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12 février 1832 - Numéro 16 |
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[1.1]Une souscription est ouverte au bureau de l’Echo de la Fabrique en faveur des blessés, des veuves et des orphelins des trois journées de novembre. Nous en appelons à toutes les ames généreuses, à ces cœurs philantropes qui ont secouru l’infortune jusque sur des rives étrangères, et dont l’humanité ne manquera pas de venir au secours de leurs concitoyens malheureux.
LYON. LES OUVRIERS EN SOIE ET M. FULCHIRON. 1
Paix et oubli ! voilà ce que nous n’avons cessé de proclamer depuis les jours terribles où nous avons eu à déplorer la perte de tant de concitoyens. Paix et oubli, ont répondu par sympathie ceux qui nous ont confié leur défense. Déjà un ciel plus pur brille sur notre cité, et chacun cherche à faire disparaître les traces de la tempête. L’ouvrier, faisant abnégation de tout ressentiment, ne parle plus que de concorde ; et le fabricant, suivant ce touchant, ce sublime exemple, nous apporte son offrande pour les victimes de ces temps de malheur qui ne devraient plus s’offrir à la pensée. Mais cet envain que nous ayons, ouvriers et fabricans, recouvert d’un peu de terre les victimes de nos dissensions civiles, une main sacrilége vient d’arracher la mousse légère qui commençait à la couvrir ; elle a exhumé des tombeaux les cendres encore [1.2]fumantes ; et, secouant la torche de la discorde, elle a cherché à jeter parmi nous de nouvelles semences de haine. Voilà l’œuvre de M. Fulchiron, voilà l’œuvre d’un député appelé à défendre indistinctement l’intérêt de ses concitoyens. Ah ! sans doute, nous nous trompons, le pauvre n’est point le compatriote du député du Rhône ; cet un être tellement inférieur, qu’on peut l’égorger sans qu’il inspire de la pitié ; et s’il ose dire qu’il a faim, s’il ne veut point mourir sans importuner, par sa plainte, le grand qui passe ses jours dans les délices, M. Fulchiron se chargera de vous dire que c’est un factieux, que c’est un rebelle… Nous avions dit que nous ne parlerions plus des scènes sanglantes qui nous désolèrent pendant trois jours ; mais on calomnie indignement, on insulte une classe d’hommes qui mérite au moins le respect ; le silence de notre part serait adhérer à la diffamation, et par cela même, nous nous rendrions coupables d’une indigne lâcheté. Sans doute, c’est avec regret que nous revenons sur ces questions de désastres ; mais on nous y ramène malgré nous, et nous allons suivre dans sa diatribe l’homme qui a osé soulever le voile qui couvre tant d’horreurs. C’est avec un sentiment d’indignation que nous avons lu le discours de M. Fulchiron à la chambre des députés, si l’on peut appeler discours quelques phrases dictées par la haine et souillées par la plus basse calomnie ; nous allons lui répondre, nous faisant gloire d’avoir moins de fiel et d’être plus justes que lui. [2.1]M. Fulchiron représente, dit-il, cette illustre et malheureuse cité ; ah ! sans doute, illustre et malheureuse ! mais n’est-ce qu’au riche qu’elle doit sa grandeur ? et le pauvre, celui qui, par son travail, par son industrie, la rendue sans rivale, est donc indigne de la sympathie de M. le député ? Il ne doit donc avoir pour sa part dans ses sorties virulentes que la calomnie et la diffamation… Il n’y a pas eu guerre civile dans les événemens de Lyon a-t-il dit, il y a eu attaque à la propriété. Quel est le citoyen, quel est le Lyonnais dont le cœur ne se brise pas de douleur en entendant de pareilles imputations ? Il y a eu attaque à la propriété ?... est-ce M. Fulchiron qui pourrait le prouver ? ne se souvient-il plus de ces ouvriers qui veillaient à la porte des magasins, des comptoirs et peut-être à la sienne ? de ces ouvriers qui ont eu Lyon en leur pouvoir, et qui s’organisèrent comme par enchantement pour protéger les propriétés de ceux qui les dénigrent aujourd’hui ? Ne se souvient-il plus que, demi-morts de misère, sans aucune ressource dans leurs ménages, ils ont veillé à côté des coffres-forts, et que la fortune de leurs adversaires a été partout respectée ? Sans doute, il veut parler de deux ou trois maisons dévastées, dévastations que nous déplorons autant que lui ; mais sont-ils coupables ceux qui avaient essuyé, pendant une demi-journée, le feu des croisées de ces maisons ? c’est ce que nous ne voulons pas résoudre, tout en plaignant ceux qui en ont été victimes. M. Fulchiron dit que les ouvriers se sont livrés au pillage… Et c’est un Lyonnais qui doit connaître tous les événemens de novembre, qui ose avancer à la tribune nationale un mensonge que nous ne savons comment qualifier ?… Comment, tandis que la masse des fabricans rend aujourd’hui justice à la modération, à la bonne conduite des ouvriers ; quand plusieurs de ces ouvriers sont nantis de certificats signés par le gérant de la banque et couverts par des noms les plus honorables, comment, disons-nous, ose-t-on proférer tant d’atroces calomnies ? L’orateur peut sans doute dire toute sa pensée à la tribune et exhaler son erreur ou sa mauvaise foi, mais libre, aussi à nous, dans une sainte indignation, de défendre des malheureux dont tout le crime est d’être pauvres et de vouloir en travaillant donner du pain à leurs familles. Les ouvriers, a dit M. Fulchiron, ont mis en péril les saintes lois de la France : témoins oculaires de ce drame sanglant, nous n’avons jamais vu les ouvriers méconnaître les lois et nous en appelons en témoignage l’autorité, cette autorité que les vainqueurs surent respecter, parce que ce n’était point dans le but de changer les institutions que les ouvriers s’étaient armés, et puisqu’on nous force à le répéter, nous dirons que ce n’était que pour repousser l’agression. Et