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26 octobre 1834 - Numéro 6
 

 




 
 
     
LYON.

[1.1]Grâce au Courrier de Lyon, notre acte d’accusation est tout dressé, et viennent, ce qu’à Dieu ne plaise, des circonstances telles que le pouvoir puisse espérer un triomphe éphémère sur la presse, on osera contre la Tribune prolétaire ce qu’on a tenté en avril contre le Précurseur. Voici de quelle manière le Courrier de Lyon associe la renaissance de la presse populaire aux tentatives insensées de quelques hommes, dupes de provocations que nous n’avons pas besoin de préciser parce que chacun nous comprend.

« Avant l’insurrection d’avril, plusieurs petits journaux spécialement écrits pour les ateliers, répandaient parmi les ouvriers des semences de haine, non-seulement contre les fabricant (négocians) mais encore contre la classe entière des propriétaires et des marchands. Nous venons de voir reparaître sous d’autres noms des feuilles où l’on prêche le bouleversement de l’ordre social. »

Nous mettons le Courrier de Lyon au défi d’établir que soit dans l’Echo de la Fabrique, soit dans l’Echo des Travailleurs, soit enfin dans cette Tribune prolétaire qui leur succède, nous ayons provoqué à la haine des négocians et des propriétaires en général, des marchands-fabricans en particulier ; si nous l’avions fait d’où serait donc venue la mansuétude du ministère public ? Dans ce long laps de temps, nous n’avons eu qu’un seul procès ; MM. Pellin et Bertrand sont les seuls qui aient ouvert pour nous l’arène judiciaire, mais nous sommes sortis de cette lutte avec un avantage assez marqué ; le droit que nous prétendions avoir d’insérer les réclamations des ouvriers a été reconnu par les tribunaux, et nos adversaires ont succombé sur ce chef, malgré l’insistance de MM. Chégaray et La Tournelle, et pour qu’il n’y eut pas d’équivoque, nous avons présenté un commentaire du jugement rendu contre nous, nous en avons fait résulter ce droit, et nous avons établi que la loi sur la diffamation ne protégeait que les actes de la vie privée ; il était facile de relever l’erreur de notre doctrine, si notre doctrine était erronée. Certes, il y avait bien de notre part insurrection contre un texte légal, si on eut cru que notre commentaire était un abus. La presse et le parquet se sont tus ; leur silence nous est acquis, l’Echo de la Fabrique n’était pas assez aimé pour qu’on négligeât de lui faire un procès s’il eut été soutenable ! Y a-t-il donc quelque chose de changé ? Aujourd’hui, comme alors, nous tenions pour incontestable le droit, ou pour mieux dire, le devoir de publier tous les griefs de la classe prolétaire, aujourd’hui, comme alors, nous en userons avec fermeté, toutes les fois que l’occasion s’en présentera ; est-ce là ce que le Courrier appelle provoquer à la haine ? Tant pis : le silence de l’opprimé serait sans doute agréable à l’oppresseur, mais il n’est ni juste ni naturel ; quant à bouleverser [1.2]l’ordre social, c’est une accusation banale. Tous ceux qui ont travaillé à l’émancipation du genre humain, à commencer par Jésus-Christ, sont nos complices. Les clameurs du Courrier ne nous arrêteront pas, et tant que notre voix pourra se faire entendre, nous réclamerons un ordre social tel que la classe des travailleurs entre en partage de biens et des jouissances qu’il procure ; le fils du pauvre n’est pas plus bâtard que le fils du riche, il a droit de s’asseoir au banquet avec lui.

RUINE DES FABRICANS DE CHALES

Le Courrier de Lyon nie la misère de la classe ouvrière, et l’a vu, dit-il, en goguette, contente du présent, insoucieuse de l’avenir. Des citoyens honnêtes ont pu croire les assertions menteuses du journal aristocrate, et ils ont taxé d’exagération les tableaux que les journaux patriotes ont, à notre exemple, présenté de l’état de détresse des travailleurs lyonnais. Il est si commode de s’endormir dans une douce quiétude, si facile de nier les maux qu’on ne peut ou ne veut secourir. Nous venons cependant troubler cette tranquillité des hommes dupés par les récits intéressés du Courrier de Lyon, essayer de faire rougir ceux pour qui cette tromperie est un calcul.

