il est certain cas où il faut comparaître en personne ; par exemple, devant une cour d’assises, un tribunal de police correctionnelle, un conseil de guerre, et il n’y a point de cas où la loi défende de se faire assister d’un défenseur. Le droit de la défense n’est donc pas dépendant du bon plaisir des tribunaux ; il est le droit lui-même ; rien ne peut prévaloir contre lui. Il n’est donc pas exact de dire que le droit d’appeler un défenseur dépend de l’interprétation de la loi spéciale sur les prud’hommes. Cette loi exige, et c’est avec raison (car on devrait, selon nous, étendre cette sage obligation à tous les autres tribunaux), exige la présence des parties, mais elle n’exige pas qu’elles ne puissent être assistées d’un défenseur. Et pourquoi ? Parce qu’elle ne le peut pas, parce que le droit de libre défense lui est supérieur, parce que le conseil des prud’hommes ne peut pas avoir une règle qui soit contraire [2.2]au droit commun. Disons-le hardiment : le conseil des prud’hommes a le même droit d’empêcher un ouvrier de se faire assister à sa barre par un défenseur, que Charles X avait de promulguer les ordonnances de juillet, et voila tout. Si cela n’est pas, nous calomnions le conseil. Eh ! bien, que le conseil nous fasse un procès ! La question est bien nettement posée entre nous ; nous le défions de trouver un tribunal qui décide que nous avons tort de réclamer le droit de libre défense.

Il ne s’agit donc pas non plus, d’après ce que nous venons de dire, que le droit de libre défense tienne à la police intérieure du conseil. Le conseil est libre de fixer les heures de ses audiences et beaucoup d’autres choses qui tiennent à ce qu’on appelle l’ordre, la police ; mais il n’est pas libre encore une fois, parce qu’il n’en a pas le droit, de proscrire le droit de libre défense. Le conseil des prud’hommes est un véritable tribunal : il rend des jugemens, mais à la différence des autres tribunaux, il ne veut pas qu’ils soient précédés d’une discussion éclairée. Ah ! voyez, monsieur le préfet, où mènerait votre raisonnement, s’il plaisait au conseil de proscrire le papier timbré et de ne faire rédiger ses jugemens que sur papier libre. Que lui diriez-vous ? Permettez-nous d’emprunter la réponse que vous feriez à cette étrange prétention, car les cas sont identiques, à la seule différence que l’emploi du papier timbré n’est qu’une mesure fiscale, et que le droit de la libre défense est un droit sacré. On peut le proscrire, tout est possible à l’arbitraire ; mais l’empêcher d’être, non.

M. le préfet n’a donc pas besoin, pour soumettre cette question aux ministres, d’attendre qu’il y ait désaccord à ce sujet dans la jurisprudence des tribunaux. Il n’a qu’à consulter la loi et voir si le conseil des prud’hommes s’y conforme ou s’il la viole scandaleusement. Notre cause est tellement bonne, que si nous récusons monsieur le préfet, nous sommes prêts a accepter pour juge monsieur Gasparin.

Il appartenait à ceux qui ont les premiers soulevé cette question de s’en constituer les champions, et c’est sans doute pourquoi l’Echo de la Fabrique actuel l’a délaissée. Nous y reviendrons parce que cette question, est fondamentale ; elle est même urgente. Chaque audience du conseil le prouve.

Au Gérant.

Lyon, 20 janvier 1834.

Monsieur,

Veuillez avoir la bonté d’insérer notre réponse au sieur Chapeau, dans votre prochain numéro.

Nous rétablissons exactement des faits qui ont été totalement dénaturés.

Il est entièrement faux que toutes les fois que le sieur Chapeau rendait ou faisait rendre de l’étoffe, la fabrication en ait été répudiée ou jugée inférieure, et lorsque le cas s’est présenté, jamais il n’a été marqué rabais ni raccommodages sans lui montrer les défauts qui existaient à son étoffe. Cependant nous n’avons pas comparu devant le conseil des prud’hommes pour ces prétendues difficultés.

La susceptibilité de M. Chapeau étant extrême, il doit se rappeler que ne pouvant s’accorder avec aucun des commis, nous-mêmes recevions son ouvrage ; et s’il est de bonne foi, il conviendra que très souvent nous lui laissâmes l’entière liberté de fixer lui-même les rabais selon sa conscience. Ils sont, dit-il, à son détriment ; ce n’est pas parce qu’ils ne furent jamais fixés proportionnellement à la perte que nous avons supportée dans la vente de ces schalls qui, en sus de la très mauvaise fabrication, avaient été mouillés, de manière qu’après avoir été apprêtés, une partie des couleurs était entièrement passée, et que sur un de ses schalls nous perdîmes quarante francs. Eh bien ! que M. Chapeau dise quel est le rabais que nous lui avons fait supporter : aucun, et cependant il convint alors de la justesse des réclamations que nous étions en droit de faire. Oui, nous l’affirmons de nouveau : sur deux mille et cinq cents francs de façons faites il n’avait que trois francs cinquante de rabais.

Sur la demande d’une gratification (propre expression de M. Chapeau), nous lui accordâmes 400 fr. de réduction, et l’autre partie de la somme a été donnée à des ouvriers qui montèrent des métiers en remplacement des siens.

Nous n’avons non plus manifesté aucune crainte de ne point être payés, et on peut juger, par l’offre que nous lui fîmes en présence de témoins, de ne nous rembourser cette somme que sur le huitième de ses façons. Voila probablement où M. Chapeau a trouvé que nous voulions l’humilier, et ce qui l’a engagé à avoir recours à la publicité. Nous l’en remercions bien sincèrement, puisque le public prononcera entre lui et nous.

Nous croyons, M. le rédacteur, que les explications que nous venons de fournir sont suffisantes et qu’elles engageront M. Chapeau à [3.1]ne pas diriger davantage ses calomnies contre nous qui désormais garderons le silence le plus absolu.

Recevez, M. le rédacteur, nos salutations,

GRILLET et TROTON.

Nous renvoyons au prochain numéro la réponse de M. Chapeau.

aux débiteurs de la caisse de prêts.

MM. les chefs d’atelier de la fabrique d’étoffes de soie, emprunteurs à la caisse de prêts, sont invités, à dater de ce jour (chaque fois qu’ils toucheront leur façon au magasin, et qu’une retenue de 10 fr. et même au-dessous leur aura été faite par le fabricant, en faveur de la caisse), d’aller de suite verser à ladite caisse, de l’argent de leur façon, le montant de la somme qu’on leur aura retenu ; il leur sera délivré un bon avec lequel ils pourront de suite retirer cette même retenue qu’ils pourront alors garder par devers eux. De cette manière ils seront sûrs de la prompte rentrée de leurs économies et diminueront encore de 1 à 1 1|4 p. 0/0 l’intérêt qu’ils y paient.

Agréez, etc.

L’Agent comptable, valançon.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Président, M. Riboud (6 février).

Cocq, négociant, réclame à Poulet, fabricant, une indemnité : 1° attendu qu’il a mis trop de temps pour monter son métier (châle au quart) ; 2° pour avoir mis 14 jours à fabriquer le second châle, lequel devait l’être en 4 jours. Le conseil, considérant que Cocq n’a pas mis en demeure Poulet lors du montage du métier, le déboute de sa demande en indemnité, sur la première question, et sur la seconde, attendu que Poulet a mis dix jours de plus qu’il ne devait pour fabriquer son second châle, la journée étant réglée à 10,000 passées, le condamne à payer à Cocq 50 fr. d’indemnitéi.

Lorsqu’un chef d’atelier quitte la commune qu’il habite pour aller demeurer dans une autre, peut-il emmener ses apprentis ? Non.

Ainsi jugé entre la demoiselle Chambry, fabricante, et demoiselle Nalet, apprentie.

Lyonnet, fabricant, réclame à Savoie, négociant, un défraiement pour un montage de métier : la cause avait déjà été jugée, le 23 janvier dernier, contre Lyonnet. Ce dernier demande la révision de ce jugement comme étant fondée sur une erreur de fait matérielle, ce qu’il établit par la production d’un certificat de M. Léon Favre, négociant, et par une nouvelle enquête faite en sa faveur.