quelles armes avaient ces ouvriers si ce n’est que celles qu’ils prenaient en se jettant dans les rangs de ceux qu’on envoyait pour les massacrer ! Il est pénible pour nous de rappeler de si tristes souvenirs ; mais on veut du scandale. Tandis qu’a Lyon, l’ouvrier et le fabricant oublient le passé, tandis que beaucoup se tendent la main en signe de reconciliation ; à Paris, à la tribune nationale, un député de Lyon cherche, à ranimer les haines, et semble regretter le peu de confiance qui commence à renaitre parmi nous. Le député du Rhône termine sa série de diffamations en disant que les troubles de Lyon étaient le résultat d’une conspiration des prolétaires contre la propriété. Ici notre indignation est à son comble : pour faire justice de la calomnie la plus affreuse, nous faisons un appel à tous les négocians, à tous les banquiers, enfin, à tous ceux qui possèdent de la fortune et qui ont un cœur généreux ! n’ont-ils pas tous [2.2]rendu justice aux ouvriers, lorsqu’après les avoir vus maîtres de tout, on les a vus respecter les propriétés et les personnes, et mettre des sauve-gardes partout où il y avait de l’or… Voilà où l’aveuglement peut conduire un homme pour justifier une poignée d’égoistes. Il ne craint point de déchirer l’appareil qui couvre une plaie encore saignante, et cet homme, ce n’est point un prolétaire, c’est M. Fulchiron… Par amour de la concorde et de l’union, les ouvriers n’ont pas voulu remuer la fange sanglante de ces événemens ; mais puisqu’on les accuse des crimes qu’ils n’ont pas eu la pensée de commettre, comme leur conduite l’a bien prouvé, ils se lassent de ces éternelles accusations, et à leur tour demandent une enquête sévère, munitieuse, éclatante ; car il est temps que l’on rende justice à chacun. Quant aux décorations dont parle l’orateur, et qui ont été décernées aux gardes nationaux, nous nous abstenons de longues réflexions qui ne pourraient être que pénibles. Que ceux qui croient les avoir méritées, les portent et s’en glorifient : Dieu veuille que sous elles leurs cœurs ne battent point quelquefois, déchirés par de tristes souvenirs. M. Fulchiron met son espérance dans les enfans !… Avant qu’ils soient en état de marcher sur les traces de leurs pères, nous pensons que d’autres idées prévaudront, et qu’en dépit de lui, les prolétaires et les fabricans se tendront la main pour éviter toute colision, en rejetant sur l’honorable député toutes les diatribes dont il gratifie ses compatriotes.
NOUVEAU CONSEIL DES PRUD’HOMMES. 1
Un arrêté de M. le préfet du département du Rhône porte à quinze jours de délai fixé pour l’admission des réclamations relatives aux électeurs du conseil des prud’hommes. Ainsi, tandis que l’autorité (et nous lui en savons gré) cherche à faciliter l’inscription des chefs d’ateliers, la négligence de leur part serait impardonnable ; on nous a dit que beaucoup d’électeurs voulaient renoncer à leurs droits, parce que l’ordonnance prive de ce même droit les neuf dixièmes des maîtres-ouvriers. Sans doute nous pensons comme eux, et sans vouloir faire une opposition systématique, nous croyons que l’ordonnance eût pu étendre les droits électoraux en établissant le cens à deux métiers, cens qui n’est que fictif, car il n’a pas l’avantage de celui des lois électorales sur l’assemblée nationale et sur les municipalités qui représentent au moins une valeur réelle. Cependant le citoyen doit user du droit que lui confère la loi, fût-elle mauvaise ; celui qui refuse de voter n’est point un opposant, et met, seulement, le gouvernement dans l’indécision de savoir si telle ou telle institution plaît ou ne plaît pas au peuple. De plus il compromet l’intérêt de ses amis, de ses confrères ; car d’un mauvais choix de prud’hommes s’en suivrait la ruine totale des maîtres-ouvriers et celle de nos manufactures. C’est en manifestant son opinion par son vote, que l’homme éclaire les masses, et si, pendant la restauration, les électeurs s’étaient dégoûtés, nous n’aurions pas eu la révolution de juillet, et les maîtres-ouvriers n’auraient peut-être pas aujourd’hui la nouvelle organisation du conseil des prud’hommes ; car quoi qu’on en dise, la restauration n’était pas très-libérale en fait que d’améliorations pour la classe ouvrière. [3.1]Ainsi c’est aux chefs d’ateliers possédant quatre métiers à serrer leurs rangs, à s’entendre entre eux, et avec ceux ne possédant pas le cens, afin de servir la cause commune : qu’ils ne se laissent point éblouir par des promesses fallacieuses. La carrière d’un prud’homme n’est certes pas toute de rose : celui donc qui cherche cet honneur avec trop d’empressement a des vues ambitieuses, et pourrait plus tard compromettre par un vil intérêt la cause qu’il devrait défendre. Que les électeurs cherchent parmi eux des hommes intègres, des hommes ayant cette force de caractère qui convient à un juge, et devant laquelle toutes les considérations doivent s’évanouir. Une ère nouvelle va s’ouvrir pour la fabrique d’étoffes de soie. Le nouveau conseil doit opérer de nombreuses réformes, et faire disparaître un grand nombre d’abus. Ainsi, quels reproches ne mériteraient-ils pas, ceux qui par leur négligence priveraient de ce bienfait une immense population industrielle, en laissant nommer des gens faibles qui se rendraient à la voix du premier fabricant ou livreraient par une spéculation lucrative le plus faible au plus fort ! Nous croyons que les chefs d’ateliers écouteront notre voix désintéressée, c’est leur cause que nous plaidons en les invitant à user du droit que leur donne la loi ; qu’ils nomment de bons prud’hommes, et nous leur prédisons un avenir prospère, ainsi que des jours de paix qui rendront toute sa splendeur au commerce d’étoffes de soie de Lyon.
