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19 février 1832 - Numéro 17
 
 

 



 
 
    

Parmi les découvertes aussi importantes que multipliées qui viennent chaque jour signaler les progres de la science, et qui sont destinées à donner un nouvel essor à notre industrie manufacturière, il en est peu, après les nouvelles mécaniques du sieur Jaillet, destinées à remplacer les Jacquard1 et dont nous rendrons compte lorsqu?il sera en position de pouvoir en livrer à la vente ; il en est peu, dis-je, qui rendront de plus grands services aux chefs-d?ateliers, que les mécaniques et rouets à dévider et à faire les canettes, séparés ou simultanément, inventés par le sieur David, qui s?est constamment appliqué à leur donner toute la perfection dont elles sont susceptibles, qui peuvent faire les canettes avec toute la propreté possible et en autant de bouts qu?on désire, ayant la facilité de donner la forme cylindrique, bombée ou cônique aux roquets, bobines et canettes, ce qui les rend propres à être employées à tous les genres d?étoffes.

Mais ce n?est pas seulement sous le point de vue industriel, mais encore sous le point de vue physique et moral, que ces nouvelles inventions sont un bienfait pour toutes les villes manufacturières, où ces mécaniques ne manqueront pas de se répandre, quand on en connaîtra toute l?utilité. Le résultat de ces inventions sera l?économie du temps et des matières, en faisant en 6 heures l?ouvrage de deux enfans que l?on captive à un rouet à canettes depuis l?âge de 7 à 8 ans, les privant ainsi de toute éducation et de tous les délassemens de leur âge et auxquels le mouvement de ces rouets est tellement nuisible qu?un grand nombre de ces malheureux deviennent difformes et semblent être les victimes nés des misères de l?état de leurs parens, qui pour leur donner du pain, sont forcés de les captiver, tout en déplorant les moyens que la nécessité les force d?employer envers eux. Honneur au sieur David, qui par son invention facilitera l?instruction et le bien-être de la classe industrieuse de toutes les cités manufacturières. Déjà il a reçu une médaille de perfectionnement de la société d?encouragement pour l?industrie.

(Voir les Annonces.)

Notes (Parmi les découvertes aussi importantes que...)
1 Joseph Marie Jacquard (1752-1834), tisserand et mécanicien, inventeur entre 1801 et 1806 du métier à tisser semi-automatique qui porte son nom. Il eut l?idée d?équiper les métiers à tisser traditionnels d?un mécanisme sélectionnant les fils de chaîne à l?aide d?un programme inscrit sur des cartes perforées. Son invention permettait à un seul ouvrier de manipuler les nouveaux métiers. Au début du XIXe siècle il fut la cible des canuts qui accusaient son invention d?être, en particulier, cause de chômage. Mais à partir des années 1810-1815 le nouveau métier, constamment amélioré par la suite par d?autres mécaniciens, se généralisa. A sa mort, près de 30 000 métiers Jacquard battaient à Lyon. L?efficacité de la « fabrique » lyonnaise provenait en grande partie de cette capacité continuelle d?innovation, bien représentée ici par L. David, « mécanicien breveté » (voir l?annonce dans le même numéro). Les canuts en étaient d?ailleurs bien conscients, réclamant de façon de plus en plus appuyée une meilleure « organisation » de leur industrie. Dans le numéro du 8 juillet 1832 de L?Echo de la Fabrique, Arlès-Dufour soulignera que, morcelée, l?industrie lyonnaise nécessite une organisation plus rationnelle de ses efforts. Sur le plan plus strictement technique, il insistera sur la nécessité d?une « [?] association pour faire, à frais communs, toutes les expériences, tous les essais, pouvant provoquer et activer le perfectionnement et le développement de notre industrie dans toutes ses branches » (L?Echo de la Fabrique, numéro 47).

 

 

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