Nous avons établi, dans le dernier N°, l’inventaire du produit de la journée d’un métier 6/4 au quart, le plus avantageux de tous, et nous avons trouvé cinquante-cinq centimes pour bénéfice au chef d’atelier. C’est une terrible éloquence que celle des chiffres. Mais, dira-t-on, le chef d’atelier de Châles possède au moins 4 métiers, et il en occupe un. Nous répondrons que s’il occupe quatre métiers, il lui est impossible de travailler sur l’un d’eux. Il faut un homme pour toutes les commissions que nécessite la manutention de quatre métiers. Si cela n’est pas, que ceux qui connaissent la fabrique veuillent bien le contredire. Ainsi quatre métiers à 55 centimes par jour, font 2 francs 20 centimes, lesquels multipliés par 250 jours de travail, font, pour l’année, 550 francs. Déduisons sur cette somme 400 francs au moins de loyer, reste 150 francs pour le chauffage, l’éclairage, la nourriture, l’entretien du chef d’atelier et de sa famille. Cela est-il possible ?

Maintenant il y a plus ; les trois quarts des métiers sont à bas ; maîtres et compagnons sont sans ouvrage ; ceux qui ont quelque chose mangent chaque jour leur modeste pécule ; ceux qui n’ont rien vivent à crédit. Combien cet état de choses pourra-t-il durer ? Voilà la vérité présentée dans toute sa nudité ! Que fait en cette occurrence le gouvernement, centre commun, où aboutissent tous les intérêts ; le gouvernement qui n’est institué que pour les protéger ; si au moins les forts qu’on construit de toutes parts étaient destinés à être démolis ? sauf à les reconstruire, ensuite cela pourrait donner de quoi vivre aux ouvriers ; [2.1]mais des forts construits à demeure fixe, ne leur donneront pas du pain. Et c’est du pain qu’il faut.

Que l’autorité fasse une enquête sur la fabrique des châles ; et si dans un esprit quelconque nous avons surchargé notre palette de couleurs noires et mensongères, qu’on nous punisse, nous l’aurons mérité ; mais si nous disons vrai, si vigie attentive nous ne faisons que jeter un cri d’alarme, qu’on nous écoute et qu’on s’occupe du danger que nous signalons. Il faut vivre, est la loi de l’homme civilisé comme celle du sauvage.

Nous ne pousserons pas plus loin ce tableau du malheur de nos frères. Nous sommes loin de nous complaire dans ces tristes récits, nous ne reposons pas avec plaisir notre imagination sur de sinistres prévisions. Mais nous insistons afin qu’on cesse de nier le mal, le nier ce n’est pas le guérir. Sans doute tous les ouvriers n’ont pas encore déposé leurs vêtemens au Mont-de-Piété, et le Courrier de Lyon a pu les voir assez bien habillés. Mais faudra-t-il attendre pour croire à leur misère qu’ils en portent l’irrécusable livrée ! Allons plus loin. Qu’importe en admettant vraies les suppositions du Courrier de Lyon ; qu’importe que quelques-uns parmi le grand nombre aient été vus se gaudissant dans des fêtes plus ou moins opportunes ; est-il logique de conclure de la partie au tout. A-t-on bien scruté la conduite de ces individus ? sait-on s’ils n’étaient pas assez aveuglés pour chercher dans des dissipations funestes l’oubli de leurs maux. Certes, nous répondons de la moralité de la classe ouvrière, prise en général, nous ne saurions répondre de celle de chacun. N’a-t-on jamais vu des négocians faire banqueroute à leurs créanciers le lendemain d’un bal, d’une fête brillante ; n’en a-t-on jamais vu s’étourdir au sein des plaisirs, et hâter leur ruine par ce dangereux palliatif. Qu’on cesse donc de se prévaloir de la conduite de quelques ouvriers, quel qu’en soit le motif ce n’est pas là la règle générale. C’est au sein des ateliers, c’est au foyer domestique, c’est dans un calcul exact des salaires tel que celui que nous avons mis sous les yeux des lecteurs, et qu’on ne nous démentira pas, qu’il faut voir la misère de la classe ouvrière. Que les hommes du pouvoir quittent un instant leurs somptueux salons ; qu’ils aillent incognito visiter la demeure de l’artisan ; et nous en sommes sûrs, un cri d’effroi échappera de leur poitrine.

