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PROCÈS
A LA TRIBUNE PROLÉTAIRE. [1.1]La nécessité, d’un organe spécial aux travailleurs étant généralement sentie, nous avons, dernièrement rétabli, sous le nom de Tribune prolétaire, l’ancien Echo de la Fabrique et l’Echo des Travailleurs qui l’avait remplacé en recueillant ses doctrines et sa rédaction. Ces journaux n’ont jamais été considérés comme politiques, et n’ont pas été soumis à un cautionnement. Le dépôt au parquet n’a été de leur part qu’un acte de courtoisie, nous avons dû croire qu’il nous serait permis de continuer un mode de rédaction qui n’avait encouru aucune poursuite pendant plus de deux ans. Nous pensions ne rien devoir à la tolérance du ministère public que nous ne saurions, en effet, comprendre, n’ayant rien fait pour la mériter ; mais tout à notre droit. Nous pensions que quelques phrases politiques, par exemple ne formaient pas un article politique lorsque l’intention du journaliste de se renfermer dans des questions d’industrie et de réforme sociale, était évidente. Nous pensions aussi que des faits accomplis entraient dans le domaine de l’histoire, et qu’il nous était permis de les enregistrer sans réflexions, sans appréciation. Nous avions fait tout cela dans les précédens journaux : notre droit de continuer ne nous a pas paru un instant douteux, et si nous sommes coupables c’est bien de la meilleure foi possible ; par sa longanimité le parquet est notre complice. Quoi qu’il en soit, le Courrier de Lyon ayant attaqué notre journal, nous lui répondîmes, c’était bien notre droit ; il ne répliqua pas, mais immédiatement nos sept premiers Nos furent incriminés comme traitant sans cautionnement, de matières politiques. Notre gérant fut cité devant le tribunal de police correctionnelle, pour le 4 de ce mois. Le tribunal renvoya d’office, 1a cause à trois semaines ; dans l’intervalle, nos trois derniers Nos ont également été incriminés pour le même sujet. En l’audience de mercredi dernier, la jonction a été ordonnée ; M. Belloc, substitut du procureur du roi, a soutenu la prévention, et M. Jules Favre a plaidé, avec son talent accoutumé, la cause de l’industrie et de la presse, menacées l’une et l’autre dans cette guerre judiciaire. Le tribunal composé de MM. Delandine, président, Piégay, juge, et Boissieux, juge suppléant, a renvoyé à la huitaine pour la prononciation du jugement. Confians dans notre droit, dans l’impartialité et la sagesse du tribunal, nous attendons le jugement avec confiance. Nous publierons incessamment le plaidoyer de M. Favre.
du sort des ouvriers DANS LES MANUFACTURES,
par m. j. c. l. sismondi. (Suite. V. N° 10. – Extraits, etc.) « C’est pour nous un premier principe que l’ordre social ne doit jamais sacrifier une classe d’hommes à une autre, et [1.2]que tout en admettant des conditions diverses, et des pauvres comme des riches, il ne protège ces différences que pour le bien commun de tous, il n’est légitime dans son inégalité, que parce qu’il assure, même au plus humble, une part d’aisance qu’il ne trouverait pas dans la vie sauvage. Les dons d’une société juste et bienfaisante peuvent être inégauxi mais cette société devient inique et oppressive, si elle ôte aux uns pour donner aux autres ; si elle demande au plus pauvre un travail que l’homme sauvage ne connaît pas, sans lui assurer en retour une aisance, un contentement et une sécurité pour l’avenir, qu’il ne trouverait pas dans les bois. Les progrès de la civilisation et de l’industrie ont multiplié tous les produits du travail humain applicable aux usages de l’homme ; le pauvre, en échange de son travail doit obtenir sa part de ces produits, et cette part doit comprendre une nourriture, un logement, des vêtemens convenables pour la conservation de la santé : la civilisation a développé en l’homme la sociabilité ; le pauvre qui travaille a droit à une part dans les plaisirs sociaux, il a droit aux délassemens et aux joies, sans lesquels la vie est une charge. L’application de la