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5 octobre 1834 - Numéro 3
 

 




 
 
     
AVIS

AUX ABONNÉS DE L’ECHO DE LA FABRIQUE

et de lecho des travailleurs.

[1.1]La Tribune Prolétaire sera envoyée gratis à tous les Abonnés de l’Echo de la Fabrique et de 1’Echo des Travailleurs, pendant tout le temps non servi de leur abonnement à l’un ou à l’autre de ces journaux, à la charge par eux 1° de venir réclamer avant le 30 octobre courant ; 2° de payer un trimestre, qui prendra cours à l’expiration du précédent abonnement.

COUP D’OEIL SUR LA SOCIÉTÉ.

Il est inutile de tracer ici le tableau du malaise social, et de peindre avec de noirs crayons les souffrances et la misère des classes laborieuses. Nos paroles ne s’adressent point aux dédaigneux du jour, dont la constante insensibilité a blasé le cœur ; et tous ceux qui ont quelques sentimens d’humanité reconnaissent en gémissant que l’état actuel des relations industrielles, commerciales et agricoles, est en réalité fort affligeant. On ne nie presque plus le mal ; il est patent, reconnu, avéré ; mais personne n’est d’accord sur le remède à employer pour le détruire.

Tout le monde sait que l’agriculture dépourvue de capitaux est désertée par les ouvriers pour l’industrie des villes. Chaque année, nos campagnes voient émigrer des milliers de garçons et de jeunes filles qui vont chercher, disent-ils, de l’ouvrage et du pain. Ces malheureux ne trouvent le plus souvent que la domesticité qui les pervertit, ou la concurrence qui ne leur permet pas de vivre. S’ils échappent au bagne ou à l’hôpital, ils rapportent au village une vieillesse anticipée, le goût de la fainéantise, et presque toujours l’habitude du vice et la corruption. De là l’abâtardissement de la race humaine.

Cependant ces émigrations continuelles amènent dans les villes une affluence considérable d’ouvriers qui envahissent les ateliers, et bientôt une production effrénée, hors de toute proportion avec la consommation, encombre de marchandises les manufactures, d’où il résulte nécessairement détresse pour les fabricans, ralentissement, stagnation dans la fabrication, avilissement des salaires d’abord, puis armée d’ouvriers sans travail, et enfin émeutes, insurrections, sans compter les vols, les brigandages particuliers, dont les cours d’assises nous offrent si souvent le triste spectacle. Survient le commerce, grand et petit, classe improductive, dont la fonction sociale se borne à opérer le mouvement et l’échange des produits : trouvant d’un côté des magasins remplis, encombrés, et de l’autre des besoins impérieux de consommation, il cherche à exploiter le producteur et le consommateur par ses spéculations et ses accaparemens ; mais l’agiotage, la concurrence et la politique venant se mettre de la partie, les reviremens de hausse et de baisse, la fraude, les lois de douanes, la paix ou la guerre, trompent ses espérances, [1.2]et font souvent aboutir toutes ses ruses, toute sa finesse, tous ses monopoles à la banqueroute et à la ruine.

Ainsi l’agriculture manque de bras et les fabriques en ont de trop, surtout depuis l’invention et le perfectionnement des machines ; les agriculteurs demandent des droits sur l’importation des blés et des bestiaux étrangers ; les fabricans provoquent une loi céréale contre les agriculteurs, et quelques-uns veulent des prohibitions contre les fers du dehors ; enfin, désharmonie complète, action et réaction continuelle de désastre, conflit permanent entre ceux qui fabriquent, ceux qui distribuent, ceux qui consomment les produits, guerre de tous les momens entre les producteurs, les marchands et les consommateurs ; voilà bien, aux yeux de tous les hommes de bonne foi, la situation vraiment déplorable de la société.

Pour remédier à des maux si constans, si graves, si poignans, et dont les progrès rapides deviennent de jour en jour plus effrayans, que proposent nos économistes et nos sages ? L’instruction primaire, les dépôts de mendicité, les colonies agricoles, les caisses d’épargne et de prévoyance.