Nous n’aurions jamais cru à tant de misère. Hommes du pouvoir, c’est là votre tâche, et vous l’oubliez.

ENSEIGNEMENT MUTUEL.

Aujourd’hui, à midi précis, aura lieu dans la salle de la bibliothèque, place du Lycée, la distribution publique des prix aux élèves des écoles d’enseignement mutuel.

Demain, lundi, aura lieu la rentrée des différens cours fondés par la société d’instruction élémentaire pour les enfants des deux sexes, les adultes et ceux qui se destinent à ce mode d’enseignement.

Une société entre chefs d’ateliers et compagnons, vient d’être formée à Lyon pour la fabrication et vente des étoffes de soie. Cette société est sous la raison Bonnard, Charpine, Lacombe et Cie ; sa durée est de 20 ans ; le capital social est fixé à 100 000 fr., divisés en 4 000 actions de 25 fr., payables à raison de 2 fr. 10 c. par mois.

Amis du progrès, sous quelque forme qu’il se présente, nous ne pouvons qu’applaudir à cette tentative, et lui souhaiter une prompte réussite. Nous présumons que c’est la même société, sauf peut-être quelques modifications que celle dont nous avons inséré l’appel aux ouvriers et les statuts dans les numéros 7, 8 et 9 de l’Écho des Travailleurs, seul journal qui le sait reproduit.

M. Coq, marchand de châles, est en état de faillite ouverte depuis mercredi dernier ; on porte le passif à plus de cent mille francs.

Nous prévenons les ouvriers qui auraient entre les mains des matières ou pièces ouvrées de ne pas s’en dessaisir sous aucun prétexte, qu’entre les mains des syndics de la faillite. Nous les prévenons aussi qu’ils n’ont aucun privilége pour les façons arriérées. Les frais qu’ils feraient leur retomberaient dessus.

SUR L’AFFAIRE VIAL CONTRE ANDRÉ.

[2.2]Nous avons promis dans notre dernier numéro, de dire quelques mots sur cette affaire ; nos observations porteront sur le fond et sur la forme. Au fond le sieur André avait tort d’employer un rigorisme aussi grand contre son compagnon, lors même qu’il aurait eu des motifs de mécontentement, ce qu’il n’a pas articulé. La justice est une et les chefs d’ateliers doivent être à l’égard des ouvriers qu’ils emploient, ce qu’ils désirent que les négocians soient au leur. Ce n’est qu’à ce prix que la classe ouvrière étant homogène, sera forte. Le conseil des prud’hommes a fait justice de la prétention du sieur André.

Ce que nous avons à dire sur la forme, paraît peu important au premier aspect, mais qu’on veuille bien nous croire, l’observance des formes est le premier devoir des magistrats ; on ne les viole jamais impunément, pour la justice. Cette cause avait paru à l’audience du 2 octobre, et se trouve insérée dans notre compte-rendu, sous le titre de : Vial, contre dame André. En effet, la femme André avait paru au nom de son mari, mais sans aucun pouvoir, et M. Roux, novice il paraît, dans les fonctions de la présidence qui lui avaient été attribuées, nous ne savons commenti, entendit sans conteste la défense de la dame André. Cette violation de la loi nous induisit en erreur et fit que nous crûmes que la dame André était veuve et chef d’atelier elle-même. Le tribunal devait donner défaut ou continuer la cause. Mécontent du jugement, le Sr André a comparu en l’audience du 16, et demande à présenter lui même ses moyens de défense, en soutenant que sa femme n’avait pas su s’expliquer. M. Putinier, vice-président, aurait dû ce nous semble, réparer l’erreur de son collègue et l’admettre à plaider, au lieu de lui ôter la parole par une fin de non recevoir, en lui disant : C’est jugé.

