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23 novembre 1834 - Numéro 10
 

 




 
 
     
21, 22, 23 Novembre 1831.

[1.1] i 1Ecrira-t-on un jour cette page
De l’Histoire du Prolétariat !

[1.2]Notre gérant est cité pour mardi prochain, devant le tribunal de police correctionnelle, comme prévenu d’avoir parlé politique dans tous ses numéros. M. Jules Favre est chargé de sa défense.


i. Le peintre qui imagina de couvrir d’un voile la tête du roi des Grecs, assistant au sacrifice de sa fille Iphigénie, fut un rhétoricien habile. Aucun pinceau ne pouvait rendre la douleur d’Agamemnon, comme aucun discours ne pourrait la raconter. A l’exemple de ce peintre, nous nous taisons. Notre silence sera compris ; seulement en ce triste anniversaire, nous demanderons un souvenir pour les victimes qui ont péri, des secours pour celles qui survivent. Aux blessés, aux veuves, aux orphelins, quelque chose de plus qu’une pitié stérile.

du sort des ouvriers

DANS LES MANUFACTURES.

(Réflexions préliminaires. – Un mot à M. Dufaitelle.)

M. Sismondi a publié dernièrement dans la Revue mensuelle d’économie politique1, un article empreint de la plus grande philanthropie, sur le sort des ouvriers dans les manufactures. Cet article vient d’être réimprimé en forme de brochure et un exemplaire a été adressé, de la part de l’auteur, par M. Anselme Petetin, actuellement à Genève, à un chef d’atelier, qui a bien voulu nous le communiquer. Nous voulons, par quelques citations applicables à toutes les classes d’ouvriers, faire connaître à nos lecteurs cet opuscule remarquable ; mais nous devons dire auparavant quelques mots sur la doctrine de M. Sismondi ; nous ne la partageons pas, et l’on verra tout-à-l’heure pourquoi.

Deux écoles aujourd’hui divisent les hommes qui s’occupent d’économie politique, science qui, on peut le dire sans exagération, embrasse la société entière, du sommet aux fondemens. M. Sismondi est le chef de la première ; notre compatriote feu J. B. Say, était celui de la seconde. Laissez faire, laissez passer est la devise de cette dernière. Corporation, monopole, privilége, voici au demeurant abstraction faite de toute phrase sonore, la pensée intime de l’autre, plus ou moins clairement formulée. L’on peut encore soutenir, sans cesser d’être vrai, que dans la réclamation des intérêts moraux et des intérêts matériels, les disciples de Say accordent la préférence aux premiers ; ceux de Sismondi aux seconds ; selon ceux-ci, l’humanité serait suffisamment heureuse par la satisfaction des intérêts matériels ; mais Say et ses élèves veulent que la dignité de l’homme, c’est-à-dire, la satisfaction des intérêts moraux soit mise en première ligne. L’homme ne vit pas seulement de pain, répètent-ils avec Jésus.

Chacun chez soi, chacun son droit, est encore une des maximes fondamentales de la secte économiste, représentée par M. Sismondi. Fraternité universelle est au contraire la maxime des adhérens de J. B. Say.

On voit, par cette comparaison que nous aurions pu étendre davantage ce qui distingue les deux écoles et pourquoi tout en rendant justice à la philanthropie de M. Sismondi, que nous ne mettons pas en doute, nous avons adopté celle dont le symbole est plus favorable à la liberté, [2.1]au progrès rationnel des peuples. Nous n’avons fait que suivre en cela de nombreux et honorables exemples. A Paris, les écrivains du National, de la Tribune, du Réformateur, de la plupart des Revues, etc. A Lyon ceux du Précurseur et un négociant auquel nous devons rendre hommage pour ses connaissances spéciales, M. Arlès-Dufour, membre de la chambre de Commercei, professent tous les mêmes principes que nous. Nous ne répéterons pas les argumens employés des deux côtés, et nos lecteurs se souviennent de la polémique qui a eu lieu sur cette matière entre MM. Petetin et Bouvery, ils peuvent la consulter dans les n° 46, 47, 48, 50, 52, 54 et 56 de l’Écho de la Fabrique (année 1832) ; nous n’y reviendrons pas, car la question est approfondie et jugée ; il suffira de dire qu’on ne peut concevoir aucun progrès en dehors de la doctrine de J. B. Say.