L’instruction primaire est, sans aucun doute, une excellente chose ; et ce n’est point nous qui réclamons sans cesse le bienfait d’une éducation égale pour tous, qui nieront l’utilité de ce degré élémentaire de connaissance comme moyen d’éclairer et de moraliser les masses ; mais ce n’est là que la première pierre de l’édifice, et il y a loin de la fondation à la coupole ; d’ailleurs l’instruction primaire fut-elle propre à guérir nos maux, elle ne pourrait y parvenir, entravée qu’elle est par le joug universitaire, l’influence des prêtres et les tracasseries des conseils municipaux et des maires. Mais ce n’est qu’une initiation, et il est nécessaire qu’elle soit suivie d’une instruction secondaire, puis d’un système complet d’éducation, qui vienne développer toutes les intelligences, si vous voulez arriver à un bon résultat. L’instruction primaire seule n’apprendrait que ce qu’il faut savoir pour sentir tout le vide de l’ignorance, et elle serait plutôt un mal qu’un bien pour la société, dans laquelle elle créerait de nouveaux besoins sans fournir aucun moyen de les satisfaire.

Les dépôts de mendicité ne remédient à rien : ce sont des hôpitaux ou des prisons qui parquent la misère sans la soulager, qui la nourrissent du pain de l’aumône et de l’esclavage, et cette nourriture de la réclusion et de la pitié, ne convient pas plus que celle des couvens et de la Bastille aux hommes du 19e siècle. Les dépôts de mendicité, nous le répétons, tueraient la liberté individuelle, ils nous feraient descendre au dernier degré d’abrutissement, ils amèneraient un temps où la moitié du monde engraisserait l’autre dans des cages et des cabanons.

Les colonies agricoles, importées d’Angleterre et de Hollande, cachent un danger moins évident et moins prompt en ce qu’elles appellent à produire et par suite à acquérir, des hommes dont la société ne tirait aucun profit, et que l’instinct de sa conservation lui commandait de repousser ; mais l’exubérance de population ramènerait bientôt la misère dans ces colonies pénitentiaires elles-mêmes [2.1]qui ne donneraient qu’un secours momentané à des hommes réprouvés, sans diminuer en rien le malaise général de la société qui en serait débarrassée. Admettez-vous des colonies libres destinées à recueillir et utiliser tous les gens inactifs, cette colonisation volontaire, en se généralisant, nous reculerait au servage et nous rattacherait à la glèbe.

Les caisses d’épargne et de prévoyance lorsque la majorité des Français vit d’aumônes ou de privations, sont, hâtons-nous de le dire, une amère dérision, une sanglante ironie. Donnez aux ouvriers les moyens de vivre avant de leur demander de faire des économies. Il faut avoir le nécessaire avant de songer à épargner sur le superflu. Apparemment vous ne voulez pas qu’ils laissent mourir de faim leur femme et leurs enfans pour se donner le plaisir d’expérimenter la puissance reproductive de l’argent, opérant sur vingt sous, la reproduction suffirait-elle à payer l’enterrement et le deuil ?

Nous sommes fâchés d’avoir à nous prononcer d’une manière improbative sur des mesures que certains hommes proposent, avec conviction sans doute, comme une panacée universelle, un remède à tous nos maux ; mais nous le disons avec franchise, nous ne voyons-là rien de grand, rien de large, rien de complet. La question qui s’agite aujourd’hui est une question de réforme intégrale, capable d’améliorer sur tous les points le sort de l’espèce humaine. Il ne s’agit point d’instruction élémentaire seulement, mais d’une éducation générale qui développe les instincts, les intelligences, les goûts, les penchans et les facultés pour la meilleure et la plus grande exploitation du globe. Il ne s’agit point de nourrir et d’emprisonner les mendians, de les atteler comme des bêtes de somme à la herse, ou à la charrue pour défricher quelques landes ou quelques steppes ; il s’agit moins encore de demander à l’indigence laborieuse une portion de son salaire que l’agiotage ferait fructifier bien ou mal ; il faut extirper la mendicité et procurer l’abondance à quelques-uns, l’aisance à tous. C’est la tâche du gouvernement, qu’il s’en occupe consciencieusement, toute affaire cessante.

exposition publique et gratuite

DES PRODUITS DES FABRIQUES ÉTRANGÈRES,

au palais saint-pierre.

Suite. – V. le n° 2.

