Retour à l'accueil
19 février 1832 - Numéro 17
 
 

 



 
 
    
ASIE : - Indoustan.

Fabrique des schals de Cachemire.

Les manufactures de schals de Cachemire, d’où sortent ces tissus précieux si estimés dans toute l’Europe, emploient près de 50,000 individus : il ne serait peut-être pas facile d’évaluer le nombre de schals fabriqués tous les ans ; mais on compte 16,000 métiers dans ces manufactures, et, en supposant que chaque métier donne cinq schals par an, le nombre serait de 80,000. Un seul schal peut occuper tout un atelier, si le tissu est d’une grande finesse, pendant l’espace d’une année, tandis que d’autres ateliers en fabriquent 6 ou 8 dans le même espace de temps. Les ateliers sont ordinairement composés de 3 ouvriers, et, lorsque le tissu est d’une qualité supérieure, il ne s’en fabrique pas plus d’un quart de pouce en un jour. Les schals qui demandent beaucoup de travail, se font par pièces dans divers ateliers, et l’on a observé que bien rarement les morceaux, lorsqu’on les assemblait, offraient les mêmes dimensions. Dans les ateliers, les ouvriers sont assis sur un banc : leur nombre varie de 2 à 3, de 3 à 4. Pour les schals simples, on n’emploie que 2 personnes, et l’on se sert d’un long métier lourd et étroit. Lorsqu’il faut mettre de la variété dans les dessins, on travaille avec des aiguilles de bois, et l’on a soin d’en avoir une pour chaque fil de couleur différente, sans avoir recours au métier. De pareils travaux s’accomplissent avec lenteur, et cela en raison de la richesse des dessins : les femmes et les enfans séparent la laine fine de toutes les matières hétérogènes ; les jeunes filles s’occupent à la carder avec leurs doigts sur la mousseline des Indes, pour allonger les fils et les nettoyer ; ensuite on la remet entre les mains des teinturiers et des fileurs. Le métier dont on se sert est horizontal et d’une grande simplicité : le tisserand est sur un banc ; un enfant, placé un peu plus bas, a les yeux fixés sur les dessins, et chaque fois que l’on roule l’étoffe, il avertit l’ouvrier des couleurs qui manquent encore et des bobines qu’il faut employer. Le Oostand, ou chef des ouvriers, surveille toutes les opérations ; s’il se présente un dessin nouveau auquel ils ne sont pas familiers, il leur apprend à en dessiner les contours, et leur montre en même temps les fils et les couleurs dont ils doivent faire usage. Les gages des premiers ouvriers sont de 4 à 5 sous par jour, et ceux des ouvriers ordinaires de 2 à 3. Lorsqu’un fabricant prend ce genre d’occupation, il réunit un certain nombre d’ateliers dans le même établissement, et il se réserve d’y exercer la surveillance, ou bien il fournit aux premiers ouvriers le fil travaillé par les femmes et passé à la teinture ; ils l’emportent et vont le manufacturer chez eux, après avoir reçu les instructions du fabricant concernant la qualité de la marchandise, la couleur et les dessins, etc. Aussitôt que l’ouvrage est livré, le fabricant porte les schals à la douane pour y recevoir une certaine marque ; puis il paie un droit proportionné à la valeur et à la qualité de la marchandise. L’officier du gouvernement ne manque pas d’estimer les objets au-dessus de leur valeur réelle. Le droit qu’on prélève est de 1/5. La plupart des schals exportés de Cachemire n’ont pas été lavés et sortent du métier. Amretseyr est le grand marché des schals ; à Cachemire même on ne les lave, ni ne les emballe aussi bien.
(Sentinelle du peuple.)1

Notes (ASIE : - Indoustan.)
1 La Sentinelle du Peuple, feuille politique, agricole et industrielle, publiée à Paris entre octobre 1830 et septembre 1832. Fusionne peu après avec Le ruban tricolore pour devenir Le télégraphe, journal de Paris, des villes et des campagnes (1833-1837).

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique