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MONTAGE DES MÉTIERS. [1.1]La question du montage des métiers est l’une des plus importantes de la fabrique. Résolue en faveur du négociant, elle amènera toujours dans un temps plus ou moins long la ruine du chef d’atelier ; résolue en faveur de ce dernier elle ne porte au premier qu’un dommage minime et qui doit nécessairement entrer dans ses combinaisons mercantiles. Il y a donc justice de la résoudre dans le sens que nous demandons. En effet, entre deux parties dont (nous le disons hautement), l’une ne doit pas être plus opprimée que l’autre, il faut apprécier la moralité du débat. Pour rendre notre pensée plus claire, nous emprunterons au barreau une formule consacrée. Le chef d’atelier plaide de damno vitando (pour éviter un dommage). Le négociant de lucro petendo (pour obtenir un gain) et la morale, d’accord avec la législation, regarde comme préférable l’action qui a pour but d’éviter une perte à celle dont l’objet est d’augmenter le bénéfice. Nous nous réservons de présenter à ce sujet quelques vues qui paraîtront étranges, quoi qu’elles soient, et peut-être parce qu’elles sont justes ; mais pour ne pas sortir du cercle de la question telle qu’elle existe en ce moment, nous ajournons ces considérations nouvelles et nous prendrons pour base dans cet article, le droit d’indemnité pour montage et la quotité de ce droit, tels qu’ils existent en ce moment. Déjà l’un de nos collaborateurs actuels, a examiné cette question dans les numéros 15 et 16 de l’Echo de la Fabrique (février 1832)i. « Le plus monstrueux des abus, dit-il, celui qui a réduit un grand nombre de chefs d’atelier à la misère, c’est sans doute le montage de métiers propagé à tel point, qu’il ne se passe pas une seule séance du conseil des prud’hommes, qu’il ne s’y présente plusieurs réclamations de ce genre ; abus scandaleux qui s’est introduit par la diversité des articles de goût, par la concurrence que les négocians se font entr’eux, et surtout par leur avidité à se saisir du genre de leurs échantillons. » […] Il établissait ensuite le compte des frais et trouvait une perte de 55 fr. sur un montage ordinaire de 20 fr., le chef d’atelier n’ayant fait que pour 50 fr. de façons ; il proposait d’inscrire sur le livret du chef d’atelier qui lui est inutile, sans cela, la convention faite entre lui et le négociant, dans laquelle seraient spécifiés, la durée de l’article, le prix de la façon, le montant de l’aunage à fabriquer et dans le cas où le métier ne tisserait pas pour le montant consenti d’allouer 10 p. 100, 20, ou 30 p. 100 selon la différence des sommes manquant au montant convenu. [1.2]Loin de nous l’intention de rappeler des souvenirs douloureux, de raviver des haines déplorables, moins encore de faire au profit de qui que ce soit, un droit de la force, mais nous devons le dire parce que c’est la vérité. Les événemens de novembre procurèrent une amélioration notable à la fabrique de Lyon, les droits de cette classe de travailleurs furent sinon acceptés, du moins reconnus. A cette époque, une représentation plus réelle fut accordée aux ouvriers en soie. Les nouveaux membres du conseil des prud’hommes arrivèrent avec de bonnes intentions, il n’en faut pas douter, mais il n’osèrent pas… C’est là nous le pensons le seul grief, et il est assez grand, que leurs camarades aient à leur reprocher. On se souvient de l’insistance que nous avons mis à réclamer une jurisprudence fixe, insistance qui a soulevé tant de haine contre nous ; c’est qu’en effet les ennemis de la classe ouvrière savaient combien cette question était importante ; ils savaient que sous l’impression de la victoire et de la magnanimité des ouvriers, cette jurisprudence aurait été nécessairement une Charte d’affranchissement ; aussi ils firent tout pour en retarder la discussion, et plus tard il ne fut plus temps. ; On opposa aux prud’hommes ouvriers que l’article 5 du code civil, était contraire à leur prétention de juger par voie réglementaire…, ils pouvaient répondre que 1e code civil n’avait pas prévu novembre plus que la royauté constitutionnelle n’avait prévu juillet, et que des circonstances extra-légales demandaient toujours des remèdes de même nature. A moins que de faire le procès à leurs collègues, ils ne pouvaient pas dire