Nous n’entrerons pas dans le détail des prix des diverses qualités de florences, marcelines et marcelinettes ; nous ferons cependant observer que les trois pièces de lustrines, nos 13, 14 et 15, sont inférieures sous bien des rapports à ce que l’on fabrique à Lyon ; elles sont toutes rayées. Il n’est point de maison ici qui ne considérât cet article comme rossignol. Il n’en est pas de même des gros de Naples de Zurich et de Bâle ; la fabrication en est soignée. Néanmoins nous pouvons assurer les acheteurs qu’ils ne trouveront rien d’inférieur dans les magasins de Lyon ; ils trouveront même des étoffes supérieures sous les rapports de la fabrication comme sous ceux du choix des matières et de la teinture. En général les étoffes de Zurich et de Bâle ont toutes peu d’éclat ; elles sont d’une dureté au maniement que n’ont pas même nos petits gros de Naples tout souples, et qu’on livre encore aujourd’hui à la vente à 3 fr. et au-dessous. Ainsi le n° 17, par exemple, coté à 3 fr. 9 c, sans escompte, revient réellement à 3 fr. 90 c., en y ajoutant ainsi que de raison 15 p. 100 d’augmentation du prix des soies, et 12 p. 100 d’escompte. L’aune de cette étoffe pèse un peu moins de 28 grammes. Le n° 19 porte 52 aunes 3/8 gros de Naples ½ aune de large, à 4 fr. 07 c. sans escompte. Le prix est réellement de 5 fr. 15 c., en y ajoutant l’escompte et l’augmentation de la soie. Elle pèse 40 grammes l’aune. Il y aurait de l’inconséquence à affirmer que l’on peut trouver sur notre place des étoffes semblables, de même poids et au même prix que celles indiquées, mais on y trouve pourtant des étoffes à tout prix et dont la différence n’est pas telle qu’il en puisse résulter une concurrence notable.

Relativement aux prix de façon, nous voyons le n° 17 [2.2]coté de 30 à 35 c., et le n° 19 de 60 à 65 c., la largeur du n° 17 est très étroite. Il y a entre le prix de façons de l’article n° 17 une différence de moitié avec les prix de Lyon. Ici le petit gros de Naples se paie 60 c. Quant aux gros de Naples plus larges, le prix est de 75 c. à Lyon. Il n’y a donc qu’une différence de 10 c. sur cet article et le prix de Zurich, tel qu’il résulte de la cote du n° 19. Ainsi, en admettant que sur le premier article (n° 17) et ceux analogues, le prix de façon puisse être un obstacle à la fabrication lyonnaise, cet obstacle disparaît sur le second (n° 19), et cela avec d’autant plus de raison, qu’il n’est pas rare de voir les prix varier de 10 c. d’une fabrique à l’autre. Nous trouvons encore la même différence sur les gros de Naples 3/4, dont le prix de main-d’œuvre n’est que de 70 à 75 c. Ils se paient à Lyon 35 c. de plus. Mais cette différence devient à peu près nulle sur les articles serge n° 32, 33 et 34. Nous devons en conclure que quelques erreurs ont pu être commises par les acheteurs qui en définitif n’ont pas assisté au réglement des salaires payés par les négocians étrangers à leurs ouvriers.

Nous ne dirons plus qu’un mot sur ce sujet. Le n° 1, gros de Naples 3/4, tramé gros noir, est bien fabriqué. 49 aunes, montant de son aunage, pèsent 2 955 grammes soit 65 grammes l’aune. Le prix de vente est coté 6 fr. 25 c. avec escompte de 12 p. 100 banque. L’augmentation de 15 p. 100, à raison du prix de la pièce, porte le prix à 7 fr. 15 c. Il nous serait impossible de dire si ce prix pourrait être adopté par la fabrique de Lyon, attendu que chaque maison, suivant la nature de ses produits, emploie des matières dont la qualité et la teinture permettent d’élever ou d’abaisser de 50 à 75 centimes. Nous, allons passer aux produits de la prusse rhénane. Les unis de Creveld sont beaux ; le satin de Luxor, n. 50, est remarquable ainsi que le gros d’Orléans, n. 52 ; il n’en est pas de même des gilets façonnés et des philippines ; leur prix comparativement aux nôtres sont plus élevés, et nous n’osons louer la beauté des dessins de crainte qu’on ne prenne nos éloges pour une épigramme, car ces dessins sont absolument copiés sur les nôtres.