science aux arts, et l’invention de machines toujours plus puissantes ont multiplié indéfiniment les résultats de l’emploi des forces humaines pour l’avantage commun ; le pauvre a droit à sa part dans cet avantage, il a droit à sa part [?] mécaniques lui procure de plus longs repos. La civilisation a développé la culture de l’esprit et sa puissance ; elle a relevé l’intelligence de l’homme, et le met aussi sur la voie d’une plus haute Moralité. Le pauvre a droit à sa part dans les jouissances et les vertus qui sont mises à la portée de l’intelligence ; il a droit à l’éducation pour ses enfans, à une part de l’instruction pour son âge mûr, afin que les progrès de la pensée n’augmentent pas la distance qui le sépare de ses semblables. La sensibilité s’est développée aussi avec la civilisation, elle a augmenté l’importance et les charmes de la vie. de famille ; le pauvre a droit à avoir aussi sa part dans le bonheur que peuvent assurer les liens du sang ; il a droit à ce que sa femme et ses enfans multiplient ses chances d’être heureux, plutôt que celles de souffrir. L’ordre social enfin a mis en première ligne la garantie de la stabilité, de la sécurité, la liaison pour le citoyen du présent avec le passé et l’avenir. Le pauvre qui travaille a droit à ce que son avenir aussi à lui soit garanti ; à ce que son sort mette à sa portée les deux sentimens également essentiels au bonheur, de confiance dans les avantages qu’il possède, d’espérance de les améliorer encore. Nous le répétons, c’est cette participation du pauvre aux avantages d’une civilisation progressive, qui nous paraît le but vers lequel doit tendre avant tout autre l’économie politique, but complètement négligé, complètement [2.1]manqué par l’école que nous nommons chrématistique, but dont les sociétés modernes s’éloignent chaque jour davantage au lieu de s’en rapprocher. Aux yeux du moraliste, aux yeux du vrai législateur, l’idée fondamentale de la société civile c’est le, droit d’améliorer sa condition, qui résulte pour chaque homme du fait seul qu’il fait partie de cette société civile. Les hommes ne se sont associés que dans l’espoir du perfectionnement et du bonheur ; c’est à ce prix qu’ils se sont soumis à l’autorité les uns des autres : c’est sous cette condition seule que la puissance sociale est légitime. Mais aux yeux des puissans, des riches et des heureux, aux yeux de ceux que l’ordre social actuel favorise, il est besoin peut-être de faire valoir en faveur de leurs inférieurs une autre considération, celle de leur propre sûreté ; il est besoin de leur dire que si la puissance souveraine ne s’occupe pas efficacement du bonheur de tous, leur bonheur à eux, leur opulence, leur vie, courent les dangers les plus imminens. Ils doivent s’être aperçus qu’il existe dans la société une classe déjà nombreuse, et qui tend à le devenir tous les jours davantage, que l’ordre actuel ne fait jouir d’aucun des fruits de l’association : ce sont des hommes qui, créant de leurs mains la richesse, n’y participent jamais. Non-seulement ils n’ont aucune propriété, ils n’ont aucune certitude de vivre : habituellement réduits à la nourriture la plus commune, au logement, aux vêtemens les plus misérables ; si quelque fois une demande inattendue de travail, une hausse inattendue des salaires leur procurent une abondance fugitive, d’autre part ils savent que du jour au lendemain, toute demande de travail, tout salaire peuvent cesser, et alors le dénuement dans lequel ils tombent est épouvantable ; et s’ils sont pères de famille, le désespoir de leurs femmes, de leurs enfans, vient encore redoubler le leur. Cette classe d’ouvriers auxquels on a rendu de nos jours le nom usité par les Romains, de prolétaires, comprend la partie la plus nombreuse et la plus énergique de la population des grandes villes ; elle comprend tous les ouvriers des manufactures, dans la campagne comme dans les villes ; elle envahit journellement les professions connues, autrefois sous le nom de maîtrises, toutes les fois