contre toute vérité, que c’était sans raison que les ouvriers avaient en octobre demandé un tarif, et en novembre inscrit sur leur drapeau : Vivre en travaillant, ou mourir en combattant. Dès-lors ils étaient moralement fondés à demander satisfaction pour ces intérêts insurgés. Cette satisfaction devait résulter de l’établissement sur une base plus rationnelle, des rapports entre les négs et les ouvriers. Le ministère aurait sanctionné ce que les prud’hommes auraient demandé s’ils avaient eu un corps de doctrine à proposer, et s’ils avaient su vouloir. Les prud’hommes ne comprirent pas d’abord et ensuite ne voulurent pas comprendre leur position, ses exigences et leur devoir, comme mandataires des ouvriers. Ils ont par cette conduite perdu toute influence sur leurs commettans. L’un d’eux a eu la bonne foi de l’avouer à M. Riboud, lorsque ce magistrat convoqua le conseil au mois de février dernier, pour aviser aux moyens de rétablir la paix dans la fabrique. Un autre résultat de cette conduite a été l’extension du mutuellisme. Les chefs d’atelier ayant besoin d’un appui et ne le trouvant pas dans leurs chefs, naturels, (les prud’hommes) le cherchèrent dans l’association. Cette question d’une jurisprudence fixe était si mal appréciée, qu’un prud’homme fabricant nous dit un jour avec l’air patelin qui ne le quitté jamais : Contentons-nous de bien juger les causes qui nous sont soumises. Nous lui répondîmes : qui vous assure que vos successeurs jugeront de même ? aurez-vous [2.1]toujours la majorité ? n’arrivera-t-il jamais d’autres événemens qui enlèveront à la classe ouvrière l’avantage de sa victoire. Elle est bien triste une victoire teinte du sang fraternel, du moins faudrait-il en profiter. Ce que nous avons prévu est arrivé. Aujourd’hui faute d’un code industriel, d’un réglement de fabrique, toutes les questions sont mises de nouveau sur le tapis ; et il n’y a pas long-temps un prud’homme négociant que nous citerons au besoin, disait à M. Perret, en le traitant moins en collègue qu’en subordonné, à propos d’une affaire renvoyée par devant eux en conciliation : Il faudra bien que tout cela change. Il faisait allusion aux avantages que la classe ouvrière a obtenu dans la décision de divers points de fabrique. Cette menace serait-elle à la veille de se réaliser ? En ce moment, le droit du chef d’atelier à une indemnité lorsqu’il n’est pas couvert de ses frais de montage par des façons suffisantes, est traduit de nouveau à la barre des prud’hommes. L’appel d’un grand nombre de causes en fait foi ; elles s’éteignent, il est vrai, le plus souvent dans le huis clos des conciliations, mais elles témoignent néanmoins de la répugnance des négocians à reconnaître ce droit ; nous sommes donc fondés à croire qu’un réglement authentique aurait vaincu pour toujours cette résistance usurière. Le conseil n’a pas encore décidé que le montage des métiers devait rester sans indemnité à la charge des chefs d’atelier, mais il l’a annulé bien souvent en n’accordant qu’un défrayement illusoire, et dans l’affaire Pichon contre Tholozan Chavent (V. n° 4.), il a jugé que cette indemnité n’était due qu’autant que le chef d’atelier rapportait une disposition écrite. Nous devons nous élever contre une telle jurisprudence. Posons d’abord quelques principes rigoureusement vrais. Le droit est absolu ; il n’est pas subordonné à la condition d’être écrit, l’écriture n’est que le témoignage muet d’une convention, elle ne la forme pas substantiellement ; une convention verbale n’en est donc pas moins une convention ; et dans aucun cas, une convention n’est nécessaire pour assurer l’exécution du droit ; il est certains cas où une convention peut déroger au droitii, mais le droit prime la convention. Ainsi le droit d’indemnité pour le montage des métiers existe indépendamment de toute convention. Ces principes mis hors de tout conteste, on devra convenir avec nous que Pichon n’avait pas besoin de rapporter une disposition, c’est-à-dire la preuve par écrit d’une convention, conforme à son droit, puisqu’il est vrai de dire que cette convention était inutile pour jouir d’un droit à lui, acquis par le fait même du montage, avait-il ou n’avait-il pas monté le métier ? Voilà la seule question que le conseil devait poser et résoudre. Maintenant qu’on ne croie pas