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21 septembre 1834 - Numéro 1
 
 

 



 
 
    
CE QUE NOUS NOUS PROPOSONS DE FAIRE.

Nous avons reconnu l’impossibilité de donner dans ce spécimen un article sur chacune des matières que nous voulons traiter. Nous nous contenterons donc de les passer rapidement en revue. Avant tout nous aurons à jeter un regard sur le passé ; ainsi nous publierons une revue des événemens de février et d’avril : elle sera impartiale, nous ne sacrifierons à rien de ce qu’on appelle convenances le besoin de dire la vérité, toute la vérité. Nous aurons en même temps à apprécier l’ignoble pamphlet que M. Monfalcon1 a publié sous le titre d’Insurrections de Lyon. Il y a long-temps que notre réponse est prête. A cette revue historique qui comprendra dans une 2e partie le rapide mémento de tout ce qui nous aura paru mériter d’être conservé, succéderont d’abord une revue du journalisme, et ensuite une revue littéraire et morale ; dans la première nous compterons les pertes graves et nombreuses que le journalisme a subies. Nous n’y puiserons cependant aucun motif de découragement ; car c’est sur le champ de bataille de la presse qu’il est vrai de dire uno avulso non deficit alter.

La revue littéraire et morale que nous nous proposons ne sera pas une insignifiante bibliographie de ces œuvres éphémères, dont la presse gémit, et qu’un jour voit naître et mourir ; mais nous signalerons les paroles d’un croyant, par l’abbé Lamennais, ouvrage digne de sa réputation, et qui ouvre à l’Église une ère nouvelle. Nous n’aurons garde d’oublier l’Anathème2 que M. Jules Favre, notre compatriote, a lancé avec une vertueuse indignation sur toutes les corruptions humaines. Nous ferons plus encore, nous donnerons quelques extraits de ces chefs-d’œuvre bibliques. Nous consacrerons plusieurs articles, soit à l’exposition générale des produits de l’industrie, qui a eu lieu à Paris et dont nous n’avons pu parler ; soit à celle des produits des Fabriques étrangères, qui a lieu à Lyon en ce moment. Nous ne négligerons pas en même temps notre tâche journalière. Le Conseil des Prud’hommes fixera notre principale attention. Non-seulement nous chercherons à donner autant que possible fidèlement le compte-rendu de chaque séance ; mais nous chercherons à rapprocher les décisions afin d’en former un corps de droit. Nous essayerons de faire sur une échelle plus petite, ce que le laborieux Sirey3 a fait pour toutes les parties du droit français ; heureux si nous parvenons à fonder une jurisprudence fixe, qui soit à la fois, la règle des Prud’hommes et des justiciables. La connaissance exacte des droits respectifs, aura nous n’en doutons pas, pour effet immédiat de prévenir une multitude de petites difficultés qui aigrissent les esprits, et troublent l’harmonie de la Fabrique en général. Il ne faut laisser à l’arbitraire que le moins possible, c’est ce que nous essayerons. Nous appelons dès à présent, toutes les réclamations fondées. Elles jouiront toujours dans notre feuille du privilège de séance. Sous aucun prétexte, nous ne les ajournerons, car l’homme qui souffre est toujours pressé et sa plainte doit être accueillie. Jamais un citoyen opprimé ne sera tenté de dire : à quoi bon votre tribune ?

Partout où les intérêts du prolétaire se trouvent en contact avec des intérêts contraires, nous y serons pour porter [2.2]le flambeau de la publicité. Le tribunal de commerce, le tribunal civil, la police correctionnelle, la police municipale, les justices de paix, verront agrandir le cercle de leur publicité. Aucun journal, jusqu’à présent, ne s’est occupé du soin de rendre compte de leurs audiences ; nous remplirons cette lacune. Les décisions de nos tribunaux doivent intéresser davantage que celles des tribunaux étrangers. Nous nous occuperons rarement de ces derniers ; seulement nous prenons l’engagement de tenir nos lecteurs au courant des débats qui auront lieu devant la cour des pairs, relativement aux accusés d’avril.

Sous le titre de Misères prolétaires nous avons commencé, les lecteurs de l’Echo de la Fabrique et de l’Echo des Travailleurs s’en souviennent, une galerie où tous les maux qu’endurent les prolétaires sont successivement passés en revue, nous la continuerons. L’histoire du jeune Raynal publiée par lui-même, sous le titre de Malheur et poésie, n’en sera pas l’une des pages les moins intéressantes.

Après avoir critiqué, il nous sera permis de présenter nos plans d’améliorations, nous commencerons par la réforme judiciaire. Le privilège jettera de hauts cris, mais les hommes sensés nous approuveront ; nous en avons l’espérance !

Trop d’éloges ont été donnés à nos lectures prolétaires, pour que nous songions à les discontinuer. Nous nous appliquerons seulement à en faire un choix judicieux et sévère. Il faut aussi donner quelque chose au plaisir, les théâtres seront nos tributaires et pour ceux qui préfèrent la lecture aux jeux de la scène, notre répertoire historique et anecdotique est assez varié pour satisfaire leur goût. A la malignité publique qui réclame sa part, nous offrirons lorsque l’occasion s’en présentera des Cancans, mais nous ne savons pas immoler la vertu ni les mœurs à un bon mot. Nous nous abstiendrons de toute raillerie qui n’aurait pas un but utile.

Voici à peu près le programme de nos travaux, nous y serons fidèles et notre constante étude sera de le dépasser plutôt que de rester en arrière.

Notes (CE QUE NOUS NOUS PROPOSONS DE FAIRE.)
1 Jean-Baptiste Monfalcon (1792-1874), Histoire des insurrections de Lyon, paru chez L. Perrin. Cet ouvrage constitua le premier historique des insurrections lyonnaises. Ecrit, sinon sous la dictée, du moins sous la visée du préfet Gasparin, il reflétait le point de vue des autorités orléanistes.
2 Jules Favre (1809-1880), Anathème, paru à Paris chez Louis Babeuf.
3 Référence ici à Jean-Baptiste Sirey (1762-1845) qui avait publié depuis le tout début du 19e siècle les principaux recueils périodiques de décisions judiciaires, et les avait résumé  notamment dans ses ouvrages, Les cinq codes annotés (1824) et Jurisprudence du 19e siècle (1825).

 

 

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