Le conseil confirme son précédent jugement sans vouloir écouter ses moyens de défense, et en lui disant d’aller au tribunal de commerceii.

Buisson, Tabard, négocians, successeurs de Bourgeois et Ce, réclament à Montagny, fabricant, un solde de 72 fr. 70 c. en argent et 1 030 grammes de soie gros noir. – Montagny dit ne rien devoir, qu’il a réglé ses comptes il y a près d’un an avec M. Bourgeois, et qu’il n’a pas cru utile de conserver son livre.

Attendu que Montagny ne peut reproduire son livre, [3.2]qu’il dit avoir déchiré, attendu que celui des sieurs Buisson et Tabard a été vérifié en présence des parties, par des membres du conseil, le conseil condamne Montagny à payer à Buisson et Tabard la somme de 72 fr. 70 c. pour solde d’argent, et celle de 41 fr. 20 c.iii pour solde de soie à raison de 4 c. le gramme.

Guicher, Servoz, négocians, demandent que Goutel, fabricant, finisse une pièce qu’ils lui ont confiée depuis long-temps, et dont l’aunage est de 60 aunes : il y aurait environ 10 aunes de fait. Ils prétendent qu’il peut se faire 3 aunes par jour, et demandent qu’on la leur rende à raison d’une aune 3/4. Goutel dit qu’il ne peut promettre de faire cette aunage chaque jour, parce qu’il est obligé de faire lui-même les cannettes de ses métiers et autres ouvrages domestiques ; que depuis qu’il a la pièce, on n’a pas voulu lui marquer le prix qui se paye dans les autres fabriques, ce qui lui a empêché d’avoir un ouvrier.

Le conseil décide que la pièce sera faite à raison de deux aunes par jour, et le prix sera réglé à la fin de la pièce par le conseil.iv


i. Nous ne savons pourquoi une indemnité a été accordée à Coq, car il est impossible qu’un second schall se fasse aussi habilement qu’un 4e ou 5e. Du reste il faut quatre jours à un ouvrier pour le faire ; mais tous les ouvriers n’ont pas la même habileté. Dans le nombre de 14 jours employés par Poulet, il y a eu 2 dimanches, ce qui réduit à 8 au lieu de dix les journées excédant celles nécessaires. Il y a donc préjudice de 10 f. à Poulet, en admettant même comme fondée la décision du conseil. Nous croyons que le conseil aurait jugé différemment s’il eût été libre à Poulet de se faire assister d’un défenseur, car il s’est à peine défendu.
ii. Nous ferons observer que la loi veut que les enquêtes soient faites en présence des parties où dûment appelées ; on en sent la raison. Dès-lors l’enquête à laquelle MM. Bender et Dumas ont procédé en l’absence de Lyonnet, est complètement nulle, et le tribunal ne pouvait baser sur elle un jugement ; il devait donc se conformer à l’art. 541 du code de procédure civile, qui permet aux parties de former demande devant les mêmes juges lorsqu’il y a eu erreur… Renvoyer Lyonnet devant le tribunal de commerce lorsque sa demande n’excède pas 36 fr., c’est une dérision que des hommes graves ne devraient pas se permettre.
iii. Le conseil veut que les fabricans gardent leurs livres cinq années après qu’ils sont réglés. D’après quelle loi une personne qui n’est pas commerçante peut-elle être obligée de garder ses livres ? – Vraiment le conseil a une drôle manière de juger.
iv. Nous croyons que le conseil aurait pu décider le prix de la façon, ce qui aurait permis à Goutel de trouver un ouvrier, ces derniers ne commençant jamais à travailler sans connaître le prix de la façon qui doit leur être payée. Il y a mieux : le négociant demandait une aune 3|4, et le conseil alloue 2 aunes : c’est un peu fort. Où a-t-il pris qu’un tribunal pouvait accorder plus qu’il n’était demandé ?

Jurisprudence.

Notices utiles à tous les citoyens.

(suite, v. n° 24.)

17. – Le tribunal civil de Paris a décidé, le 2 janvier dernier, que l’écrivain qui avait rédigé divers articles pour un journal, et en avait reçu le paiement, avait cependant le droit de les publier sous forme d’ouvrage séparé, sans le consentement du propriétaire du journal.