que ce soit là un jugement sans importance, ni que la position de Pichon fut exceptionnelle. Nous allons prouver que ce jugement peut porter une perturbation grave dans la fabrique. Nous avons consulté à ce sujet des hommes dont les connaissances techniques ne permettent aucun doute, Un grand nombre de métiers se montent, sans que le chef d’atelier ait besoin d’une disposition quelconque et ces montages n’en sont pas moins très dispendieux. Aucun négociant ne donne de disposition que pour les étoffes qui ont des chemins à retours ou des filets et dont l’empoutage ou tissage ne sont pas suivis, et encore pour des mouchoirs à cause des bordures et autres dispositions du fond. Lorsque ces diverses circonstances ne se rencontrent pas, le négociant se contente de dire au fabricant de mettre huit [2.2]ou dix chemins, de faire faire le remisse avec tant de portées. Le fabricant demande si le métier ira long-temps ; on lui promet 150 ou 200 aunes, et il s’en rapporte. Il monte le métier, la morte saison, ou l’agiotage arrivent, le métier est à bas, et l’on viendra dire au fabricant pour allouer une juste indemnité, dont le principe est reconnu (nous insistons là-dessus), montrez-nous une disposition : à lui qui confiant dans son droit, a agi avec bonne foi ; cela nous paraît absurde et tyrannique. Demande-t-on au maçon, au plâtrier, au charpentier, une convention écrite pour payer leur travail ? Non, ils montrent leur ouvrage et tout est dit. Pourquoi n’en serait-il pas de même du fabricant. Il a travaillé, il a monté son métier, la conséquence est nécessaire ; a-t-il suffisamment travaillé pour être indemnisé de ses frais de mise en œuvre ? car c’est là une conséquence encore nécessaire du principe : Vivre en travaillant, que nous sommes bien malgré nous obligés de rappeler si souvent, quelque effroi que puisse causer la suite de la devise ; c’est aux prud’hommes experts à l’examiner. Nous devons espérer que le conseil éclairé par la discussion, reviendra sur une jurisprudence dont l’application serait la ruine des chefs d’atelier. Le droit reconnu, il ne s’agit plus que de fixer la quotité de l’indemnité. Nous avons dit que nous discuterions ailleurs et sous un autre point de vue cette quotité : en attendant nous ne demanderons pas davantage que ce qui existe ; une indemnité de 10 p. 100, en calculant le nombre d’aunes qu’un métier doit faire pour que le fabricant soit remboursé de ses frais de montage. Qu’on le sache bien, cette indemnité ne représentera jamais intégralement non pas le bénéfice qu’aurait pu faire le chef d’atelier, par un travail plus continu, mais la perte qu’il éprouve ; et cependant si comme nous l’aurions désiré et comme nous ne cesserons de le réclamer, on appliquait à la fabrique les principes du droit civil qui régissent la société française, ce serait aussi du manque de bénéfice que le chef d’atelier devrait être indemnisé. Ce sujet nous mènerait trop loin, il mérite d’ailleurs d’être traité d’une manière directe et approfondie. Nous y reviendrons, car nous ne nous lasserons jamais de réclamer pour les travailleurs des droits égaux à ceux des marchands qui les exploitent. Contentons-nous de dire qu’il y a de la dureté et de l’inconséquence à les frustrer sous de vains prétextes, d’une créance aussi juste que celle qui fait le sujet de cet article.
i. Ayant déjà traité dans l’Echo de la Fabrique et l’Echo des Travailleurs la plupart des questions qui se présentent journellement, nous croyons plus utile d’y renvoyer les lecteurs, que d’allonger inutilement nos articles, ou de nous répéter sans raison ; trop de soins nous réclament pour en agir autrement. ii. Une convention peut déroger au droit pourvu que cela n’intéresse ni l’ordre public ni les bonnes mœurs. Nous examinerons dans un prochain article jusqu’à quel point peuvent être valables des conventions faites entre le négociant et le fabricant lorsqu’elles sont onéreuses à celui-ci. Nous dirons dès-à-présent que nous les rangeons dans la classe des conventions léonines et que comme elles ont pour dernier résultat la misère des ouvriers, elles sont contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs, attendu que ces dernières veulent qu’un citoyen puisse, en travaillant, élever sa famille, etc. et que l’ordre public y est également intéressé.
