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1 mars 1834 - Numéro 32
 
 

 



 
 
    

Nous avons reçu de M. Hedde la lettre suivante.

Au rédacteur de l?Echo des Travailleurs.

St-Etienne, le 29 janvier 1834.

Monsieur,

Je reçois à l?instant votre journal de ce jour, dans lequel vous insérez l?adresse des chefs d?atelier de la fabrique de rubans de St-Etienne. Je me plais à rendre justice à l?impartialité dont vous avez fait preuve jusqu?à ce jour, et je la reconnais encore plus dans la petite note qui accompagne cet article. Je n?ai pas eu connaissance du numéro de l?Echo de la Fabrique que vous rappelez : je m?inquiète peu de ce qu?il a pu dire contre moi ou contre l?adresse que les ouvriers m?ont chargé de leur rédiger. Fort de ma conscience qui ne me reproche rien dans cette circonstance, je viens vous prier de vouloir bien donner place dans votre estimable journal aux observations que je crois juste de vous adresser aujourd?hui ; elles serviront à rétablir les faits que l?on a pu dénaturer.

Les délégués des chefs d?atelier et ouvriers de la fabrique de rubans de St-Etienne m?ont chargé de leur rédiger une adresse au roi, afin de lui faire connaître l?état actuel de la fabrique de rubans, en signalant quelques-uns des moyens d?améliorer leur sort et celui de cette branche d?industrie, à la prospérité de laquelle ils sont tout autant intéressés que les négocians. J?ai cru devoir accepter cette mission, et cela sans aucun motif d?intérêt, puisque je me suis chargé de tout, même des frais d?impression ; de plus je remis une lettre de recommandation pour le préfet de la Loire, à la députation des chefs d?atelier, qui s?est rendue exprès à Montbrison. Elle a été très bien accueillie par le premier fonctionnaire du département, qui n?a cependant pas voulu se charger de faire parvenir l?adresse au roi. Force fut à elle de revenir à St-Etienne avec le mémoire qui a été imprimé à un grand nombre d?exemplaires, dont deux ont été envoyés au roi. Depuis lors point de réponse.

Si j?eusse écrit pour moi seul, j?aurais pesé mes expressions et vu dans quels termes il me convenait de m?exprimer ; mais je parlais au nom des chefs d?atelier de la fabrique de rubans de St-Etienne, qui alors demandait que justice leur fût faite et que protection leur fût accordée ; et il n?aurait peut-être pas été convenable d?adopter une autre formule et d?autres expressions que celles consacrées par l?usage, et il aurait semblé, si j?eusse fait différemment, qu?il y avait affectation. Cependant je crois devoir vous assurer, monsieur, que je pense comme vous que tous les citoyens français ne sont sujets que de la loi à laquelle le roi lui-même est soumis ; mais faire sentir cela dans une pétition adressée au roi, aurait été du plus grand ridicule ; ce serait alors que l?on aurait pu lui accuser d?avoir cherché à induire les ouvriers en erreur.

J?ai pris la fantaisie de consulter le dictionnaire de Charles Nodier et Vergès1 sur les divers mots, tels que sujet, camarade, citoyen et serviteur. Dans le mot sujet l?on trouve dépendant de, assujetti à supporter certaines charges, à payer certains droits, et celui qui est soumis à l?autorité souveraine. Eh ! qui est plus sujet à l?autorité souveraine que l?ouvrier ? Le citoyen est celui qui est membre d?une société libre, qui partage ses droits et qui jouit de ses franchises. Les ouvriers partagent-ils tous les droits de la société ? Je ne le croirai que quand ils seront appelés à nommer des membres dans les chambres de commerce, [4.2]et qu?ils auront des représentants à l?assemblée où se discutent les grands intérêts de la nation.

Le terme de serviteur que vous rappelez si à propos à mon détracteur, M. Bernard, me paraîtrait bien plus humiliant que celui de sujet. Le serviteur est celui qui sert en qualité de domestique, et en parlant des grands, celui qui leur est attaché, qui est zélé pour les intérêts, pour la gloire, et qui rampe devant eux, etc.

Pour compléter les documens qui sont contenus dans l?adresse, j?ai formé le projet de développer plus tard toutes les questions qui n?y sont que soulevées ! je vous adresserai ce travail.

Depuis cette adresse, j?ai été en butte aux tracasseries de M. le sous-préfet de St-Etienne, qui m?a témoigné, en diverses circonstances, tout son ressentiment. Je me mets au-dessus de tout cela et vous prie de vouloir bien insérer ma lettre dans votre journal, et recevez l?assurance de la parfaite considération de votre très dévoué Concitoyen et ami,

Ph. hedde, Conservateur du musée de St-Etienne.

Notes (Nous avons reçu de M.  Hedde Hedde Philippe...)
1 Charles Nodier (1780-1844) et Victor Verger (1792-1849), Dictionnaire universel de la langue française (1826).

 

 

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