Les velours de Creveld sont renommés et font, dit-on, à Lyon une concurrence ruineuse. Sérieusement nous ne le croyons pas, car malgré l’accroissement de la fabrique de Creveld, nos velours ont toujours été recherchés. Le n. 57 mérite de fixer l’attention ; il est côté 14 fr. 26 cent, sans escompte. La façon est portée à 4 fr., nous devons ici faire observer que nos velours différent de ceux de Creveld, par un fond serge et une coupe sur soie, au lieu d’un fond taffetas avec coupe sur drap. Cette différence est notable et doit être appréciée pour la fixation du prix de la façon, mais aussi le velours conserve par ce moyen beaucoup plus d’éclats. En résumé nos velours sont d’un prix peu élevé au-dessus des gros velours de Creveld, et ils leur sont infiniment supérieurs. Cependant comme le bon marché est le seul but auquel on semble viser aujourd’hui, nous devons dire que deux ou trois maisons de notre ville, viennent d’essayer de fabriquer des velours selon le genre de Creveld. Nul doute qu’elles ne réussissent à enlever, au moins pour la consommation française, ce débouché à nos voisins, qui ont plusieurs dépôts à Lyon, lesquels deviendront inutiles, lorsque Lyon pourra fournir les mêmes produits au même prix ; mais pour l’acquit de notre conscience, nous appliquerons toujours à ces étoffes bon marché, françaises où étrangères, le dicton populaire : il n’y a rien de ruineux comme le bon marché.

(La suite au prochain numéro.)

ABUS DES CHIFFRES

sur les livres des ouvriers.

Nous avons maintes fois, dans l’Echo de la Fabrique et dans l’Echo des Travailleurs, appelé l’attention sur les divers abus de la fabrique. Au risque d’être fastidieux, nous croyons devoir nous répéter : Nous avons demandé, notamment (et pour ne nous occuper aujourd’hui que d’un seul abus) que les comptes des ouvriers fussent écrits sur leurs livrets en toutes lettres, et ensuite hors ligne en chiffres suivant l’usage, et bien entendu sans surcharge ni interligne. Des exemples journaliers nous apprennent [3.1]que nos avis n’ont pas été suivis. Les négocians ont regardé comme une injure la supposition qu’ils pouvaient se tromper, les ouvriers n’ont pas osé exiger, et les choses sont restées dans le même état. Cependant rentrés aujourd’hui dans la lice et après avoir déclaré hautement que nous n’avons jamais eu dans l’idée que c’était sciemment que des erreurs (dans le cas contraire, il ne faudrait plus les appeler de ce nom) étaient commises ; il nous sera permis d’insister pour que la possibilité d’en commettre de nouvelles soit ôtée. Qu’on y réfléchisse bien, négocians et ouvriers trouveront leur avantage à ce changement ou plutôt à ce retour vers les principes de toute comptabilité. Les uns et les autres ont besoin réciproquement d’estime, de confiance. Est-il bon ? Est-il juste ? Est-il moral ? Que l’une des parties soit à la discrétion de l’autre. C’est un fardeau qu’une telle responsabilité ; pour notre compte, nous n’en voudrions pas. Allons plus loin pour un moment. Nous admettrons si l’on veut que les plaintes des ouvriers ne sont pas fondées, que les erreurs proviennent de leur côté, par défaut de mémoire ou autrement. Eh bien ! pourquoi ne pas anéantir ce sujet de plainte, pourquoi ne pas rendre impossibles ces erreurs, enlever tout prétexte à la mauvaise foi ? Nous ne voyons pas d’objection plausible ; et si les négocians insistent pour que l’abus signalé continue, que veulent-ils que le public impartial pense. Quel intérêt peuvent-ils avoir à ces récriminations bien ou mal fondées, à ces tracasseries, à ces débats toujours scandaleux ; car les deux parties mettent en jeu argent et considération.