sur la libre concurrenceET LES BREVETS D’INVENTION. Soyons certains que la liberté illimitée n’est jamais au détriment des masses, et même n’est jamais au détriment de l’industrie d’une nation. La rivalité féconde et ne ruine jamais. Ouvrez vos barrières pour que la rivalité entre à deux battans. Ce que nous disons des prohibitions à la frontière, nous le dirons des brevets d’invention, qui sont des prohibitions de manufacture à manufacture, des langes qui emmaillotent l’industrie et monopolisent un résultat heureux. Récompensez l’inventeur et vulgarisez la découverte ; achetez le secret et livrez-le au public chacun y trouvera son compte. (Le Réformateur, N° 19, 27 octobre 1834.)
DU PROGRÈS INDUSTRIEL. Il est bien entendu que par progrès, il n’est question que de ceux qui s’obtiennent par des procédés économiques, la création des machines, etc., mais nullement dans l’abaissement de la main-d’œuvre qui n’offre que des économies très faibles et qui d’ailleurs a un terme qu’on ne peut atteindre sans avoir à redouter le soulèvement et l’émeute de la part d’hommes, qui ne trouvent plus dans le travail les moyens de nourrir eux et leur famille. (La Tribune, numéro 255, 10 novembre 1834.)
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 13 novembre 1834. [3.1]Président, M. Riboud; membres, MM. Berthaud, Bourdon, Gaillard, Joly, Jubié, Labory, Micoud, Milleron, Putinier, Roddet, Verrat, Wuarin. 28 causes sont appelées dont 4 sur citation. Dix sont entre l’agent comptable de la caisse de prêts, et des fabricans dont plusieurs ont changé de profession depuis l’emprunt fait par eux. Cinq causes ont été jugées par défaut ; et quatre arrachées. Celles qui ont présenté de l’intérêt sont les suivantes : Le fabricant, qui est débiteur de la caisse de prêts, peut-il, s’il vient à changer de profession, continuer à se libérer par huitième, ou doit-il être condamné, sans délai, au payement intégral de la somme par lui due ? – La condamnation doit être prononcée sans délai. La caisse de prêt n’étant instituée que pour les fabricans d’étoffes de soie. Ainsi jugé entre l’agent de la caisse de prêts et plusieurs fabricansi. Dans quel délai la réclamation d’un fabricant contre un négociant, pour un solde de matières porté mal à propos pour décrouage, doit-elle être faite ? – Dans le mois. Ainsi jugé entre Ferrante et Auguste Dépouillyii. La cause entre Brun et Martin, dont nous avons parlé dans notre dernier numéro (voy. fabrique de tulles) a paru en cette audience. Martin a établi que la pièce ne devait pas avoir 120 flottes, mais seulement 80, et la conciliation a été maintenue pour 16 flottes au lieu de 56. Le point de droit reste le même, et doit être ainsi formulé. Le maître tulliste qui refuse de laisser achever une pièce de tulle doit-il payer le montant des flottes restant à faire quel qu’en soit le nombre, comme si elles l’avaient été ? – Oui. La demoiselle Marite, apprentie, qui se plaignait de voies de fait exercées contre elle, par le sieur Petot, son maître, n’ayant pu en justifier, a été condamnée à rentrer ou à payer une indemnité que le conseil, auquel l’arbitrage en avait été laissé par les conventions, a fixé à 200 fr. et à ne se replacer que comme apprentie. Grillet et Thollon, négocians, demandaient à Champin, fabricant, la résiliation des conventions faites entr’eux, attendu qu’il ne faisait pas la journée fixée par le conseil de 9 000 passées. (Châles 6/4 au ¼.) Champin prétendait que la qualité des matières s’opposait à une journée aussi forte ; que d’ailleurs il avait été obligé de commencer un dessin nouveau et que l’article était très difficile. Le conseil avant de statuer, a renvoyé la cause au 15 décembre et délégué MM. Perret et Roux, pour visiter les matières.
