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7 décembre 1834 - Numéro 12
 
 

 



 
 
    

St-Etienne, 30 novembre 1834.

Monsieur le Rédacteur,

Hier, vers les 9 heures du matin, les habitans de la rue du Vernay, ont été témoins d?un grand scandale. Des [4.1]cris perçans se faisaient entendre dans le domicile du sieur Buisson, dit Maillard, passementier ; bientôt on vit paraître à la fenêtre un homme éperdu et blessé, qui criait au secours, et dont le sang rejaillit dans la rue. Les voisins accourent pour le protéger et arrivent assez à temps pour l?arracher à la fureur d?un mari irrité de l?outrage qu?il prétendait avoir été fait à son honneur. M. Brioude, (c?est le nom du négociant qui a été blessé), était-il venu seulement pour affaires, ou se rendait-il à un rendez-vous d?amour ? C?est ce qu?on ne peut savoir ; cependant une circonstance qu?on nous a rapportée, semblerait justifier, jusqu?à certain point, les soupçons que Buisson avait conçu sur la vertu de son épouse : c?est l?embarras de cette dernière et la situation équivoque de celui qu?il regardait comme son séducteur. Ce dernier a paru dans un désordre qu?on expliquerait difficilement : il était entré avec des bottes et il est sorti nus pieds. Après avoir reçu chez un voisin les premiers secours que nécessitait son état, M. Brioude a pu se rendre chez lui, escorté de deux personnes qui le soutenait. Il paraît qu?il a été frappé de plusieurs coups de sabre qui lui ont fait à la tête deux blessures plus effrayantes que dangereuses. Une heure après, la police est survenue et a procédé à l?arrestation du sieur Buisson, qui a été conduit sur le champ à l?hôtel-de-ville, où il a subi un premier interrogatoire de la part de M. le procureur du roi. Il a ensuite été transféré à la maison d?arrêt où on l?a écroué.

Buisson ne paraît point du tout effrayé des poursuites dirigées contre lui ; il prétend qu?il n?a fait qu?user d?un droit naturel, en punissant lui-même un homme qu?il a surpris en flagrant délit, au moment où il lui faisait le plus sanglant outrage. Si les choses sont telles qu?il le prétend, il n?est pas douteux qu?on ne doit point sévir contre lui : le code pénal est formel à cet égard. Il est fâcheux pour les hommes appartenant aux classes supérieures, que la loi les abandonne, dans cette circonstance, à toute la fureur d?un vil plébéïen. Il faut qu?ils soient bien avertis, ces Messieurs, que si l?époux qu?on offense prise plus son honneur que l?or qu?on lui offre, il peut tuer impunément le séducteur de sa femme, fût-il négociant, préfet, ministre ou même prince.

(Indicateur Stéphanois.)

 

 

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