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1 mars 1834 - Numéro 32
 

 




 
 
     

EPHEMERIDES LEGISLATIVES.

[1.1]Chambre des députés1. ? 18 Février. ? M. d?Argout présente deux projets de loi, le premier portant allocation d?un crédit de 1,500,000 fr. pour les réfugiés étrangers ; le second, prorogeant jusqu?à la fin de la session de 1835, la loi du 21 avril 1833, rendue contre eux. ? M. Pelet de la Lozère fait le rapport du projet de loi sur les crédits supplémentaires. - M. Béranger fait le rapport sur le projet de loi sur la responsabilité des ministres et des agens du pouvoir. ? Suite de la discussion du projet de loi sur l?état des officiers. Cette loi est votée par 217 voix contre 57.

19. Idem. ? M. Salverte lit une proposition de loi tendant à autoriser la vente des dotations composées de biens devant faire retour à l?état. ? M. Annisson du Perron en lit une pour la réforme de l?article 219 du code forestier. ? Discussion de la loi sur la fixation des cadres des états-majors. ? Un amendement de M. Demarçay portant qu?en temps de paix il ne sera pas nommé, de maréchaux, est adopté. ? M. Thiers monte à la tribune pour lire des projets de loi d?intérêt local. M. Dupin, président, lui fait sentir l?inconvenance d?interrompre ainsi les discussions ; M. Thiers allégue la prérogative royale ; il lit ces projets au milieu du bruit, et la discussion est reprise. La loi est adoptée par 185 voix contre 120.

20. ? Discussion du projet de loi sur le cadre du corps de la marine. Il est adopté par 208 voix contre 47. Un amendement de M. Laouée portant que le nombre des amiraux ne pouvait excéder celui de deux, a été adopté par 174 voix contre 142. ? Discussion de la proposition de MM. Taillandier et Devaux sur l?abolition de la mort civile.

21. ? Suite. Elle est rejetée.

22. ? Rapport des pétitions. Un grand nombre demandent : 1° le retour de la famille impériale ; 2° que l?effigie de Napoléon soit rétablie sur la croix-d?honneur et son nom rendu à tous les monumens qui le portaient, à toutes les institutions qu?il a fondées ; 3° que ses cendres soient déposées au pied de la colonne Vendôme. La chambre passe à l?ordre du jour sur les deux premières propositions et renvoie la dernière au président du conseil. ? M. Viennet a parlé contre Napoléon. ? M. Barthe lit une proposition du gouvernement. ? On fait cercle autour de M. Fulchiron qui a reçu des nouvelles de Lyon.

24. ? Message de la chambre des pairs qui communique l?adoption de la proposition de M. Boyer, relative aux effets de la séparation de corps. ? Discussion de la proposition de M. Salverte, relative aux biens sujets au droit de retour. Elle est rejetée. ? Discussion de celle de M. Bavoux sur le divorce. Elle est adoptée par 191 contre 100.

Chambre des pairs. ? 18 Février. ? M. Abrial fait le rapport et conclut à l?adoption du projet de loi sur l?augmentation de la gendarmerie dans l?Ouest.

21. idem. ? Discussion de ce projet de loi. Il est adopté par 110 voix contre 10.

22. ? La proposition de M. Boyer relative aux effets de la séparation de corps, est adoptée par 46 voix contre 39.

de la nécessité

D?UNE RÉFORME COMMERCIALE1.i

De toutes les questions, que la législation des douanes a désastreusement compliquées, il n?en est pas de plus délicate que celle des soieries. Là, le mal qui suit toujours les mauvais systèmes de taxes s?est encore aggravé d?une foule de difficultés particulières à l?industrie [1.2]des soies, et les difficultés en sont venues à un tel point qu?il est urgent de les résoudre, sous peine de compromettre l?existence même de la plus belle fabrique de France. Abordons franchement cette grave question, et nous nous convaincrons que si la législation des douanes n?est pas la seule cause du malaise de l?industrie lyonnaise, elle en est du moins la cause première et la plus efficace.

La fabrication, ou plutôt, comme on la nomme dans le pays, la fabrique des soieries s?était relevée d?une manière presque miraculeuse sous le règne de Napoléon, malgré les malheurs dont la ville de Lyon avait été victime pendant nos tempêtes révolutionnaires. Plus de vingt mille métiers battans y produisaient chaque année des monceaux de tissus auxquels l?Europe entière servait de débouché, à défaut de l?Amérique, d?ailleurs jeune encore et fermée par la guerre maritime. Notre supériorité était telle, en ce genre, qu?aucune nation ne songeait à lutter avec nous, et qu?il a fallu toutes les folies fiscales de la restauration pour nous susciter des rivaux. Une foule d?ouvriers suisses, très habiles, travaillaient alors avec les nôtres, et leur pays nous offrait des placemens avantageux de soieries en échange des bestiaux dont il abonde. Mais quand, par suite de nos lois exclusives, le droit de 3 fr. par tête de b?uf se fut élevé à 50 fr., où il est encore, nos voisins, obligés de garder leurs bestiaux, cessèrent d?acheter nos soieries, et ce vaste débouché nous fut fermé.