André pouvait avec raison faire observer qu’il n’y avait qu’un jugement nul, ou tout au plus par défaut.


i. En l’absence du président, c’est au vice-président à présider et en son absence, nous pensons que c’est le doyen d’âge qui doit occuper le fauteuil. Ce n’est pas au président ni au vice-président à déléguer leurs pouvoirs, et il paraît que M. Roux, qui n’est pas le doyen d’âge, n’avait d’autre titre qu’une lettre du président. Si ce que nous avançons est exact, il pourrait bien arriver que les jugemens rendus sous sa présidence de fait, fussent entachés de nullité.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 23 octobre 1834.

Vice-président, M. putinier. Membres : MM. Chantre, Cochet, Dufour, Dumas, Joly, Micoud, Perret, Roddet, Roux, Verrat, Wuarin.

Vingt-sept causes, dont six sur citation sont appelées ; sur ce nombre, six sont arrachées, entr’autres celle de Levrat contre Villefranche. Sept autres sont jugées par défaut.

Les causes qui ont présenté de l’intérêt sont les suivantes :

Le fabricant qui refuse de reprendre son apprenti, mis en surveillance par le conseil, a-t-il droit à une indemnité ? – Non. Ainsi Jugé entre Monnet et veuve Balandras.

Lorsque l’apprentissage est rompu faute par le père de l’apprenti d’approuver les conventions, et qu’il a eu un commencement, d’exécution, le fabricant a-t-il droit à une indemnité ? – Oui.

De combien cette indemnité doit-elle être par mois ? – R. 45f. par mois.

Ainsi jugé entre Robez et David.

Le fabricant qui occupe l’apprenti d’un confrère, peut-il présenter pour excuse que cet apprenti venait de la campagne où il avait habité deux ans, après être sorti de chez son maître, pour cause de maladie ? – Non.

Ainsi jugé entre Colomb et Dérochat.

Quand le chef d’atelier et l’apprenti, sont contraires en fait sur la quotité du salaire promis à l’apprenti, le conseil doit-il résilier l’apprentissage sans indemnité ? – Oui.

Ainsi jugé entre Heitman et Ruet, tapissier.

[3.1]Des plaintes nombreuses nous sommes parvenues sur la conduite de l’agent de la caisse de prêt envers les ouvriers. Nous rappellerons à cet employé que la morale bureaucratique est une sottise, et qu’insulter au malheur est toujours une lâcheté, au demeurant. Sans les emprunteurs, il n’y aurait pas de caisse de prêts. Nous pensons que cet avis suffira, et nous nous dispenserons d’en dire davantage.

INDUSTRIE MÉCANIQUE

MM. deschamps, père et fils, fabricans d’étoffes de soie, rue d’Orléans, n° 7, aux Brotteaux, ont confectionné une cannetière faisant à la fois huit cannettes très croisées, sans faux-tours, de 1 à 8 bouts de diverses matières, et finissant au milieu par un rétrécissement progressif. Chaque broche cannetière est indépendante, qu’elle finisse ou commence, tous les bouts sont également tirans et la cannette s’arrête lorsqu’elle est finie ou qu’un bout se casse. Huit broches cannetières suffisent en trois heures à cinq ou six métiers de courant. – Un des avantages de cette mécanique, c’est que le pied seul est occupé, et on peut quitter de travailler sans crainte d’aucun accident.

Le ministre du commerce vient d’informer les chambres de commerce, des arts et manufactures, des modifications subies par le tarif des douanes péruviennes.

Un décret du 8 mars de cette année, grève les marchandises étrangères d’un droit d’importation de 5 % : il conserve les autres dispositions du décret du 6 novembre 1833.