Puisque nos conseils ont été méprisés, qu’on a cru, d’un côté, qu’il y aurait de la lâcheté à s’y soumettre, quoique (nous en sommes certains) beaucoup en aient reconnu la justice et auraient désiré s’y conformer si la crainte puérile de se prononcer les premiers ne les avait retenus ; puisque, d’un autre côté, on n’a pas eu la fermeté nécessaire pour exiger ce qui est de toute justice ; il ne reste qu’un moyen et nous l’employons avec confiance. C’est au conseil des prud’hommes que nous en appelons ; c’est à lui à prendre une honorable initiative. Que le conseil décide qu’il ne reconnaîtra de valables que des écritures régulières ; qu’il soit sévère, car la thémis civile, est aussi armée du glaive signe de puissance et de force ! Que les membres qui sont négocians, que ceux qui sont chefs d’atelier donnent l’exemple que nous réclamons au nom des ouvriers ; cet exemple sera tout puissant et la fabrique entière le suivra. Nous n’en doutons pas, car nous sommes convaincus que c’est plutôt fausse honte que mauvaise intention, si elle s’y est refusée jusqu’à ce jour. S’il y a des récalcitrans, le nombre sera minime et ils ne tarderont pas à imiter leurs confrères, parce qu’ils y seront moralement contraints. Notre plainte est ancienne, nous la renouvelons. Puisse-t-elle être enfin accueillie ! Nous continuerons à passer en revue les divers abus que nous avons déjà signalés. Pourquoi nous lasserions-nous ? notre tâche est loin d’être accomplie ; les ouvriers n’ont obtenu que peu de chose, et ce peu on le leur dispute, chaque jour on le met en discussion ; mais cela mérite de plus amples développemens. Ce sera le sujet d’autres articles : habitués aux combats de la presse les ouvriers nous trouveront encore les premiers sur la brèche, les forces pourront nous manquer, la bonne volonté jamais.

SOUSCRIPTION

En faveur des citoyens détenus préventivement à Roanne et à Perrache, par suite des événemens d’avril.

MM. Charnier, 1 f. – Roze, 50 c. – Une dame anonyme, 1 f. – Legras aîné, 1 f. – Legras cadet, 1 f. – Falconnet, 1 f. – Berger, 50 c. – Marius Chastain, 1 f. – Strube, 2 f. – Lardet, 2 f. – Bache, 1 f. – Mlle Reverdet, l f. – Total, 12 f. 50 c.

Prison de Perrache, le 29 septembre 1834.

Au Rédacteur.

Monsieur ;

Les détenus politiques de la prison de Perrache, réunis en assemblée générale, ont procédé à l’élection des membres d’une commission chargée de la répartition des secours envoyés du dehors.

Les membres de cette commission, sont : MM. Miciol, président ; Nocher, secrétaire ; D. Desgarnier, trésorier ; Girard, [3.2]Berthelier, Poulard, Buffet, Verpillat, Gagnaire et Mollard-Lefèvre, membres.

En conséquence, cette commission engage les délégués des souscripteurs à lui faire parvenir les sommes qu’ils destinent au soulagement de leurs frères captifs.

(Suivent les signatures.)

La dénonciation du Courrier de Lyon, à laquelle nous avions répondu par une plaisanterie, a bien vite porté ses fruits. Un grand nombre de chefs d’atelier, parmi lesquels deux prud’hommes (MM. Dufour et Dumas), prévenus d’avoir tenté de reconstituer le mutuellisme, ont été arrêtés dimanche et lundi ; nous ignorons si le fait qui leur est imputé est vrai ; si nous le savions, nous nous garderions de le dire, parce que nous ne voyons rien de plus vil que la délation ; mais le Courrier de Lyon dira que c’était son devoir de signaler une contravention à la loi ; en ce cas, comme nous ne voulons par continuer, avec ce journal, notre polémique de l’Echo de la Fabrique, nous lui répondrons dès à présent que c’est un bien triste devoir, même pour ceux qui en ont reçu de l’autorité la mission spéciale.

Voici les noms des citoyens arrêtés et qui ont été immédiatement transférés à Roanne. Ce sont MM. Dufour, autre Dufour, Dumas, A. Favier, Gourd, Grand, Guillot, Michel, Roussy, Valentin, tous chefs d’atelier, et Goupillon, dit Michel , cabaretier.