Mais les représailles eurent des conséquences plus graves. Les ouvriers suisses qui s?étaient formés à l?école des nôtres, rappelés dans leur patrie par des entrepreneurs intelligens, fondèrent bientôt à Zurich une fabrique rivale de Lyon pour les tissus unis, et qui commence à se distinguer dans les façonnés. Maintenant, si on considère que le prix des loyers est peu élevé à Zurich, que la vie y est économique, et que les ouvriers n?y sont pas écrasés, comme à Lyon, par des droits d?entrée qui pèsent sur les denrées de première nécessité, on comprendra facilement comment les soieries suisses nous ont fermé le débouché de l?Allemagne, et nous en fermeront beaucoup d?autres, par la facilité que leur offre la navigation du Rhin.

A ces causes purement fiscales il convient d?ajouter les difficultés particulières dépendant de l?industrie elle-même, et comme inhérentes à la ville de Lyon, qui en est le quartier général. Chacun sait que le tissage des soieries ne s?opère point, comme celui du coton, dans des établissemens considérables, dont toutes les parties sont sous la même clé et appartiennent au même entrepreneur. Les chefs de fabrique, à Lyon, fournissent la matière première, indiquent les dessins et expédient les commandes quand elles sont exécutées. Mais c?est l?ouvrier qui exécute ; l?ouvrier lyonnais, si ingénieux, si patient, si intelligent, que l?on pourrait s?en rapporter à lui seul du soin de diriger ce qu?il exécute avec une aussi admirable perfection. Cet ouvrier, [2.1]quand il a travaillé pendant quelque temps sur les métiers d?autrui, en achète ou en loue quelques-uns pour lui-même et pour sa famille. Les enfans travaillent aux unis, font du florence, des marcellines, des étoffes légères ; les ouvriers plus avancés, j?ai presque dit les artistes, s?occupent de préférence des étoffes brochées.

Pour qui n?a jamais vu ces maisons à sept ou huit étages, véritables ruches toutes pleines d?industrieuses abeilles, le sort de l?ouvrier lyonnais demeurera toujours très imparfaitement connu. Des milliers d?hommes, de femmes et d?enfans sont entassés dans ces demeures étroites, malpropres et malsaines, et c?est chose pénible de voir sur quels hideux grabats reposent ces travailleurs ingénieux qui fabriquent les taffetas, les velours, les satins, les gazes, les popelines et tant de magnifiques tissus, chefs-d??uvre de l?industrie française. Le pays ne sait pas combien d?hommes de génie recèle, sous des haillons, cette glorieuse et infortunée ville de Lyon ; et tandis que les récompenses pleuvent quelquefois sur des êtres stupides qui n?ont reçu du ciel que la témérité du solliciteur, nous oublions dans leurs cellules des mécaniciens étonnans et des tisseurs aux doigts de fée. Qui sait si jacquard, inventeur de l?admirable métier qui porte son nom, a seulement reçu la croix de la Légion-d?Honneur ? Qu?a-t-on fait pour mésiat, ce jeune homme si modeste, qui a inventé un métier au moyen duquel le tissage produit les merveilles de la gravure et de l?imprimerie ? Je l?ignore ; mais combien d?artistes de ce mérite ne trouverait-on pas dans la ville de Lyon !

Ce n?est pas ainsi que les Anglais ont traité Watt et Arkwright2; ces hommes de génie ne sont pas morts dans la misère, et l?Angleterre reconnaissante leur élève des statues. Nous ne sommes pas si ambitieux pour les artisans lyonnais ; nous souhaitons seulement qu?on leur assure du pain. Eux-mêmes ne demandent pas davantage, et nous croyons qu?on peut y parvenir sans trop de peine. Qui le pourra ? Ce ne sont pas les chefs de la fabrique.