M. Duchâtel fait remarquer que tel qu’il est maintenant, le régime commercial du Pérou présente plusieurs améliorations, entr’autres une réduction notable dans le nombre des marchandises prohibées et l’abaissement du droit sur les soieries à 2 %, compris le droit additionnel, au lieu de 30 %, auquel il était précédemment élevé.

Le 7e N° de la Revue Républicainei, Journal des Doctrines et des Intérêts démocratiques1, qui vient de paraître, contient les articles suivans :

Du principe libéral et du principe républicain ; par M. V. Vandewynckel ; les arts et l’industrie au 19e siècle ; par M. Alex. Decamps ; de l’Angleterre et de la presse philosophique ; par un anonyme ; la république parthénopéenne ; par M. Godefroy Cavaignac ; mémoires de Mirabeau ; par M. Louis Blanc ; Toussaint le mulâtre ; par M. Etienne Arago.


i. Elle paraît du 10 au 15 de chaque mois. – Chaque trimestre forme un beau volume de 4 à 500 p. in-8°.

Le commerce de la draperie vient de s’enrichir d’un nouveau genre de fabrication. Elbeuf fabrique, en ce moment, et nous avons vu à Lyon des draps à côtes dits diagonales, imitant le coutil russe.

MISÈRES PROLÉTAIRES,

Deux prévenus de vagabondage.

Une vieille femme : La veuve Bonin, septuagénaire et sans ressources, comparaissait dernièrement devant le tribunal de police correctionnelle de la Seine. Le président engageait son fils, ouvrier, gagnant deux francs par jour, à acquitter envers sa mère la dette sacrée de la nature. Ce fils infâme s’y est obstinément refusé et est sorti de l’auditoire au milieu des murmures d’une indignation générale.

Une jeune fille : Aglaë Hervy, jolie fille de dix à douze ans, présente immédiatement une scène non moins déplorable ; on dirait que par ce contraste, la justice a voulu flétrir bien moins les individus que la société.

La jeune enfant a eu le tort grave de s’enfuir de la maison où elle était en apprentissage. Quels motifs ? Les débats sont muets sur ce point. Elle demande pardon à son [3.2]père, prie, pleure ; mais son père inflexible pour son enfant, comme tout à 1’heure le fils de la veuve Bonin, pour sa mère, refuse de la reprendre. Toutes les exhortations sont vaines, il sort au milieu des imprécations d’un public, de plus en plus douloureusement affecté.

A ce spectacle affligeant de la perversité humaine, hâtons-nous d’en opposer un plus doux. La veuve Bonin reçoit par les mains de l’huissier un secours en argent qu’un citoyen généreux lui adresse. Une dame s’avance à la barre du tribunal et réclame la jeune Aglaë, elle se charge de l’orpheline et lui tiendra lieu de mère. Cette enfant ne demandait peut-être qu’un cœur qui la comprenne et qui l’aime. Il est impossible, rapporte le Sténographe, de donner une idée de l’expression de reconnaissance que prend en ce moment la figure angélique de la jeune prévenue. Béni soit le nom de cette femme, il mérite d’être conservé ; elle s’appelle Mme Orwix, elle demeure rue des Gravillers, n° 36.

Que de réflexions se pressent en foule ! que de pensées amères !

Nous emprunterons aujourd’hui quelques mots à la Tribune. Elle s’exprime ainsi :

« L’audience du tribunal correctionnel de la Seine, vient de nous offrir un spectacle déplorable. Un fils qui refuse de réclamer sa vieille mère poursuivie pour vagabondage. Un père qui refuse de reprendre sa fille.

« Le tribunal a renvoyé la vieille mère en l’engageant à agir en justice pour obtenir de son fils une pension alimentaire, et une dame charitable s’est proposée pour recueillir la jeune fille. Voilà donc toutes les ressources que nous offrent nos lois.

« Mais si le fils qui ne gagne que quarante sous par jour, quand il travaille, ce qui ne lui arrive peut-être pas tous les jours, ne pouvait nourrir sa mère ; s’il avait un grand nombre d’enfans ; s’il ne gagnait rien du tout ; s’il était lui-même mendiant et infirme ; si cette malheureuse femme n’avait pas eu de fils, qu’aurait ordonné le tribunal ? L’aurait-il déclaré coupable ?