Mis en liberté, sous caution, et seront, dit-on, jugés samedi.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du octobre 1834.

En l’absence de MM. riboud, président et putinier, vice-président, M. Roux, membre de la section des marchands fabricans, occupe le fauteuil. Il est assisté de MM. Bender, Berthaud, Bourdon, Chantre, Cochet, Farin, Gaillard, Joly, Labory, Micoud, Milleron, Perret.

Trente-deux causes sont appelées, dont trois sur citation ; dans ce nombre figurent 1° dix au nom de l’agent comptable de la caisse de prêts, contre divers chefs d’atelier débiteurs de cette caisse, huit de ces débiteurs ne se sont pas présentés et ont été condamnés par défaut ; 2° deux autres au nom du même agent, contre des négocians pris en contravention pour avoir occupé des métiers sans avoir retiré les livrets déposés à la caisse, un de ces négocians ne s’est pas présenté ; nous rendons compte ci-après du jugement rendu contre l’autre. Sur les vingt autres causes, sept ont été jugées par défaut ; dans ce nombre nous en avons remarqué une entre Magnin, fabricant, et Berliat-Sarrazin, négociant ; et une entre demoiselle Rose Perrin et Lachapelle, aussi négociant.

Les causes qui ont présenté de l’intérêt sont les suivantes :

La caisse de prêts a-t-elle une action contre ceux qui détiennent soit par don, soit par achat des métiers d’un fabricant qui avait fait un emprunt à la caisse, en promettant le huitième sur tous ses métiers ? – Non.

Ainsi jugé entre l’agent de la caisse et Abre, fabricant.

Abre possédait quatre métiers lorsqu’il emprunta à la caisse de prêts, depuis il en a donné un à chacune de ses filles en les mariant, et il ne lui en est resté plus qu’un, que même il ne fait pas valoir. Abre ayant déclaré que, par suite d’une succession qui lui était échue, il désintéresserait la caisse, il a été engagé à donner sûreté hypothécaire.

La caisse de prêts a-t-elle le droit de prendre en contravention un négociant par ce seul fait qu’il occupe un chef d’atelier dont le livret est resté à la caisse, lors même qu’il a retenu le huitième et offre de le payer ? – Oui.

Ainsi jugé entre l’agent de la caisse et Adam et Felissent.

L’ouvrier payé à la semaine et qui ne vient pour commencer la suivante que le jeudi, peut-il être renvoyé purement et simplement sans bonification de huitaine ? – Oui.

Ainsi jugé entre Berthramy, ouvrier potier, et Pissavy, son maître.

Le chef d’atelier qui fait finir par un autre le châle commencé par un ouvrier, et cela sous le prétexte que cet ouvrier est venu trop tard, est-il fondé ? – Non.

Ainsi jugé entre Vial et dame André.

[4.1] Vial avait encore 8 000 passées à faire sur un schal ; il avait été obligé de discontinuer, par des motifs à lui étrangers. Lorsque l’empêchement fut levé, la dame André le prévint de venir finir le schal. L’ouvrier ne vint qu’à 9 heures ; mais la dame André avait disposé de son métier, et Vial fut obligé de se retirer. La dame André a été condamnée à lui payer la façon comme s’il eut travaillé.

Lorsqu’un chef d’atelier s’est engagé à faire une retenue pour son ouvrier, moyennant que le négociant dont cet ouvrier était débiteur d’une forte somme, lui fournirait de l’ouvrage, et que cet ouvrier le quitte, est-il tenu d’exécuter cette convention et de souffrir une retenue sur des métiers non occupés par l’ouvrier débiteur ? – Non.

Ainsi jugé entre Jacob et Jogant.

Le négociant ayant refusé de continuer de faire travailler, Jacob demandait une indemnité. Il a été débouté de cette demande.

La souscription pour le monument à élever en l’honneur de Jacquard, (voyez la notice sur ce mécanicien dans notre dernier numéro), monte en ce moment à 3,968 f.

M. LAGRANGE.

Mademoiselle Jeanne Dubuisson vient de rappeler l’attention sur ce détenu auquel ses ennemis politiques (il ne saurait en avoir d’autres), sont obligés eux-mêmes de rendre justice. Nous engageons les lecteurs à prendre connaissance de l’article intéressant que sous le titre : Un trait d’une vie, elle lui a consacré dans le Numéro 27 du Papillon, qui a paru jeudi dernier ; mais nous ne pouvons résister au plaisir d’en donner une courte analyse ; quelque décolorée qu’elle soit elle plaira.

M. Lagrange, soldat d’artillerie de marine, montait la Bellone, frégate française. Cette frégate poursuivie par un bâtiment anglais de force supérieure parvint cependant à lui échapper. En ce moment, le jeune artilleur ne pouvant maîtriser sa joie, s’écria : Enfoncés les Anglais ! Une querelle s’élève entre lui et le capitaine d’armes, généralement accusé d’avoir servi en Angleterre et d’en avoir rapporté des sentimens peu français. Lagrange, après avoir frappé son supérieur, qui l’avait tutoyé d’une manière inconvenante, s’oublia jusqu’à menacer de mort son commandant, et il aurait exécuté sa menace si on ne l’en eût empêché. Arrêté par suite de cet acte grave d’insubordination, dans lequel, quelque blâmable qu’il soit on reconnaît un caractère énergique, un sentiment profond de la dignité d’homme et un amour-propre national qu’on ne peut moins faire l’admirer, et qui sont encore les attributs distinctifs du caractère de M. Lagrange, il devait passer devant un conseil de guerre.

Lagrange aurait sans doute été condamné à mort, la discipline militaire le voulait et il attendait son sort avec une fermeté d’âme stoïque. Heureusement pour lui, une tempête furieuse survint ; on le sortit de la barre de justice à laquelle il était attaché depuis deux semaines, et il fut transféré à bord du Revenga, vaisseau américain, avec l’équipage de la Bellone avariée ; on oublia son coup de tête ; il était aimé, personne ne le rappela, ensuite il passa avec sa compagnie sur le Superbe, ce même vaisseau qui a dernièrement fait naufrage. Depuis il est entré au service civil, nous ignorons quand et comment. Les événemens d’avril l’ont trouvé remplissant avec distinction les fonctions d’ingénieur des ponts et chaussées.

La Providence a conservé les jours du soldat, elle ne permettra pas que la tête du citoyen tombe sur un échafaud ni que d’indignes fers meurtrissent ses mains.

LECTURES PROLÉTAIRES.

Les oisifs privent la société du tribut de leur travail, sur lequel elle a des droits incontestables. On a dit que tout oisif est un frelon qui vit aux dépens des abeilles. Qui n’a point d’occupation doit s’en faire.
Le major weiss1. Principes philosophiques.

Dans la France, telle que l’a faite la révolution, il ne s’agit plus de noblesse et de tiers-état, d’aristocratie et de démocratie, mais de gens qui ont et de gens qui n’ont pas, et il n’y a pour la société de profit et de prospérité [4.2]possible, qu’à la condition de reconnaître et de laisser s’exercer librement les droits des uns et des autres.
M. guizot. De la charte et du gouv. représ. 18202.

Celui qui veut faire du bien aux hommes, doit de bonne heure s’accoutumer à en recevoir du mal.
bernardin de saint-pierre.

NOUVELLES.

ÉTRANGER.

PORTUGAL. – Don Pedro est dangereusement malade ; sa fille a été déclarée majeure. – Les chambres ont consenti au mariage de cette princesse avec le jeune duc de Leuchtemberg fils d’Eugène Beauharnais1.

– Don Pedro est mort le 21 septembre ; il était né le 12 octobre 1798.

ESPAGNE. – La chambre des procuradores a reconnu la totalité de la dette sauf l’emprunt Guebhard.

– Mina remplace Rodil2 dans le commandement de l’armée de Navarre, chargée de réprimer l’insurrection de don Carlos.

GRECE. – On assure que l’insurrection de l’Arcadie et de la Messènie, fomentée par les partisans de Colocotroni, est réprimée3.

havre (le). M. Arnault, secrétaire de l’Académie Française, l’un des proscrits de 1816, est mort sur la fin du mois de septembre4.

mans (le) (Sarthe). René Levasseur, conventionnel régicide, est mort le 18 septembre, âgé de 87 ans, 2 mois. Plus de 5 000 personnes ont suivi son convoi. – Levasseur5 après avoir rempli des fonctions éminentes, est mort pauvre. Ses mémoires ont été publiée en 1829 par Achille Roche, enlevé si jeune à la patrie et aux lettres.

