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7 décembre 1834 - Numéro 12
 
 

 



 
 
    

M. VULLIERME.

Transiit benefaciendo.

La tombe vient de se fermer sur un homme de bien. Salut et respect aux mânes de l?apôtre du Christ, de l?homme bon et vertueux qui a conservé un c?ur de citoyen sous la chasuble sacerdotale.

M. ? Vullierme, curé de St-Nizier, né à Lyon, en 1775? est mort dans cette ville le 12 novembre dernier. Il venait d?être nommé vicaire général du diocèse, lorsque la mort l?a surpris. Il a reçu les honneurs réservés à [4.1]son rang mais on en conviendra, la pompe officielle que l?église accorde à ses lévites, et la société à ses dignitaires, disparaît devant le spectacle d?une foule empressée, qu?une faible rumeur seulement a convoquée, et qui vient accompagner à sa dernière demeure le bienfaiteur des pauvres, l?ami des affligés. Que ces larmes versées par des hommes presque honteux de cette marque de sensibilité, que ces regrets hautement et naïvement exprimés, que ces prières simples et ferventes sont un panégyrique éloquent ! nulle oraison funèbre ne saurait l?égaler. Nous avons donc été heureux, au milieu d?une douleur générale vivement ressentie par nous, de faire ces consolantes réflexions.

Par sa conduite dans les événemens récens dont Lyon a été le théâtre et la victime, M. Vullierme a mérité l?estime générale. Nous ne citerons pas les traits nombreux de bienfaisance et de courage que nous avons entendu raconter, nous emprunterons seulement à la Mosaïque Lyonnaise, le récit suivant :

« Un ouvrier qui faisait partie des combattans de St-Nizier, dans les journées d?avril, avait jeté son fusil au-dessus d?un confessionnal et s?était enfui ; peu de jours après il revint et le trouvant à la même place, il demanda à M. Vullierme la permission de le venir reprendre pendant la nuit. ? Non, dit le curé, mais je le prendrai moi-même, et je le brûlerai. ? Mais, objecta l?ouvrier, ce fusil n?était pas à moi. ? J?entends, il vous le faudra payer et vous n?avez pas d?argent ; combien vaut-il ? ? Interdit à une proposition si généreuse, l?ouvrier avoua que le fusil lui appartenait. ? Alors, cela suffit, je le détruirai et je vous en donnerai le prix quand vous n?aurez pas d?ouvrage. » La Mosaïque ajoute avec raison : « Bon et digne curé, vous aviez bien compris votre mission. » Eh, sans doute ! disons le hautement.

Un bon curé, un bon pasteur (pour nous c?est tout un) est véritablement le trésor le plus précieux d?une paroisse, d?une commune. M. Vullierme fut un bon curé ; nous ne voyons pas de plus bel éloge à adresser à sa mémoire.

Le curé, dit Chateaubriand1, est la garde avancée placée sur la limite des deux mondes, on ne saurait l?entourer de trop de vénération lorsqu?il se montre véritable disciple de ce jésus que les chrétiens adorent comme DieuDieu ; que les philosophes proclament sage par excellence ; que les prolétaires révèrent comme le plus grand martyr de leur cause.

Patriote et religieuse, sans être anarchique ni bigote, la Tribune Prolétaire devait apporter son faible mais sincère hommage à M. Vullierme. Elle s?acquitte de ce devoir.

Notes (M.  VULLIERME Vullierme curé . Transiit...)
1 Dans son Génie du Christianisme, publié au tout début du 19e siècle, Chateaubriand avait écrit « il [le curé] est établi dans son presbytère comme une garde avancée aux frontières de la vie pour recevoir ceux qui entrent et ceux qui sortent de ce royaume des douleurs ».

 

 

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