Lorsqu?on considère le prix de la matière première, les frais de maison et le salaire payé à l?ouvrier par les entrepreneurs, et que l?on déduit du prix de vente le montant de tous ces frais, on est forcé de reconnaître que les profits ne sont pas tels que le négociant puisse augmenter sensiblement les salaires sans se trouver en perte. Or, la ruine du négociant entraîne nécessairement la suppression du travail, et par, conséquent la détresse de l?ouvrier. La longue lutte qui existe entre les uns et les autres depuis plusieurs années et les concessions qu?ils se sont faites mutuellement doivent les avoir convaincus de cette vérité. Et cependant il faut que l?ouvrier vive et que le négociant ne fasse point faillite.

Tel est aujourd?hui le problème à résoudre ; telle est la question des soieries.

Malheureusement, une partie du dommage causé par la législation des douanes est aujourd?hui irréparable ; il n?est plus en notre pouvoir d?échapper à la concurrence des tissus unis de la Suisse. L?introduction du bétail au taux de l?ancien tarif, ou du moins à un taux moins absurde que celui qui existe, ne suffirait pas pour rappeler à Lyon des acheteurs qui ont pris une autre direction, et qui trouvent d?ailleurs chez eux ce que nous les avons forcés d?y créer.

L?abaissement des tarifs qui pèsent sur les produits américains pourrait, en multipliant les demandes de ce pays, encourager par de bons prix la production lyonnaise ; mais malheureusement le dommage n?est plus tout entier dans les tarifs. Un mal nouveau, fils de la croissance industrielle, la concurrence extrême accable la ville de Lyon plus qu?aucune autre ville. Là, comme on a pu le pressentir par ce que j?ai dit plus haut, les métiers dispersés ou réunis appartiennent à une foule de petits propriétaires appelés chefs d?atelier, qui les occupent, les louent ou les font occuper par des salariés dont ils deviennent les patrons. Ces petits propriétaires, pourvus de capitaux extrêmement bornés, se font entr?eux une guerre très vive, et ils aggravent chaque jour la tendance naturelle à la baisse, que leur concurrence a poussée au-delà de toute limite.

[2.2]Dans cet état de choses, la faim qui ne s?ajourne pas et qui conduit aux solutions rapides, a déjà mis une fois la ville de Lyon dans une position critique. La force, comme il était facile de le prévoir, est restée aux plus nombreux, qui ne sont pas toujours les plus raisonnables, et qui ont été réduits à reconnaître, même au sein de la victoire ; que nulle victoire ne profite si elle n?a pour elle le bon droit. Est-ce bien avec des canons tirés par les ouvriers ou contre eux qu?on arrange de semblables affaires ? Et en effet, elles ne sont point encore arrangées. Cent forteresses couronneraient la ville, et cent mille hommes y tiendraient garnison sans faire mouvoir un métier, ni procurer une commande de plus. Et puis, d?ailleurs, quand il y aurait des commandes, n?est-ce pas les rendre stériles que de jeter ses produits au rabais à la tête des étrangers ? Des citoyens français, peuvent-ils long-temps sans dommages se disputer les affaires comme une proie ? Y a-t-il moralité, décence et profit à condamner l?industrie à cette métamorphose ? Assurément non. Mais comment faire ?

Quelques-uns, placés plus près que nous, ont proposé de régulariser les travaux de la fabrique, et de la transformer en un vaste atelier discipliné, où nul ne serait admis à combattre hors de son bataillon. On aurait ainsi une armée régulière au lieu d?un corps franc de soldats tiraillant au hasard, sans ordre et sans méthode. Les uns travailleraient à l?uni, les autres au façonné ; à ceux-ci les velours, à ceux-là les satins ; à moi les taffetas, à vous les popelines. Combien valent vos métiers, quel intérêt voulez-vous qu?on vous en paie ? Il se présenterait, dit-on, des condottieri pour ramasser ces bandes éparses de combattans qui font feu les uns sur les autres, et pour leur louer tout, jusqu?à leurs armes. C?est fort bien : mais si ces ouvriers ne veulent pas vos nouvelles maîtrise, que ferez-vous ? Et si vous les forcez, que devient la liberté individuelle ? Le pas est difficile, comme l?on voit. M. de Sismondi avait déjà proposé ces sortes d?associations entre les ouvriers et les entrepreneurs, associations évidemment utiles, mais difficilement praticables.

