Retour à l'accueil
15 mars 1834 - Numéro 34
 
 

 



 
 
    
REFUS D’IMPÔT.

Des faits excessivement graves viennent de se passer à Lyon. On chercherait vainement à les atténuer, ils démontrent que nous entrons dans une ère nouvelle, et que, telle circonstance arrivant, de nouveaux Hampden ne se feraient pas attendre. Simples historiens, nous les raconterons en peu de mots.

Un ouvrier charpentier ayant été mal à propos soumis à la patente, a cru de son devoir de résister, et après avoir appelé l’attention publique  par une lettre insérée dans le Précurseur, laquelle n’a pas été démentie, il a attendu que l’huissier vînt enlever ses meubles pour en opérer la vente [2.2]de par le fisc ; il s’est contenté de faire répandre dans la ville l’affiche suivante à laquelle M. Prunelle n’a pas donné son visa, et qui, néanmoins, a reçu toute la publicité possible : « Vente de meubles pour paiement d’impôt, sur la place Léviste, vendredi 21 février 1834, à 10 heures du matin. » Cette simple annonce a suffi pour qu’un grand nombre de citoyens encombrassent de bonne heure cette place. La vente n’a cependant pas eu lieu, un citoyen ayant cru devoir offrir une somme minime en comparaison de celle due, et le receveur ayant accepté.

Semblable fait s’est présenté lundi dernier à la Guillotière. Là encore, l’intervention d’un citoyen a empêché, par un léger sacrifice, qu’un conflit imminent s’engageât entre la population ouvrière de ce faubourg, qui commençait à s’exaspérer, et l’armée que l’autorité avait dirigée sur ce point. Nous n’exagérons pas en nous exprimant ainsi. Il y avait d’un côté infanterie, cavalerie et même de l’artillerie ; et les ouvriers de leur côté avaient élevé des barricades, monté des pierres et autres projectiles. De quoi s’agissait-il donc ? Salignac, ouvrier en soie, prétendait ne pas devoir d’impôt, et sans égard à ses réclamations il avait été maintenu sur le rôle ; il s’obstinait à ne pas payer, soit par misère, soit par suite du droit dans lequel il pensait être, et que nous sommes portés à croire fondé.

Nous invitons le gouvernement à faire de sérieuses réflexions et à donner des ordres à ses préfets pour rendre facile l’examen des plaintes des contribuables. Une mesure urgente, par exemple, serait de supprimer la nécessité du paiement provisoire des douzièmes échus et d’admettre les citoyens à déposer leurs réclamations sur papier libre, chez le juge de paix de l’arrondissement.

Il faut des impôts, mais il faut qu’ils soient modérés, équitablement répartis, afin que la rentrée en soit facile ; c’est parce que nous sommes amis de l’ordre que nous insistons là-dessus. Encore quelques exemples pareils et la rentrée des contributions deviendra presque impossible, sans compter que l’habitude prise deviendra un élément puissant d’opposition ; déjà le bruit circule que si la loi contre les associations est adoptée, aucun loyer ne sera payé par les membres des sociétés politiques ou industrielles, afin de forcer les propriétaires, voire même les patrons bien pensant du Courrier de Lyon, à refuser les impôts. Où cela nous mènera-t-il ? Lyon a besoin que ses manufactures travaillent, et elles ne le peuvent qu’avec la paix intérieure ; mais Lyon, nous sommes loin de l’en blâmer, ne peut sacrifier la liberté au besoin de la paix.

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique