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19 février 1832 - Numéro 17
 
 

 



 
 
    
LES POLONAIS.1

D’une mère cherie
C’est un fils désolé !
Rendons une patrie
Une patrie,
Au pauvre exilé !
(Béranger.)

Les héroïques débris de l’armée polonaise ont traversé pendant plusieurs jours notre ville. Nous nous proposions d’en rendre un compte détaillé ; mais que pourrions-nous dire qui puisse surprendre nos compatriotes ! quelles expressions pourrions-nous employer pour rendre l’émotion de ce peuple de juillet, de nos concitoyens à l’aspect des héros de Groschow et d’Ostrolenska !2 Quelle est la plume assez brûlante qui pourrait peindre l’enthousiasme de toutes les classes de la population lyonnaise, et ce tableau animé dont nous avons été les témoins, vendredi, sur le quai St-Clair, au moment de l’arrivée de la colonne polonaise ! Que ce tableau était grand, sublime et triste tout à la fois ! Les débris de la nation la plus héroïque étaient reçus en triomphe par la plus grande, la plus terrible des nations ! Que d’espérance cela donne aux ames généreuses !…

[2.2]Honneur au corps d’officiers de notre garnison qui a si bien compris le devoir qu’il avait à remplir envers de malheureux proscrits ! Honneur à ces officiers qui ont, pour leur part, si bien acquitté la dette de la patrie ! Quel touchant, quel sublime spectacle que celui de nos braves promenant sous le bras ou en calvacade les héros de la Pologne ! Que cette sympathie promet pour l’avenir !…

Honneur aux citoyens de toutes les classes, hommes de la propriété et prolétaires, qui ont concouru par leur présence à cette fête de famille, comparable seulement à l’entrée du vénérable général Lafayette dans nos murs ! Que ce jour soit celui de la réconciliation complète entre des hommes animés par les mêmes sentimens et pénétrés du même amour pour la patrie et pour nos frères de la Pologne.

Honneur, enfin, à ces ouvriers qui suivaient les Polonais, comme l’ombre suit le corps, et dont les cœurs étaient déchirés de douleur de ne pouvoir leur offrir que des larmes !…

Héros de la Vistule ! descendans des Jagellons !3 si le destin moins contraire vous rappelle un jour dans cette patrie pour laquelle vous avez si héroïquement combattu, transmettez à vos descendans cette émotion que vous avez éprouvée en entrant dans la seconde ville du royaume, pour que vos fils et les nôtres ne formant toujours qu’un peuple, apprennent à l’univers que de tous les temps les Français et les Polonais furent frères.

A. V.

Notes (LES POLONAIS.)
1 L’auteur de ce texte est Antoine Vidal d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Antoine Vidal fait référence ici aux batailles de Grochow (25 février 1831) et de Ostrolenska (26 mai 1831) lors de la guerre russo-polonaise ayant suivi l’insurrection de novembre 1830.
3 Le Royaume des Jagellons (1384-1572) marque pendant deux siècles la domination d’un gouvernement polonais sur un espace comprenant la Pologne, la Lituanie, la Bohême et la Hongrie ; le règne est symbolisé par la victoire de Ladislas Jagellon à la bataille de Grunwald (Tannenberg) en 1410 bataille qui sanctionne l’écrasement de l’ordre teutonique.
L’expression « Héros de la Vistule », qu’utilise ici Antoine Vidal, renvoie à la participation des troupes polonaises du Prince Joseph Antoni Poniatowski (1763-1813) aux grandes bataille de l’Empire, en particulier Austerlitz et Friedland. La « légion de la Vistule » rassemblait les principales troupes polonaises de Napoléon.

 

 

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