Les ouvriers ont, selon nous, la liberté de refuser le travail, quand ce travail n?est pas assez rétribué pour suffire à leurs besoins, quoique pourtant il vaille mieux se mettre à la portion congrue que de mourir de faim. Mais il est clair que si les négocians qui n?ont point d?intérêt à chômer, ne peuvent accorder une augmentation de salaire qui les mettrait en perte, les ouvriers sont mal fondés à demander aux maîtres cette augmentation impossible, et qui ne saurait durer, quand même ce qu?à Dieu ne plaise ! elle serait accordée à la violence. Ce sera donc un premier pas de fait et le plus important de tous, que de persuader aux ouvriers qu?il faut demander à d?autres qu?à leurs chefs de fabrique le remède aux maux qu?ils éprouvent. L?irritation prendra une autre voie, la voie des pétitions, et le gouvernement sera conduit à la nécessité d?une enquête où les vraies causes de la crise actuelle pourront être éclaircies. En attendant, je crois devoir rappeler aux ouvriers que le plus sûr moyen d?obtenir le redressement de leurs griefs n?est pas de bouleverser la fabrique, c?est-à-dire de frapper le sein de leur mère, mais de faire rédiger par des hommes capables, dont la ville de Lyon abonde, le tableau vrai et impartial de leur situation, afin que la législature y porte remède. On a déjà signalé quelques améliorations praticables, la diminution de la contribution des portes et fenêtres, celle des patentes, des modifications sérieuses dans le tarif des octrois ; l?expérience en amènera beaucoup d?autres.

C?est ici le cas de recommander aux ouvriers l?utilité des caisses d?épargnes, de ces saving banks qui se sont tant multipliés en Angleterre (il y en a 404), et qui conservent à 400 mille ouvriers déposant un capital de trois cent vingt-cinq millions ! On répond que pour pouvoir épargner, il faut avoir un peu de superflu, tandis que les ouvriers lyonnais manquent souvent du nécessaire. Je le sais, mais ils n?en manquent pas toujours. Il y a de bons momens dans la fabrique, pendant lesquels il serait utile de mettre en réserve quelques économies pour les mauvais jours. Alors, et si les négocians se coalisaient injustement pour abaisser les salaires, l?ouvrier, muni d?un petit caporal, leur opposerait à armes égales la force d?inertie ; il [3.1]ne serait point soumis aux exigences de la faim, ni exposé aux écarts qu?elle entraîne et à la répression que ces écarts justifient.


i. Nous croyons utile de reproduire cet article de M. blanqui aîné, inséré il y a quelque temps dans le Précurseur, tout en protestant contre quelques-unes des assertions de cet économiste.

EXTRAIT D?UN DISCOURS

prononcé par le citoyen GRIGNON1, ouvrier tailleur d?habits,

dans l?assemblée de ses camarades.

Citoyens,

Cherchons les moyens d?améliorer notre malheureuse condition, et que chacun de nous sache endurer des privations, des souffrances passagères, braver même des dangers, lorsqu?il sera démontré qu?ils doivent avoir pour résultat l?avantage de tous ; c?est la le cachet du dévoûment et de la fraternité.

En admettant que notre existence ne soit jamais compromise par la stagnation du commerce ou par la morte-saison, que nous soyons en tout temps suffisamment entretenus d?ouvrage, le prix de notre salaire est-il en rapport avec le prix de notre consommation ? peut-il suffire à tous nos besoins ? la durée de notre travail est-elle en rapport avec nos forces ? permet-elle à nos facultés de se développer ? Voila les questions que nous ne devons jamais perdre de vue quand nous échangeons nos services contre l?argent du maître.

Nous travaillons 14 à 18 heures par jour, dans l?attitude la plus pénible ; notre corps se déforme et se casse ; nos membres s?engourdissent et perdent leur agilité, leur vigueur ; notre santé se ruine, et nous ne quittons l?atelier que pour entrer à l?hôpital. Comment consacrer quelques heures de la vie à notre instruction ? Comment exercer notre intelligence, éclairer notre esprit, adoucir nos m?urs ? Il nous faut rester exposés au mépris des insolens, à la friponnerie des hommes adroits, et, si l?excès de nos malheurs et de nos humiliations nous rend parfois violens et colères, on nous traite de brigands, et de canaille ; alors il faut des lois martiales, des sergens de ville, des geôliers, des bourreaux peur comprimer ce peuple mutin et rebelle.