« La pauvre mère saisira donc les tribunaux d’une action contre son fils ; elle obtiendra jugement. Comment le fera-t-elle exécuter, si le condamné est insolvable ou simule l’insolvabilité ? – Le jugement le condamnera à recevoir sa mère chez lui. – Et s’il n’a pas de domicile, s’il s’y refuse enfin, quels seront les moyens de contrainte ?

« Et cette jeune fille, sans la commisération qu’elle a inspirée, elle serait donc demeurée sans asile, livrée aux hasards dangereux d’une grande ville, jetée dans une prison, foyer infect de corruption.

« Voyez pourtant ; chacun était ému de ce double abandon, jusqu’aux juges. Il n’est pas un lecteur qui ne se sente attendrir à ce double récit, et cependant personne ne songera à provoquer un remède au mal ! Ces faits se renouvellent tous les jours sous nos yeux et excitent les mêmes sentimens, et les établissemens de refuges sont encore à créer à Paris et dans les départemens, et pourtant le pays fait d’énormes sacrifices d’argent. »

école gratuite

DE LA MARTINIÈRE.

Tableau des cours pour l’année scolaire 1834-1835.

La rentrée aura lieu le 3 novembre prochain. V. le N° 5.

Cours de Chimie, appliquée aux arts et spécialement à la teinture. – Professeur, M. Alphonse Dupasquier.

Ce cours est divisé en deux parties, et les élèves en deux divisions.

Première division : Lundi, mercredi, vendredi.

Deuxième division : Mardi, jeudi et samedi, de 7 heures et quart à 8 heures et demie du matin, pendant les mois d’hiver, et de 6 heures trois quarts à 8 heures et quart du matin dans les autres saisons.

Les cours suivons ont lieu dans l’ordre suivant tous les jours de la semaine à l’exception du jeudi et des jours fériés.

Cours de dessin appliqué aux arts mécaniques. – Professeur, M. Louis Dupasquier.

De 8 heures et demie à 10 heures du matin.

[4.1]Cours de mathématiques élémentaires, de mécanique et de physique industrielles. – Professeurs : MM. Tabareau et Leymerie.

De 10 heures à midi.

Cours de grammaire et d’écriture. – Professeur, M. Esclozas.

De midi à une heure.

Nota. Les élèves sont libres de suivre tous les cours de l’école ou un seul. Néanmoins, le cours de Grammaire et d’écriture ne pourra être suivi que par les élèves qui en suivront un autre.

A la fin de l’année scolaire, il y aura une distribution solennelle des prix, aux élèves qui se seront distingués, et plusieurs primes d’encouragement, destinées à améliorer leur sort dans leur famille.

VARIÉTÉS.

hydraulique. – M. Dumas (C.), mécanicien à St-Etienne, vient de demander un brevet d’invention pour la découverte d’un moyen de donner aux voies hydrauliques un surcroît de force utile, sans augmenter et même en diminuant le volume des moteurs.

mécanique. – M. St-Denis, sellier à Bastia (Corse), vient d’inventer une machine applicable aux voitures, bateaux, etc. Un seul homme faisant mouvoir une machine lui communique une force de 60 chevaux.

musique. – Un musicien de Vienne (Autriche)a inventé un instrument de la grosseur et forme d’une orgue, lequel imite un concert vocal. Il a nommé cet instrument phonomime, du grec phonominos : qui imite la voix de l’homme.

NOUVELLES.

ÉTRANGER.

afrique. – Le choléra ravage en ce moment la ville d’Oran, occupée par les Français.

allemagne. – Un sieur Léopold1, grand duc de Bade, défend par un décret du 9 octobre, aux compagnons badois de voyager dans le canton de Berne, et dans tous ceux où des réunions d’ouvriers sont tolérées.

angleterre. – M. Laporte2, directeur du grand théâtre de Londres, a fait faillite.