ABUS DU MONTAGE DE MÉTIERS. 1
(2me article.) Nous allons exposer, comme nous l’avons dit dans notre précédent numéro, l’utilité des conventions entre le chef d’atelier et le négociant, toutes les fois que le premier est obligé d’acheter des harnais pour monter un genre d’étoffes nouveau. Ces conventions devraient être écrites sur le livret que le chef d’atelier garde par devers lui, et qui jusqu’à ce jour lui a été inutile. Là seraient spécifiés la durée de l’article, le prix et le montant de la façon de l’étoffe que le métier doit fabriquer, et dans le cas où le métier ne tisserait pas pour le montant consenti, on pourrait convenir qu’un défrayement de 10, 20 ou 30 pour cent, serait alloué au chef d’atelier selon la différence des sommes manquant au montant convenu ; l’on pourrait calculer ainsi : supposons que l’on ait acheté pour 100 fr. de harnais, qui après avoir servi quatre mois, ne valent plus que la somme de 50 fr. Pour frais de montage : 20 fr. Total : 70 fr. Le métier devrait donc tisser pour 700 fr. ; ainsi, le 10 pour cent serait la base du défrayement, et dans le cas où le métier ne tisserait que pour 500 fr. de façons, le défrayement serait de 20 fr. Dans le cas où le négociant ne pourrait s’engager à faire fabriquer que pour 400 fr., le prix de la façon devrait être portée au-dessus du cours, afin de couvrir les dépenses de l’ouvrier, et le défrayement pourrait être de 20 à 30 pour cent, lorsque les façons ne parviendraient pas à la somme convenue. Je sais qu’une foule de questions s’élèveront à ce sujet, et que le négociant pourra accuser le chef d’atelier de lui causer des pertes s’il ne lui a pas fabriqué, dans le temps fixé pour la somme convenue entre eux, et voudrait lui refuser le défrayement, ce qui serait injuste, [3.2]car, lorsque le chef d’atelier, soit pour cause de maladie ou par manque d’ouvrier, ne peut rendre la fin des étoffes au jour fixé, il n’y a pas mauvaise foi ni subtilité de sa part, pas plus que de la part du négociant, lorsqu’il est pressé, et qu’il retarde l’ouvrier, en lui faisant attendre, et son dessin, sa pièce ou ses trames ; ainsi de part et d’autre il doit y avoir un mutuel sacrifice ou défrayement réciproque. Un abus qui se rapporte au montage de métiers, qui devrait également cesser, et sur lequel quelques négocians spéculent en portant en compte d’argent des vieux peignes qui ont servi plusieurs années, et qui ne valent que 5 fr., au prix de 20 fr. comme s’ils étaient neufs, en obligeant les chefs d’ateliers de les garder à ce prix s’ils veulent avoir de l’ouvrage, abus auquel les chefs d’ateliers ne devraient plus consentir, puisque l’usage des premières maisons de Lyon est de prêter les peignes, et qu’ils se chargent d’en supporter les frais de réparation. Je citerai à ce sujet un fait qui prouvera jusqu’où va la spéculation. Un marchand de métiers vendit à un négociant cinquante vieux peignes bien réparés, au prix de 3 fr. 50 cent. Le négociant les a tous vendus à ses ouvriers 7 fr., ayant bien soin d’en retenir le montant à la première pièce ; il est à remarquer que six mois après cette vente, qui était convenue au comptant, le marchand fut présenter sa facture, et le négociant voulait encore lui faire supporter un escompte de 6 pour cent, en disant que le comptant était un crédit d’un an, et que s’il ne voulait pas supporter cet escompte, il perdrait leur pratique. Ce que le marchand qui connaissait leur spéculation aima mieux.
… il est une lettre de change Que tire l’homme à jeun sur l’homme heureux qui mange. Barthélemy. Némésis. Aux égoistes. Spectre de Demangeot, lève-toi de l’humide tombe où la charité vient de te déposer gratis, seul service que la société ait daigné te rendre. Viens épouvanter par ton affreux râlement, par ton aspect livide, par tes os décharnés que la faim rongea ; viens épouvanter le riche Mondor que l’agiotage absorbe, et l’insouciant égoïste, libéral de salon. Infortuné prolétaire, raconte-nous le combat auquel tu fus livré, lorsque dans tes entrailles vides tu sentis la faim te tenailler sans relâche, lorsque tu fis cette poignante réflexion : Eh quoi ! souffrir toujours ! Lorsqu’enfin dénué de toute ressource, il te fallut opter entre un peu de pain et l’achat de ton instrument de mort, oh ! combien tu souffris avant que de prendre cette fatale résolution ! Que d’amères réflexions surgirent dans ton ame abîmée de douleurs ! Quel regard de mépris et de haine tu jetas sur ce Paris si vanté, sur ces bals si somptueux, sur ces banquets si opulens ! Tu regrettas sans doute de n’être pas né dans quelque tribu sauvage, le sort de l’esclave te parut plus beau que le tien. Le malheureux a du pain. Oui, je conçois qu’en ce moment [4.1]tu te déclaras l’ennemi de la société, mais bientôt plus généreux tu préféras mourir. Aujourd’hui tes ossemens sont froids. Pardon, Demangeot, si je trouble ta cendre, mais je veux la secouer sur le genre humain. De la cendre des Gracches naquit le vengeur Marius. De la cendre d’un prolétaire mort de faim peut naître le vengeur de la classe pauvre et souffrante, un nouveau Marius sous la conduite duquel elle s’associera au banquet dont elle avait peine a recevoir les miettes. Ta mort n’aura pas été sans fruit et le ciel absoudra ton suicide. Marius Ch.......
i Cet homme vient de se suicider après avoir écrit à son frère que la misère seule le portait à cet acte de désespoir. Sa lettre naïve et touchante par sa simplicité a été insérée sans aucune réflexion dans les journaux même libéraux ; que de tristes réflexions, cependant, elle devait faire naître ! Jamais les discours des Mauguin, des Tracy, n’approcheront de la véhémence de cette simple lettre. Je vais mourir faute de pain ! quelle diatribe violente contre la société ! Au milieu de l’ Europe civilisée, un Français meurt de faim, et d’autres Français dansent, et d’autres parlent de liberté, de patrie ! Oh ! c’est plus qu’une anomalie, qu’une froide antithèse, c’est un crime… Barthélémy livre-le à Némésis.