18. – Idem. A condamné un maître de poste, dont la diligence avait estropié un jeune homme, à lui servir une pension annuelle de 150 f. jusqu’à sa majorité, et à lui donner à cette époque une somme de mille francs.

19. – Le tribunal de commerce de Paris a décidé, le 21 janvier, que les engagemens souscrits par un mineur non émancipé, quoique faisant le commerce au vu et su de son père, mais sans autorisation enregistrée, sont nuls.
(Brontot C. Dlle. Louise Bourret.)

20. – idem. A décidé, le 25 janvier, que les engagemens souscrits par un prodigue pendant l’intervalle écoulé entre le décès du conseil judiciaire dont il était pourvu, et la nomination d’un nouveau, étaient valables.

21. – idem. (2e chambre) A décidé, le 15 janvier, qu’un huissier était responsable, à l’égard de tous les endosseurs, de la validité du protêt.
(Grenat contre Cabure.)

22. – la cour de Paris (3e chambre ) a jugé, le 10 janvier, pour Mauviel contre Nourry, que le choix d’un huissier était libre, même dans le cas où il donnait lieu à des frais de transport.

23. – idem. (2e chambre) a décidé, le 13 janvier, que l’article 2,279 du code civil qui permet de revendiquer pendant trois ans l’objet qui a été perdu ou volé, était applicable au cas d’escroquerie.i


i. Un nommé Malher avait acheté, en employant des manœuvres frauduleuses, à M. Bailleul du Hâvre 30 mille pieds de planches de bordages, au prix de 23,650 fr., payables à six mois, et les avait revendus, à la Bourse, à M. Verspièrin, négociant, contre lequel aucun soupçon ne s’élève, au prix de 24,200 f.

SUR CETTE MAXIME :

Chacun doit rester dans son état.

Dans un siècle de progrès, où tous les esprits s’agitent, fermentent, et à l’envi s’élancent dans la carrière, tous les efforts des hommes généreux doivent tendre à flétrir cette idée malheureusement trop caressée par la médiocrité ambitieuse : Qu’il faut que chacun reste dans son état.

Maxime servile, décorée par les esclaves du titre pompeux de sagesse ; maxime chérie et prêchée par les tyrans, qui ont cloué et cloueraient encore le genre humain à l’immobilité, s’il pouvait l’être. Qu’est-ce à dire en effet que chacun reste dans son état ? Le voici : Toi que la fortune et la naissance avaient condamné à la nullité et à l’oubli, reste dans l’oubli et la nullité. Lokman, Esope, Phèdre, Epictète, vous êtes esclaves : gardez-vous [4.1]vous de sortir de l’abjection ou le sort vous a plongés…

Vivez et mourez esclaves… Socrate, taille la pierre !

Fils de Marie, rabote !… Sage Franklin, gloire des temps modernes, brouette des chandelles et tes complaintes… Lumières du monde, éteignez-vous ! Génies, consolation de l’humanité, réprimez, étouffez vos généreux et sublimes élans. Vous êtes pauvres, vous êtes nés au sein de la lie du peuple, sous le chaume, dans l’échoppe, au fond d’une étable, végétez-y, croupissez-y ; oui, pourrissez-y avec ces dons célestes, ces magnifiques trésors que dans un délire insensé, sans doute, l’aveugle providence vous avait prodigués pour porter le genre humain à de meilleures destinées !… Abjurez vos erreurs, confessez vos torts, pleurez, expiez vos crimes, et, du fond de vos tombeaux, criez à ceux qui voudraient vous imiter : laissez le monde dans les mains où l’or, la richesse et la naissance l’ont placé !… A eux seuls appartient le droit de gouverner et de régner… Délire insensé ! stupide blasphème !… Vive l’éternel ! Lève-toi, Jean-Jacques, et armé de ta brulante éloquence, anéantis les impies… Mais non, laisse dormir ta foudre… Livre-les à ton compagnon de devoir, l’horloger Beaumarchais ; qu’il les pelote, les turlupine, les tympanise comme ils le méritent.

bonvalot1.

De la Liberté individuelle.

