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8 février 1835 - Numéro 21
 

 




 
 
     

BUREAU SPÉCIAL

d’indication pour la fabrique d’étoffes de soie.

[1.1]Dans notre premier numéro, nous avons développé les moyens par lesquels nous pensons doter notre fabrique d’une institution qui doit remplir une lacune immense, en réunissant dans un centre commun, tout ce qui peut intéresser les personnes attachées directement ou indirectement à la fabrique d’étoffes de soie ; car son étendue, la multiplicité de ses détails, laissent bien souvent les ouvriers dans l’ignorance de ce qui peut leur être le plus avantageux, et c’est toujours le hasard qui est le dispensateur des moyens à l’aide desquels chacun cherche à satisfaire ses besoins.

Il s’est écoulé quatre mois depuis l’époque où nous proclamâmes notre systême d’indication ; l’annonce de notre entreprise fut saluée avec reconnaissance. L’initiation à des poursuites judiciaires vint jeter une entrave à nos projets et en retarda l’exécution ; d’autres circonstances sont encore venues se joindre à celle dont nous parlons, et nous ont conduit à une autre poursuite, par laquelle nous avons été condamnés à un mois de prison et deux cents francs d’amende pour avoir donné un souvenir à la mémoire de nos frères, morts dans les journées de novembre !…

Malgré les obstacles que nous avons rencontrés dans notre carrière, notre résolution n’a rien perdu de sa force, de sa persévérance. Nous avons promis, et si le succès ne couronne pas notre œuvre, nous ne voulons pas qu’on nous accuse d’avoir manqué à nos devoirs. Les nôtres sont de travailler à l’amélioration de nos frères par des voies pacifiques et de conciliation ; nous nous y sommes engagés solennellement, ainsi nous ne nous retirerons que lorsque notre foi dans l’avenir sera éteinte ! Mais comme notre foi est ardente, comme nos convictions sont profondes, rien ne saurait les affaiblir ! Notre voix, quoique faible, sera entendue, et nous verrons, nous n’en doutons pas, tous les ouvriers en répondant à notre appel, venir apporter leur tribut à la réalisation des projets utiles et bienfaisans, dont nous tentons l’exécution.

Nous venons donc satisfaire à un besoin depuis long-temps senti, et jamais complètement rempli ; nous prévenons les chefs d’atelier qu’à dater de jeudi prochain, le bureau d’indication sera ouvert depuis 10 heures du matin jusqu’à 2 heures, et depuis 4 heures du soir jusqu’à 6.

Dans ce bureau, il sera tenu note de tous les objets à vendre, à prêter ou à échanger ; du placement des apprentis, des ouvriers, de la rédaction de tout acte sous seing privé. On donnera l’adresse des maisons de fabrique [1.2]qui disposeront des métiers, et celle de toutes les personnes desquelles les chefs d’atelier ont ordinairement besoin. Il sera tenu note des divers procédés de fabrique, dont on pourra prendre connaissance.

Nous prions les chefs d’atelier de vouloir bien nous prêter leur assistance, en nous communiquant tout ce qu’ils croiront pouvoir intéresser leurs confrères.

UN MOT SUR L’ÉTAT ACTUEL DE L’INDUSTRIE.

Il serait difficile de trouver une classe plus perverse, plus dévorante, plus prodigue et plus athée que celle des fabricans d’aujourd’hui.

D’abord, comme le fabricant ne produit rien par lui-même, comme il transmet seulement des produits, comme il exerce le métier de crocheteur en grand, comme, en fin de compte, il travaille fort peu, et qu’il ne fabrique que de belles paroles, ce dont Dieu sait comme il s’acquitte, il semblerait que dans l’échelle industrielle il dût occuper le dernier degré, qu’il dût être le moins considéré ; et le moins rétribué des salariési, et placé sur la même ligne que le marchand de cirage dont il est la plus haute expression.

Le fabricant est le chancre rongeur de notre industrie : il attaque la production à sa source ; et puis il abuse de l’indigence des travailleurs, il paye les façons ce qu’il veut, il traite enfin l’ouvrier comme un esclave qui chaque jour reçoit par ses bourreaux des coups de nerf de bœuf et contraint encore de dire merciii