Nous avons reçu une longue lettre en réponse à un article sur l’instruction populaire1, inséré dans notre dernier Numéro. Notre correspondant, d’accord avec nous sur plusieurs points, notamment sur celui de la propagation de l’instruction dans les classes populaires et du bien qui doit en résulter, ne l’est pas sur le mode d’enseignement. Pour nous, pénétrés de la supériorité des écoles lancastriennes sur les vieilles méthodes, nous dirons à notre correspondant que nous ne sommes pas de son avis, lorsqu’il dit : Qu’on est fixé sur l’enseignement mutuel. Que sous le rapport de l’instruction ses avantages sont nuls et ses inconvénients majeurs. Nous le sommes encore moins lorsqu’il dit : Que ces écoles n’offrent point de garantie de morale, c’est-à-dire, de morale pratique, usuelle. L’auteur de la lettre appelle sans doute morale-pratique, cette sévérité qui condamne des enfans de cinq à six ans à rester, chaque matin, une heure à genoux dans une église et à la rigueur du froid. Il appelle morale-pratique cet arrangement par file de deux enfans qui vont par les rues en courbant la tête, comme s’ils étaient humiliés, pratique qui ne leur empêche pas d’écarter le pied pour faire tomber leurs jeunes camarades, et d’attaquer, dans leur malice enfantine, les passans en termes souvent peu honnêtes. Sans doute, la religion doit entrer dans l’éducation primaire ; mais il ne faut point une pratique forcée, tyrannie qui dégoûte l’enfance plutôt que de l’attirer. Il ne faut point non plus rapetisser une jeune ame en forçant l’enfant à courber la tête, le Créateur lui ayant donné des yeux pour regarder le ciel et fixer ses semblables. Passons maintenant au progrès. Notre correspondant prétend que la cause est jugée entre les deux instituts. Il a raison ; mais nous n’abondons pas dans son sens ; au contraire, nous croyons que les écoles lancastriennes sont reconnues aujourd’hui pour le seul mode, prompt, facile et le mieux à la portée de la classe ouvrière ; et que non-seulement la lecture, l’écriture, le calcul y sont enseignés avec succès ; mais encore l’élève peut apprendre, comme par enchantement, le dessin linéaire, les mathématiques et tant d’autres sciences inconnues dans les écoles de la doctrine chrétienne. Si notre correspondant avait fouillé, comme nous, les rapports de différentes nations sur l’instruction élémentaire, il aurait vu que le père Girard, disciple du célèbre Pestalotzi2, chassé naguère de Fribourg par les jésuites, avait à lui seul cinq cents élèves, et que sur ces cinq cents, au moins la moitié avait, au bout d’un an, terminé les études nécessaires à l’homme du peuple ; c’est-à-dire, savait lire, écrire, calculer, avant même des notions sur le dessin et sur les mathématiques. Nous n’avons pas besoin d’aller chercher loin les exemples. Nous avons vu sortir, au bout d’un an, des élèves de l’école mutuelle dirigée par M. Bailleul, sachant parfaitement lire, écrire et calculer, nous pouvons le prouver, puisque nous avons un de ces élèves [4.2]dans nos bureaux, et que nous pourrions citer de nombreux exemples. Certes, ces élèves ne sont point sans fond de morale et connaissent parfaitement la religion. Quant aux vieilles méthodes, et notamment celle des frères de la doctrine chrétienne, il faut quatre à cinq ans avant qu’un enfant puisse écrire à peu près ; et, comme dans la classe qui a besoin d’écoles gratuites, les familles ont besoin aussi du temps de leurs enfans, on se dégoûte, et l’élève sort de l’école aussi ignorant que lorsqu’il y est entré. Enfin, pour nous servir de l’expression de notre correspondant, nous croyons que penser autrement ce serait adopter un système rétrograde. Que l’auteur de la lettre exalte les vertus des instituteurs dont il a pris la défense, nous l’en félicitons ; car il est toujours beau de montrer l’homme grand et généreux, se sacrifiant pour le bien de l’humanité ; et nous qui ne voulons pas être trop rigoristes, nous fermerons les yeux sur quelques écarts, pensant que des vœux contre les lois de la nature ne peuvent rien sur les faiblesses humaines. A. V.
Le Courrier de la Nouvelle-Russie1 publie sur l’avenir des relations commerciales entre la Russie et la France méridionale un article dans lequel on remarque le passage suivant : Les réflexions que fait naître l’avenir des relations commerciales de la Russie méridionale, et particulièrement d’Odessa, avec le midi de la France, font découvrir des faits aussi immenses qu’inaperçus jusqu’à ce jour. Ils renferment à eux seuls une grande révolution commerciale. Nous allons essayer de les faire connaître. L’ancien, le premier rôle de Marseille fut le commerce du Levant. Ce commerce consistait dans l’importation en France des marchandises, principalement manufacturées, des Echelles, objets précieux et riches, contre lesquels la France échangeait quelques produits de son sol et ses monnaies. La balance commerciale fut alors toujours défavorable ; elle allait porter du travail aux autres peuples et n’en rapportait pas pour elle. Il en fut ainsi jusqu’en 1789, époque à laquelle les événemens suspendirent totalement les relations avec l’Orient. Obligé par l’isolement dans lequel la guerre le plaçait de chercher des ressources en lui-même, le bassin de la France dont Marseille est la clé et le chef-lieu, reçut une impulsion industrielle ; et comme il n’était lié avec les autres parties du territoire français par aucune voie de navigation qui permît des transports faciles et réguliers pour les marchandises de grosse consommation, il s’ensuivit que cet effort industriel, forcé de s’éloigner des hautes industries, s’adonna aux industries de luxe et à la fabrication des produits de grande valeur dont le poids était assez faible pour ne pas faire du transport une cause d’augmentation considérable du prix. Mais quand la paix rouvrit les portes de ce bassin et permit à la navigation maritime de porter au loin ses produits, l’essor industriel se développa comme par magie. Les hautes industries s’y naturalisèrent en un moment. Malgré la fertilité de son sol, l’importance et la variété de ses produits, l’industrie ne trouva plus dans les matières premières qu’il lui fournissait des matériaux suffisans. Elle demanda aux pays voisins ; et pour citer un seul fait, l’importation des huiles destinées principalement à la fabrication des produits chimiques, monta en peu d’années de 5,000,000 à 40,000,000 de fr. Les résultats de ce changement d’habitudes furent un changement aussi complet dans les relations commerciales avec l’extérieur. Marseille, au lieu de recevoir des [5.1]Echelles des produits manufacturés, occupa à l’exportation des marchandises manufacturées par son propre bassin, aux parties de la France situées sur l’Océan, une marine plus considérable que celle que le commerce du Levant avait occupée aux époques les plus florissantes, et elle demanda des matières premières aux pays qui pouvaient concourir par leur proximité à l’alimentation de ses fabriques. C’est dans ce concours que la Russie méridionale, qu’Odessa, sont entrées pour une part qui s’accroît chaque jour. L’industrialisme qui se développe rapidement dans le bassin