qu’on réussit à faire en fabrique, c’est-à-dire à confectionner tout à la fois, et sous un seul chef, en un seul lieu, mais par plusieurs centaines de mains, les objets usuels et les outils, qu’on exécutait autrefois sur les lieux où l’on en avait besoin : elle envahit enfin l’agriculture, là où le système des grandes fermes [?] et elle a en Angleterre remplacé presque absolument la classe autrefois indépendante et heureuse des paysans. Les prolétaires sont déshérités de tous les bienfaits de la civilisation : leur nourriture, leurs vêtemens, leurs logemens sont insalubres ; aucun délassement, aucune joie si ce n’est de rares orgies, n’interrompent leurs monotones travaux ; l’introduction des merveilles de la mécanique dans les arts, loin d’abréger leurs heures de travail les a allongées ; aucun temps ne leur est laissé pour leur propre instruction ou l’éducation de leurs enfans ; aucune jouissance ne leur est garantie dans des liens de famille qui leur reflètent leur souffrance ; c’est presque prudence pour eux de s’avilir et de s’abrutir pur échapper au sentiment de leur misère ; et l’ordre social qui les menace pour l’avenir d’une condition pire encore, est pour eux un ennemi à combattre et à détruire. Ce n’est pas tout, au moment ou leur détresse augmente, ils voient la société succomber en quelque sorte sous le poids de son opulence matérielle ; tout leur manque, et de toutes parts leurs yeux sont frappés de ce qui surabonde partout. Et en même temps l’instruction qu’on ne leur donne pas, arrive cependant aux grands rassemblemens d’hommes ; des principes plus relevés sur la destination de la race humaine se répandent ; un sentiment de liberté, d’égalité, fermente dans leurs cœurs ; ils savent qu’ils ont des droits qui sont violés, qui sont envahis, et l’ignorance même de la nature et des limites de ces droits augmente leur ressentiment, et le danger dont leur victoire menacerait tous les autres ordres ; enfin ils ont acquis, dans le cours de ces dernières années la vaillance, un puissant sentiment d’honneur, et la confiance en eux-mêmes, qu’on ne trouvait point autrefois dans les rangs [2.2]inférieurs de la société ; que de motifs pour les riches de songer à ces pauvres, par égoïsme, par soin de le propre sûreté, s’ils ne le font pas par vertu, par justice et par charité ! » […] « Les maîtres de manufactures tiennent dans l’industrie des villes la même place que les grands seigneurs terriens dans celle des campagnes. Comme eux, pour élever leur grande fortune, ils doivent faire disparaître cent où deux cents petits propriétaires indépendans ; comme eux, ils réduisent ensuite par leur concert, tous les hommes qui travaillent pour eux, à un état approchant de la servitude ; comme eux, par les grands moyens dont ils disposent, l’emploi des secours scientifiques, la division plus complète du travail, l’économie du temps et de l’inspection, ils font avancer l’art, mais reculer le sort des hommes ; comme eux enfin, ils éprouvent une réaction lorsque ceux qu’ils emploient commencent à souffrir ; car, en fin de compte, ceux qui ont nourri ceux qui n’ont pas, et ils sont ruinés à leur tour par le faux système d’exploitation qu’ils ont choisi pour s’enrichirii. » […] « Le bas prix de la main d’œuvre, cependant, c’est la manière dont on désigne le contrat qui donne à l’ouvrier, en échange de son travail, le moins de jouissance possible. Tandis que les maîtres manufacturiers travaillent à s’enlever réciproquement des acheteurs, en faisant des rabais toujours plus grands sur leur prix de fabrique, ils poussent en même temps leurs ouvriers vers une misère toujours plus cruelle : ils leur enlèvent d’abord toute aisance, toute jouissance, même la plus humble, puis toute heure de repos ; il faut que l’ouvrier travaille pour le plus étroit, pour le plus absolu nécessaire ; il faut qu’il donne, contre ce salaire si réduit, toutes les heures de sa journée ; mais on a découvert qu’en éveillant vivement son intérêt, on peut obtenir de lui un plus grand