Et c’est que le nombre de ces chancres rongeurs est énorme ; car sur cent, quatre-vingt-dix-neuf sont de trop. Ainsi l’ouvrier et le consommateur n’auraient besoin que de quelques fabricans de soie, de quelques épiciers et de quelques autres vendeurs de choses nécessaires à la vie (on comprend que nous ne parlons que de la fabrique). Lyon a, je crois, cinq cent trente-quatre maisons de fabrique ; un jour sans doute l’industrie sera organisée, et cette foule anarchique sera remplacée par une seule ; mais est-ce qu’en attendant, une dixaine de maisons ne pourraient pas suffireiii ? l’économie serait immense pour les [2.1]ouvriers et pour les acheteurs. Qu’on ne dise pas que ces dix maisons ne pourraient suffire ; car une seule suffirait, comme on verra à une époque plus ou moins rapprochée. En effet, puisque les fabricans ne produisent rien, il ne serait donc besoin que d’un vaste magasin avec des compartimens consacrés à chaque catégorie, avec des commis plutôt polis que galans, plutôt studieux que bavards, plutôt vertueux que complaisans, sous la surveillance d’une probité capable.

Il y a un point dans l’industrie actuelle, que la critique doit surtout attaquer : c’est qu’on peut être ouvrieriv ou fabricant sans savoir rien, sans valoir rien. Un homme médiocre et intrigant a quelque argent devant lui ; il s’établit et voilà un fabricant de plus, qui bien souvent ne sait ampouter une planche de courant (article le plus simple de la fabrique), il ne sait pas même connaître un cours corrompu, etc. Et cependant malgré son ignorance, il dira imbécile aux ouvriers qui connaissent parfaitement leur état. Les hommes étrangers à notre fabrique ne voudraient pas croire que ce fabricant-là croit avoir de l’esprit en comptant ses écus et en se promenant d’un bout de ses magasins à l’autre ; ou bien en disant à ses commis : Faites des rabais sur les façons des ouvriers, et si les ouvriers n’y consentent pas, menacez-les de mettre les métiers à bas, etc.

Or, ceci n’est pas un état normal ; on devrait ne pouvoir ouvrir un établissement semblable qu’avec des certificats de probité et de capacité, et si après avoir obtenu ces certificats on se laissait aller à la fièvre du gain, si on livrait aux acheteurs ignorans des étoffes qui ne valussent rien, oh ! anathème ! C’est un voleur… Chassons-le du temple.

L’ouvrier a le cœur plus grand que le commerçant, et ceci tient à une cause depuis long-temps indiquée par Jésus : c’est que la richesse et le contact de la richesse corrompent ; ainsi Jésus ne dit pas : Bienheureux les pauvres ! mais : Bienheureux les pauvres d’esprit ! C’est-à-dire ceux qui ne désirent pas les richesses ; car parmi les pauvres il y a des brigands : ce sont ceux qui désirent devenir riches. – Or, c’est le petit nombre : la plupart des ouvriers ne veulent que vivre en travaillant. – Les commerçans, au contraire, sont riches ou dans le voisinage du riche, possesseurs ou envieux d’opulence : aussi sont-ils maudits par Jésus, qui en savait bien autant que le pape, Fourier et Enfantin !

En outre, comme les commerçans sont des gens de manière, il y a une cause toute matérielle qui les rend plus malhonnêtes gens que les ouvriers. La position des ouvriers est sans doute beaucoup plus mauvaise que celle des fabricans : ils sont condamnés toute leur vie à la misère, aux privations et quelquefois aux humiliations. Mais cette noble misère est préférable à la sale joie d’un fabricant qui a trompé ses ouvriers et ressucé leur sueur, ou bien qui a dupé des acheteurs trop honnêtes pour n’être pas si crédules. De-là ces expressions de négocianlisme, mercantilisme si admirablement créées pour caractériser des habitudes fangeuses qui dégradent l’homme. De-là ces roueries astucieuses qu’on ne peut punir que moralement ; enfin mille autres friponneries dégoûtantes, dont plus d’une jolie femme a eu à se repentir… Oh ! finissons-en, et nous, ouvriers, ne pensons maintenant qu’à l’organisation du travail qui doit nous mettre à l’abri du joug des fabricans. Dieu fera le reste, et dans une autre vie, sans doute, Dieu viendra avec sa grande verge pour punir le riche qui a opprimé le pauvre… Et nous dirons : Bienheureux les pauvres, car le royaume de la paix leur appartient.


i. A part quelques rares talens dignes d’estime dont nous, ouvriers, savons apprécier tout le mérite.
ii. Mot que nous disons souvent afin d’avoir une nouvelle pièce.
iii. Pour moi, je dis : Oui ; car en choisissant les capacités de notre fabrique, elles ne s’encombreraient pas pour régir nos dix maisons. Ainsi le reste est nuisible, il n’est qu’une crasse ignorante pour dévorer le pain du travailleur.
iv. Voir le conseil des prud’hommes du numéro 19 dans l’affaire de Poly et Chappelle.

