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CONSTITUTION ACTUELLE DE L’INDUSTRIE. [1.1]Il y a une trentaine d’années, un honnête homme né à Lyon, après avoir refusé sa sanction à l’élévation de Bonaparte, se retira des affaires politiques, et fit un livre sur l’industrie. Il croyait, comme le titre l’indique, embrasser toute la généralité de l’économie politique, contrairement à l’illustre école française des économistes, qui désignait par ce mot l’organisation complète de la société. C’était déjà s’annoncer disciple de l’école anglaise : tout le livre était fidèle à cette enseigne. C’était un plaidoyer en faveur du système de la libre concurrence. L’auteur remania plusieurs fois et compléta son travail, sans rien changer à la donnée initiale qui y présidait. Il fut nommé, en 1831, professeur d’économie industrielle au collége de France. Nous parlons de M. J.-B. Say1. Aujourd’hui, toute la France, et particulièrement la patrie de M. Say, la ville de Lyon, attaque le système de libre concurrence, et fait retour aux idées françaises d’organisation et de direction. C’est pour nous un devoir d’aider à cette tendance, autant qu’il nous est loisible, dans notre humble sphère d’activité. Nous allons donc jeter un coup-d’œil sur notre industrie, telle que l’Angleterre nous l’a faite : car si nos industriels sont redevenus français, notre industrie est restée anglaise ; et avec des idées meilleures, nous recueillons le triste fruit des idées mauvaises. L’industrie se compose de trois termes : du producteur, du commerçant, du consommateur. L’ouvrier, en général, est un homme sans capitaux : il n’a de richesses que ses deux bras ; il lui faut travailler chaque jour, car chaque jour il lui faut manger. Il ne peut attendre, lui. Lorsque le commerçant abusant de sa position, n’offre à l’ouvrier que la moitié du gain que celui-ci lui rapporte, l’ouvrier est obligé d’accepter : il est obligé d’accepter le cinquième : il est obligé [1.2]d’accepter moins. Il y a une industrie à Paris, où l’ouvrier qui apporte au maître un bénéfice de sept francs cinquante centimes, ne reçoit qu’un salaire de trente sous. On dit, et on a raison de le dire, que l’ouvrier a la faculté de refuser les conditions du maître. Sans doute l’ouvrier a cette faculté-là. Car, il a la faculté de mourir de faim, et on fait oubli, ce semble, de ne pas compter ce droit parmi ses bonheurs. Il est évident qu’il n’y a pas égalité entre un ouvrier qui n’a pas son pain du lendemain, et un négociant qui peut vivre plusieurs années, ou au moins plusieurs mois, sans travailler. Il est évident que l’ouvrier n’est pas libre, dans le sens raisonnable du mot : il est évident que le commerçant est maître : les faits sont ici d’accord avec le langage. En général, et par la force même des choses, le commerçant, qui n’a pas de foi religieuse, exploite l’ouvrier. Mais nous l’avouons, la position de l’exploitant, pour être préférable à celle de l’exploité, est encore soumise à bien des chances mauvaises qu’enfante la concurrence illimitée. D’abord, comme l’ouvrier, le commerçant hésite un moment d’embrasser une carrière. En effet, l’industrie étant travaillée par l’anarchie la plus complète, il n’a pas sous la main les renseignemens qui lui seraient nécessaires pour décider sa volonté et amener un choix rationnel. Il ne sait pas quelle spécialité demande de nouveaux travailleurs, quelle autre au contraire a du trop plein ; et il risque de se fouler dans la cohue, au lieu d’aller grossir le trop petit nombre. Puis il fait toujours des commandes à tout hasard : car d’un moment à l’autre les circonstances extérieures, si mobiles, au milieu desquelles nous vivons, peuvent venir tarir la consommation ; l’encombrement des produits peut amener une baisse considérable sur la place, forcer de vendre au-dessous du prix de la main-d’œuvre, faire séjourner un long temps les marchandises dans les magasins [2.1]ou dans les entrepôts. L’industrie, pour le commerçant, est une loterie où le hasard seul amène les bons numéros, quand la friponnerie ne se met pas de la partie. Le commerçant est un intermédiaire ruineux pour le producteur et le consommateur. Il les exploite tous les deux. M. Fourier a donné une définition très-piquante et très-vraie du commerce : suivant lui, c’est l’art d’acheter trois francs ce qui en vaut six, et de vendre six francs ce qui en vaut trois. Dans toute la critique que nous faisons des commerçans, nous entendons parler du plus grand nombre : nous savons qu’il y a de bien honorables exceptions, d’autant plus vertueuses qu’il y a moins de vertu autour d’elles. Une jeune femme de mœurs sévères et d’une grande bonté de cœur, nous a avoué qu’elle essayait toujours de faire passer les mauvaises pièces de monnaie qu’elle avait reçues sans y prendre garde. Ces jours derniers, une ouvrière apportait à un fabricant vingt-une aunes d’étoffes soie : le fabricant n’en avait commandé que vingt. Pour la punir d’une erreur où elle perdait, il refusa de payer cinq aunes. Assigné devant le conseil des prud’hommes, il se hâta de se mettre en règle, appela la femme, la paya et ne la fit plus travailler. Eug. Dufaitelle.
Lyon, le 3 novembre 1834. Monsieur le Rédacteur, Dans un de vos derniers numéros, vous avez traité l’importante question de savoir si les fabricans gagnent à l’émigration des métiers hors de Lyon. J’ai eu dernièrement la satisfaction d’apprendre dans une promenade aux montagnes du Lyonnais, que des offres ont été faites aux propriétaires de St-Symphorien (le Château) à l’effet de louer des bâtimens pour y placer des métiers de fabrique. Ces derniers ont eu la sagesse de prévoir les conséquences de l’installation d’une partie de notre fabrique chez eux, refusèrent ce bénéfice le considérant comme illusoire et éphémère attendu qu’ils contribueraient à dégoûter de l’agriculture la jeunesse du pays et ne tarderaient pas de subir une augmentation sur le prix des gages de leurs domestiques. Si les propriétaires des autres lieux circonvoisins avaient eu la même prévoyance, ils n’éprouveraient pas autant de difficultés à faire valoir leurs fonds. Les chefs d’atelier de Lyon ne devraient-ils pas imiter la prévoyance des habitans de St-Symphorien en étant moins prodigues de confiance envers des apprentis sans caution solvable et souvent étranger, non-seulement à la ville, mais à la France. A une des grandes audiences du conseil des prud’hommes, le président donna cet utile avis à haute et intelligible voix, à peu près en ces termes : « Messieurs les chefs d’atelier, vous ne sauriez prendre trop de mesures de sûreté en contractant avec des apprentis étrangers à la France, attendu que le consul de Sardaigne a déclaré ne pouvoir coopérer aux poursuites dirigées contre les apprentis qui quittaient furtivement leur atelier sans indemniser les maîtres [2.2]d’apprentissage, pour aller ensuite transporter notre industrie dans leur pays. » Puisse cet avis être enfin propagé et compris, dans cette attente, j’ai l’honneur d’être, Votre dévoué serviteur, Ch.
La misère est un terrible oppresseur, et l’égoïsme est un monstre bien dangereux ; si l’égoïsme n’existait pas, peut-être il n’y aurait point de misère. Les hommes qui se vouent pour la chose publique, doivent faire tous leurs efforts pour rendre les travailleurs heureux, donc il faut en chercher les moyens. Les moyens pacifiques en sont une garantie assurée ; mais il faut les comprendre d’abord, et ensuite les vouloir. C’est pourquoi nous venons signaler une maison qui paye les façons bien au-dessous du cours. Notre intention est bien éloignée de nuire à cette maison, ni d’exciter les ouvriers à la haine contre elle, mais bien celle de faire voir avec le doigt que ses patrons ont fait une funeste erreur en prenant des commissions à un prix si bas, que l’ouvrier se ruine en travaillant même 18 heures par jour. Nous savons bien que c’est pénible pour des hommes généreux de nommer publiquement des maisons qui ne payent pas raisonnablement ses ouvriers ; mais n’y sommes-nous pas contraints pour les distinguer d’avec celles dont les ouvriers sont à peu près contens, afin que nous ne recevions point de reproches des hommes que les chefs d’atelier estiment. Les ouvriers sont malheureux… Oui c’est vrai ; mais bien souvent c’est par la faute de quelques-uns d’entre eux, qui ne savent pas bien compter, ou qui sont trop avides ; car il en est qui acceptent l’ouvrage à tout prix, en pensant qu’un apprenti leur fera une journée aussi forte qu’un compagnon, et qu’ils auront toute la façon. En voici un exemple que nous mettons sous les yeux de nos lecteurs, et qui vient à l’appui de