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30 novembre 1834 - Numéro 11 |
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[1.1]Samedi, 22 novembre, à l’église de St-Georges, et lundi 24, à l’église de la Croix-Rousse, a été célébré une messe en commémoration des journées de novembre 1831 ; et en honneur des victimes qui y succombèrent. Un grand nombre de chefs d’atelier et d’ouvriers ont assisté à cette solennité funèbre. Ce sont des frères qui ont voulu rendre hommage à la mémoire de leurs frères. Ils n’ont pas cru que leur devoir se bornait à cette manifestation, ils ont voulu que de cette journée il en résulta un soulagement pour les veuves et les blessés de novembre. Une collecte a été faite et son produit a été de 89 francs. Nous ne devons pas passer sous silence le zèle, la générosité avec lesquels le respectable curé de la Croix-Rousse, a servi les intentions des chefs d’atelier ; c’est bien là un ministre d’un Dieu de paix et de bienfaisance, qui, obéissant avec empressement aux impulsions d’un cœur généreux, ne veut jamais que l’infortune se présente à lui sans être soulagée. Honneur lui soit rendu !
La lettre suivante nous fait voir que les ouvriers de St-Etienne ne sont pas plus exempts que ceux de Lyon, des exactions dont les fabricans de mauvaise foi nous écrasent. Si la publicité de semblables turpitudes ne faisait pas entrer le mauvais négociant dans le chemin de l’honnêteté, il mériterait à tout jamais le mépris public. St-Etienne, 20 novembre 1834. Monsieur le Rédacteur, Les colonnes de votre estimable journal étant ouvertes à toutes les réclamations industrielles, vous voudrez bien y insérer la note suivante. conseil des prud’hommes de la ville de st-étienne. Séance du 12 novembre 1834. Présidence de M. Peyret. Ne sachant de quelle manière passer ces heures d’inactions [1.2]dont nous dotent nos fabricans toutes les fois qu’ils nous font chômer ou de trâme ou de pièces, ce qui malheureusement arrive plus souvent que nous le désirons ; je me rendis au conseil des prud’hommes, attiré non par cette curiosité des gens oisifs, qui ne se rendent à ces audiences, ainsi qu’à celles de police correctionnelle, que pour s’égayer l’esprit, des discussions quelquefois ridicules que soulèvent les parties sur les difficultés soulevées entr’elles, mais par le seul désir de connaître de quelle manière étaient traités les différens entre les ouvriers et les fabricans sur le paiement des façons. La première cause appelée fut celle-ci. Entre M. Chavanon, chef d’atelier, et MM. Cateland frères, fabricans de rubans, rue de Paris, n. 4. Chavanon fait appeler par deux invitations et citation MM. Cateland pour le paiement de sa façon qui lui était due depuis plusieurs jours, ainsi que les frais de poursuite. M. Décitre qui représentait ses patrons, objecte ; que la façon de son chargement n’avait jamais été refusée audit Chavanon, que s’il ne s’était pas présenté au jour que le magasin payait, c’était bien tant pis pour lui, que d’ailleurs sa maison ne payait qu’une fois par mois. A ces dires, M. le président répondit que l’habitude d’un magasin ne faisait pas loi, que la façon de l’ouvrier était due et payable aussitôt l’ouvrage reçu. Le conseil consulté décide que la façon serait payée de suite à l’ouvrier, que les frais lui seraient remboursés. Tout était terminé, lorsque le commis, croyant sans doute, humilier l’ouvrier, par la modicité de la façon, qu’il réclamait avec tant d’instance, lui dit pardevant le conseil et le public, que les 40 et quelques francs qu’on lui devait seraient bientôt trouvés ; l’ouvrier lui répartit que la somme qu’il lui offrait était bien loin de faire le montant de sa façon. Le commis répond qu’il lui avait promis 55 cent. la douzaine et que ça lui faisait tant. De son côté l’ouvrier soutient qu’il n’a jamais été fait avec lui [2.1]aucune convention, et qu’il avait toujours entendu être payé au même cours des maisons qui font le même article. Sur ce nouvel incident le conseil a décidé que Chavanon serait réglé à 80 cent. au lieu de 55 que MM. Cateland lui offraient. Les débats se sont terminés par quelques propos injurieux lancés au chef d’atelier, qui ont été échangés par d’autres