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28 septembre 1834 - Numéro 2
 
 

 



 
 
    

N’ayez pas peur de l’avenir !

S’il est une vérité qui ne soit pas comprise et qu’il soit important de faire comprendre, c’est bien celle qui se trouve formulée dans ce peu de mots : le progrès profite à tout le monde ; à ceux dont la stupidité le repousse, comme à ceux dont le désespoir l’appelle, sauf les désastres momentanés, d’une crise violente si l’on force le progrès toujours inévitable, à se faire par une révolution. Si l’on peut faire un reproche à ses Partisans, c’est de n’avoir pas donné, à la démonstration de cette vérité, tout le temps et le talent nécessaires. On avancerait plus, en effet, à se servir du flambeau de la presse, pour explorer les espérances d’un avenir qui n’est pas encore suffisamment apprécié, même par ceux qui l’invoquent, que de fouiller dans les ordures du présent.

Ainsi donc, trêve d’attaques et de colères, hâtons-nous de faire cesser une erreur qui seule, maintenant, peut retarder la victoire et qui ne saurait durer long-temps, si l’on admet ce que je ne puis m’empêcher de croire, que l’immense majorité de ceux qui nous repoussent sont de bonne foi dans leurs appréhensions. Le progrès n’a plus à passer par ces convulsions terribles et sanglantes d’une époque aux vigoureuses attaques et aux vigoureuses résistances. Il serait aussi difficile en France de trouver des assassins parmi les gens de l’Egalité, que de trouver des martyrs parmi ceux du privilège. Tous les progrès que la société accomplit dans ses transformations providentielles tournent au bénéfice de toutes les classes de cette société. La justice a cela de particulier qu’elle le rend à tout le monde. La lutte et le privilège diminuant la force productive et entravant la production, à mesure que le privilège s’efface et que la lutte cesse, la production augmente, et ce surcroît de bien-être qui est donné aux pauvres n’est pas pris sur ce qui est enlevé aux riches ; mais sur ce qui est produit de plus. Chaque pas que nous avons fait dans la route de la civilisation, a justifié cette vérité et attesté ce résultat. c’est là toute l’histoire du passé, ce sera toute celle de l’avenir. Le maître de l’antiquité s’est enrichi à l’affranchissement des esclaves ; le seigneur du moyen âge a gagné à l’émancipation des serfs et le bourgeois du 19e siècle n’aura rien à perdre à la disparition du prolétariat : encore une fois, voici vers quel terrain toutes les discussions doivent être amenées si l’on veut arriver plus vite. Disparaissent les craintes sur les résultats et les transitions du progrès et tous les obstacles seront levés.

[1.2]La question de l’esclavage des nègres dans les colonies Anglaises vient d’être résolue, parce qu’on a fait comprendre aux colons que le travail fait par des esclaves leur revenait plus cher que le travail fait par des gens libres.

Les propriétaires savoisiens ne seraient pas attachés à l’ignoble et féroce domination de Charles Albert1, s’ils savaient combien la liberté féconderait leur sol, combien leurs propriétés augmenteraient de valeur par leur réunion à la France.

Les négocians ne reculeraient pas devant l’idée d’une grande association avec les ouvriers, s’ils pouvaient calculer le dividende qui leur reviendrait de cette association, entre le capital argent et le capital main-d’œuvre.

Car à quelque question spéciale que l’on applique les idées du progrès, on arrivera à la même conséquence : le progrès sert à tout le monde.

Notes (N’ayez pas peur de l’avenir ! S’il est...)
1 Référence encore à Charles-Albert de Savoie-Carignano (1798-1849).

 

 

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