nos assertions : MM. Reynier et Dégotière ont donné ces jours derniers des dispositions ainsi conçues : D’accord de faire cent aunes, à cinquante-cinq centimes le mouchoir, sans avoir droit, après cet aunage, à aucun défrayement (sans tirelle). Ces MM. ont soin d’ajouter sans tirelle, comme s’ils étaient en droit de faire des lois. Mais passons… Ces mouchoirs sont en 3/4 sur un 600, et ont 2 300 coups, l’ouvrier, en travaillant 15 à 16 heures, peut en faire cinq. Nous allons prouver aux chefs d’atelier qu’à la fin de ces cent aunes, qui lui feront 130 mouchoirs, il sera en-dessous de ses affaires. Voici les frais du montage de son métier : il est bien compris, bien entendu qu’il a tous ses ustensiles nécessaires pour ledit métier. C’est seulement l’argent déboursé pour la façon du montage dont nous allons parler ; nous ne parlons pas non plus de la détérioration de ses harnais. Nous recommandons aux chefs d’atelier d’y faire attention. Dépendage : 3 fr. Nourriture de celui qui dépend : 1 fr. Décolettage : 1 fr. [3.1]Empoutage : 3 fr. Coletage : 3 fr. Pendage : 3 fr. Nourriture de la personne qui pend : 1 fr. Appareillage : 3 fr. Nourriture de l’appareilleuse : 1 fr. Remettage : 5 fr. Nourriture de la remetteuse : 1 fr. 25 c. Purgeur : 1 fr. Nourriture du purgeur : 1 fr. Pliage (on observera que les cent aunes sont en deux pièces) : 1 fr. 80 c. Torsage : 1 fr. Nourriture de la torseuse : 1 fr. Total : 31 f. 05 c. 130 mouchoirs, à 55 centimes le mouchoir, font 71 francs 50 centimes, prélevons la moitié pour le compagnon, il reste au chef d’atelier 35 francs 75 centimes ; il a dépensé 31 francs 5 centimes pour frais de montage, il lui reste net 4 francs 70 centimes, pour le blanchissage du lit du compagnon, pour son chauffage, pour son loyer, pour le dévidage, pour les cannettes, et enfin pour ses courses au magasin, qui sont le moins deux fois par semaine. Ce métier travaillera 26 jours, et gagnera par conséquent 18 centimes chaque jour au chef d’atelier, pour prix de tant de peines et parfois de dégoûts… Si l’ouvrier avait soin de faire ce calcul avant de monter son métier, sans doute il ne prendrait pas la disposition ; alors le négociant serait bien forcé de payer un prix moins déraisonnable. Le prix des mouchoirs de ce genre est de 5 centimes les 100 coups ; nous savons que les maisons qui prennent les commissions à tous prix, n’y viendront que quand nous serons à l’abri de la misère. Mais pourquoi serions-nous forcés de travailler à un si vil prix. Le chef d’atelier n’est-il pas libre, d’accepter ou de refuser !… Or, en refusant la main-d’œuvre à une maison qui spécule sur la vie de l’ouvrier, elle ne pourrait plus remplir ses commissions ; par conséquent le commettant serait bien contraint de donner ses commissions à un négociant qui payerait bien. Ainsi l’ouvrier ne serait donc pas privé d’ouvrage, comme le disent les personnes qui ne réfléchissent pas, il y aurait seulement quelques jours de retard. Une fois ce principe établi, le chef d’atelier y trouverait un bénéfice évident, l’aisance s’en suivrait, et de là découlerait la prospérité de chacun.
Nous avons reçu une lettre datée du 4 novembre, signée L. F. que nous ne pouvons insérer attendu que nous n’avons pas de garantie sur l’exactitude des faits. En conséquence, si l’auteur veut que sa lettre soit insérée au numéro de dimanche prochain, il est prié de passer au bureau pour nous donner de plus amples renseignemens.
avis aux chefs d’atelier.