emploi de forces musculaires, et on lui propose le travail au forfait : bientôt cependant la compétition réduit aussi le prix du travail, et il ne gagne pas plus en travaillant à la pièce qu’il ne faisait auparavant en travaillant à la journée. Alors, pour vivre, il est obligé d’appeler sa femme à entrer dans la manufacture. Le rôle de la femme devait être, dans le ménage du pauvre, la préparation des alimens, la propreté du foyer domestique, l’entretien des habits, mais surtout l’éducation des enfans auxquels elle doit inspirer et les vertus de leur état et l’affection qui les lie à leurs parens. Mais à ce point de dégradation de l’ouvrier, il n’y a plus de ménage pauvre, plus de foyer domestique, plus de soins de propreté commune : des cuisines publiques préparent au rabais des alimens pour tous ; des écoles d’enfans reçoivent en dépôt ceux que la mère vient à peine de sevrer, et les conservent jusqu’à l’âge de six ou huit ans, où on leur demande de contribuer à leur tour à gagner le pain de leur famille, par un travail qui détruit leur santé et abrutit leur intelligence. Telle est l’effrayante progression de misère qu’a produite la compétition pour le plus bas prix de la main-d’œuvre. Elle a ôté au pauvre toutes les joies, tous les liens de famille et les vertus qu’ils engendrent, toute reconnaissance des enfans pour leurs parens. » […] « Ce n’est ni l’accroissement de la population, ni l’accroissement des travaux exécutés par elle qui font le bonheur de la société, mais bien la proportion entre la population et la propriété, et l’équitable distribution du revenu que le travail fait naître ; la société est heureuse quand chacun selon sa condition, peut jouir du contentement et de l’aisance ; elle est heureuse quand les salaires sont élevés, parce que les salaires distribuent leur revenu au pauvre ; elle est heureuse quand les salaires sont [3.1]élevés, parce que le pauvre, n’ayant pas besoin pour vivre de travailler toutes les heures de la journée, s’abstient, en travaillant plus qu’il ne peut vendre, de se faire concurrence à lui même. » […] « De quelque côté que nous portions nos regards, la même leçon ressort de partout, protégez-le pauvre ; et doit être l’étude essentielle du législateur. Protégez le pauvre ; car par une conséquence de sa condition précaire, il ne peut lutter avec le riche sans abandonner chaque jour quelqu’un de ses avantages ; protégez le pauvre, afin qu’il tienne de la loi, de l’usage, d’un contrat perpétuel, la part que son travail doit lui assurer dans le revenu national, plutôt que d’une concurrence qui nourrirait des rivalités et des haines ; protégez le pauvre, car il a besoin d’appui pour connaître quelque loisir, quelque développement de son intelligence, pour avancer dans la vertu ; protégez le pauvre, car le plus grand danger pour les lois, pour la paix publique, pour la stabilité : c’est la croyance du pauvre qu’il est opprimé et sa haine contre le gouvernement ; protégez le pauvre, si vous voulez que l’industrie fleurisse, car le pauvre est le plus important des consommateurs ; protégez le pauvre, si votre fisc éprouve des besoins ; car, après que vous aurez soigné les jouissances du pauvre, vous trouverez que le pauvre est encore le plus important des contribuables. » Nous bornons là nos citations, car si nous avions voulu citer tout ce que cette brochure contient de remarquable, nous l’aurions transcrite. La conclusion est admirable : protégez le pauvre ! Eh ! sans doute, c’est lui qui a besoin de protection. Nos codes l’ont oublié.
i. Notes du rédacteur. – Nous n’admettons pas que la Société ait la faculté de faire des dons inégaux ; nous pensons, au contraire, que c’est pour réparer l’inégalité des dons de la nature que la Société a été instituée. ii. N. D. R. Il ne saurait y avoir de remède à cet état de chose qu’autant que la Société sera ramenée par la loi à son but primitif. La protection du faible contre le fort, du pauvre contre le riche. Ces deux mots faible et pauvre sont synonymes.