Puisque l’occasion se présente, il nous sera cependant permis de répondre à une objection principale, celle qui est de nature à faire le plus d’impression sur l’esprit de la classe ouvrière. On nous permettra cette digression en considération de l’importance du sujet ; il n’est jamais inopportun de combattre l’erreur et de proclamer la vérité.

La liberté du commerce disent les ouvriers imbus de préjugés, engendre la concurrence et la concurrence nous ruine. Voici notre réponse :

La concurrence par elle-même est un bien, car elle est le véhicule du progrès ; si elle engendre la ruine pour quelques-uns, elle engendre les améliorations qui servent à tous ; mais voyons si ce n’est pas plutôt la faute de la société qu’un vice inhérent à la concurrence, qui rend cette dernière funeste aux travailleurs par le malheur de quelques-uns d’entr’eux. Nous soutenons que c’est la société qui est coupable des maux produits par la concurrence et pourquoi ? C’est que contre le but réel de son institution, la société ne protège pas suffisamment les travailleurs, elle les livre par la misère et le défaut d’instruction, pieds et poings liés à toutes les exigences usuraires et tyranniques ; elle ne sait pas venir à leur secours, lorsque leur industrie se trouve déplacée ou languissante : la classe prolétaire est encore aujourd’hui gent taillable et corvéable à merci. Qu’importe que le nom de ses maîtres ait changé ! Y a-t-il moins d’aristocratie dans l’antichambre d’un banquier que dans la salle d’armes d’un baron féodal, et l’ouvrier parlant au manufacturier peut-il se courber moins bas que l’ancien vassal devant le seigneur suzerain.

La Convention avait compris ses devoirs, elle n’a pu atteindre le but qu’elle s’était proposée, forcée qu’elle était par les circonstances, de le dépasser. Les législateurs qui l’ont suivi, ont comme ses devanciers, commis une erreur qui, volontaire ou involontaire n’en est pas moins préjudiciable car cette erreur a infecté nos codes. Ils se sont tous crus appelés à protéger le riche contre le pauvre, comme si ce dernier était nécessairement l’ennemi du premier ; comme si la société était divisée en deux camps, en deux hordes étrangères, vivant accidentellement ensemble. Il n’est que trop vrai que dans la société actuelle le riche est l’exception ; mais dans la société telle qu’elle doit être c’est le pauvre qui serait cette exception, et c’est à ce résultat que la législation aurait dû tendre. Jusqu’à ce qu’il eut été obtenu c’est à notre avis, le pauvre que la loi devait protéger contre le riche, de la même manière qu’elle protège le faible contre le fort. En d’autres termes, la société doit suivre dans sa jurisprudence civile le même principe qu’elle suit dans sa jurisprudence criminelle. Le fort qui opprime le faible est puni, pourquoi le riche qui opprime le pauvre ne le serait-il pas ?

Les erremens de la Convention furent bientôt abandonnés, et voyez comme la pente est glissante. L’ère républicaine est à peine à sa douzième année ; l’homme qui doit tourner contre la république les armes qu’elle lui a confiées pour sa défense, est à peine assis sur la chaise curule qu’il abaissera plus tard au niveau d’un trône et le tribun [2.2]Carion-Nisas2 s’exprime ainsi (séance du 19 pluviôse an 12) : « Le riche est cet arbre chargé de fruits qu’il faut remparer d’une triple haie. » Dans la pensée de Carion-Nisas, le pauvre est un malfaiteur, on ne saurait trop prendre de précautions contre lui ; le tribun nommé pour le défendre, met lui-même son client en état de suspicion légale. En même temps Portalis dit avec emphase au corps législatif : « La terre est commune, comme l’est un théâtre public, qui attend que chacun vienne prendre sa place particulière. » Il ne parle pas de ceux qui seront obligés de rester à la porte faute de trouver place dedans et parce que quelques-uns des premiers entrés, ont eu soin de prendre double et triple place. Cette sollicitude en faveur du riche est louable ; elle le serait peut-être encore plus si ceux qui en sont l’organe n’étaient déjà ou sur le point de devenir riches. Mais en vérité ne peut-on pas répondre. Il est bien difficile de se garantir du vol, quand on a trois fois plus qu’il ne faut pour vivre ; bien mal aisé de ne jamais concevoir la pensée du meurtre, quand on n’est entouré que d’esclaves ou d’adulateurs. Mais un mot en faveur du pauvre, Oh ! Vous ne retrouverez nulle part l’article de la constitution de 1793, qui impose à la société tout entière le devoir de prendre fait et cause pour le plus obscur de ses membres opprimé d’une manière quelconque ; et la maxime barbare, anti-sociale, qu’il est nécessaire qu’il y ait des pauvres, va passer en force de chose jugée. Le bourgeois de nos jours ne peut pas plus comprendre une société sans prolétaires que le patricien romain ne pouvait comprendre une société sans esclaves. Aussi les patriciens romains firent mettre à mort les disciples du démocrate de Galilée, et les bourgeois de notre Europe crient anathème à tous ceux qui élèvent la voix pour demander l’émancipation des prolétaires…

Au risque de soulever de nouveau les haines que nous sommes habitués à braver, (nous en avons donné la preuve), nous le redirons : Ce ne sont pas seulement et exclusivement les attentats du pauvre contre le riche que la loi doit réprimer, mais ceux aussi du riche contre le pauvre ; à tous une répression au moins égale ; mais si on n’ose pas encore proclamer ces principes, du moins pitié pour le pauvre… Pitié avons-nous dit ; une voix plus forte que la nôtre, la conscience publique l’a dit avant et mieux que nous, car cette pitié est à la veille d’entrer dans nos mœurs, voyez plutôt et jugez !

Le 25 juillet 1829, le tribunal de police correctionnelle de Cambrai condamna à quinze jours de prison une femme accusée d’avoir volé un pain… à sa sœur ! et l’on s’émerveilla de cette indulgence.

Il y a quelques jours la cour d’assises de Valence avait à juger un soldat invalide convaincu d’avoir volé avec effraction quelques hardes dans une maison habitée. Pierre Kany, c’est le nom du soldat, volontaire au service de don Pedro, décoré sur le champ de bataille, couvert d’honorables blessures mais devenu par elles impropre au service, avait été réformé presque sans secours… Les soldats sont les prolétaires de l’armée ; il cherchait à rejoindre son village, lorsque la faim, cette impitoyable conseillère lui suggéra de voler pour vivre. Il fut arrêté en flagrant délit ; un mensonge inutile n’est pas venu souiller ses lèvres. Qu’a répondu le jury de la Drôme aux questions du président ? « Non l’accusé n’est pas coupable… » Nous sommes tentés de demander qui donc est coupable ?… d’où vient cette anomalie ? Suffit-il de prétendre que cet acquittement n’aurait pas eu lieu devant un tribunal de police correctionnelle, parce que les juges sont plus stricts observateurs de la loi écrite. Alors quelle amère décision ! bien en a pris à Kany que quelques circonstances aggravantes se soient rencontrées dans le vol qu’il a commis pour lui donner une chance d’absolution en le soustrayant au judaïsme des magistrats. Vous dites donc : moins coupable Kany aurait été condamné. Oh ! nous aimons mieux croire à un progrès moral qui envahit la société à son insu, et c’est avec conviction [3.1]que nous nous écrions : le temps a marché… Voilà pourquoi le jury, expression vraie de la société, lorsque aucune intrigue ne vient le fausser dans ses élémens, n’a pas voulu rendre un verdict de culpabilité qui n’était pas dans sa conscience, contre un homme qui avait eu faim. Il a fermé le livre de la loi.

Revenons à notre sujet ; car cette digression nous en a écarté ; incessamment les travailleurs abjureront le système rétrograde de M. Sismondi, et chercheront où il est le remède à leurs maux. Ils cesseront de maudire la concurrence et les machines. Déjà l’un deux, M. Bérangerii3, a, dans une lettre adressée aux ouvriers de St-Quentin et reproduite par le Précurseur dans son N° du 7 de ce mois, proclamé les vrais principes de l’économie sociale.

Nous sommes fâchés, au milieu de ce concours de tous les citoyens éclairés, qu’une voix discordante se soit élevée à Lyon même Nous en sommes d’autant plus fâchés et surpris que c’est celle d’un jeune homme que son talent et ses idées avancées en politique ont placé au rang de nos bons écrivains. M. Eugène Dufaitelle a répudié les principes auxquels ses autres opinions connues le rattachent dans un article inséré sous le titre de Constitution actuelle de l’industrie dans un nouveau journal de cette ville. Nous devons espérer qu’un examen plus approfondi le ramènera dans nos rangs, car l’auteur des doctrines républicaines absoutes parle jury lyonnaisiii, n’est pas fait pour se traîner à la remorque d’opinions peu généreuses. Il a foi, lui, à la marche triomphale et pacifique du drapeau tricolore, emblème de liberté et d’égalité. Cette marche ne peut avoir lieu que par la réunion de tous les peuples dans une même famille, et en s’opérant, cette réunion fera tomber nécessairement toutes les barrières, toutes les prohibitions, tous les monopoles. Une immense concurrence en sera le résultat naturel. M. Dufaitelle a confessé Christ et Robespierre devant un jury étonné d’entendre des paroles si neuves et si belles, proférées avec tant de franchise ; il doit donc cesser d’être le partisan d’une doctrine dont le dernier mot est privilége, il doit être avec nous, au lieu de plier son génie aux inspirations aveugles d’hommes égarés ; plus encore, il doit user de son influence sur eux pour les ramener aux saines doctrines du progrès.

Ces réflexions nous ont mené bien loin de ce que nous nous étions proposé ! Nous avions voulu faire une note et insensiblement nous avons fait un article. Nous sommes donc forcés de renvoyer au prochain numéro, les citations de la brochure de M. Sismondi, que nous avons promises, à nos lecteurs.


i. V. Echo de la Fabrique 1832, Nos 25, 26, 27, 28, 30, 31, 33, 36 et 37. – M. Arlès-Dufour va publier une brochure sur les produits des fabriques étrangères de soierie, exposées à Lyon.
ii. M. Béranger, ouvrier horloger, est auteur de la revue du salon de peinture, que nous avons insérée dans les Nos 25, 26, 27, 30 et 32 de l’Echo de la Fabrique (1833) soit pages 205, 213, 222, 246 et 262.
iii. V. Echo de la Fabrique 1832, N° 62, l’Echo des Travailleurs 1833, N° 14.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Séance du 20 novembre 1834.

Président, M. Riboud : membres, MM. Bender, Chantre, Dufour, Dumas, Gaillard, Jarnieux, Micoud, Perret, Roux, Teissier, Troubat, Verrat, Wuarini.

Trente causes sont appelées, dont cinq sur citation et dans ce nombre neuf entre l’agent de la caisse de prêts et des fabricans qui ayant changé de profession ont été condamnés à payer comptant, ainsi que le tribunal l’a décidé dans sa dernière séance. (Voir notre note à ce sujet.) Cinq causes ont été jugées par défaut, une arrachée, et quatre renvoyées à huitaine ; une autre a été jugée à huis clos, nous ne pensons pas devoir en rendre compteii.

Celles qui ont présenté de l’intérêt sont les suivantes :

Celui qui emprunte à la caisse de prêts, sans être fabricant, mais dont la femme exerce cette profession, doit-il jouir de la faveur du remboursement par huitième comme s’il était lui-même fabricant ? Non.

[3.2]Ainsi jugé entre l’agent de la caisse et les sieurs Massard et Mouterdeiii.

Un fabricant peut-il occuper comme ouvrier un confrère dont le livret est chargé au profit de la caisse de prêts, sans en faire la déclaration à l’agent ? Non ; il est passible de contravention.

Ainsi jugé entre l’agent, Gilot et Brialloux.

Le négociant qui prétend que la fabrication est mauvaise peut-il coter un prix moindre que celui convenu sans y être autorisé par le conseil ? Non.

Ainsi jugé pour demoiselle Lancon, contre Viallet et Gaillard ; MM. Bourdon et Micoud ont été nommés pour expertiser cette fabrication, et juger s’il y aura lieu à diminution.

Le chef d’atelier qui procure un livret à un apprenti sans le consentement du maître chez lequel il a fait son apprentissage, est-il passible d’une indemnité ? Oui.

De combien est cette indemnité ? 50 fr.

Ainsi jugé entre Copier, imprimeur sur étoffes et Dubois, même profession.

Lorsqu’il est constaté par un certificat de médecin qu’un apprenti peut reprendre ses travaux, est-il passible d’une indemnité s’il ne le fait pas ? Oui.

