L’ingénieux Lafontaine a peint la société dans la fable des Animaux malades de la peste. Il est pardonné au [3.2]tigre, au léopard, à l’ours, au lion, au loup, même au bélier qui a des cornes pour se défendre ; l’âne et la brebis seuls sont condamnés et punis de leurs méfaits. Eh lesquels ! Ils avaient, pour leur chétive consommation, tondu l’herbe d’un pré de la largeur de leur langue, les autres avaient ensanglanté la forêt. C’est à ce sujet qu’Alcibiade disait : les lois sont comme les toiles d’araignées, elles arrêtent les mouches, les gros insectes passent à travers. Ainsi, qu’un malheureux dérobe une gerbe de blé dans les champs, un pain sur la banque du boulanger, sans doute il est coupable (on pourrait cependant croire ce crime excusable ; non ! les législateurs, presque tous propriétaires, braves gens ayant au moins mille écus de rente, ont oublié de mettre la faim au nombre des circonstances atténuantes) ; aussi la loi l’atteint et le punit : c’est justice. Mais qu’un homme haut placé vole quelques millions dans la caisse confiée à sa gardei, la loi est impuissante contre lui ; il se soustrait à toute condamnation par une fuite que rien n’entrave. Voilà la justice de notre siècle d’argent. Dat veniam corvis vexat censura colombas.
Marius CH.....