Au Rédacteur. Je crois devoir, dans l’intérêt de mes confrères, signaler les faits suivans, au sujet des difficultés que j’ai avec MM. Mathon-Zola et Ce, relativement à une pièce (article ombrelle) qu’il m’ont chargé de fabriquer au prix de 1 fr. 10 c. l’aune, réduction de 150 coups au pouce. Je ne puis en bien travaillant en faire qu’une aune et demi au plus par jour ; si la pièce était bonne on en ferait trois aunes. Voyant qu’avec 1 fr. 65 c. par jour, je ne pouvais vivre, élever ma famille, payer mon loyer etc, je me plaignis : savez-vous qu’elle fut la réponse de M. Gerboullet auquel j’adressais mes plaintes ? il me répondit qu’avec 1 fr. 30 c. par jour un ouvrier pouvait vivre, qu’il fallait se contenter de manger des pommes de terre. C’est le huit novembre que ces paroles m’ont été dites. Vous pensez bien qu’avec de pareils sentimens, la maison Mathon-Zola ne s’est pas empressée de vérifier la justice de mes doléances. Je suis allé, quatre jours après, au magasin, pour réclamer la façon qui m’était due sur l’étoffe rendue ; MM. Mathon et Gerboullet m’ont répondu ; nous vous payerons lorsque vous nous aurez tout rendu. Est-ce que par hasard ils auraient cru que je voulais leur faire tort ? Comme rien n’autorisait un pareil soupçon, j’ai pris un billet d’invitation au conseil pour le vendredi 14. La veille (jeudi 13) M. Mathon est venu chez moi et m’a promis 1 fr. 50 c. pour continuer la pièce, et pour m’indemniser de cette mauvaise pièce, 200 aunes de courant à 90 c. M’étant rendu le 14 au magasin, ces offres me furent réitérées, tant par M. Mathon que par M. Gerboullet ; mais on se refusa obstinément de les écrire sur mon livre. M. Pupier, ancien prud’homme, négt, s’y trouvait, et voici l’allocution qu’il m’a faite et que je vous livre pour l’édification de la fabrique. « Mon ami, si vous allez au conseil vous perdrez votre cause ; voyez-vous, moi j’ai été prud’homme pendant trois ans, et toutes les fois que de semblables affaires se présentaient, nous condamnions les ouvriers parce que c’est là leur seul désagrément ; s’ils n’étaient pas exposés à avoir des mauvaises pièces, ils seraient trop heureux. » Brave monsieur Pupier !… Comme je voulais une convention écrite, et que M. Mathon s’y refusait, nous parûmes à l’audience ; j’obtins gain de cause, et deux membres furent délégués pour examiner la pièce dont je me plaignais. Le lundi je les attendis, personne ne vint ; le lendemain, mardi, j’allai au greffe et demandai la cause de ce retard : M. le greffier avait oublié d’envoyer les lettres et moi, [3.2]pauvre hère, j’avais attendu. Le mercredi 19, MM. Labory et Bender vinrent chez moi ; ils me dirent d’abord que le peigne coupait ; je leur répondis que ce peigne avait été changé. M. Labory s’aperçut que le rouleau de derrière était boulonné en fer ; et il me dit que c’était là le défaut qui empêchait la confection facile de la pièce ; je pense qu’il voulait dire que les boulons devaient être de bois. Je prie mes confrères d’examiner cela, et je m’en rapporte à leur jugement. Enfin l’on convint qu’une enquête aurait lieu, et que nous paraîtrions au conseil le lendemain jeudi. Fidèle au rendez-vous judiciaire, j’en fus pour ma course ; les prud’hommes délégués n’avaient point fait de rapport, et le président ordonna que le lendemain on se transporterait chez moi pour terminer, Ce lendemain se passa comme les autres jours. Un membre du conseil auquel j’eus recours eut l’obligeance de me faire une lettre pour le président ; je la lui portais le 22 novembre ; et ce magistrat m’en donna une autre pour M. Mathon, en me disant qu’il fallait que cette affaire finisse le jour même, elle ne l’est pas encore ! Voyant que rien n’avançait j’ai été lundi dernier, au greffe pour me plaindre à M. le président, de ce retard contraire à sa promesse. « Votre cause a été vue, retirez-vous » sont les seules paroles que j’aie obtenues, et je suis obligé de paraître, jeudi prochain, au conseil comme si rien n’était fait. Obtiendrai-je enfin justice ? J’ai l’honneur etc. rochet. La Croix-Roussele 26 novembre 1834.