Id. – Dans la nuit du 16 au 17 octobre, un violent incendie a détruit la chambre des lords et celle des communes.

barbades. – Des lettres du 20 août, annoncent une nouvelle révolte des nègres, à Demérarie-la-Trinité, sur la côte d’Omsi, etc.

hollande. – La ville de Dordrecht possède un exemple de longévité remarquable. Conrad-Vancouvert, marin, né le 20 août 1699, âgé par conséquent de 135 ans, se porte très bien.

marthe (Ste.) Cette île vient d’être presque anéantie par un tremblement de terre, suivi de l’éruption d’un volcan.

paraguay. – Le docteur Francia3, qui gouverne ce pays depuis l’émancipation de l’Amérique Espagnole, vient d’épouser à San-Salvador, à l’âge de 65 ans, la fille d’un négociant de Bayonne, M. Durand-Junior. Une clause du contrat, porte que la jeune épouse devra succéder à l’autorité politique de son mari, dans le cas où il mourait sans héritiers directs et légitimes. Ainsi une française est appelée à régner sur l’une des plus belles contrées de l’Amérique.

pologne. – Le général Joseph Bienarcki4, qui a combattu dans les rangs de l’armée française, vient de mourir dans un cachot à Zamosc, victime de l’infâme Nicolas.

suisse. – M. chalay, architectecte lyonnais vient de construire à Fribourg, sur la Sarine, un pont suspendu, jugé impossible jusqu’à ce jour.

INTÉRIEUR.

draguignan. La garde nationale vient d’être dissoute.

grasse. – La garde nationale vient aussi d’être licenciée.

paris. – Le comte Cornudet (Joseph), membre de la plupart de nos assemblées législatives, sénateur, pair de France, est mort le 13 septembre dernier ; il était né à Hrocq dans la Manche, en 1755.

– M. L. Martin, gérant de la Mode, revue légitimiste, a été condamné, le 13 octobre à six mois de prison et 3,000 fr. d’amende, pour offense au roi5.

[4.2]– M. Magnan, gérant du Légitimiste, a été condamné à un mois de prison et 400 fr., d’amende, pour avoir publié un journal politique sans cautionnement.

– M. de Genoude, rédacteur en chef de la Gazette de France, est entré dans les ordres sacrés.

– On annonce que le gérant de la Quotidienne, (M. de Brian) va imiter cet exemple.

– Le rapport de la procédure contre les prévenus d’avril, aura lieu seulement dans le courant du mois de novembre ; les pairs sont invités à se rendre à Paris le 15 novembre.

– Un journal appelé à fournir une carrière brillante, paraît depuis quelques jours, sous ce titre : le Réformateur6, journal des nouveaux intérêts moraux et matériels, etc. Les noms de ses fondateurs, MM. Raspail et Kersosie, le recommandent suffisamment aux amis de la liberté et des sciences.

– Le 17 de ce mois un duel a eu lieu entre MM. Alexandre Dumas et Gaillardet, relativement à la propriété du drame, de la Tour de Nesle. Après avoir échangé à 15 pas, un coup de pistolet, les témoins se sont opposés à la continuation du duel et ont emporté les armes.

lyon. – Rien de nouveau à l’égard de la direction des théâtres.

– Les membres sortans du conseil municipal, d’après le tirage au sort, qui a eu lieu le 23, sont MM. Balme, Chinard, Dubost, Frèrejean, Faure, Gros-d’Avillier, Guérin-Philippon, Hobitz, Hôpital, Jordan-Leroy, Morel, Nepple, Pons, Quantin, Terme, Tussot, Verne de Bachelard. Quatre autres, MM. Boisset, Camel, Laforêt et Remond, avaient donné leur démission. – Les élections commenceront aujourd’hui, et seront continuées les 2 et 6 novembre.

– Un domestique de Tassin a été volé et laissé pour mort sur un chemin de traverse, à Dardilly, près la maison Piquet.

Le mot de la dernière charade est Mois-sonneur !