et qui ont tourné plutôt à la honte du commis. Nous ne saurions trop louer la conduite qu’a tenu dans cette affaire le conseil, et surtout la fermeté de M. Peyret, le président. En général, c’est toujours avec plaisir que ceux qui sont appelés pardevant le conseil, le voient présider ; leurs intérêts, disent-ils, en sont mieux soutenus. Nous ne viendrons point ici exhaler tous les sentimens douloureux que fit naître en nous cette discussion : non, nous ne nous établirons point juges dans cette affaire, mais que de vérités en découlent. Nous laissons au public éclairé, le soin de prononcer sur de telles exactions. Nous ne nous permettrons que quelques réflexions. Dans cette lutte nous avons vu la misère prolétaire aux prises avec l’opulence qui fait tirer par l’hameçon un salaire bien dû et bien gagné, un salaire qui alimente à peine l’existence de l’ouvrier, tandis qu’il édifie la fortune colossale du négociant. Ouvriers, vous comptez par dixaines tandis que le fabricant calcule par centaines, et encore il croit dans sa stupide ignorance vous faire l’aumône en vous payant ce que vous avez bien mérité, et si votre isolement lui en fournit le moyen, il s’arrogera le droit de garder votre façon pendant un mois, et ce sera vous qui lui ferez l’avance de ses fonds, à fabricans concussionnaire pour faire son commerce. On donne le nom d’usurier à celui qui prête au 12, 15, 20, 30 p. 100. Celui qui arrête son semblable sur un grand chemin, lui enlève sa montre et sa bourse, s’il lui fait grâce de la vie, est appelé voleur ; l’un et l’autre sont punis par la loi, mais à celui qui spécule sur le retard du paiement du salaire de l’ouvrier, pendant un mois, six semaines (car il est arrivé à la maison Cateland de faire attendre autant), quel nom lui donnerons-nous ?… A celui, qui, recevant une modique commande, dit après avoir fait le calcul de son bénéfice, il me faut encore tant pour entretenir ce train d’opulence, cet étalage somptueux, quel nom lui donnerons-nous ? A ceux, qui profitant des baisses du commerce, font travailler l’ouvrier à vil prix, pour un léger morceau de pain, ceux qui vous font faire 6, 9 et 10 aunes d’ouvrage par chargement de 6 ou 7 douzaines, et ceux qui sur 3 douzaines vous feront faire 9 aunes pour rien ; ceux qui vous garderont souvent le tiers de votre salaire par les diminutions forcées qu’ils vous faut accepter, et ceux qui, si vous les appelez au conseil des prud’hommes, pour vous payer les aunages, vous signaleront en encre rouge sur leurs livres, pour être banni à jamais de leur magasin. Ceux-là comment les appellerons-nous ? Encore une fois l’opinion publique est là pour le flétrir ; aussi il n’est pas rare d’entendre dire, par le temps qui court : un tel, d’extraction bien commune, qui autrefois était couvert de bure, qui aujourd’hui étale tout le faste [2.2]de l’Orient, qui peu jaloux d’acquérir une réputation honnête aux dépens des classes laborieuses, a construit des châteaux en campagne, des palais en ville, en un mot, ce petit seigneur moderne, celui là c’est encore… un… comment l’appèlerons-nous ?… Agréez les sentimens d’estimes, avec lesquels nous avons l’honneur d’être, vos dévoués, etc. F. R. et C.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Audience du 27 novembre. presidence de m. ribout. Sur seize causes appelées, trois ont fait défaut : deux ont été retirées ? et une renvoyée à huitaine. Au mois d’août dernier, le nommé Broche, négociant, a fait saisir chez le sieur Palatin, une pièce blonde étoilée, attendu qu’il prétend qu’elle a été confectionnée avec un dessin qui lui appartient. Le conseil s’étant constitué en jury pour délibérer sur la conformité du dessin, n’a remarqué qu’une copie indirecte, et se regardant incompétent pour statuer sur l’indemnité, renvoie les parties pardevant les tribunaux. – Un apprenti doit-il absenter le domicile de son maître pour travailler même à une autre profession lorsque d’après une première décision du conseil, l’atelier avait été mis sous la surveillance d’un de ses membres ? Non. Lorsqu’il allègue pour excuse que ses maîtres ont employé des voies de faits, sans qu’elles soient suffisamment constatées, peut-il avoir droit de quitter l’atelier ? Non. Il doit rentrer chez son maître, et l’atelier mis de nouveau sous la surveillance d’un prud’homme. Ainsi jugé entre Alphan chef d’atelier, et Abry apprenti. – Les maîtres ne sauraient trop prendre de précautions lorsqu’ils prennent des apprentis, et ne les recevoir jamais que des mains de leurs parens, ou de personnes autorisées par eux à cet effet : car ils se trouvent passibles souvent, par cette négligence de la contravention, ainsi jugé au mois d’août 1833, entre Rey chef d’atelier, et demoiselle Coquet. Lorsque le maître a été pris en contravention, peut-il l’exercer à son tour au préjudice d’une autre maîtresse, chez laquelle il trouve l’apprentie ? Oui. Si elle n’a pas reçu l’apprentie des mains de ses parens, ou de personnes déléguées à cet effet ; néanmoins la maîtresse peut exercer son recours contre les parens. Ainsi jugé entre Rey chef d’atelier, et demoiselle Germain, dévideuse. – Lorsqu’un maître a un apprenti dont les parens sont chargés de la nourriture, du blanchissage et du coucher de son élève, doit-il le négliger au point qu’après un an d’apprentissage on ne lui ait pas encore monté un métier ; qu’on ne lui ait presque rien appris, et que par des absences presque continuelles, il soit réduit à travailler seul ? Non. En cette circonstance les engagemens sont résiliés. Néanmoins le père est passible d’une indemnité en faveur du maître, montant à 50 fr. L’apprenti ne pourra se replacer que dans cette qualité. [3.1]Ainsi jugé entre les mariés Dussieux et Térasse. – Rochette, chef d’atelier, fait comparaître MM. Mathon, Zola et comp., pour une pièce d’ombrelles façonnée, chaîne souple, tramée cuit, à 150 coups au pouce, payé 1 franc 10 centimes. Le conseil renvoie à huitainei. – Lorsqu’un apprenti, par ordre de M. le président, rentre chez son maître, et qu’en présence même du membre du conseil qui l’accompagne, il se permet des injures envers le chef d’atelier, les engagemens sont résiliés avec indemnité de 100 fr. au profit du maître, et obligé de se replacer comme apprenti. Ainsi jugé entre Audibert chef d’atelier, et veuve Guillon. Lorsqu’un fabricant de tulle travaille sur des métiers qui ne lui appartiennent pas, il doit le tiers du produit de son travail en faveur du propriétaire ; mais lorsqu’il est constaté qu’il a fait des réparations à ses frais, il n’est passible que du quart de ce même produit. Ainsi jugé entre Greffe et Germain. – Le négociant lorsqu’il est condamné à se trouver au greffe, pour faire visiter une pièce sur laquelle il a fait éprouver un rabais, doit-il se trouver à l’heure dite ? Oui. S’il fait attendre les membres du conseil, même pendant deux heures, verbalise-t-on à cet effet pour constater sa négligence ? Oui. Lorsque de nouveau invité au greffe il fait attendre encore les membres du conseil, et ne se rend qu’à une assignation, doit-il être condamné à rétablir le prix au chef d’atelier, à payer les frais ainsi qu’une amende ? Oui ; indépendamment d’une réprimande sévère de la part de M. le président, qui s’est montré juste et impartial. Ainsi jugé entre dame Lançon, et Viallet Guillard négocians.
i. Il y a quinze jours que cette cause est en instance, il ne s’agit cependant que de constater l’infériorité d’une pièce. C’est ainsi que pour la plus simple cause, un chef d’atelier se croyant fondé à réclamer un salaire proportionné aux difficultés qu’il éprouve pour travailler ; perd, par la négligence du conseil à prendre les informations nécessaires, au moins 30 fr., pour obtenir ce qu’il croit lui être dû.
On a trouvé, mardi 25 courant, entre 7 et 8 heures du soir un extrait des registres de la paroisse de Lucey (Savoie), celui qui l’a perdu peut le réclamer chez M. Lamarre, rue des fossés, n. 7, au 4me à la Croix-Rousse.
Nous venons de recevoir une lettre du solitaire de la Montée des Anges ; l’espace de notre feuille ne nous permet pas de l’y insérer. Pour la satisfaction de l’auteur et surtout pour celle des chefs d’atelier, que l’auteur réclame, nous ferons observer que les négocians ne donnent plus le même déchet qu’autrefois. Aujourd’hui on multiplie le poids des matières rendues par 30, et en retranchant 3 chiffres de droite, on trouve le déchet net.
[3.2]Monsieur le Rédacteur, Les nombreuses causes d’apprentis et de chefs d’atelier, qui comparaissent chaque jour au conseil des prud’hommes, attestent combien il y a d’insubordination et de désordre dans les ateliers de la fabrique d’étoffes de soie. Un tel état de choses nuit gravement à notre industrie. L’apprentissage qui ne devrait être que l’éducation professionnelle d’un jeune homme, n’est au contraire, pour un certain nombre, qu’une suite de débats, de mauvais procédés, qui détournent de l’industrie et rendent ruineuses les spéculations des chefs d’atelier. La règle du conseil, de blâmer les maîtres qui frappent leurs apprentis ; et même de résilier les engagemens, si des coups graves ont été portés, est très-connue des apprentis ; aussi un grand nombre d’entr’eux, trouvant les devoirs de l’apprentissage trop pénible à remplir, aspirant ardemment à la liberté du compagnonnage, emploient tous les moyens pour que leurs maîtres se portent à des excès qui remplissent leurs vues. Le conseil que vous donnez, Monsieur le Rédacteur, dans le numéro 7 de votre journal, en recommandant aux chefs d’atelier d’être prudens dans leurs débats avec leurs apprentis, est sans contredit un conseil sage et utile ; mais il serait incomplet si vous ne portiez à leur connaissance l’article de la loi qui réprime l’inconduite des élèves, en laissant aux maîtres la pleine jouissance de leurs droits. Cet article est ainsi conçu : Titre II, art. 4 de la loi du 3 août 1810 : « Tout délit tendant à troubler l’ordre et la discipline de l’atelier, tout manquement grave des apprentis envers leurs maîtres, pourront être punis par les prud’hommes, d’un emprisonnement qui n’excèdera pas trois jours, sans préjudice de l’exécution de l’article 19, titre 1 de la loi du 22 germinal an 11, et de la concurrence des officiers de police et des tribunaux. » Les maîtres sauront que d’après cette loi, si leurs élèves se livraient à des actes d’indiscipline trop graves et oubliaient tout le respect que l’on doit à celui duquel on obtient la faculté de gagner honorablement sa vie, ils peuvent réprimer sans emportement un mauvais vouloir, qui n’a comme je l’ai déjà dit, d’autre motif que l’affranchissement des conventions de l’apprentissage. Depuis trop long-temps ce scandale dure, et lègue à l’industrie des ouvriers imparfaits. C’est par l’ordre qui doit exister dans les ateliers, que peut seul se donner une bonne éducation industrielle. Le conseil des prud’hommes a dans ses attributions la surveillance des ateliers, il devrait pouvoir l’exercer d’une manière si active et si générale que le désordre qui amène à l’audience des débats si ridicules, soit étouffé. Que les chefs d’atelier se gardent donc bien de se livrer à des voies de fait envers leurs apprentis, et dès que ceux-ci manqueront à leurs devoirs, qu’ils se livreront à des actes de ceux qu’indique la loi ; que les chefs d’atelier requièrent deux témoins qui attestent de la véracité des faits desquels il fera la déclaration au bureau général des prud’hommes, en réclamant l’exécution de l’art. 4 de la loi du 3 août 1810. Le conseil prendra note de [4.1]cette déclaration et le président rendra une ordonnance par laquelle l’apprenti sera condamné à l’emprisonnement. F. D.
La Croix-Rousse, le 26 novembre 1834. Monsieur, Au nom de la commission de secours, n° 1er, établie à la Croix-Rousse, Grande-Rue, maison du café Gauthier, nous adressons des remercîmens à toutes les personnes qui ont bien voulu venir au secours des malheureuses familles, victimes des journées d’avril. La commission continue ses démarches et son travail que la fâcheuse situation de ces familles rend indispensables ; elles fait remettre à domicile une circulaire dont la copie est à la suite de cette lettre ; puis elle fait recueillir les dons. Pour éviter que la malveillance ou l’égoïsme ne viennent dénaturer une action louable, nous avons résolu de lui donner la plus grande publicité ; toutes les administrations des journaux de Lyon recevront une lettre semblable à celle-ci, et la publicité ne serait pas aussi grande que nous le désirons, qu’autant qu’il paraîtrait convenable à quelques-unes de ces administrations de ne pas insérer notre lettre dans leurs feuilles. Nous sollicitons, monsieur le rédacteur, de votre bienveillance pour les malheureux une place dans les colonnes de votre journal. Agréez, etc. jayol, L. Lavallée, secrétaire. La saison devient rigoureuse. Un grand nombre d’ouvriers, hommes, femmes et enfans appartenant aux familles victimes des journées d’avril sont dépourvus de nourriture et de vêtemens. Les secours qu’ils reçoivent sont insuffisans. Les détenus sont, en grande partie, dans la même position. Deux membres de la commission de secours, n° 1er, établie à la Croix-Rousse, maison du café Gauthier, Grande-Rue, passeront demain près de vous, M. … pour connaître vos intentions, recueillir les secours que vous jugerez à propos de donner et ce que votre zèle et vos bonnes intentions en faveur des malheureux vous suggérera de faire pour eux. Pour la commission, jayol, L. lavallée. Nota. Il y a 3 tableaux : 1° Celui des femmes en couches ou malades et des enfans appartenant à ces familles ; 2° Celui des fugitifs ; 3° Et celui des prisonniers pour cause politique. Ce que vous donnerez sera affecté, selon vos désirs, à celle de ces classes que vous désignerez.
HISTOIRE DE LA CHATTE DE SAINT LUPICIN. Monsieur Lupicin, alors était abbé dans le village qui porte son nom, là il fréquentait une dame qui avait une petite chatte très-familière, à laquelle il s’attacha singulièrement, et dont il fut payé de retour, chose extraordinaire. La dame qui s’en aperçut lui en fit cadeau. M. Lupicin s’attachant tous les jours de plus en plus à sa jolie chatte, ordonna à son valet de la traiter comme le maître. Ce valet, grand trisaïeul de Scapin sans doute, n’étant pas très-content de mettre chaque jour deux fois la serviette à une semblable maîtresse, et de lui verser à boire comme à une marquise ordinaire, aurait envoyé les dîners et M. l’abbé ainsi que la chatte à tous les diables, s’il n’eût pas imaginé un [4.2]tour admirable pour se défaire de cette importune ; car il était encore obligé de la mener promener dans le verger du prioré. Voici le fait : Chaque fois que le bon Lupicin disait sa messe, le premier Scapin saisissait un fouet et s’approchait de la chatte, fermée dans une chambre. Là il faisait un signe de croix, et ensuite à grands coups de fouet sur la chatte qui sautait à droite et à gauche, jusqu’au plancher même, pour éviter les mauvais traitemens de son bourreau. Lorsque ce domestique infernal crut que la chatte était au fait de ce métier, c’est-à-dire qu’elle était douce et familière quand on la caressait et que quand on faisait le signe de la croix elle fuyait en poussant des miaulemens épouvantables. Il pensa qu’il était temps d’en prévenir son maître. Si bien qu’un jour au moment du dîner, le fourbe, d’un air consterné, dit à monsieur Lupicin : Ah ! monseigneur, quelle mauvaise bête vous avez chez vous, ce n’est point une chatte ordinaire, c’est la femme du diable, j’en suis sûr, nous sommes perdus si elle reste encore deux jours au prioré, car lorsque je fais ma prière elle veut me dévorer. Le bon abbé croyant son valet devenu fou, se mit à table sans réplique, et toujours vis-à-vis de sa chatte. Alors le Scapin fit un signe de croix. Cette malheureuse chatte croyant de recevoir son prêt comme par le passé, pousse ses miaulemens ordinaires et saute à droite, à gauche, renverse les bouteilles, brise les assiettes, arrache la calotte à l’abbé épouvanté qui ne doutait plus qu’il avait à faire à une diablesse, ordre fut donné de la tuer. Le valet ne fut pas long à l’exécuter. Le vieil abbé dîna seul encore six ans et mourut l’an 1200 dans la conviction que le diable avait dîné trois mois avec lui ; car ce ne fut qu’après sa mort que le Scapin raconta l’histoire qui étonna tous les benets du village.
ANNONCES.
En vente : Au Bureau de l’Indicateur et chez les principaux Libraires de Lyon. constitution de l’industrie, ET ORGANISATION PACIFIQUE DU COMMERCE et du travail; Par M. Derrion. Prix : 1 fr. Au profit du premier fonds social gratuit. a vendre. Un Café restaurant, sur la place des Terreaux, au coin de la rue St-Pierre.
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