de Marseille nous garantit que la production du blé ne tendra qu’à décroître dans ces contrées, et que la nouvelle loi d’entrepôts, créant aux négocians de ce pays de grandes facilités d’approvisionnemens sur tous les points du midi de la France, rendra peu à peu toute la population tributaire de la Russie méridionale pour la fourniture de cette denrée. Un autre produit dont le débouché doit s’accroître avec une importance majeure et dans des proportions rapides, est le suif. L’incertitude des récoltes d’oliviers, et la difficulté de faire des approvisionnemens en huile, tend peu à peu à faire abandonner leur culture, et son emploi dans l’immense fabrication du savon. Le suif a des avantages certains sur l’huile dans cette fabrication, et les procédés qui assurent cette supériorité commencent à se répandre ; mais comme ses développemens sont arrêtés par le prix du combustible qu’elle exige, on peut assigner une époque à laquelle cette révolution sera pour ainsi dire sur le point de devenir complète ; c’est l’achèvement de la route de fer de Rive-de-Gier et de St-Etienne à Lyon, qui mettra le charbon de terre à Marseille, à l’aide de la descente du Rhône, à un prix extrêmement bas. En voyant dans cette partie de la France les industries de toute nature parvenues à un si haut degré de prospérité : St-Etienne avec ses richesses minérales, Lyon et Tarare avec leurs riches et belles industries, Marseille avec ses produits manufacturés, qui constituent dès à présent des masses énormes dont la consommation s’accroît chaque jour sur tous les points de la France, il est impossible d’assigner un terme aux relations que la Russie méridionale doit avoir avec le midi de la France, et de ne pas voir de ce côté pour la ville d’Odessa, un bien riche horizon. (Journal de St-Pétersbourg.)2
C’est avec un sentiment bien vif de plaisir que nous voyons dans ce temps, où certes l’égoïsme a sa bonne part, des hommes s’agiter dans leur sympathie pour les classes pauvres, afin d’améliorer leur sort. Ces hommes méritent une reconnaissance éternelle, et malheur à celui dont le cœur serait assez froid pour dédaigner leurs œuvres. Au nombre de ces hommes généreux, est M. Benjamin Rolland, connu par ses precédens philantropiques et qu’on a remarqué partout où il a fallu travailler avec désintéressement, soit pour rendre service à l’humanité, soit pour les saintes causes de la patrie ou du malheur. M. Benjamin Rolland se présente aujourd’hui avec un projet d’association pour les ouvriers en soie, basé sur la société protestante de secours mutuels, à la création de laquelle M. Rolland participa. Nous l’avons déjà dit dans l’un de nos numéros, ce qui est très-bon dans la société protestante, peut être très-pernicieux dans la société des ouvriers en soie. Ainsi, selon nous, le sociétaire honoraire ne devrait point se mêler de la gestion [5.2]de la société, parce qu’alors il y aura toujours partialité dans la distribution des secours. Dans son projet d’association, M. Rolland veut que l’on procure du travail à l’ouvrier qui en manquera, chose impossible, car l’ouvrier refusant de travailler pour un magasin qui ne le payera pas assez, ira-t-il travailler pour un autre qui le payera moins ? et d’ailleurs ce n’est pas le tout que de procurer du travail à un ouvrier, il faut que ce travail lui puisse suffire à élever sa famille, c’est ce dont la société ne pourra pas répondre, car dans les temps mauvais elle ne pourra point faire augmenter les prix des façons ; au contraire, par l’influence de quelques gérans, il pourrait se faire que le négociant obtiendrait de légers secours pour son ouvriers afin de le faire travailler à vil prix. Nous nous permettrons encore une observation. Nous croyons que la cote de 1 fr. 50 c. par métier sera un grand obstacle à la formation de la société de M. Benjamin Rolland. Un chef d’atelier qui possède quatre métiers n’est pas toujours heureux, et beaucoup se trouveront dans l’impossibilité de verser 6 francs par mois. Du reste l’association de M. Rolland est basée sur des vues larges et généreuses, et à quelques modifications près, nous croyons qu’elle serait un bienfait pour la classe ouvrière : d’ailleurs qu’elle réussisse où non, les ouvriers n’en doivent pas moins de reconnaissance au généreux philantrope qui s’occupe sans relâche de l’amélioration de leur sort.
AU RÉDACTEUR.
Monsieur, Nos malheureux ouvriers n’ont point oublié, qu’immédiatement après nos affligeantes journées de novembre, il fut ouvert en leur faveur une souscription, dans laquelle M. Etienne Gautier se fit comprendre pour 25 mille francs ; jusqu’à présent, il n’est pas venu une obole de cette somme à sa destination, et quoique le moment le plus rigoureux de la saison, dans laquelle des secours eussent été le plus nécessaires, soit passé, le sort de notre classe laborieuse n’est pas devenu tellement prospère, que l’exécution des promesses de novembre ne pût encore adoucir bien des maux. En conséquence, on désirerait savoir en quelles mains M. Ete Gautier a versé les 25,000 fr. dont il avait fait don, pour qu’on puisse indiquer au dépositaire les nombreuses infortunes qui restent à soulager. Un Fabricant.
AU MÊME.
Monsieur, permettez-moi d’employer la voie de votre journal pour vous signaler un abus dont la misère dans laquelle je suis plongé, me force d’être la victime. Je travaille pour M. Gauthier, négociant, place de la Croix-Paquet, je lui fabrique des mouchoirs brillantines à bordures et à lisière, qu’il ne me paye que 20 cent. Je ne peux, en travaillant 18 heures par jour, en tisser que huit, et il m’est impossible de vivre à ce prix. Mon voisin plus heureux, fabrique le même genre de mouchoirs pour M. Tabare, au prix de 30 cent. Quand je réclame à M. Gauthier une augmentation, il me répond qu’il ne peut pas, mais pourquoi ne peut-il pas me payer à 30 c. puisque M. Tabare peut les payer ce prix ? Ah ! tarif ou mercuriale, quand vous verra-t-on une ombre de vie !… J’ai l’honneur d’être, etc. Un Ouvrier malheureux.
PRÉFECTURE DU RHÔNE.
[6.1]Conseil des Prud’hommes. Nous, préfet du departement du Rhône, Vu notre arrêté du 21 janvier dernier sur l’organisation du conseil des prud’hommes de Lyon ; Statuant sur les réclamations qui nous sont parvenues sur l’insuffisance du délai de cinq jours que nous avions fixé pour l’admission des réclamations relatives à l’inscription des électeurs prud’hommes, Arrêtons : Art. 1°. Le délai de cinq jours fixé par l’art. 4 de notre arrêté précité du 21 janvier, pour l’admission des réclamations relatives à l’inscription des électeurs prud’hommes, est porté à 15 jours. Art. 2. La publication et la clôture de la liste définitive, indiquée pour le 4 mars par notre arrêté du 21 janvier, n’auront lieu que le 14 du même mois. Art. 3. Il n’est rien dérogé aux autres dispositions de notre arrêté précité, lesquelles seront exécutées selon leur forme et teneur. Art. 4. MM. les maires de Lyon, la Guillotière, la Croix-Rousse et Vaise sont chargés de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié, affiché et inséré au Mémorial des actes administratifs de cette préfecture. A Lyon, le 6 février 1832. Gasparin.