i. Cette décision nous paraît pas susceptible d’une bien grande controverse ; mais nous pensons que le conseil a le droit, comme tout autre tribunal, d’accorder un délai au débiteur malheureux, et aurait du le faire. – Une réflexion se présente ici. Le grand nombre de prêts opéré par la caisse, tant qu’elle a pu le faire avec sûreté, c’est-à-dire sur des métiers travaillant ; la cessation de ces prêts depuis qu’un grand nombre de métiers est oisif, et enfin le changement de profession de beaucoup de fabricans, révélé à cette audience, par hasard, sont des preuves trop réelles de la misère de cette classe de travailleurs. ii. Le conseil a eu le bonheur de trouver une prescription qui n’existe pas dans la loi (voyez code civil, art. 2219 et suivans). Nous le félicitons de son génie inventif.
MM. Jeantet et Clément, fabricans de châles, ont été déclarés en faillite le 7 de ce mois. Voilà un fait qui ne confirme que trop ce que nous avons dit (voyez numéros 5 et 6) sur l’état de cette industrie.
L’HOMME SAUVAGE ET L’HOMME CIVILISÉi. [3.2]Le sauvage se lève, prend son arc, parcourt les forêts, rapporte à sa cabane de quoi nourrir sa famille, ou choisit quelques racines venues sans culture. Le paysan prévient l’aurore pour servir les animaux, compagnons de son travail journalier, laboure avec des sueurs et réfléchit que ce n’est pas pour lui… Plus malheureux encore l’artisan travaille jour et nuit, vit de privations et meurt de faim au milieu du luxe qui l’entoure, des richesses que son industrie enfante. Le sauvage a en abondance les alimens auxquels il est habitué, la boisson qu’il préfère, et les reçoit tout préparés des mains de la nature. L’homme civilisé n’a qu’un aliment sans saveur, est obligé de disputer avec ses besoins et se désaltère avec de l’eau… sans vertu. L’habitant des bois met les désirs au rang des bienfaits puisqu’il peut choisir et varier ses plaisirs. L’homme en société est forcé de se concentrer dans un seul objet. Le premier ne dépend que de la marche des événemens, cette cause inconnue qui nous entraîne avec elle ; le second est environné de chaînes. La loi, la société, les préjugés agissent à chaque instant jusque sur sa pensée. Celui-là ne connaît ni l’inquiétude de l’avenir pour une famille nombreuse, ni le tourment des tributs, ni les charges de la vie sociale. Celui-ci voit sans cesse la misère qui le menace lui et sa famille, et ne sait souvent où prendre ces vêtemens que les conventions ont rendu nécessaires. Le sauvage et l’homme civilisé adorent un être suprême. Mais à ce Dieu protecteur, le second en joint forcément un autre ; ce dieu s’appelle argent, et pour se le rendre favorable il faut lui rendre hommage à chaque instant du jour. L’un ne connaît ni les tristes effets des orages, des sècheresses, des inondations ; ni le chômage, cette gangrène de la vie ouvrière ; sa maison est un arbre, son champ est partout, la nature est sa propriété, il mange tous les jours et il n’a besoin de travailler que pour manger. L’autre, victime de l’inclémence des saisons, de la concurrence et des monopoles, voit sa subsistance à la merci des élémens et d’autres hommes. Le sauvage n’a qu’un maître, la nature, l’homme civilisé en a deux, la nature et la société. Le sauvage est esclave du destin. L’homme civilisé est l’esclave du destin et de ses semblables. L’être dont nous plaignons la destinée est gai, svelte, vigoureux ; guerrier volontaire, il meurt sans regret parce qu’il croit bientôt revivre. L’être dont nous vantons le sort porte sur son visage maigre et décharné les traces de la misère, n’est jamais sûr du lendemain, et meurt au milieu du [4.1]trouble et des craintes superstitieuses. Enfin l’homme civilisé a inventé le suicide, comme un remède aux maux de la vie. Le sauvage n’a pas besoin de ce remède.