PARIS. Marin, statuaire distingué, ancien professeur à l’école de Lyon, est mort dans la plus profonde misère le 18 septembre dernier, âgé de 75 ans.

Idem. – Le duc Decazesduc 6, ancien ministre de la police et favori de Louis XVIII, a été nommé, le 20 septembre dernier, grand référendaire de la chambre des pairs en remplacement de M. de Sémonville. MM. Portalis, de Broglie et Molé ont été nommés vice-présidens, le dernier a refusé.

Idem. – Une ordonnance du 22 septembre, nomme une commission pour préparer un Code rural.

Id. – La Cour des pairs est convoquée pour le 20 octobre courant, à l’effet d’entendre le rapport de la procédure instruite contre les prévenus du complot d’avril.

Lyon.

Le Numéro du Précurseur du 25 septembre dernier, a été saisi. MeJules Favre s’est déclaré auteur de l’article incriminé.

– Dimanche dernier, des soldats du poste de Serin, ont fait feu sur trois compagnons, qui pour éviter d’être arrêtés, à la suite d’une rixe entr’eux, s’étaient jetés à la nage. Ce fait brutal a produit une grande rumeur.

THÉÂTRES.

Nos lecteurs connaissent sans doute la faillite de M. Lecomte ; directeur privilégié des théâtres de Lyon, par suite de laquelle le Grand-Théâtre est fermé. Le Gymnase seul est exploité par les artistes dramatiques réunis. M. Singier, honorablement connu des Lyonnais, avait offert ses capitaux et sa vieille expérience. Capacité et argent, cela aurait dû suffire. Le conseil municipal de notre ville en a jugé autrement et M. Singier a été éconduit. La direction des théâtres de Lyon est en ce moment et sera encore peut-être long-temps vacante.

Nous nous proposons, comme nous l’avons dit, de rendre un compte succint des représentations théâtrales. Nous les envisagerons sous le rapport moral tout autant que sous le rapport scénique. Sine ira et studio.

(31) Les chefs d’atelier qui auraient une mécanique en 400 corps pleins ou des maillons à vendre, peuvent s’adresser à M. Foulet, rue de Flesselle, n° 4, au 1er, qui traitera avec eux avantageusement et comptant.

Notes (LECTURES PROLÉTAIRES. Les oisifs privent la...)
1 François-Rodolphe de Weiss (1751-1818) dont les Principes philosophiques, politiques et moraux étaient parus une première fois en 1785 avant de connaître de très nombreuses rééditions.
2 Probablement tiré de l’une des deux brochures suivantes de François Guizot (1787-1874), Du gouvernement représentatif et de l’état actuel de la France (1816) ou Du Gouvernement de la France depuis la Restauration et du ministère actuel (1820).

Notes (NOUVELLES.)
1 La nouvelle mentionne ici le décès de Don Pedro Ier (1798-1834) et le mariage de sa fille, désormais reine du Portugal, Maria II (1819-1853) avec Auguste de Beauharchais (1810-1835), fils de Eugène de Beauharnais (17784-1824).
2 Référence aux généraux espagnols Francesco Espoz y Mina (1781-1836) et Jose Ramon Rodil Gayoso (1789-1853).
3 La Grèce, indépendante depuis 1830, avait à sa tête le roi Othon auquel Theodoros Kolokotronis (1770-1843), précédemment héros de la guerre d’indépendance,  s’était opposé et qui avait été emprisonné fin 1833.
4 Il s’agit ici du poète et homme politique français Antoine-Vincent Arnault (1766-1834).
5 René Levasseur (1747-1834), chirurgien et homme politique.
6 Jusque là grand référendaire de la Chambre des Pairs,  Charles-Louis Huguet, marquis de Sémonville (1759-1839) venait d’être remplacé par Elie Decazes (1780-1860). Parmi les Pairs mentionnés ici figure également Mathieu-Louis Molé (1781-1855).

 

 

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