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21 décembre 1834 - Numéro 14
 
 

 



 
 
    
résumé de l?exposition publique des produits

DES MANUFACTURES ÉTRANGÈRES.

Dernier article (V. Nos 2, 3, 5, 7, 8.)

Il y aura bientôt deux mois que cette exposition a été close, et les étoffes dont elle se composait livrées à la vente. Après l?analyse courte et impartiale que nous avons cru devoir en faire en les comparant avec les étoffes du même genre qui se fabriquent à Lyon, il nous sera permis, sans doute, d?émettre une opinion consciencieuse sur les résultats que la Chambre de Commerce s?est proposée en soumettant aux investigations du public lyonnais les produits des fabriques étrangères rivales.

La Chambre de Commerce ne nous a point laissé ignorer que malgré tous ses efforts, toutes ses recherches, elle n?a pu parvenir à se procurer une statistique exacte de l?importance de la fabrication de chaque ville manufacturière dont les produits ont été exposés, soit de leurs procédés de fabrication, soit relativement au prix de la main-d??uvre, attendu que nulle part il n?existe rien d?officiel. Nous lui savons gré de ses efforts, et les premiers nous avons applaudi à son zèle qui ne néglige rien de ce qui lui paraît utile et pouvoir concourir à la prospérité de notre fabrique. Nous croyons facilement à ses assertions. S?il n?existe rien d?officiel dans les villes manufacturières de l?étranger, il en est malheureusement de même à Lyoni, hors le chiffre des ballots de soie déposés à la condition, et nous avons, déjà établi son insuffisance pour connaître l?état de la fabrique lyonnaise et cet élément de statistique n?existe même pas pour la majeure partie des villes qui fabriquent des étoffes de soie. Il n?y a donc rien de surprenant que la Chambre de Commerce n?ait pu se procurer des renseignemens précis et officiels sur les manufactures étrangères lorsqu?elle est réduite à en manquer totalement dans la ville dont elle est chargée de veiller et de représenter les intérêts. Il y a donc impossibilité de discuter, de comparer les moyens et les procédés de fabrication, le prix de la main d??uvre, le bénéfice du fabricant, celui du marchand, enfin l?importance des manufactures étrangères comparativement avec nos fabriques. Nulle part rien d?exact. ? On peut regretter que partout ce soit le plus essentiel qui manque.

[2.1]Nous ne supposerons donc pas, comme quelques ouvriers ont paru le croire, que la Chambre de Commerce n?ait eu pour mobile principal, par son exposition, de prouver que les salaires étaient moins élevés dans la généralité des fabriques étrangères qu?à Lyon. La conséquence immédiate de cette supposition devait être la baisse des prix de façon ; et la Chambre de Commerce est trop haut placé, elle a dans son sein des hommes trop éclairés et probes pour se livrer à un tel calcul. Malheureusement il n?est que trop vrai que c?est ce qui a eu lieu depuis. Mais nous sommes loin, quoique en puisse dire le Courrier de Lyon, sur la question des salaires, d?attribuer rien de semblable à la Chambre de Commerce, et nous le répétons nous avons trop de confiance dans ses lumières, elle a fait trop souvent preuve de son patriotisme pour lui supposer des vues aussi étroites. Nous croyons au contraire que toute sa pensée, tous ses efforts ont tendu vers un but unique et généreux, celui d?ouvrir de nouveaux débouchés à notre fabrique, en facilitant la création de nouveaux genres par la connaissance des étoffes étrangères. Plus nous fabriquerons, plus les salaires seront élevés, c?est une vérité incontestable. C?est à d?autres causes qu?il faut attribuer la baisse des salaires.