i. Nous ignorons quel est l’auteur de cette boutade qui exagère à notre avis, les avantages de la vie sauvage. Nous l’avons trouvée écrite au crayon, près du Mont-de-Piété. Sans doute elle est due aux sombres méditations d’un ouvrier, venu apporter ses dernières hardes dans ce lieu de prêt légal à 12 p. %. Cette circonstance a fait naître dans notre esprit les réflexions suivantes :
FOIRES. francfort. – Les marchandises françaises, surtout en articles de goût, se sont assez bien vendues. Les articles anglais ont trouvé quelque écoulement. Ceux de Suisse étaient peu nombreux et se sont assez bien vendus. Les soieries allemandes ont trouvé aussi faveur, principalement celles d’origine prussienne. En général les soieries ont éprouvé une hausse de 25 p. 100, tandis que les articles coton n’ont pu atteindre les prix de la dernière foire. leipzig. – On est très content des résultats de la foire St-Michel. Les articles de drap ont été enlevés avec empressement. 40 à 45,000 pièces ont été placées ; les laines et les cuirs ont éprouvé une grande faveur ; les soieries ont trouvé quelques acheteurs. Les articles anglais sont en défaveur ; ils ne peuvent à raison de l’élévation des tarifs, soutenir la concurrence avec les manufactures allemandes.
MÉMORIAL HISTORIQUE.
EXTÉRIEUR. espagne. – La guerre civile continue avec une atroce barbarie. Zumalacarregui a eu quelques avantages près de Vittoria dans les journées du 27 et 28 octobre. Il a fait fusiller Odoile, général de la division prisonnière avec plusieurs officiers d’état major, en représailles de la mort de Santos-Ladron et Romagosa, fusillés par ordre de Rodil. Mina a pris le commandement des Christinos (troupes de la reine), le 4 de ce mois1. piémont. – M. Buniva, médecin célèbre, qui a le premier introduit la vaccine en Italie, est mort le 25 octobre dernier2. INTÉRIEUR. paris. – A la démission du maréchal Gérard, il faut ajouter celles de MM. Thiers, Guizot, Duchâtel, Humann et de Riguy. Elles ont été acceptées par ordonnances du 10 novembre. MM. Persil et Jacob (justice et marine) n’ont pas donné leur démission. – Par ordonnance du 10 novembre, M. Bresson a été nommé ministre des affaires étrangères, M. Bernard, lieutenant général, ministre de la guerre, M. Charles Dupin, député, frère du président de la chambre des députés, ministre de la marine, en remplacement de M. Jacob3 ; M. Teste Jean-Baptiste, (commissaire à Lyon dans les cent jours), député, ministre du commerce ; M. Passy, député, ministre des finances ; M. Maret, duc de Bassano, pair de France, ministre de l’intérieur, et président du conseil. – M. Persil est seul des anciens ministres restés à son poste. M. Bernard a été chargé de l’intérim du ministère des affaires étrangères, et M. Teste, de celui de l’instruction publique. – Par une autre ordonnance du même jour, 10 novembre, M. Bernard a été nommé pair de France ; M. Jacob, aide-de-camp du roi. – Par ordonnance du même jour, 10 novembre, la chambre des pairs et celle des députés ont été convoquées pour le lundi, 1er décembre, au lieu du 29, jour auquel l’ouverture avait été fixée par l’ordonnance du 16 août dernier. marseille. – Une banque d’escompte se forme en ce moment, 3 000 actions de 1 000 chaque ont été créées. – M. Théodore de Seynes de Lyon a été nommé agent de change, par ordonnance du 30 octobre. vitré. – A une lieue de cette ville, près le pont de Cantache, les chouans ont enlevé, dans la nuit du 6 courant, 120,000 fr., sur un fourgon envoyé par le directeur de la monnaie de Paris, pour l’échange des pièces duodécimales. L’escorte était trop faible. Lyon. – M. Vullierme, curé de St-Nizier, est mort le 12 de ce mois. – M. Sauzet est parti pour Paris, mercredi dernier, à 11 heures du soir. Le 25e volume des brevets d’inventions expirés est déposé au secrétariat général de la préfecture, où il sera communiqué sans déplacement. Demain à 9 heures du matin, la rentrée de la cour au [4.2]palais de Justice, place de Roanne, après la mercuriale d’usage. Nous ferons connaître la composition des tribunaux pendant l’année judiciaire 1834-1835.