Ainsi jugé entre Meunier et demoiselle Large.

Le conseil a-t-il le droit de déléguer des membres pour visiter les matières remises par le négociant au fabricant lorsque ce dernier prétend ne pouvoir en user ? Oui.

Ainsi jugé entre Rochet et Mathon-Zola, MM. Labory et Bender sont délégués.

Lorsqu’un fabricant a déclaré devant le conseil consentir à ce que ses conventions avec son apprenti soient résiliées, pourvu que cet apprenti finisse ailleurs son apprentissage, a-t-il le droit de s’opposer à ce que cet apprenti soit employé comme ouvrier et de réclamer le paiement de l’indemnité à laquelle il avait renoncé ? Oui.

Un chef d’atelier a-t-il pu valablement faire donner à ce même apprenti un livret de compagnonnage, sans que le temps de l’apprentissage ait été fini ? Non.

Ainsi jugé entre Mignon et Joulon.

Le livret doit-il être au même nom que le livre des matières ? Oui.

Le livret peut-il être au nom d’une autre personne que celle qui est locataire de l’appartement où se trouve le métier ? Non.

À défaut de ce, y a-t-il lieu d’exercer la contravention contre le négociant ? Oui.

Ainsi jugé entre l’agent de la caisse, les mariés Bourgeois, Daigueperse et Giraud, négociant.

MM. Grillet et Trotton, ont interjeté appel du jugement rendu en faveur de M. Champin.


i. Nous remarquons avec surprise qu’un suppléant négociant a siégé en même temps que le titulaire. En sorte que si une question importante pour la fabrique de soieries se fut présentée, indépendamment des quatre prud’hommes appartenant aux autres sections et qui votent avec les négocians, indépendamment du président qui est négociant, il y aurait eu cinq négocians contre quatre fabricans.
ii. Nous estimons que la prononciation du jugement aurait dû avoir lieu en public.
iii. Nous appelons l’attention sur cette décision qui nous paraît injuste. Il nous semble que c’est à l’industrie elle-même et non à celui qui l’exerce que le prêt est fait. Le mari étant chef de la communauté, doit jouir pour sa femme des mêmes avantages dont il jouit pour lui même, autrement le but de la caisse de prêt se trouve faussé.

MONT-DE-PIÉTÉ.

Mardi prochain, 25 du courant, et jours suivans, à 4 heures du soir, aura lieu dans la salle ordinaire, rue de l’Archevêché, n 2, la vente des objets engagés pendant le mois d’octobre 1833, c’est-à-dire, du numéro 66,152 au n° 73,118.

PRESSE PROLÉTAIRE.

[4.1]Nous apprenons avec peine que le Grappilleur, journal de Reims et de la Marne, a cessé de paraître. Son rédacteur en chef et gérant, M. Hyppolite Tampucci1 avait fait prendre à cette feuille un essor digne de plus de succès. La cause du prolétariat, vient de perdre un organe dévoué, un défenseur dont le talent, pour briller d’un plus grand éclat ne demandait qu’un théâtre plus élevé. Nous avons remarqué dans ce journal, des articles du plus grand mérite, sur les dissensions qui ont eu lieu dernièrement entre les maîtres et ouvriers fileurs de Reims, et sur l’émancipation du prolétaire et de la femme. Nous reproduirons ces derniers pour mettre les lecteurs à même d’en juger.

Voici un extrait du discours en forme d’adieu que M. Tampucci adresse à ses abonnés, dans son numéro du 2 novembre, qu’il annonce devoir être le dernier.

Lorsque, il y a quinze mois, nous avons fondé ce journal, nous ne nous dissimulions pas tout ce qu’il fallait braver de préjugés, d’apathies, pour faire prospérer une semblable entreprise. Reims, arriéré de beaucoup dans la vie active que nous ont donné les révolutions de 1789 et 1830, ne pouvait de suite se transformer et adopter des idées aussi larges que le demande notre époque de progrès. Aussi, avons-nous marché le plus lentement qu’il nous a été possible de le faire, afin de ne pas décourager tout-à-coup ceux qui vivaient autour de nous. Ce n’est que lorsque les circonstances et notre devoir l’exigèrent impérieusement, que nous avons élevé la voix pour réclamer ou pour flétrir.