NOUVELLES DIVERSES.
Le 2 de ce mois, à trois heures du matin, un énorme éboulement de marin a englouti deux ouvriers boiseurs, à Rive-de-Gier, dans le puits Ste-Anne, concession du Gourd-Marin. L’un d’eux, Grégoire Brun, laisse cinq enfans en bas âge ; l’autre, Jean Bonnard, célibataire, était le seul soutien de sa mère. Les secours du gouvernement sont déjà sollicités pour ces deux familles. On attribue ce déplorable événement à l’imprévoyance des deux victimes, mais le devoir des chefs d’exploitation est de penser, de prévoir pour les ouvriers. Par un étrange effet du hasard, c’est à pareil jour de l’année dernière que St-Etienne déplorait la submersion de la mine du Dubois-Monzil, mercredi, 2 février 1831. (Le Stéphanois.)
On lit dans le Mouvement du 6 février: « Une population immense et laborieuse ne pouvait plus vivre de son travail ; elle en fit pacifiquement la remarque. Les chefs d’ateliers, témoins de sa détresse, reconnurent que ses plaintes étaient fondées, et consentirent à régler et à élever les taux de ses salaires au niveau des besoins de l’ouvrier, sans se demander si la loi, dont la lettre tue, autorisait une concession qui devait assurer l’existence d’une cité industrieuse, sans trop songer au droit strict, en présence des considérations les plus puissantes de justice, d’humanité et de tranquillité publique. Mais le droit strict et la lettre de la loi ne pouvaient manquer d’organes pour réclamer contre cet oubli ; ils intervinrent donc pour faire casser un tarif qui violait scandaleusement, disait-on, la liberté de l’industrie, sous prétexte de pourvoir à la subsistance des industriels. La foi jurée au nom de la philantropie et de l’équité ; les promesses faites dans l’intérêt de l’ordre public ; le pacte conciliateur que les sentimens les plus honorables et [6.2]les plus impérieux avaient dicté ; tout fut sacrifié impitoyablement à la sécheresse du Code et aux exigences rigoureuses de la légalité. Alors le peuple lyonnais, refoulé dans les horreurs de sa misère, se mit à crier plus fort que son labeur du jour et de la nuit ne suffirait pas à le nourrir. Aigri par la déception, tourmenté, dévoré, égaré par la faim, comme par la plus cruelle des fièvres, il se mit à demander tumultueusement du pain. On lui envoya des balles. Cette réponse n’était pas faite pour apaiser la violence de ses besoins, ni pour calmer sa colère. Quoique exténué par les privations, il se trouva assez de sang dans les veines pour ne pas se laisser décimer sans défense. Il se dressa furieux contre les phalanges urbaines qui vomissaient la mort dans ses rangs ; il leur rendit guerre pour guerre, et resta pendant huit jours maître du champ de bataille. Quel usage fit-il cependant de la victoire ? il était affamé, trompé, meurtri ! hé bien ! le même sang français qui l’avait rendu si bouillant et si terrible dans le combat, le montra généreux après le triomphe. Il refusa son appui à toute tentative séditieuse ; désespéra les agens de tous les partis ; rejeta de son sein tout germe de discussions intestines, tout prétexte au symbole de guerre civile ; vengea sur la tête même de ses compagnons l’atteinte portée à la fortune ou à la personne des vaincus, et proclama le respect des propriétés et des lois, des lois mêmes sous l’empire desquelles il n’avait pu vivre en travaillant, et dont les vices ou l’insuffisance avaient eu des conséquences si funestes. Lorsque cette conduite inouïe des prolétaires lyonnais fut connue à Paris, on eut d’abord de la peine à y croire. C’était si étrange et si nouveau ! Mais quand on fut bien assuré que la révolte heureuse n’avait profité de ses succès que pour se soumettre, que pour repousser les avances et déjouer les projets des factions, que pour exprimer simplement le sentiment de la faim ; oh ! alors il y eut un houra parlementaire dans les deux chambres contre les misérables qui avaient eu l’audace de ne pas se laisser disperser par la mitraille, et qui avaient poussé l’insolence jusqu’à combattre et à vaincre les forces combinées de la ligne et de la garde nationale. « Réprimez, dit le noble du Luxembourg ; réprimez, dit le bourgeois du palais Bourbon ; réprimons, dirent les nobles et les bourgeois du ministère ! et il n’y eut bientôt plus que des châtimens et des épithètes flétrissantes pour une population dont la misère et la générosité devaient faire excuser l’égarement.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 2 février, (présidée par m. guérin.) La séance est ouverte à 6 heures, et il y avait, comme à l’ordinaire, beaucoup d’auditeurs. Une quarantaine de causes ont été appelées ; nous allons rapporter celles qui ont offert quelqu’intérêt. Le sieur Lespinas réclame au sieur Pelet, négociant, des tirelles, sur une quarantaine de pièces, dont les comptes ont couru jusqu’à ce jour sans être réglés. Le sieur Pelet qui avait été condamné par défaut à la précédente audience, prétend que l’usage des tirelles était aboli, et que quelques négocians n’en recevaient plus depuis quelques années. [7.1]Le conseil a déclaré que le droit que les ouvriers ont de faire des tirelles, n’avait jamais été aboli, mais seulement que le fabricant qui cessait d’en recevoir, allouait 15 grammes, et a concilié les parties, en disant que le sieur Pelet devait payer les tirelles. L’affaire a été renvoyée pardevant M. Second, pour vérifier combien il y avait de pièces qui n’étaient pas réglées, et sur lesquelles les tirelles devaient être portées. Nous avons appris que MM. Second et Audibert ont concilié les parties, en accordant des tirelles à l’ouvrier sur les 19 dernières pièces qui n’étaient pas réglées, et sur lesquelles l’ouvrier se trouvait en solde considérable. Il est aussi constant que cet ouvrier avait abandonné la pièce du sieur Pelet, parce que celui-ci le payait à si vil prix, qu’il s’était vu forcé d’aller travailler aux fortifications pour gagner