Un avocat dit un jour aux juges qui l’écoutaient : « Messieurs, Archimède, après avoir retrouvé le levier que la nature, cet éternel mécanicien avait inventé avant lui, s’écria : Donnez-moi un point d’appui, et j’ébranlerai la terre. » Eh bien ! moi je m’écrie : « Donnez-moi un juge d’instruction, et j’incarcérerai le monde entier. » Ainsi parla cet avocat, homme de sens, je vous l’assure.

C’est un pouvoir exorbitant que celui d’un juge d’instruction ; il tient à la fois de la corde et de la hache, du levier et de l’avalanche ; la lettre de cachet de l’ancien régime n’est qu’un billet doux, si on la compare aux différens mandats qui sont à la disposition d’un juge d’instruction. La liberté a été pesée once par once, mesurée par décalitre ; on l’a versée goutte par goutte, et après qu’on n’en a laissé à chacun que la portion la plus rigoureusement nécessaire, on a mis un soin extrême à la reprendre par parcelles et par fractions.

Un pauvre comédien était chargé d’une nombreuse famille ; c’étaient de cruelles et redoutables heures que celles des repas, lorsque toute la nichée ouvrait le bec pour attendre cette pâture que la providence donne, dit-on, aux petits des oiseaux, et qu’elle refuse si souvent à l’homme civilisé. Pour échapper à ces angoisses, voici ce qu’avait trouvé notre souffreteux : à souper, il disait à ses enfans : « Qu’est-ce qui ne veut pas souper ? je lui donnerai un sou ! » – Moi, papa ! répondaient les petites voix, qui songeaient à toutes les délices qu’un sou bien dépensé peut procurer chez l’épicier. Le père distribuait les sous, et chacun allait dormir sur son trésor, se blottissant pour attendre le déjeuner. Quand le moment de ce premier repas était venu, le père, armé d’une grande jatte de lait, disait : « Qu’est-ce qui veut du lait ? – Moi, papa ! moi, papa ! (Pas n’est besoin de peindre l’empressement des écuelles à avancer vers la bienheureuse jatte.) – Fort bien, mes petits ; lorsque vous n’avez pas d’argent, je vous nourris pour rien ; mais quand vous en avez, il faut me payer ; que ceux qui veulent du lait me donnent leur sou ! » Hélas ! il fallait bien en passer par cette rude condition, car la faim est plus forte que l’avarice ; le père rentrait dans ses fonds ; puis il soupirait tristement en songeant qu’il avait escamoté un repas à l’appétit de ses enfans.

Cette histoire, c’est la nôtre ; on nous reprend d’une main ce qu’on nous a donné de l’autre ; il n’y a qu’une différence : c’est qu’on ne gémit pas en nous escroquant une à une toutes nos franchises, c’est, au contraire, toujours avec un nouveau plaisir qu’où nous les vole le plus légalement du monde.

Imaginez-vous l’arbitraire rangé en compartimens comme les poisons chez un pharmacien, et vous aurez une idée du bureau d’un juge d’instruction.

Mandat de comparution. C’est une invitation à vous rendre auprès de lui. Il est poli et gracieux ; il vous salue.

Mandat d’amener. Ordre de vous rendre à son appel. Il est brutal comme un gendarme ; il vous empoigne.

Mandat d’arrêt. Il vous met sous la main de la justice. Il est sévère comme un huissier ; il vous saisit.

Manant de dépôt. Il vous jette en prison. Il est farouche comme un geôlier ; il vous enferme.

Mandat de secret. Il est cruel comme l’inquisition ; il vous ravit l’air et la lumière.

Tous ces actes sont formulés à l’avance ; il n’y a plus que quelques blancs à remplir, aucune responsabilité ne pèse sur le magistrat instructeur ; il est toujours quitte pour s’être trompé, et vous lui devez, vous et la société, des remercimens pour le zèle avec lequel il poursuit les délits et les crimes.

A côté de ces principales aménités, il y a des gracieusetés particulières : la saisie, la perquisition, le séquestre et la visite domiciliaire, viennent ajouter des charmes nouveaux à ces gentillesses capitales.

(Le Corsaire.)