[3.2]Les Ferrandiniers viennent de changer de Mère1, elle est actuellement chez M. Echalier, rue du Chapeau-Rouge, n° 7, 9 et 11, à la Croix-Rousse.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Audience du 6 novembre. présidence de m. ribout. Les conventions verbales pour apprentissage, font-elles foi au conseil des prud’hommes ? oui. Le chef d’atelier a-t-il droit à une indemnité, si l’apprenti refuse de continuer son apprentissage ? oui. Ainsi jugé entre demoiselle Blanc et Vendre. – Lorsque le dégoût et la négligence d’un apprenti est constaté par le rapport des membres du conseil, les engagemens sont résiliés avec une indemnité au bénéfice du maître d’apprentissage, et l’apprenti ne peut se replacer que comme apprenti, s’il a été reconnu qu’il ne sache pas suffisamment travailler. Ainsi jugé entre Perrichon et Duchène. – Un apprenti a-t-il le droit de réclamer la résiliation de ses engagemens, lorsqu’il a été constaté que son maître d’apprentissage néglige la surveillance de son atelier, pour porter ses soins à un autre établissement ? oui. Ainsi jugé entre MMes Gremillard et Revol. – Lorsqu’un chef d’atelier a résilié les engagemens de son apprenti, avant la fin de son apprentissage, sans stipuler que l’apprenti ne pourrait se replacer que comme apprenti, peut-il exercer la contravention contre lui, s’il se place comme ouvrier ? non. Peut-il faire retenir son livret, jusqu’à ce qu’il ait achevé son apprentissage ? oui. Ainsi jugé entre Moine et Arthaud. – Trois causes ont encore paru à l’audience d’aujourd’hui, pour faire constater des voies des faits, exercés par des chefs d’atelier envers leur apprenti. La première a été entre Bourget et Perrot, son apprenti. Ce dernier ayant déjà été cité pour la quatrième fois devant le conseil pour faire constater son inconduite et son insolence à l’égard de Bourget, son maître d’apprentissage ; se voyant sur le point d’être condamné à l’audience du jeudi dernier, a tout-à-coup fait valoir un moyen de défense pour lequel il n’avait encore fait aucune mention. Il a demandé un renvoi à la huitaine, pour prouver que son maître l’avait frappé il y a plus d’un an. Les témoins ont été entendus à l’audience d’aujourd’hui, et ont attesté le fait ; Bourget a aussi présenté des témoins qui ont attesté les indignes provocations de l’apprenti. L’affaire a été renvoyée à huitaine, pour que les partis puissent présenter leurs engagemens, et nous espérons que le conseil appréciera les provocations de l’apprenti. – Planche, chef d’atelier, fait comparaître Guillot, négociant, pour lui réclamer une indemnité, attendu qu’il cessait trop tôt de faire travailler un métier qu’il avait disposé pour lui, et pour lequel il avait acheté un remisse très dispendieux. Le conseil, ayant égard aux [4.1]réclamations du chef d’atelier, a condamné le négociant à prendre le remisse pour son compte.
CONSEIL AUX OUVRIERS
Sur la nécessité où ils sont de recourir au conseil des Prud’Hommes. Dans ce siècle, où l’égoïsme fait le tour du monde, où l’appât de faire fortune, n’importe par quels moyens, a fait de la fraude une vertu presque à la mode, pourvu que par astuce ou par adresse, elle sache déguiser ses intentions ; disons un mot sur la cause de la misère de l’ouvrier. Si tout a suivi le torrent, si la civilisation, si les lumières et les lettres ont fait de rapides progrès, qui pourrait peindre les mille et mille formes, sous lesquelles se travestissent la fraude et la rapine de quelques hommes sans délicatesse, pour spolier l’ouvrier de son minime bénéfice ! Chaque jour en voit éclore de nouvelles !… Tantôt oubliant que la misère est un titre à la commisération publique, et qu’il est du devoir d’un homme de bien de soulager son semblable, ils se servent même de son malheur pour le dépouiller dans l’ombre, pensant que dans le secret de leurs magasins, la vindicte publique ne saurait les atteindre ; et faisant peu de cas de l’exemple de ces ames nobles, de ces ames généreuses qui ne sauraient profiter de la faim de leurs semblables, ils ne rougissent pas de l’exploiter pour grossir en peu de temps leur fortune ; tantôt leur cupidité les porte à chercher des moyens, des détours pour paralyser des usages reconnus de tous, depuis l’origine de la fabrique ; et se confiant à la bonne foi de ceux qui les jugent, d’après eux-mêmes, ils les dépouillent à l’envie et font de leur misère un véritable agiotage ; tantôt abusant