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 27 Novembre. Président, M. Riboud: membres, MM. Berthaud, Bourdon, Chantre, Cochet, Dumas, Ferréol, Fichet, Jarnieux, Joly, Labory, Micoud, Milleron, Perret, Putinier, Teissier.i Vingt-deux causes sont appelées, dont cinq sur cotation. Trois sont arrachées, trois jugées par défaut et une à huis clos, à l’égard de laquelle nous répéterons ce que nous avons dit dans le dernier N° ; il importe même, dans l’intérêt des parties, que la prononciation du jugement ait lieu en public. Nous ajouterons que le conseil doit être sobre de ces débats à huis clos. Il est facile de nous comprendre. Le conseil est-il compétent pour juger les difficultés relatives à la profession de serrurier ? – Non, attendu que cette industrie n’est pas représentée. Ainsi jugé entre Huguenet et Roully. Le fabricant pris en contravention pour occuper l’apprenti d’un confrère, et qui a payé le montant des dommages intérêts alloués, peut-il à son tour exercer semblable contravention contre un autre fabricant qui retire ce même apprenti de chez lui, et répéter les dommages intérêts par lui payés ? – Oui. Ainsi jugé entre Ray et Mlle Germain. L’ouvrier tulliste qui loue un métier doit-il au propriétaire le tiers de la façon pour prix de location ? – Oui. Cet ouvrier doit-il supporter les menus frais d’entretien du métier ? – Oui. Ainsi jugé entre Greffe et Germain. Ce dernier n’a cependant été condamné qu’à payer le ¼, attendu que Greffe avait laissé écouler trop de temps avant de réclamer. Nous ne concevons pas cette jurisprudence. Le négociant dont la comparution au greffe a été ordonnée pour la visite d’une pièce, et qui ne s’est pas rendu, doit-il une indemnité ? – Oui. Ainsi jugé entre Mlle Lancon, Viallet et Guillard. Ces derniers ont été condamnés à payer une indemnité de 6 fr., et le prix a été maintenu tel qu’il avait été fixé. (V. N° 10. Conseil des prud’hommes.) Le fabricant qui ne sympathise pas avec son apprenti, a-t-il droit de demander acte au conseil de ce qu’il consent à la résiliation des conventions, moyennant que cet apprenti se replacera ailleurs en la même qualité, à défaut de quoi les dommages intérêts stipulés dans la convention lui seront alloués – Oui. Ainsi jugé entre Bret et Mlle Castel. [4.1]Le conseil a ordonné, de nouveau (V. N° 10) qu’une enquête serait faite par MM. Labory et Bender dans la cause entre Rochet et Mathon-Zola (V. ci-dessus, la lettre de M. Rochet). MM. Joly et Bourdon ont été nommés pour examiner les erreurs que Lièvre articule avoir été commises à son préjudice par le sieur Palatin. Les parties sont renvoyées devant le tribunal de commerce en suite du procès-verbal dressé par le conseil. Ailloud, fabricant, a fait appeler Besset et Bouchard, en réglement de compte. Il prétend que les prix des façons n’ont pas été portés conformément aux conventions écrites, et que chaque jour de chômage devait être payé à raison de 5 fr. Le conseil n’a pas cru pouvoir vu la circonstance de conventions écrites, et sans doute aussi vu l’importance 4e la somme qui permet d’en appeler au Tribunal de commerce appliquer la prescription d’un mois. Il a mis la cause en délibéré et s’est ajourné à mardi, pour le vider et a renvoyé à huitaine pour la prononciation du jugement.
i. Notre impartialité nous fait un devoir de faire remarquer qu’en cette séance un suppléant fabricant a siégé en même temps que le titulaire. Est-ce une compensation de l’irrégularité commise en la dernière audience, où un suppléant négociant a siégé avec le titulaire ? Le président doit veiller à ce que cet abus ne se renouvelle pas. La règle est égale pour tous.