Mais Reims, peu habitué à ce langage franc et nerveux, nous a souvent mal compris, néanmoins, sachant que quelques sacrifices étaient nécessaires, nous avons continué, comptant sur le zèle des vrais patriotes, sur les sympathies de tout homme d’honneur. Et ces sympathies, nous sommes fiers de le dire, ne nous ont pas manqué ; mais faibles et n’osant se montrer au grand jour, parce qu’il aurait fallu pour cela sortir de cette apathie qui laisse s’éteindre une idée forte et généreuse, par la peur de troubler une paix casanière dont on s’est fait une funeste habitude. Ainsi, telle personne qui pense comme nous n’oserait cependant l’avouer en public ; on étendrait tellement ses pensées au laminoir de la périphrase, qu’il n’en resterait rien au bout de l’opération. Tout cela est triste à avouer, mais cela est vrai, et, par conséquent, doit être dit : car le temps est passé d’avancer que toute vérité n’est pas bonne à dire. La vérité ! c’est la vie de l’homme : toutes ses pensées, tous ses actes doivent se résumer en elle.

Et qu’on ne vienne pas nous dire, comme on l’a fait quelquefois, que le Grappilleur avait des idées trop avancées. Le journalisme, tel que nous le comprenons, est un apostolat, un journaliste doit marcher en avant, sans cela à quoi sert-il ? Les apôtres du Christ avaient des idées avancées, et c’est pour cela qu’ils furent persécutés ; mais, aussi, c’est par suite de ces persécutions que la fraternité évangélique a pris racine et a fructifié. Et puis, d’ailleurs, au point où le progrès est parvenu, il n’y a que les hommes de mauvaise foi qui le nient ; tous les autres le reconnaissent et ont applaudi le Grappilleur chaque fois qu’il a osé le proclamer.

Parfois, nous le savons, notre parole a frappé rudement aux oreilles de gens qui ne sont pas habitués à semblable langage. Mais c’est que lorsqu’en écrivant on ne cède pas au besoin de gagner de l’argent, mais à une conviction forte et profonde des droits, des misères de ceux que l’on défend, alors le cœur se gonfle d’amertume et la parole s’échappe bouillante encore d’indignation et de douleur. Mais jamais une calomnie n’a souillé nos pages, jamais une erreur involontaire n’a manqué d’être éclaircie […]

Bien des dégoûts nous ont abreuvé depuis que nous nous sommes mis à l’œuvre, mais nous nous y attendions ; nous savions que la lâcheté, la mauvaise foi sont irascibles ; que la fatuité de l’ignorance et de l’incapacité est implacable, et ce n’est pas devant toutes ces choses que nous aurions reculé : celui qui se présente au combat a déjà fait le sacrifice de sa vie. Nous avions pensé ainsi.

Nous laissons donc la place libre à qui voudra la remplir. Nous adjurons tous ceux qui s’intéressent à l’avenir de l’humanité à ne pas reculer devant des sacrifices que nous ne pouvons continuer ; ils pourront dans la création d’un nouveau journal apporter plus de lumières et de talent, mais non un désintéressement plus complet, ni une plus ardente conviction des devoirs d’un homme qui se voue au bonheur de ses semblables.

Nous avons transcrit, en l’abrégeant, ce morceau, dans lequel une véritable éloquence, celle du cœur, se fait sentir ; nous l’avons transcrit malgré sa longueur, parce que c’est à peu près par là que se résume trop souvent l’histoire du journalisme.

[4.2]Nous insérerons dans un prochain numéro, les vers satyriques que M. Tampucci a adressé aux Welches Rhemois, Le poète a noblement vengé le journaliste.

M. C. Beaulieu va publier un ouvrage sous le titre Fondation de l’Ermitage du Mont-Cindre et de la Tour de la Belle Allemande, extrait d’une chronique de 1432.

Nous rendrons compte de cet ouvrage aussitôt qu’il aura paru.

MÉMORIAL HISTORIQUE.

EXTÉRIEUR. espagne. – Les procuradores sont revenus sur leur vote et ont reconnu l’emprunt Guebhard.