Tous conviennent de la nécessité de l?instruction, et ils cherchent à nous abrutir par un travail qui absorbe à la fois notre temps, nos forces et nos facultés ; de même ils conviennent de la nécessité du travail, et ils vivent dans le loisir, ils se gorgent de superfluités ; à nous seuls il est défendu de goûter le moindre plaisir. Pour nous, malheureux, le plaisir c?est un sommeil de quelques heures sur un grabat en lambeaux, dans un taudis humide? Le plaisir ! mais nous ne sommes pas des hommes comme les autres ; travailler, toujours travailler, toujours produire sans jouir de rien, sans posséder seulement le nécessaire ! Notre salaire, insuffisant déjà pour le célibataire, ne peut nourrir une famille ; des alimens grossiers et malsains, des vêtemens incommodes, des guenilles, c?est tout ce qu?il peut nous procurer. Aussi le moindre accident qui vient occasionner une dépense imprévue ou suspendre notre travail, menace bientôt notre existence. Si notre ouvrage n?est pas bien exécuté, s?il n?est pas achevé à l?heure fixée, nous sommes victimes de retenues excessives, puis des reproches humilians, des exigences tyranniques, voila nos plaisirs. ? Ne nous plaignons pas trop pourtant ; n?avons-nous pas une demi-journée de repos, le dimanche, après six jours et demi d?un travail homicide ? ? Qu?il nous arrive ce jour-là le plus léger écart, ceux qui ne se refusent aucune jouissance, qui passent leur vie dans les fêtes et dans le libertinage du bon ton, ne manquent pas de nous accuser de dissipation et de débauche, nous qui n?avons jamais connu les douceurs de la vie domestique, nous qui sommes condamnés, soit à vivre dans un célibat monotone et désespérant, soit à élever nos enfants dans la plus affreuse misère ! Voyez ensuite avec quelle facilité les riches introduisent le désordre dans nos ménages, la corruption dans nos familles, ou nous ravissent jusqu?à notre dignité d?hommes, par des aumônes avilissantes.

(La suite au prochain Numéro.)

CONSEIL DES PRUD'HOMMES.

Président, M. Riboud (27 février).

[3.2]Baron, élève metteur en carte, réclame à Sauvage, professeur, la somme de 20 fr. pour solde de, ses appointemens. Sauvage dit ne rien devoir, attendu qu?il lui avait acheté un chapeau et un gilet à diverses époques. ? Le conseil décide que les 20 fr. seront comptés, attendu qu?il paraît que les effets ont été donnés pour étrennes.

Court, Blanchet, Chatigny, négocians, réclament à Molin, liseur, la somme de 100 fr. qu?ils ont été obligés de payer à un fabricant, d?après un jugement du conseil, pour plusieurs journées de travail perdues à défaut du dessin. Molin oppose l?incompétence du conseil, attendu qu?il n?y a pas de liseurs dans son sein. Le conseil, se fondant sur l?art. 11 du décret du 11 juin 1809, retient la cause, et Molin fait défaut sur le fondi.


i. Nous traiterons dans le prochain N° cette question de compétence.

Liste

Des personnes arrêtées à Lyon, soit pour ne pas s?être retirées après les sommations, soit pour insultes envers la force armée, chants républicains, etc.i.

Pierre Amiant, âgé de 28 ans, maréchal-ferrant, né à Hurty (Loire inférieure). Pierre Babolat, 17 ans, ouvrier en soie, né à Lyon. François Borgeat, 24 ans, menuisier, né à Chan (Savoie). Guillaume Bornet, 23 ans, menuisier, né à Belley. Eugène Carbonnetty, 18 ans, imprimeur lithographe, né à Avignon (Vaucluse). François Chalessin, .40 ans, veloutier, né à Lyon. François Chambard, ouvrier en soie, né à Lyon. Jean-Marie Chéron, 27 ans, brodeur. Claudius Croissard, 20 ans, dessinateur, né à Lyon. Pierre Dalloz, 24 ans, ouvrier en soie, né à Moirand (Isère). Jean-Pierre Deguillère, décrotteur, né à Settiaz (Ardèche). Pierre Dritton, 18 ans, ouvrier en soie, né à Valforez. David Duplan, 24 ans, ouvrier en soie, né à Lyon. Antoine Félix, 29 ans, ouv. en soie, né à Lyon. Antoine Filleul, 19 ans, ouv. en soie, né à St-Cyr. Frédéric Flachéron, architecte, né à Lyon. Robert Fiat, 22 ans, perruquier, né à Issoire (Puy-de-Dôme). Joseph Ginet, 52 ans, ouv. en soie, né à Chabons (Isère). Melchior Grand, 15 ans, ouv. en soie, né à Lyon. Jean Guillermain, 29 ans, ouv. en soie, né à St Genis (Savoie). Jean-Marie Imbert, 17 ans, ouvrier en soie, né à Lyon. Jean-Pierre Jallade, 24 ans, ouv. en soie, né à Lyon. Lowembruck Jean Adam, veloutier, né à Crevelt (Prusse). Louis Marnet, 36 ans, charron, Hautemont. Jean-Baptiste Matras, 39 ans, tailleur, né à Lyon. Auguste Montrel, 18 ans, épicier, né à Charlieu. Antoine Paire, 26 ans, tailleur, né à Foy (Arriège). Joseph Patriarche, 22 ans, peintre, né à Beaune. Michel Piston, 23 ans, crieur public. Joseph Robert, 23 ans, cuisinier, né à Grenoble. Joseph Rousset, 19 ans, teinturier, né à Vaunet (Jura). Michel Sauvage, ouv. en soie, né à Lyon. Pierre Tintan, 19 ans, maçon, né à Gabouillaud. Joseph Vernet, journalier, né à Ecully. Laurent Vulliot, 19 ans, lanceur.


iBornet a déjà été condamné à trois mois de prison, Chambard à 2 mois ; Vernet à 1 mois, Borgeat à 8 jours, Flachéron et Froissard acquittés.