MÉDAILLE EN L’HONNEUR DE JACQUARD. M. Mouterde fils, fondeur, rue de la Reine, vient de frapper une médaille en l’honneur de cet illustre mécanicien. Cette médaille porte d’un côté, la tête, parfaitement ressemblante, de Jacquard, et de l’autre, une couronne de chêne avec ces mots : Au citoyen utile. Le prix est de cinq francs ; on la trouve chez lui, et chez M. Savy, libraire quai des Célestins.
La dernière livraison de la Revue Républicaine qui vient de paraître contient les articles suivans : Monumens révolutionnaires, par M. Cavaignac; Lettre au Rédacteur du Temps, par M. Dupont ; Quelques mots sur l’Enquête, considérée dans son influence sur les salaires ; Projet d’Enquête industrielle ; Résumé des nouvelles recherches des Géomètres sur l’ancienne chaleur de la terre ; les Hommes, et les Mœurs aux États-Unis de l’Amérique ; la Bohème ; le Proscrit. – Oh s’abonne, à Paris, au bureau, rue du Croissant, N° 16, et dans les Départemens, chez les libraires et les directeurs des Postes. – Prix : 22 fr. pour 6 mois qui forment deux forts volumes in-8.
La liste du jury pour 1835 a été close, à Lyon, le 16 octobre dernier. Le total des citoyens inscrits monte à 4 020 pour la lre partie, comprenant les élections censitaires, et à 299 pour la seconde composée des capacités admises par la loi (en 1833 la lre partie montait à 3523 et la seconde à 311 ; en définitif, le nombre total des électeurs est accru de 485). Les 4 020 censitaires sont ainsi répartis, 1er arrondissement (Lyon midi) 1212, 2e arrondissement (Lyon nord) 1216, 3e arrondissement (Lyon ouest) 525, 4e arrondissement (cantons ruraux) 608, 5e arrondissement (Villefranche) 639. La 2e partie composée de 299 est ainsi répartie : ler arrondissement 77, 2e 35, 3e 56, 4e 53 et 5e 58.
VARIÉTÉS.
Bibliographie. Un exemplaire du Décameron de Boccace1, 1 vol. in-f° édition de Venise 1401, a été vendu dernièrement à Londres 55,000 fr. Idem. M. Cachard archiviste du royaume de Belgique, a découvert un petit ouvrage inédit de Charles-Quint, daté de Tunis, 25 juillet 1535, contenant la relation de la prise de cette ville, adressée à sa sœur Marie gouvernante des Pays-Bas. Idem. M. Swider de Philadelphie vient d’exécuter une bible in-4° avec des caractères en reliefs à l’usage des aveugles. Mécanique. Louis Torchi, menuisier milanais, vient de construire une machine qui exécute les trois premières règles de l’arithmétique. L’institut de Milan lui a décerné une médaille d’or.
MÉMORIAL HISTORIQUE.
INTÉRIEUR. paris. Le 30 novembre, après un laps de temps de plus de 30 ans, a eu lieu à la Porte St-Martin, la reprise de Pinto1, drame en 5 actes, de M. Népomucène Lemercier. Il s’agit, dans cette pièce, d’un roi d’Espagne et de Portugal, nommé Philippe. Des cris à bas Philippe, ayant [4.2] été applaudis par les spectateurs, ainsi que celui d’amnistie, l’autorité a fait défendre la pièce. Cette défense a été levée moyennant la suppression de à bas Philippe, et le remplacement du mot amnistie, par celui de grâce, grâce entière ; et la seconde représentation a eu lieu. ferté sous jouarre, Un nommé Rigant, prêtre, accusé de débauches honteuses, vient d’être arrêté. mulhausin. Jacques Koechlin2, ancien député, ami de Manuel, de d’Argenson, etc, est mort le 16 novembre. LYON. M. Comberry, instituteur des sourds-muets, est mort le 25 de ce mois. C’est une grande perte pour l’humanité et la science. M. Eugène Dufaitelle a pris la gérance de la Mosaïque3.