– Un décret exclut à perpétuité don Carlos1et sa famille.

portugal. – Don Miguel2ainsi que sa famille sont bannis à perpétuité.

angleterre. – Lord Spencer, ministre, étant mort, le roi a dit à lord Melbourne qu’il s’occuperait lui-même de la composition du ministère ; on assure que lord Wellington est chargé par le roi de ce soin, d’où résulterait le changement du ministère dans le sens tory.

INTÉRIEUR. paris. – M. Sauzet3a refusé le ministère de l’instruction publique auquel ou assure qu’il avait été nommé le 10 novembre.– Les nouveaux ministres, MM. Teste, Passy, Charles Dupin, Bernard et duc de Bassano ont donné leur démission, les deux premiers le 13 novembre et les trois autres le lendemain.

– Par ordonnance du 18, le maréchal Mortier, duc de Trévise4, est nommé ministre de la guerre et président du conseil, il conserve l’office de grand chancelier de la légion d’honneur ; M. de Rigny, ministre des affaires étrangères en remplacement de M. Bresson ; MM. Duchâtel, Thiers, Guizot et Humann, reprennent les ministères du commerce, de l’intérieur, de l’instruction publique et des finances. – M. de Rigny est chargé de l’intérim de la marine, et M. Duchâtel de celui des finances. – M. Persil reste à la justice.

– La chambre des pairs est convoquée pour demain en cour de justice, à l’effet d’entendre à huis clos le rapport de M. Girod de l’Ain, sur les prévenus d’avril.

cambremer. – M. Dubois du Bay5, ex-conventionnel, sénateur, est mort à sa terre du Bay, près de cette commune, le 1er nov..

guillotière (la). – Le conseil municipal de ce faubourg de Lyon est composé ainsi : MM. Baumais, Boissat, Boulot, Couturier, Gonin père, Grillet fils, Hénon, Louvier, Malacour, Morel, Petit, Régny et Seyvon.

LYON. – Le Précurseur a cessé de paraître jeudi dernier, il est remplacé par le Censeur qui a paru ce jour-là et sera rédigé dans les mêmes principes.

– M. Savagner, ancien professeur au collège de Lyon, destitué, vient d’être nommé professeur au collège de Nantes.

THÉÂTRES.

grand-théâtre. – Demain, lundi, troisième et dernier concert de M. Th. Haumann.

gymnase. – Mardi prochain, au bénéfice de M. Herguez, trois pièces nouvelles, Charles III ou l’Inquisition, drame en 4 actes ; Vingt ans plus tard, vaudeville en 1 acte ; et l’Ecole des Ivrognes, tableau en 1 acte. M. le directeur a promis du nouveau ; il tient parole.

Le mot du dernier logogriphe est matin, dans lequel en en ôtant la lettre du milieu (le cœur) on trouve main.

ANATHEME,
par jules favre, avocat,
Chez Babeuf, libraire, rue Saint-Dominique.

Notes (21, 22, 23 Novembre 1831.)
1 L’épisode est mentionné par Cicéron dans De Oratore, le voile traduisant l’impossibilité pour le peintre d’exprimer l’intensité de la douleur du père de la sacrifiée.  Le thème est repris et travaillé par de très nombreux tableaux  des 18e et début 19e siècle représentant  le sacrifice d’Iphigénie.

Notes (du sort des ouvriers DANS LES MANUFACTURES. (...)
1 Le texte de Sismondi fut publié dans la livraison de Juillet-août 1834 de la Revue mensuelle d’économie politique.
2 Probablement ici Henri de Carrion Nisas (1767-1841).
3 Probablement ici Charles Béranger (1798-1860) qui avait publié au début de l’année 1831 l’importante Pétition d’un prolétaire à la Chambre des députés.

Notes (PRESSE PROLÉTAIRE. [4.1] Nous apprenons avec...)
1 Hyppolite Tampucci (1807-) dont les Poésies venaient de paraître.

Notes (MÉMORIAL HISTORIQUE.)
1 Don Carlos de Bourbon (1788-1855), frère de Ferdinand VII.
2 Don Miguel Ier (1802-1866) qui avait été roi du Portugal entre 1828 et 1834.
3 Probablement ici Paul-Jean Sauzet (1800-1876), élu depuis peu député de Lyon.
4 Il s’agit ici du maréchal Adolphe-Edouard Mortier (1768-1835).
5 Référence à Louis-Thibaut Dubois-Dubay (1743-1834).

 

 

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