Souscription gratuite pour la fondation d’une vente sociale d’épiceries, devant commencer la réforme commerciale :

MM. Michel Derion, 100 f.
[2.2]Ferrand Antoine, 1 f.
Charles L., 10 f.
Carse, 1 f.
Conte, 1 f.
Jean Erfourth, 25 f.
Louis, 1 f.
Crozet, 5 f.
Dache, 25 c.
Charpy, 25 c.
Chirpu, 30 c.
Carrilhon, 25 c.
Noget, 50 c.
Ferrand, 40 c.
Mlle Fournier, 50 c.

Total. 146 f.

ÉLECTION DES PRUD’HOMMES.

section de bonneterie, bas et tulles.

Lundi 2 février, à 5 heures du soir, dans la salle des mariages, à l’Hôtel-de-Ville, a eu lieu la nomination de trois prud’hommes, en remplacement de MM. Berthaud, Cochet et Jarnieux.

Membres réélus.

MM. Cochet, Berthaud.

M. Chasselet a remplacé M. Jarnieux.

section de dorure, passementeries, etc.

Mardi 3 février, à onze heures du matin, a eu lieu, dans la même salle, la nomination de trois prud’hommes, en remplacement de MM. Alloignet, Putinier et Warin.

Membres réélus.

MM. Putinier, Warin.

M. Ville a remplacé M. Alloignet.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Audience du février.

présidence de m. ribout.

Sur dix-huit causes appelées, trois ont été retirées, cinq ont fait défaut et trois ont été renvoyées, soit à huitaine, soit en arbitrage.

Lorsqu’une apprentie s’absente du domicile de son maître, ce dernier peut-il prétendre à la résiliation des engagemens avec indemnité ? – Non ; l’atelier sera mis sous la surveillance, et s’il y a récidive, le conseil accordera la résiliation.

Ainsi jugé entre les mariés Rivolet, et Dlle Chol, apprentie.

Un chef d’atelier qui a résilié les engagemens d’une apprentie moyennant une indemnité que les parens doivent lui payer, ces derniers n’étant pas dans la possibilité de le faire pour le moment, peut-il exercer son recours contre le chef d’atelier chez lequel l’apprentie s’est replacée ? – Non ; attendu que l’apprentie ne s’est replacée qu’en cette qualité. Néanmoins le conseil a autorisé le chef d’atelier à inscrire sa créance sur le livret lorsqu’elle sera compagnonne, si d’ici là les parens ne l’ont pas satisfait.

Ainsi jugé entre Cottarel, Juliette, chefs d’atelier, et Dlle Chauvet, apprentiei.

Un chef d’atelier, lorsqu’un compagnon a travaillé chez lui sans déposer son livret, peut-il le renvoyer sans lui donner sa huitaine ? – Non ; attendu que si l’ouvrier est dans ses torts de ne [3.1]pas avoir remis son livret, le chef d’atelier ne l’est pas moins de l’avoir occupé sans exiger cette remise.

Ainsi jugé entre Fournier, chef d’atelier, et Rat, compagnon.

Néanmoins le conseil a cru dans cette audience pouvoir passer outre vis-à-vis d’un compagnon qui, ayant pris un métier pour quelques jours seulement, en remplacement d’un autre ouvrier qui avait été forcé de s’absenter (ce dont il avait été averti), réclamait sa huitaine sans avoir déposé son livret. Cette dernière circonstance ayant été considérée comme une preuve de son entrée précaire dans l’atelier, il a été débouté de sa demande.

Lorsqu’on prend une apprentie ourdisseuse à gages, pour trois ans, et que, la renvoyant au bout de deux ans, elle réclame son salaire, peut-on faire valoir la nullité de sa réclamation, attendu qu’on prétend ne lui devoir qu’à l’expiration de la troisième année ? – Oui ; si telles ont été les conventions écrites. Mais si elles ne sont que verbales et combattues contradictoirement par les parties, le conseil juge alors dans le sens ordinaire des engagemens de ce genre qui se font à tant l’année, et a accordé à la Dlle Millet, ourdisseuse, la somme de 40 fr., déduite de celle de 60 qui lui avait été promise par la dame Périer pour les trois années entières. Les avances faites seront compensées.

Dans l’affaire de MM. Lucquins frères, et Bernard, chef d’atelier, qui était pendante depuis un mois et demi, pour arbitrage, ce dernier formait quatre demandes.

La première portait sur un huitième qu’il prétendait lui avoir été retenu antérieurement à sa créance.

La seconde, sur le prix des châles. La troisième, sur un châle qui n’avait pas été porté à façon. Et la dernière, sur le remboursement d’une citation.