THÉÂTRES.
grand-théâtre. Mercredi dernier, il y avait affluence : Haumann faisait entendre les magiques accens de son violon ; un hommage mérité était rendu à Boieldieu, par les artistes de ce théâtre. Après l’exécution de plusieurs morceaux de musique et des couplets chantés par Mme Derancourt, M. Duprez a lu des vers de Mme Valmore, en l’honneur de Boieldieu, ensuite l’apothéose du célèbre compositeur, a eu lieu aux applaudissemens unanimes des nombreux spectateurs. Ce tableau était vraiment magnifique. Ce soir le début de Mme VALERY dans Edouard en Ecosse. – Dernier Concert d’Haumann et Apothéose de Boieldieu. Au premier jour le début de Mr SAXONI dans l’emploi des Premiers Danseurs nobles. gymnase. Le bénéfice de Joanny a dû être productif, la salle était comble. A ceux qui aiment les fortes émotions, le Brave et la Vénitienne ; ce drame de l’École moderne restera au répertoire. – Les Deux Borgnes est une parade à jouer pendant le carnaval ; Barqui est excellent dans le rôle du charlatan. Jacquemin, roi de France est une idée usée, exagérée, et qui a provoqué des sifflets qui étaient loin de s’adresser aux acteurs. Vendredi dernier, le bénéfice d’Herguez. Voici notre compte rendu ; Vingt ans plus tard est un vaudeville duquel on ne saurait dire, ni beaucoup de bien ni beaucoup de mal, il est reçu si le proverbe, qui ne dit mot consent, est encore une vérité. Charles III ou L’Inquisition pourrait être plus mauvais ; cela ne veut pas dire que ce drame soit bon. Enfin L’École des ivrognes, accueillie, d’abord, avec de grands applaudissemens, et puis sifflée à outrance, a terminé le spectacle. Ce vaudeville peut être conservé ; mais il faut qu’il subisse plus d’une coupure. C’est dans cette pièce que M. Chambéry a fait son 3e début, et nous devons dire qu’il s’est tiré avec bonheur d’un rôle fatiguant à l’excès. Le Gymnase peut espérer un bon acteur de plus.
CHARADE. Le joueur hante mon premier, La coquette craint mon dernier, A la cour on fait mon entier.
(6-3) LE PÈRE LACHAISE ou recueil de 150 dessins, au trait des principaux monumens de ce cimetière, avec échelles de proportion ; ouvrage in-4°, Jésus dessiné, lithographié et publié par QUAGLIA, peintre anciennement attaché à l’imp. Joséphine, et dont les miniatures ont obtenu la médaille d’or à l’exposition du Louvre (année 1814), à Paris, chez Quaglia, rue de Harlay-du-Palais, N° 2. – On n’expédiera cet ouvrage que d’après une lettre affranchie, contenant un bon de la poste, ou mandat sur Paris. – Prix, expédié franco, 12 fr. OISEAUX PHÉNIX. physique et mécanique amusantes, QUAI DU RHONE, EN FACE DE LA VOUTE DU COLLÈGE. Représentations, les dimanches à 2 heures, 5 heures, et 7 heures, les lundi et mardi à 7 heures ; les jeudi à 2 heures et à 7 heures ; Prix des places : Premières 1 fr. – Secondes 50 c. – Parterre 25 c. – Les enfans au-dessous de 7 ans payeront demi-place.
Notes (VARIÉTÉS.)
Référence au Décameron publié au milieu du XIVe siècle par Giovanni Boccaccio (1313-1375).
Notes (MÉMORIAL HISTORIQUE.)
Pinto, ou la journée d’une conspiration (1799), comédie de Népomucène Lemercier (1771-1840). Référence ici à Jean-Jacques Koechlin (1776-1834). La Mosaïque lyonnaise. Journal littéraire, qui en 1834-1835 pris la suite du Conseiller des femmes et du Papillon. Journal des dames.
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