CONSULTATIONS GRATUITES MÉDICALES.

Nous nous empressons de porter à la connaissance du public que M. LAURIN, docteur-médecin, dans le but éminement philantropique d?être utile aux habitans de la Croix-Rousse, donnera, à dater du premier mars, des consultations gratuites, tous les mardis et vendredis, de midi à deux heures, à son domicile, maison de santé, rue du Chapeau Rouge, impasse Gloriettes.

Nous empruntons au Courrier de Lyon, du 17 février dernier, la lettre suivante :

Lyon, le 14 février 1834.

Monsieur,

Je ne puis différer plus long-temps d?exprimer ma reconnaissance et celle de Mlle Antoinette Bevalles à M. Williams, oculiste honoraire de S. M., pour ses bienfaits.

Cette demoiselle, âgée de vingt-cinq ans, fut attaquée, en 1831 d?amorose sur un ?il, qui fut traité par un célèbre médecin oculiste. Bientôt l?autre ?il manifesta les symptômes de la même maladie. Alors elle consulta et fut traitée consécutivement par cinq autres médecins oculistes sans le moindre succès, malgré séton, etc., etc. Sa maladie fut considérée comme une amorose ou goutte-sereine qu?on regarde [4.1]comme incurable : je l?amenai par le bras chez M. Williams le 4 février. Après l?examen de ses yeux, M. l?oculiste me dit qu?il craignait que sa vue soit perdue sans ressource. Cependant quand je l?informai que la jeune personne était orpheline, et depuis la perte de sa vue subsistait des bienfaits des autres, il l?a reçue au nombre de ses malades, et, à l?étonnement de tout le monde, après huit jours elle marche sans et voit assez clair pour enfiler une grosse aiguille.

Nous sommes extrêmement charmés d?apprendre que M. Williams promet à tous ses malades de rester à Lyon, jusqu?à la fin de mars, pour donner ses soins aux infortunés, parce qu?il peut traiter ses malades aisés et éloignés par correspondance.

Recevez, etc.

DRIVON cadet, Fabricant, côte des Carmélites, n° 33.

Avis Administratif.

MM. les fabricans qui se sont fait inscrire pour l?exposition publique des produits de l?industrie française, qui doit s?ouvrir à paris le 1er mai 1834, sont invités à déposer immédiatement à la Préfecture du Rhône, les objets qu?ils veulent présenter à cette exposition.

Le jury formé par le préfet pour statuer sur l?admission à l?exposition des produits industriels qui seront déposés à la Préfecture, se réunira et prendra ses décisions dans les vingt premiers jours de mars courant.

Les objets admis seront expédiés à Paris, aux frais de l?étât, dans les dix jours suivans ; ce terme est de rigueur, car au 1er avril les objets destinés à l?exposition ne seraient plus reçus à Paris.

Les personnes qui voudraient concourir à cette exposition et qui auraient négligé jusqu?à ce jour de requérir, à cet effet, inscription sur les registres ouverts à la Préfecture du Rhône, 2° division, sont invitées à accomplir de suite cette formalité et à envoyer, sans retard, les objets qu?elles désireraient exposer.

Le jury d?admission est composé de MM. brollemann Frédéric, dépouilly Charles, duret, grand aîné, et tabareau.

Nous avons reçu de M. Hedde la lettre suivante.

Au rédacteur de l?Echo des Travailleurs.

St-Etienne, le 29 janvier 1834.

Monsieur,

Je reçois à l?instant votre journal de ce jour, dans lequel vous insérez l?adresse des chefs d?atelier de la fabrique de rubans de St-Etienne. Je me plais à rendre justice à l?impartialité dont vous avez fait preuve jusqu?à ce jour, et je la reconnais encore plus dans la petite note qui accompagne cet article. Je n?ai pas eu connaissance du numéro de l?Echo de la Fabrique que vous rappelez : je m?inquiète peu de ce qu?il a pu dire contre moi ou contre l?adresse que les ouvriers m?ont chargé de leur rédiger. Fort de ma conscience qui ne me reproche rien dans cette circonstance, je viens vous prier de vouloir bien donner place dans votre estimable journal aux observations que je crois juste de vous adresser aujourd?hui ; elles serviront à rétablir les faits que l?on a pu dénaturer.