sa vie. Le sieur Brosse réclame un défraiement au sieur Gavot père, d’une apprentie qui a demeuré deux ans et demi chez lui, et qui en est sortie depuis treize mois pour cause de maladie, constatée par des certificats de médecins. Le conseil, attendu que l’apprentie ne peut plus continuer l’état, et qu’il lui reste un an et demi pour finir son apprentissage, concilie les parties en accordant quinze jours au sieur Gavot, pour payer la somme de cent francs au sieur Brosse, que le conseil lui alloue à titre de défraiement. Le sieur Chazottier réclame au sieur Matussier, père de son apprentie, un défraiement. L’apprentie ayant été condamnée précédemment par le conseil à rentrer chez lui, le conseil, attendu que l’apprentie n’est pas rentrée chez son maître, condamne le sieur Matussier à payer la somme de cent francs et les frais au sieur Chazottier. Le sieur Gonet réclame au sieur Dubet un défraiement pour les frais de montage qu’il a été obligé de faire pour lui disposer ses métiers. Il expose au conseil que ses dépenses se montent à 200 fr., et que le total de ses façons ne se monte qu’à 500 fr. Le sieur Dubet répond à cette demande que le sieur Gonet n’a pas assez travaillé, et qu’il aurait pu faire dans le même espace de temps le double d’ouvrage ; qu’il lui est impossible de lui payer un défraiement, lui ayant coûté des pertes en lui faisant manquer la vente de ses schals. Le sieur Gonet réplique que les journées de novembre l’ont retardé dans ses opérations pour monter son métier, et qu’au fait le sieur Dubet l’a continuellement fait manquer de matières, et qu’il lui avait été impossible d’accélérer davantage son travail. Le sieur Dubet, pour sa défense, reproduit plusieurs fois les memes argumens. Le conseil, vu la perte de l’ouvrier, concilie les parties, en accordant un défraiement de 30 fr., que le sieur Dubet devra payer au sieur Gonet. Le sieur Dubet, pour se soustraire au défraiement, offre au chef d’atelier de lui donner une pièce de quinze aunes, que ce dernier déclare ne pouvoir accepter, ayant disposé son métier à un autre négociant, et accepte le faible défraiement qui lui est alloué. Plusieurs causes entre des chefs d’ateliers et leurs dévideuses se sont présentées, et dans lesquelles le conseil a concilié les parties, en déclarant que ces dernières doivent rendre les matières, et que le chef d’atelier doit les payer de suite, comme de juste ces ouvrières ne pouvant pas attendre leur salaire. Nota. Il n’arrive que trop souvent des difficultés entre les chefs d’ateliers et leurs dévideuses. Les premiers prétendent que ces dernières, n’étant pas directement responsables de la soie, n’en ont pas le soin qu’elles devraient [7.2]en avoir, et constituent le chef d’atelier en solde avec son fabricant, étant seul responsable des matières. Le dévidage étant un état de confiance, le chef d’atelier néglige presque toujours de reconnaître, de peser les roquets et les matières lorsqu’elles sont dévidées, ce qui rend les erreurs impossibles à découvrir. Il n’y a qu’un moyen de remédier à cet abus, c’est que le chef d’atelier ait un livre de compte avec ses dévideuses, semblable à celui que ces dernières ont avec les négocians, et dont elles auraient un double, où serait également marqué le poids des matières qui leur sont confiées, celui des roquets et leur nombre, où l’on marquerait de même le poids au fur et à mesure qu’elles rendent les trames dévidées ; ainsi on éviterait de part et d’autre ces contestations, qui finissent souvent par être scandaleuses.
Nous sommes invités à publier l’avis suivant : Les chefs d’ateliers qui ont payé une rétribution de 25 cent. pour la première association, et qui désireraient les retirer, sont invités à passer chez le trésorier de leur quartier, où elles leur seront remises, jusqu’au 20 de ce mois. Après cette époque ceux qui ne seront pas venus les retirer, seront comptés comme les abandonnant au profit des blessés, à qui la somme qui restera sera immédiatement distribuée.
AVIS.
Le 5 février, à onze heures du soir, la police a arrêté, sous le vestibule du Grand-Théâtre où il était couché, un individu paraissant atteint d’idiotisme, et qui n’a rien voulu répondre aux différentes questions qu’on lui a faites. Signalement. Agé d’environ 14 ans, taille d’un mètre 15 centimètres, cheveux châtains, front couvert, yeux roux, nez petit, bouche moyenne, une fossette au menton, visage ovale, teint clair, marqué de petite vérole, principalement au nez. Il est vêtu d’une veste en drap gris faite pour un homme de haute stature, d’un gilet de toile grise n’allant pas à sa taille, et d’un pantalon et un autre gilet en drap brun : il est coiffé d’un bonnet de laine, et chaussé en sabots, le tout en fort mauvais état. Les personnes qui pourraient donner des renseignemens sur cet individu, sont priées de les adreser le plutôt possible à la préfecture, division de la police.
EXPOSITION DESCRIPTIVE DE LA FABRIQUE DE RUBANS DE SAINT-ÉTIENNE. 1
Tel est le titre d’une brochure que vient de publier M. Drivan2. Analyser cet écrit plein de verve, serait faire l’histoire des abus sans nombre de la fabrique d’étoffes de soie de Lyon, On disait que l’auteur sortait des magasins de notre ville lorsqu’il a écrit sa brochure, et elle a vraiment ici le mérite de la localité. Une parfaite connaissance des articles qu’il traite, un discernement dans les abus qui porte la conviction dans l’ame des lecteurs. Voilà, quoi qu’en dise le Stéphanois, journal de Saint-Etienne, ce qui recommande la brochure de M. Drivan à l’attention de toutes les personnes [8.1]intéressées à l’industrie et à la cessation des abus qui écrasent la fabrique d’étoffes de soie. L’espace nous manque pour en donner un détail plus étendu ; mais M. Drivan voulant faire une seconde édition de son ouvrage, nous nous ferons un devoir de l’annoncer et d’en recommander la lecture à nos compatriotes.