CANCANS.

Boieldieu est mort ; chaque jour l’harmonie s’en va.

Le vin est bon marché cette année, tant mieux, nous n’entendrons plus parler de pots de vin de 25,000 fr.

Si les compagnons badois obéissent à M. Léopold, ils seront bien badauds.

On n’appelle plus le Courrier de Lyon que le journal Crochet. Si vous ne savez pas pourquoi, demandez au Précurseur.

M. Martin, directeur n° 2 des théâtres de Lyon, était à Dijon le jour où il a déposé sa soumission au conseil municipal de Lyon ; il a fait là une fameuse pirouette.

AVIS, A LA FABRIQUE.

(8-1) Le sieur David, mécanicien, place Croix-Paquet, voulant faire jouir la fabrique des avantages résultant de l’invention et du perfectionnement des mécaniques à dévider, et faire des canettes pour lesquelles il est breveté, vient de les établir à un prix très modéré. – Il fait des échanges et sert les acheteurs avec promptitude et sécurité pour eux. – Il construit aussi des mécaniques pour canettes seulement d’une très petite dimension, et il a pris un 4e brevet de perfectionnement.
Le sieur David prévient le public que toutes les mécaniques qui ne sortiraient pas de ses ateliers et qui seraient construites par les procédés par lui inventés ; (notamment l’arbre au centre comme premier moteur dans celles de forme ronde), seront confisquées et les contrefacteurs poursuivis, aussi qu’il l’a déjà fait à l’égard des sieurs Jaud, Belly, Deleigue et Bailly, et se propose de le faire contre quelques autres.

(4-1) Une dame vient d’établir, place Bellecour, n. 20, un atelier pour tout ce qui concerne le dessin, peinture et coloris. Elle se chargera de tous les ouvrages à lithographier, comme dessin et à colorier, de toute espèce de peinture, sur toile, papier et bois ; pour tableaux, écrans, éventails, et tout objet de nouveauté, en papeterie, dessins et peinture pour paravent et devant de cheminée.
On trouvera des dessins pour la fabrique, en impression, tout ce qu’il y a de plus nouveau.
Cette dame désirerait trouver des dames et des demoiselles qui voulussent apprendre à travailler dans tous ces genres : elle leur offrirait de grands avantages.

Notes (Le 7 e  N° de la Revue Républicaine ,...)
1 La Revue républicaine : Journal des doctrines et des intérêts démocratiques, paraissait sous la direction de André-Louis Augustin Marchais (1800-1857) et Jacques-François Dupont de Bussac (1803-1873) depuis avril 1834. Parmi les auteurs d’articles cités ici, on trouve Alexandre Decamps (1804-1852) ou Victor Vandewynckel.

Notes (NOUVELLES.)
1 Référence ici à Léopold Ier de Bade (1790-1852).
2 Il s’agit de Pierre-François Laporte (1799-1841) qui dirigeait le King’sTheatre de Londres.
3 Succédant aux révoltes, initiées en Argentine, des colonies espagnoles d’Amérique, la dictature de José Gaspard Rodriguez de Francia (1776-1840) s’était imposée à Asuncion en 1814.
4 Il s’agit ici du général polonais Josef Gabriel Biernacki (1774-1834).
5 Sont mentionnés ici les principaux journaux représentants les différentes tendances légitimistes. Parmi les titres ou acteurs non déjà mentionnés auparavant on trouve Le Légitimiste. Conservateur des bonnes doctrines politiques, morales et littéraires, publié en 1833-1834. Dirigée par Antoine-Eugène Genoud, l’abbé de Genoude (1792-1849), La Gazette de France, présentait une ligne plus ouverte à la modernité que La Quotidienne de Jean-François Michaud (1767-1839) organe des ultra-royalistes.
6 Le Réformateur. Journal quotidien des nouveaux intérêts matériels et moraux, industriels et politiques, littéraires et scientifiques, fondés par Théophile Guillard de Kersausie (1798-1874) et François-Vincent Raspail (1794-1878), publié en 1834-1835.

 

 

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