THÉÂTRES.
gymnase . – Mardi prochain, au bénéfice de M. Joanny, trois pièces nouvelles, la Vénitienne ; drame ; Jacquemin, roi de France, et les Deux Borgnes, vaudevilles. grand théâtre. – Les débuts de M. Fouchet, ténor ; de Mme Chambéry, jeune dugazon ; et de Mme Cernet, premier rôle, ont eu lieu la semaine dernière. Un public peu nombreux les a admis sans opposition, mais sans enthousiasme. Une observation à consigner ici : le manque de vérité, dans les costumes, a été unanimement désapprouvé à la représentation de la Pie Voleuse. Sans le costume, l’illusion qui est l’âme du théâtre ne saurait avoir lieu. – Mardi prochain, troisième concert de M. Th. Haumann.
LOGOGRIPHE. Il faudra si l’on veut me voir, Me chercher dans la matinée Et non au bout de la journée, Car je n’existe, plus le soir. Veut-on faire perdre ma trace, En m’ôtant le cœur, c’est en vain, Je parais sous une autre face, Le dirai-je : on me tient en main.
EAU DES ÉPHÉLIDES. BREVETÉE. (11-1) L’eau des Ephélides a, comme son nom l’indique, la propriété de faire disparaître les taches de la peau et particulièrement celles du visage appelées taches de rousseur. C’est en même temps un cosmétique fort agréable, propre à tous les usages de la toilette. Elle peut remplacer avec avantage l’eau de Cologne et autres préparations analogues, dont le moindre inconvénient est de fatiguer le teint et irriter la peau. L’eau des Ephélides s’emploie avec moitié lait d’abord et ensuite pure ou étendue d’eau suivant le but qu’on se propose ; deux ou trois mois d’usage de l’eau des Ephélides, suffisent ordinairement pour faire disparaître les taches les plus prononcées. Prix du flacon : Trois francs. Le principal dépôt est à Paris, chez M. Corot, rue de la Tixeranderie, n. 45 ; les autres dépôts à Paris, sont chez MM. Lambin, rue St-Antoine, n. 164 ; Michel, rue de la Chaussée-d’Antin, n. 26 ; Delabrière-Grou, rue du bac, n. 45. Les dépôts de Lyon, sont chez M. Bonnet, parfumeur, place Bellecour, et Sorbier, aux Bains-Neufs, place de la Miséricorde. (6-2) LE PÈRE LACHAISE ou recueil de 150 dessins, au trait des principaux monumens de ce cimetière, avec échelles de proportion ; ouvrage in-4°, Jésus dessiné, lithographié et publié par QUAGLIA, peintre anciennement attaché à l’imp. Joséphine, et dont les miniatures ont obtenu la médaille d’or à l’exposition du Louvre (année 1814), à Paris, chez Quaglia, rue de Harlay-du-Palais, N° 2. – On n’expédiera cet ouvrage que d’après une lettre affranchie, contenant un bon de la poste, ou mandat sur Paris. – Prix, expédié franco, 12 fr. A VENDRE. (10-2) Trois ourdissoirs, quai de Retz, n° 48, au 4me. BAZAR LYONNAIS. (9-2) Galerie de l’Argue, nos 70 et 72. Toute espèce d’objets de quincaillerie, bimbeloterie, etc., à 10 pour % au-dessous du cours, pour cause de cessation de commerce.
Notes (L’HOMME SAUVAGE ET L’HOMME CIVILISÉ . [3.2]...)
Notes (MÉMORIAL HISTORIQUE.)
Référence ici à Tomas de Zumalacarregui (1788-1835) et à l’exécution de Manuel O’Doyle après la bataille d’Olegria. Cette exécution venait en représailles de celles de chefs carlistes, Josep Romagosa (1791-1834) ou Santos Ladron de Cegama (1784-1833). Il s’agit du médecin italien Michele Buniva (1761-1834). Parmi les parlementaires non mentionnés auparavant, on trouve ici notamment Marie-Stanislas Bresson (1794-1843), Louis-Léon Jacob (1768-1854) et Simon Bernard (1779-1839).
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