ANNONCES DIVERSES.
bourse militaire. assurance mutuelle pour le recrutement. Administrateurs : MM. Debar et C.e, rue Montmartre, N° 165. à Paris. L’assurance comprend 60 départemens, les fonds ne seront déposés chez le notaire que la veille du tirage. On souscrit de 100 fr. à 1,200 fr. L’administration fournira un remplaçant au souscripteur qui aura déposé 1,000 fr. et lui restituera 500 fr., s’il est réformé. S’adresser, pour le département du Rhône, au Directeur, galerie de l’Argue, escalier L.
en vente, Chez Baron, libraire, rue Clermont, essai sur les moyens de faire cesser la détresse de la fabrique, par e. baune, professeur à l’institution saint-clair
Nous empruntons au Journal des connaissances utiles les articles suivants : Economie politique résumée. 1° Le travail est une propriété. 2° Le proletaire vit des produits de son industrie, comme le proprietaire vit des revenus de son champ. 3° L’un sans l’autre est comme l’ame sans le corps. 4° Le prolétaire et le propriétaire sont les deux sexes du monde social. 5° Seuls ils n’enfantent rien. 6° Leur union fait leur vertu. 7° Priver l’un de sa journée et du salaire qu’il en attend, c’est le voler, comme de prendre a l’autre son blé ou son chanvre. 8° Il n’y a point de pauvre et point de riche. Il y a deux conditions passagères de la vie. 9° Un revers fait un pauvre ; un regard fait un riche. Un mariage ou une mort change toutes les conditions. 10° L’égalité naît du courage. Enseignement primaire comparé. On se sert en Autriche d’un moyen qui a le plus grand succès pour répandre l’instruction parmi le peuple et la classe ouvrière. Il existe dans tous les villages des écoles dont les maîtres sont payés par le gouvernement. Aucun individu ne peut, sous peine d’amende, employer un ouvrier s’il ne sait lire et écrire. De petits livres de morale faits avec beaucoup de soins, sont répandus à très-bas prix parmi le peuple et les gens de campagne ; aussi les crimes sont extrêmement rares ; à peine dans une année voit-on deux exécutions à mort. [8.2]Appel à tous les partisans de l’éducation. société nationale pour l’émancipation intellectuelle. (Les bureaux de la Société sont rue des Moulins, n° 20.)
AVIS.
A vendre, pour cause de départ, un atelier de 4 métiers de schals en très-bon état, et ayant les accessoires propres au travail, avec un bel appartement à louer, dans l’un des plus beaux quartiers de la ville. On traiterait aussi avec l’acquéreur de la vente du mobilier. S’adresser au Bureau du Journal. A vendre, 3 peignes en 45 portées 11/24. S’adresser au Bureau du Journal. - A vendre un métier de peluches pour chapeaux avec accessoires, ayant un remisse en soie. - Carik à vendre à bon marché. S’adresser au Bureau du Journal.
Notes (LYON. LES OUVRIERS EN SOIE ET M. FULCHIRON.)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (NOUVEAU CONSEIL DES PRUD’HOMMES.)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (ABUS DU MONTAGE DE MÉTIERS.)
L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
Notes (DEMANGEOT .)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Marius Chastaing fait ici référence à François Mauguin (1785-1854) et à Alexandre Destutt de Tracy (1781-1864). Tous deux députés proches des libéraux dès la fin de la Restauration, ils furent l’un et l’autre très rapidement dans l’opposition au régime de Juillet. Tracy se démarqua en prenant fait et cause pour la suppression de la peine de mort, pour la liberté d’enseignement ou l’émancipation des esclaves. Voir A. Robert et G. Cougny, Dictionnaires de parlementaires français, ouv. cit., volume 4, p. 317-319 (Mauguin), et volume 5, p. 436-437 (Tracy).
Notes (Nous avons reçu une longue lettre en réponse...)
L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). Antoine Vidal contraste ici l’enseignement « simultané » des instituteurs congrégationnistes et les nouvelles méthodes mutuelles. Ces dernières, inventées en Angleterre au tournant des XVIIIe et XIXe siècle par Andrew Bell et Joseph Lancaster avaient été introduites en France au tout début de la Restauration par des hommes comme Alexandre de Laborde, Charles de Lasteyrie, le Baron de Gérando et d’autres philanthropes encore ; ils fondèrent en 1815 la Société pour l’Instruction élémentaire. « L’enseignement mutuel, note aujourd’hui Françoise Mayeur, tirait son nom de l’utilisation des enfants les plus aptes ou les plus avancés pour encadrer, comme moniteurs, leurs camarades et leur répéter les leçons du maître ». Vers la fin de la Restauration, l’enseignement mutuel, fruit des utopies pédagogiques aussi bien que des nécessités pratiques (écoles mal dotées, manque de maîtres) devint le centre de ralliement des libéraux contre les ultras. L’enseignement mutuel connaîtra son apogée au début de la Monarchie de Juillet avant de décliner. Voir ici François Mayeur, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, volume 3, De la Révolution à l’école républicaine (1789-1930), Paris, Nouvelle Librairie de France, 1981, p. 372-387. Johan Pestalozzi (1746-1827), homme politique et pédagogue suisse ; influencé par les idées de Jean-Jacques Rousseau, il présente sa méthode pédagogique, notamment dans Comment Gertrude instruit ses enfants (1801). Entre le tout début du XIXe siècle et la fin des années 1820, il créé et gère à Yverdon un collège qui va servir de modèle à l’Europe. Le frère franciscain Grégoire Girard (1765-1850) sera chargé par le gouvernement helvète d’étendre le système de Pestalozzi au reste de la Confédération.
Notes (Le Courrier de la Nouvelle-Russie publie sur...)
Le Courrier de la Nouvelle-Russie est publié à partir de 1831 à Odessa. Le Journal de St-Pétersbourg puis Journal de Pétrograd, journal de Russie. Journal politique et littéraire est publié à partir de janvier 1825 à Saint-Pétersbourg puis à Moscou.
Notes (EXPOSITION DESCRIPTIVE DE LA FABRIQUE DE RUBANS DE SAINT-ÉTIENNE.)
L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832). S. Drivan (ou Drivon, ou Drevon). Chef d’atelier à Lyon, il était l’un des actionnaires de L’Echo de la Fabrique et l’un des animateurs du mutuellisme. Il s’installe à Saint-Etienne en janvier 1832 et fera en 1832 et 1833 la liaison entre réseaux républicains stéphanois et lyonnais. Gabriel Perreux le mentionne comme l’un des fondateurs, avec Lortet, Seguin et de Seyne, de L’Association pour la liberté de la presse patriote en août 1832. G. Perreux, La propagande républicaine au début de la Monarchie de Juillet, ouv. cit., p. 101-102. Egalement, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier française, ouv. cit., vol. 2, p. 102.
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