LA LIBERTÉ.

naguère encore-elle avait des autels,
Et maintenant un peuple entier l’oublie ;
La déité chère à tous les mortels
Dans un cachot languit ensevelie.
Des nouveaux preux qui portaient ses couleurs
Allons, amis, réveiller les douleurs.

Tous descendus dans la nuit du tombeau,
Ses défenseurs reposent en silence ;
Les vents du Nord ont éteint son flambeau,
Et de sa main j’ai vu tomber sa lance.
Des nouveaux preux, etc.

De pampres verts, de lauriers et d’épis
Brillait orné son chapeau tutélaire ;
Mais des bourreaux, sous de riches habits,
Ont dépouillé la vierge prisonnière.
Des nouveaux preux, etc.

Elle avait dit à l’oreille d’un roi :
« Ainsi que vous j’ai connu bien des peines ?
« Dans votre cœur sans crainte accueillez-moi,
« Je suis… » Soudain on la charge de chaînes.
Des nouveaux preux, etc.

Lors s’adressant à d’illustres soldats :
« Vous me devez, dit-elle, votre gloire,
« Secourez-moi ; » mais ces enfans ingrats
De ses bienfaits ont perdu la mémoire.
Des nouveaux preux, etc.

Les oppresseurs, sur la foi des verroux,
Dorment bercés au sein de la mollesse,
Mais pour qu’un jour, ivre d’un saint courroux,
A leurs regards la vierge reparaisse,
Des nouveaux preux, etc.

J. vaissière1.

Nouvelles générales.

paris. – Une lettre de condoléance a été adressée à M. Dupont de l’Eure. Nous avons remarqué au nombre des signatures celles de MM. Couderc, Chapuis-Montlaville1,  à côté de celles de Garnier-Pagès, Odilon-Barrot.

nérac. – Le théâtre de cette ville a été la proie d’un incendie dans la nuit du 23 au 24 janvier dernier.

nantes. – Le choléra y exerce en ce moment ses ravages.

yssengeaux. – Un gendarme conduisant un jeune homme arrêté pour défaut de passeport, a eu la barbarie de l’attacher à sa selle. Son cheval ayant pris le mors aux dents, ce malheureux jeune homme a été abîmé dans cette course furieuse, et est mort,

EXTÉRIEUR.

savoie. – Les espérances des patriotes sont trompées ; les libérateurs de la Savoie ont été repoussés. Nous donnerons des détails plus tard.

cancans.

Derrière l’école de la Martinière, il y a un terrain vague. M. Prunelle vient de l’affermer pour le séjour des ânes qui se rendent au marché de la place Sathonay. Ces intéressans quadrupèdes ont là un double avantage : d’abord d’être en repos, ensuite de profiter des leçons de M. Tabureau lorsqu’il leur arrive de ne pas les troubler par leurs harmonieux hin-han. Nous pensons qu’ils doivent cette faveur à la recommandation de M. Viennet, qui a voulu se reconnaître, envers les ânes de Lyon, de l’accueil bienveillant que les confrères d’Estagel lui ont fait, et que la méchante Tribune a pris pour un charivari.

COSTUMES DE BAL.
M. ballefin esprit, rue St-Côme, n° 4, à l’entresol, tient un assortiment de costumes pour bals, neufs, dans tous les genres.

[7] M. lattier, fabricant de peignes à tisser, en tous genres, qui demeurait montée des Carmélites, en face la Barrière de Fer, demeure actuellement rue vieille-monnaie, n. 2, au 2e, du côté de la Grande Côte. – Il tient un assortiment complet de peignes neufs et de rencontre, et fait des échanges.

Notes (SUR LA LIBRE DEFENSE)
1 Référence ici aux mots du chef de file des Doctrinaires, Pierre-Paul Royer-Collard dans son discours De la liberté de la presse (1827).

Notes (SUR CETTE MAXIME :)
1 Très probablement ici Antoine-François Bonvalot (1784-)

Notes (LA LIBERTÉ.)
1 Probablement Joseph Vaissière qui avait publié en 1830 à Clermont-Ferrand un Chansonnier.

Notes (Nouvelles générales. paris . –  Une lettre...)
1 Jean Couderc et Benoit-Marie Chapuy de Montlaville (1800-1868), parlementaires, tous deux originaires de la région lyonnaise.

 

 

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