de la crédulité d’un ouvrier, ils n’ont point de honte de renier, avec le démenti le plus formel, ce qu’ils n’avaient promis que de bouche, et que trop de confiance n’avait pas jugé à propos de faire écrire. Aussi, ne pourraient-ils se rendre ce glorieux témoignage, que se rendait, au treizième siècle, un de nos rois, lorsqu’il disait : « Si la justice et la bonne foi étaient bannies de la terre, elles devraient se retrouver dans la bouche et le cœur d’un roi »i1. Si notre mémoire n’est pas infidèle, Napoléon lui-même, avec son œil d’aigle, avait bien sondé tous les détours des fabricans, lorsque dans un des passages qu’il fit à Lyon, il adressa cette réponse à celui qui portait la parole au nom de la députion du commerce, et qui cherchait à le persuader que les négocians ne réalisaient pas : « Vos pères, Messieurs, dit-il, employaient vingt ou trente années à faire une modeste fortune, et vous, vous voudriez en six ou sept ans au plus, vous retirer des affaires avec un million ! Nos officiers, qui exposent journellement leur vie pour la défense de la patrie, sont bien plus éloignés d’un pareil avantage ! » Paroles sublimes et qui laissent apercevoir que l’égoïsme du fabricant ne lui était pas inconnu ! [4.2]Mais il faut l’avouer, la pusillanimité, la faiblesse de l’ouvrier sert souvent de point de mire aux exactions du fabricant. Combien de fois n’arrive-t-il pas que ce dernier, voyant la détresse de l’ouvrier, et qu’il ne saurait lutter avec lui, il se permet à son égard de ses supercheries qu’il serait bien loin de tenter vis-à-vis de tels ou tels, que le caractère ferme, ou la capacité pécuniaire rendraient impuissante ? Ce n’est point assez de signaler les abus, il faut les extirper de la société, il faut y apporter un remède ; et celui qui est le plus puissant, est, sans contredit, la publicité. En effet, il est de ces hommes dont le cœur n’est pas tellement corrompu, dont l’ame n’est pas tellement avilie, pour que la prévision que leurs vexations devinssent publiques, ne les porta à y mettre un terme ; et de là découlerait cette amélioration à laquelle tendent tous nos efforts. Combien de fois n’arrivait-il pas que les ouvriers présens au conseil, soit par motif de curiosité, soit par besoin, profiteraient d’une décision juste et impartiale, et en temps et lieux en feraient leur bénéfice ? Vous craignez, dites-vous, qu’en donnant de la publicité aux exactions de vos fabricans, vous n’ayez plus d’ouvrage ? Songez-y bien, plus vous montrerez de faiblesse, plus vous accorderez, plus l’on exigera de vous ; et bientôt, privés de ce que l’égoïsme vous aura enlevé, il vous faudra déplorer de plus la perte de cet ouvrage, pour la conservation duquel vous aurez supporté toutes ces disgrâces. Soyez confians dans votre droit, ne vous laissez point enlever ce que la justice ne saurait vous dénier ; et bientôt, ceux qui s’étaient fait de la fraude une seconde nature, privés de ce qui l’alimente chaque jour, votre faiblesse, seront contraints à devenir meilleurs. Travailleurs, entendez notre voix et rendez-vous à nos sollicitations ? À Dieu ne plaise qu’en vous donnant ces conseils, nous ayons l’intention d’agiter le flambeau de la discorde, loin de nous de semblables procédés ? Réclamez vos droits, mais réclamez-les avec justice ; que votre cause soit belle ; qu’elle soit pure, exempte de haine et de récrimination ; montrez la vérité toute nue, mais ne craignez pas de la mettre au grand jour, et vous serez certains du triomphe.
i. Jean II, dit le Bon ; né en 1310, mort en 1364.
ANNONCES.
A vendre pour cause de départ. Un bel atelier de quatre métiers de châles au quart et tous ses accessoirs, plus un joli mobilier d’ouvrier. On cèdera à un prix bien modeste. S’adresser au bureau. A vendre pour cause de départ. Un atelier de 5 métiers en 6/4, 1 600 de mécanique, montés en châles 5/4 au quart. S’adresser impasse du Boulevard-St-Clair, n° 6, au 1er.
Notes (CONSTITUTION ACTUELLE DE L’INDUSTRIE. [1.1] Il...)
Allusion au Traité d’économie politique, publié par Jean-Baptiste Say et dont la première édition datait de 1803.
Notes (avis aux chefs d’atelier.)
Rappelons que la Mère désignait simultanément une maison de compagnons mais aussi la femme qui gérait cette maison où mangeaient et logeaient les compagnons.
Notes (CONSEIL AUX OUVRIERS)
Jean II de France, dit Jean le Bon (1319-1364).
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