[3.2]Monsieur le Rédacteur,
Les nombreuses causes d’apprentis et de chefs d’atelier, qui comparaissent chaque jour au conseil des prud’hommes, attestent combien il y a d’insubordination et de désordre dans les ateliers de la fabrique d’étoffes de soie. Un tel état de choses nuit gravement à notre industrie. L’apprentissage qui ne devrait être que l’éducation professionnelle d’un jeune homme, n’est au contraire, pour un certain nombre, qu’une suite de débats, de mauvais procédés, qui détournent de l’industrie et rendent ruineuses les spéculations des chefs d’atelier.
La règle du conseil, de blâmer les maîtres qui frappent leurs apprentis ; et même de résilier les engagemens, si des coups graves ont été portés, est très-connue des apprentis ; aussi un grand nombre d’entr’eux, trouvant les devoirs de l’apprentissage trop pénible à remplir, aspirant ardemment à la liberté du compagnonnage, emploient tous les moyens pour que leurs maîtres se portent à des excès qui remplissent leurs vues.
Le conseil que vous donnez, Monsieur le Rédacteur, dans le numéro 7 de votre journal, en recommandant aux chefs d’atelier d’être prudens dans leurs débats avec leurs apprentis, est sans contredit un conseil sage et utile ; mais il serait incomplet si vous ne portiez à leur connaissance l’article de la loi qui réprime l’inconduite des élèves, en laissant aux maîtres la pleine jouissance de leurs droits. Cet article est ainsi conçu :
Titre II, art. 4 de la loi du 3 août 1810 : « Tout délit tendant à troubler l’ordre et la discipline de l’atelier, tout manquement grave des apprentis envers leurs maîtres, pourront être punis par les prud’hommes, d’un emprisonnement qui n’excèdera pas trois jours, sans préjudice de l’exécution de l’article 19, titre 1 de la loi du 22 germinal an 11, et de la concurrence des officiers de police et des tribunaux. »
Les maîtres sauront que d’après cette loi, si leurs élèves se livraient à des actes d’indiscipline trop graves et oubliaient tout le respect que l’on doit à celui duquel on obtient la faculté de gagner honorablement sa vie, ils peuvent réprimer sans emportement un mauvais vouloir, qui n’a comme je l’ai déjà dit, d’autre motif que l’affranchissement des conventions de l’apprentissage.
Depuis trop long-temps ce scandale dure, et lègue à l’industrie des ouvriers imparfaits. C’est par l’ordre qui doit exister dans les ateliers, que peut seul se donner une bonne éducation industrielle. Le conseil des prud’hommes a dans ses attributions la surveillance des ateliers, il devrait pouvoir l’exercer d’une manière si active et si générale que le désordre qui amène à l’audience des débats si ridicules, soit étouffé.
Que les chefs d’atelier se gardent donc bien de se livrer à des voies de fait envers leurs apprentis, et dès que ceux-ci manqueront à leurs devoirs, qu’ils se livreront à des actes de ceux qu’indique la loi ; que les chefs d’atelier requièrent deux témoins qui attestent de la véracité des faits desquels il fera la déclaration au bureau général des prud’hommes, en réclamant l’exécution de l’art. 4 de la loi du 3 août 1810. Le conseil prendra note de [4.1]cette déclaration et le président rendra une ordonnance par laquelle l’apprenti sera condamné à l’emprisonnement.
F. D.