C’est avec un sentiment bien vif de plaisir que nous voyons dans ce temps, où certes l’égoïsme a sa bonne part, des hommes s’agiter dans leur sympathie pour les classes pauvres, afin d’améliorer leur sort. Ces hommes méritent une reconnaissance éternelle, et malheur à celui dont le cœur serait assez froid pour dédaigner leurs œuvres. Au nombre de ces hommes généreux, est M. Benjamin Rolland, connu par ses precédens philantropiques et qu’on a remarqué partout où il a fallu travailler avec désintéressement, soit pour rendre service à l’humanité, soit pour les saintes causes de la patrie ou du malheur.
M. Benjamin Rolland se présente aujourd’hui avec un projet d’association pour les ouvriers en soie, basé sur la société protestante de secours mutuels, à la création de laquelle M. Rolland participa. Nous l’avons déjà dit dans l’un de nos numéros, ce qui est très-bon dans la société protestante, peut être très-pernicieux dans la société des ouvriers en soie. Ainsi, selon nous, le sociétaire honoraire ne devrait point se mêler de la gestion [5.2]de la société, parce qu’alors il y aura toujours partialité dans la distribution des secours.
Dans son projet d’association, M. Rolland veut que l’on procure du travail à l’ouvrier qui en manquera, chose impossible, car l’ouvrier refusant de travailler pour un magasin qui ne le payera pas assez, ira-t-il travailler pour un autre qui le payera moins ? et d’ailleurs ce n’est pas le tout que de procurer du travail à un ouvrier, il faut que ce travail lui puisse suffire à élever sa famille, c’est ce dont la société ne pourra pas répondre, car dans les temps mauvais elle ne pourra point faire augmenter les prix des façons ; au contraire, par l’influence de quelques gérans, il pourrait se faire que le négociant obtiendrait de légers secours pour son ouvriers afin de le faire travailler à vil prix.
Nous nous permettrons encore une observation. Nous croyons que la cote de 1 fr. 50 c. par métier sera un grand obstacle à la formation de la société de M. Benjamin Rolland. Un chef d’atelier qui possède quatre métiers n’est pas toujours heureux, et beaucoup se trouveront dans l’impossibilité de verser 6 francs par mois.
Du reste l’association de M. Rolland est basée sur des vues larges et généreuses, et à quelques modifications près, nous croyons qu’elle serait un bienfait pour la classe ouvrière : d’ailleurs qu’elle réussisse où non, les ouvriers n’en doivent pas moins de reconnaissance au généreux philantrope qui s’occupe sans relâche de l’amélioration de leur sort.