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12 février 1832 - Numéro 16
 
 

 



 
 
    
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 2 février,

(présidée par m. guérin.)

La séance est ouverte à 6 heures, et il y avait, comme à l’ordinaire, beaucoup d’auditeurs. Une quarantaine de causes ont été appelées ; nous allons rapporter celles qui ont offert quelqu’intérêt.

Le sieur Lespinas réclame au sieur Pelet, négociant, des tirelles, sur une quarantaine de pièces, dont les comptes ont couru jusqu’à ce jour sans être réglés. Le sieur Pelet qui avait été condamné par défaut à la précédente audience, prétend que l’usage des tirelles était aboli, et que quelques négocians n’en recevaient plus depuis quelques années.

[7.1]Le conseil a déclaré que le droit que les ouvriers ont de faire des tirelles, n’avait jamais été aboli, mais seulement que le fabricant qui cessait d’en recevoir, allouait 15 grammes, et a concilié les parties, en disant que le sieur Pelet devait payer les tirelles. L’affaire a été renvoyée pardevant M. Second, pour vérifier combien il y avait de pièces qui n’étaient pas réglées, et sur lesquelles les tirelles devaient être portées.

Nous avons appris que MM. Second et Audibert ont concilié les parties, en accordant des tirelles à l’ouvrier sur les 19 dernières pièces qui n’étaient pas réglées, et sur lesquelles l’ouvrier se trouvait en solde considérable. Il est aussi constant que cet ouvrier avait abandonné la pièce du sieur Pelet, parce que celui-ci le payait à si vil prix, qu’il s’était vu forcé d’aller travailler aux fortifications pour gagner sa vie.

Le sieur Brosse réclame un défraiement au sieur Gavot père, d’une apprentie qui a demeuré deux ans et demi chez lui, et qui en est sortie depuis treize mois pour cause de maladie, constatée par des certificats de médecins.

Le conseil, attendu que l’apprentie ne peut plus continuer l’état, et qu’il lui reste un an et demi pour finir son apprentissage, concilie les parties en accordant quinze jours au sieur Gavot, pour payer la somme de cent francs au sieur Brosse, que le conseil lui alloue à titre de défraiement.

Le sieur Chazottier réclame au sieur Matussier, père de son apprentie, un défraiement. L’apprentie ayant été condamnée précédemment par le conseil à rentrer chez lui, le conseil, attendu que l’apprentie n’est pas rentrée chez son maître, condamne le sieur Matussier à payer la somme de cent francs et les frais au sieur Chazottier.

Le sieur Gonet réclame au sieur Dubet un défraiement pour les frais de montage qu’il a été obligé de faire pour lui disposer ses métiers. Il expose au conseil que ses dépenses se montent à 200 fr., et que le total de ses façons ne se monte qu’à 500 fr. Le sieur Dubet répond à cette demande que le sieur Gonet n’a pas assez travaillé, et qu’il aurait pu faire dans le même espace de temps le double d’ouvrage ; qu’il lui est impossible de lui payer un défraiement, lui ayant coûté des pertes en lui faisant manquer la vente de ses schals.

Le sieur Gonet réplique que les journées de novembre l’ont retardé dans ses opérations pour monter son métier, et qu’au fait le sieur Dubet l’a continuellement fait manquer de matières, et qu’il lui avait été impossible d’accélérer davantage son travail.

Le sieur Dubet, pour sa défense, reproduit plusieurs fois les memes argumens.

Le conseil, vu la perte de l’ouvrier, concilie les parties, en accordant un défraiement de 30 fr., que le sieur Dubet devra payer au sieur Gonet.

Le sieur Dubet, pour se soustraire au défraiement, offre au chef d’atelier de lui donner une pièce de quinze aunes, que ce dernier déclare ne pouvoir accepter, ayant disposé son métier à un autre négociant, et accepte le faible défraiement qui lui est alloué.

Plusieurs causes entre des chefs d’ateliers et leurs dévideuses se sont présentées, et dans lesquelles le conseil a concilié les parties, en déclarant que ces dernières doivent rendre les matières, et que le chef d’atelier doit les payer de suite, comme de juste ces ouvrières ne pouvant pas attendre leur salaire.

Nota. Il n’arrive que trop souvent des difficultés entre les chefs d’ateliers et leurs dévideuses. Les premiers prétendent que ces dernières, n’étant pas directement responsables de la soie, n’en ont pas le soin qu’elles devraient [7.2]en avoir, et constituent le chef d’atelier en solde avec son fabricant, étant seul responsable des matières. Le dévidage étant un état de confiance, le chef d’atelier néglige presque toujours de reconnaître, de peser les roquets et les matières lorsqu’elles sont dévidées, ce qui rend les erreurs impossibles à découvrir.

Il n’y a qu’un moyen de remédier à cet abus, c’est que le chef d’atelier ait un livre de compte avec ses dévideuses, semblable à celui que ces dernières ont avec les négocians, et dont elles auraient un double, où serait également marqué le poids des matières qui leur sont confiées, celui des roquets et leur nombre, où l’on marquerait de même le poids au fur et à mesure qu’elles rendent les trames dévidées ; ainsi on éviterait de part et d’autre ces contestations, qui finissent souvent par être scandaleuses.

 

 

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