Nous croyons que les chefs d’atelier seront bien aise d’apprendre une rouerie long-temps ignorée par ceux-là même qui y voient bien clair. Voici le fait :
Il arrive assez souvent que l’ouvrier se trouve en solde de soie ; eh bien ! ce solde provient quelquefois des matières humides que le chef d’atelier ne peut pas prévoir ; comme, par exemple, lorsqu’il reçoit une pièce il la fait plier au plutôt possible pour ne point perdre de temps. S’il la faisait sécher, peut-être qu’il trouverait le lendemain une perte de cinquante ou de cent grammes de moins. En faisant connaître cette diminution de poids aux négocians, le chef d’atelier ne paierait pas de la soie ; car pour les trames on a toutes les facilités pour les conditionner afin qu’on ne soit pas trompé, excepté par les ingrédiens de quelques teinturiers.
En conséquence, quand on croira qu’un fabricant est dans le cas d’escroquer une partie des façons de l’ouvrier par les moyens ci-dessus indiqués, on peut porter les matières au greffe des prud’hommes ; là il s’y trouve presque toujours un prud’homme chef d’atelier et le secrétaire du conseil. On voit le poids sur le livre, on pèse les matières (on saura qu’au greffe il y a des balances très-justes), on les fait sécher ; le lendemain, si le poids a perdu, on fera une bonne affaire du fabricant.
Ainsi nous pensons que les chef d’atelier ne négligeront pas d’employer ces moyens pour découvrir la fraude ; car ils forceraient quelques-uns des spéculateurs sur la misère et la faiblesse de l’ouvrier, à se renfermer dans les limites de la probité.