La Chambre de commerce nous avertit aussi que son but n?a pas été de nous initier aux tours de force des fabriques étrangères, mais bien de nous faire connaître les articles courans qui ont quelque importance dans la grande consommation. Son but est rationnel, car, en effet, c?est de la grande consommation dont nous avons besoin. Pour notre part, nous n?aurions cependant pas été fâchés de voir quelques-uns des tours de force des fabriques étrangères, afin de les apprécier à leur juste valeur, peut-être aussi pour y puiser quelque instruction. Espérons que nous aurons cet avantage à une prochaine exposition, car, nous ne doutons pas que, satisfaite de cet essai, la Chambre du commerce ne soit encouragée à le renouveler, ainsi qu?elle l?a promis. Bien que la diversité des articles exposés soient considérables, ils ne sauraient être considérés, tout au plus, que comme la dixième partie de ce que Lyon fabrique annuellement. Déjà on a dû pressentir notre jugement. Il reste prouvé, et ceux qui ont visité l?exposition ont pu s?en convaincre, que nous pouvons fabriquer avec avantage tous les genres d?étoffes qui ont paru à l?exposition ; il n?y a d?exception que pour les articles qui emploient les laines fines et les cotons filés fin. De grands progrès ont été faits dans la préparation et dans l?emploi des laines, principalement à la teinture. Il y a quelques années encore, que l?on ne savait pas se procurer des laines de qualités passables, encore le plus souvent étaient-elles brûlées à la teinture ; il en résultait et des difficultés et un déchet considérable au tissage, ce qui élevait d?autant le prix de l?étoffe. Maintenant il ne s?emploie encore que fort peu de belles qualités de laine ; on en trouve le prix trop élevé. Aussi joindrons-nous nos v?ux à ceux exprimés par le commerce pour réclamer la suppression des droits sur l?entrée des laines étrangères, et une diminution sur ceux dont sont frappés les cotons filés fin. C?est un avantage dont nos fabriques ne peuvent plus se passer, et qui, joint à celui que vient de nous procurer la libre entrée des soies étrangères, permettra de ne plus redouter la concurrence de nos voisins. Les schals, les manteaux, et généralement les tissus laine façonnés ou imprimés recouvreront leurs anciens débouchés.

Le bas prix de la main-d??uvre suisse ne nous a paru vraiment sensible que sur les articles légers, dont la fabrication leur a été en quelque sorte abandonnée ; mais déjà nous avons prouvé que la fabrique lyonnaise pourrait livrer à la vente ces étoffes légères au même prix que Zurich ; nous renvoyons donc nos lecteurs aux réflexions qui ont suivi la nomenclature de chaque article de l?exposition. Avec les améliorations que nous venons d?indiquer et celles que nous réclamerons plus bas, Lyon pourra conserver encore long-temps son antique supériorité.

Toutefois, ce n?est pas un hors-d??uvre ni une excursion dans le domaine de la politique ; il est naturel de rappeler que c?est aux dissensions intestines de l?Italie que Lyon a dû l?héritage de la fabrication des soies. C?est aussi à la révocation de l?édit de Nantes que la Suisse, l?Angleterre, la [2.2]Prusse et l?Autriche furent initiées à cette fabrication par les malheureux réfugiés français. Spitafield, centre de la fabrique anglaise, leur donna une hospitalité dont le prix lui a été bien payé. ? La révolution française, et toutes les commotions qui ont suivi depuis n?ont fait qu?enrichir l?étranger à nos dépens. C?est toujours ainsi que la richesse et le génie émigrent d?un peuple à un autre.

On ne doit point oublier que la soie est le premier élément de la fabrique de soieries de Lyon quoique toutes les matières entrent dans sa consommation. C?est donc de ce précieux fil dont il faut augmenter la cultureii, encourager le perfectionnement du filage et du moulinage. Il faut aussi, en facilitant l?écoulement de la matière première, détruire le monopole des marchands de soie, monopole qui, cette année, s?est montré dans toute sa laideur. On peut lui attribuer la principale cause de la stagnation des affaires, et c?est aussi le prix élevé de la soie qui s?opposera pour quelques mois encore, à l?activité de la fabrique. La crainte d?une baisse empêche la fabrication, et par suite le travail.

Prévenir le retour d?une semblable spéculation, à laquelle nous ne savons quel nom donner paraît plus urgent qu?une nouvelle exposition ; car celle-ci existerait sans résultat si l?élévation factice de la soie, tenait en suspens vendeurs et acheteurs ; point de sécurité, point de commerce possible.

Nous croyons que dans l?intérêt de la fabrique l?on devrait s?occuper immédiatement d?ouvrir un marché public pour les soies grèges ou ouvrées ; pour les laines et cotons comme il en existe pour d?autres matières, pour les denrées ; on devrait encore établir une maison de dépôt pour la vente des étoffes fabriquées par les petites ou grandes fabriques, ouvrir une ou deux foires par année pour toutes les étoffes françaises ; encourager toutes les inventions tendant à perfectionner les procédés de la fabrication ; créer un musée industriel dans lequel serait exposé tout ce qui a rapport aux industries lyonnaises. Ce serait une imitation du conservatoire des arts et métiers de la capitale. Nous développerons ces vues plus amplement dans d?autres numéros.

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