Les délégués des chefs d?atelier et ouvriers de la fabrique de rubans de St-Etienne m?ont chargé de leur rédiger une adresse au roi, afin de lui faire connaître l?état actuel de la fabrique de rubans, en signalant quelques-uns des moyens d?améliorer leur sort et celui de cette branche d?industrie, à la prospérité de laquelle ils sont tout autant intéressés que les négocians. J?ai cru devoir accepter cette mission, et cela sans aucun motif d?intérêt, puisque je me suis chargé de tout, même des frais d?impression ; de plus je remis une lettre de recommandation pour le préfet de la Loire, à la députation des chefs d?atelier, qui s?est rendue exprès à Montbrison. Elle a été très bien accueillie par le premier fonctionnaire du département, qui n?a cependant pas voulu se charger de faire parvenir l?adresse au roi. Force fut à elle de revenir à St-Etienne avec le mémoire qui a été imprimé à un grand nombre d?exemplaires, dont deux ont été envoyés au roi. Depuis lors point de réponse.

Si j?eusse écrit pour moi seul, j?aurais pesé mes expressions et vu dans quels termes il me convenait de m?exprimer ; mais je parlais au nom des chefs d?atelier de la fabrique de rubans de St-Etienne, qui alors demandait que justice leur fût faite et que protection leur fût accordée ; et il n?aurait peut-être pas été convenable d?adopter une autre formule et d?autres expressions que celles consacrées par l?usage, et il aurait semblé, si j?eusse fait différemment, qu?il y avait affectation. Cependant je crois devoir vous assurer, monsieur, que je pense comme vous que tous les citoyens français ne sont sujets que de la loi à laquelle le roi lui-même est soumis ; mais faire sentir cela dans une pétition adressée au roi, aurait été du plus grand ridicule ; ce serait alors que l?on aurait pu lui accuser d?avoir cherché à induire les ouvriers en erreur.

J?ai pris la fantaisie de consulter le dictionnaire de Charles Nodier et Vergès1 sur les divers mots, tels que sujet, camarade, citoyen et serviteur. Dans le mot sujet l?on trouve dépendant de, assujetti à supporter certaines charges, à payer certains droits, et celui qui est soumis à l?autorité souveraine. Eh ! qui est plus sujet à l?autorité souveraine que l?ouvrier ? Le citoyen est celui qui est membre d?une société libre, qui partage ses droits et qui jouit de ses franchises. Les ouvriers partagent-ils tous les droits de la société ? Je ne le croirai que quand ils seront appelés à nommer des membres dans les chambres de commerce, [4.2]et qu?ils auront des représentants à l?assemblée où se discutent les grands intérêts de la nation.

Le terme de serviteur que vous rappelez si à propos à mon détracteur, M. Bernard, me paraîtrait bien plus humiliant que celui de sujet. Le serviteur est celui qui sert en qualité de domestique, et en parlant des grands, celui qui leur est attaché, qui est zélé pour les intérêts, pour la gloire, et qui rampe devant eux, etc.

Pour compléter les documens qui sont contenus dans l?adresse, j?ai formé le projet de développer plus tard toutes les questions qui n?y sont que soulevées ! je vous adresserai ce travail.

Depuis cette adresse, j?ai été en butte aux tracasseries de M. le sous-préfet de St-Etienne, qui m?a témoigné, en diverses circonstances, tout son ressentiment. Je me mets au-dessus de tout cela et vous prie de vouloir bien insérer ma lettre dans votre journal, et recevez l?assurance de la parfaite considération de votre très dévoué Concitoyen et ami,

Ph. hedde, Conservateur du musée de St-Etienne.

Nouvelles générales.

paris, 20 février. ? Des rassemblemens ont eu lieu sur les boulevards. La Tribune en porte le nombre à environ 6,000 personnes. On a crié : Vive la république ! Vive les Lyonnais ! Ces rassemblemens ont continué les 21 et 22. La Tribune cite des actes affreux de brutalité, commis par la police et des assommeurs contre plusieurs citoyens inoffensifs, MM. Fournier, Liron, Simon, Fairu, Grimaud, Aurilland fils, Mme Pontois, et deux jeunes gens. (Voyez n° 54, 23 février et 55, 24 idem.)

avignon. ? Le Progrès, journal républicain, a été saisi pour la troisième fois.

st-etienne. (Loire.)Un mouvement républicain a eu lieu, le 20 février dernier ; il a été réprimé. Comme on conduisait les citoyens arrêtés en prison, l?agent de police Heyraud a été tué d?un coup de poignard et le commissaire de police Chapon blessé à la cuisse. Plusieurs arrestations ont eu lieu. On cite entr?autres, MM. Caussidière, Rossary, Micoud, Danis, Jurnel, Buchant, Pavillers, Moulin, etc.

marseille. ? Le sang des patriotes a coulé. Une grande fermentation règne dans cette ville. Le général garavaque1 a publié un ordre du jour contre le Peuple Souverain, journal, républicain de cette ville.

melun (Seine-et-Oise). ? M. Paulin2, gérant du National, a été condamné à 5 mois de prison et 2,000 fr. d?amende.

Extérieur.

angleterre. ? Des troubles graves ont eu lieu à Glascow par suite du soulèvement des ouvriers contre les maîtres.

belgique. ? Dans la nuit du 15 février dernier, M. Hano, commissaire de district, a été enlevé de son domicile à Beetembourg par des soldats prussiens, et par ordre du général Dumoulin, commandant la forteresse du Luxembourg pour la confédération germanique. Cet attentat a soulevé une indignation profonde chez le peuple belge. La chambre des représentans a interpellé les ministres et présenté une adresse véhémente à Léopold. Ce souverain, ayant répondu d?une manière peu satisfaisante, a été brûlé en effigie sur la place publique.

italie. ? On annonce une insurrection dans le royaume de Naples.

savoie. Borel, ouvrier peigneur de chanvre, de Grenoble, et Valentieri Angel, réfugié italien, ont été fusillés, le 18 février, à Chambéry, pour avoir pris part à l?infructueuse tentative d?affranchissement de ce royaume, qui a eu lieu sous la conduite de Ramorino3.

Lyon.

Les assises commenceront lundi prochain. ? L?affaire de la Glaneuse sera jugée le 12 ; et celle de M. Reverchon, éditeur des feuilles populaires du Précurseur du Peuple, n?est pas encore fixée.

Le 26 février dernier, des perquisitions ont été faites chez 10 à 12 membres de la société des Droits de l?Homme et au bureau de la Glaneuse. M. Ferlon, gérant, a été arrêté mais relâché peu d?heures après. Le n° de ce journal de dimanche dernier a été saisi.

? A dater d?aujourd?hui un marché forain est établi sur la place Henri IV, quartier Perrache.

? On attend pour la semaine prochaine, que le pont Seguin sera livré au public ; les épreuves légales sont subies.

cancans.

On s?est plaint que notre dernier n° n?avait pas de Cancans. En vérité, c?est bien mal à nous, car ils n?ont pas manqué, les cancans, la semaine dernière.

M. Prunelle va publier un traité de l?empoignement mutuel.

M. Etienne gauthier a enfin donné? quoi ? Les 25,000 fr, qu?il avait promis aux ouvriers ?? Pas si bête? sa démission.

Notes (EPHEMERIDES LEGISLATIVES. [1.1] C hambre des...)
1 Non mentionnés auparavant, on  trouve ici Alexandre-Jacques Anisson-Duperron (1776-1852), André-Pierre Abrial  (1783-1840), Pierre-Joseph Boyer (1754-1853), Alphonse-Honoré Taillandier (1797-1867) ou encore Auguste-Marie Devaux (1769-1838).

Notes (de la nécessité D?UNE RÉFORME COMMERCIALE ....)
1 L?auteur est ici Blanqui aîné, l?économiste Adolphe Blanqui  (1798-1854) qui avait succédé peu avant à Jean-Baptiste Say sur la chaire d?économie du Conservatoire National des Arts et Métiers.
2 Mention une nouvelle fois ici de James Watt et Richard Arkwright.

Notes (EXTRAIT D?UN DISCOURS)
1 Très probablement ici l?auteur de l?importante brochure  Réflexions d?un ouvrier tailleur sur la misère des ouvriers en général, publiée en 1833.

Notes (Nous avons reçu de M.  Hedde la lettre...)
1 Charles Nodier (1780-1844) et Victor Verger (1792-1849), Dictionnaire universel de la langue française (1826).

Notes (Nouvelles générales. paris , 20 février ....)
1 Le général Antoine-Laurent  Garavaque (1778-1836).
2 Jean-Baptiste Alexandre Paulin, plus tard l?un des fondateurs de L?Illustration.
3 Le général italien Gerolamo Ramorino (1792-1849) qui avec  Giuseppe Mazzini avait peu auparavant  fomenté l?invasion de la Savoie.

 

 

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