A l’égard de la première demande, le conseil a décidé que toutes les fois qu’un chef d’atelier reçoit d’un marchand d’ustensiles des objets que le négociant pour lequel il travaille est chargé de payer, d’après leurs conventions, le montant de la somme, quoique porté sur le livre postérieurement au jour où la livraison a été faite, peut être considéré comme avance à partir de l’époque où, avec facture, les ustensiles ont été remis au chef d’atelier ; attendu qu’il a joui dès ce moment des avantages qui ont déterminé les transactions avec le négociant. Or comme la retenue ne remontait pas à une date antérieure à la livraison des objets, le chef d’atelier a été débouté de sa demande sur ce point.

Sur la seconde prétention, comme MM. Lucquins, trouvant les châles trop légers, ont fait ajouter un coup de fond, ce qui fait deux coups au lieu d’un qu’ils avaient précédemment, le conseil a décidé qu’ils seront payés à quarante-cinq centimes le mille, au lieu de quinze francs le châle, prix auquel ils avaient été marqués.

Sur la troisième demande les parties étaient d’accord entr’elles avant l’audience.

Enfin comme MM. Lucquins frères avaient fait défaut, ils ont été passibles de tous dépens.


i. Nous pensons que cette garantie est sans valeur, attendu que l’apprentie n’étant pas majeure, peut se refuser à cette inscription ne s’étant pas engagée par elle-même.

Il est assez dans l’usage de la maison Tocanier frères, de faire monter des métiers, sans que la façon de l’étoffe que ces métiers font, soit suffisante pour indemniser le chef d’atelier de ses frais de montage. Ces messieurs, pour se soustraire à l’indemnité que le conseil accorde dans cette circonstance, commencent par faire chômer huit ou quinze jours ; après ce temps ils déclarent au chef d’atelier qu’ils ne peuvent pas continuer son métier, et l’invitent à se placer ailleurs. Si ce dernier le démonte avant que tous les comptes soient réglés, lorsqu’il demande l’indemnité, ces messieurs offrent alors de donner de l’ouvrage, certains qu’ils sont que le chef d’atelier sera forcé de refuser et par conséquent de perdre ses droits.

C’est une affaire de ce genre qui a amené devant le conseil les sus-dénommés avec le sieur Murat, qui réclamait pour un montage, vu qu’il avait fait plus de frais qu’il n’avait fait de façon. Ces messieurs n’ont offert de donner une pièce, que lorsque le sieur Murat se trouvait dans l’impossibilité de l’accepter. 28 jours s’étaient écoulés depuis que le métier avait cessé de travailler. Le négociant voulait invoquer la prescription ; mais les membres qui étaient au conseil, voyant que le chef d’atelier était fondé dans ses réclamations, renvoyèrent les parties le surlendemain au [3.2]greffe, par-devant messieurs Troubat et Charnier, pour que l’indemnité fût réglée. Par un inconcevable oubli, le sieur Murat a été débouté de sa demande ; et cependant il était encore dans les délais, cependant il était certain que son métier n’a été démonté que sur l’assurance que les sieurs Tocanier avaient donnée de ne pouvoir le continuer.

Ce qui nous étonne le plus, c’est que ce soit le prud’homme qui ait le plus combattu l’odieuse prescription d’un mois, qui ait déclaré qu’attendu qu’il y avait 28 jours que le chef d’atelier n’avait plus de pièce, il n’avait pas droit à une indemnité. Telle n’avait pas été la pensée des membres qui décidèrent le renvoi en conciliation.

Alors, s’il fallait admettre cette décision comme un principe, il s’ensuivrait que la prescription pour les réclamations d’un chef d’atelier, lésé par un négociant, ne serait plus que d’un temps plus court encore que celui fixé par l’ancien conseil.

C’est une déplorable erreur ; elle ne doit pas faire loi ; le champ serait trop large pour la cupidité, il l’est déjà assez. Que cet avertissement ne soit pas perdu.

ITALIE, SICILE.

Les fabriques de Palerme, de Milan, de Côme, de Venise, de Florence, de Lucques, de Sienne, de Bologne, de Gênes, qui pendant plusieurs siècles ont joui du privilége de fournir des soieries à toute l’Europe, ont, peu à peu, perdu ce monopole, et plusieurs d’entr’elles n’ont conservé que quelques métiers occupés par leur propre consommation. Il serait très-curieux et très-utile de suivre pas à pas le progrès et le déclin de ces diverses fabriques ; mais ce serait faire l’histoire entière des républiques italiennes ; car, là comme partout, l’histoire du travail, de l’industrie, se lie intimement à l’histoire politique du pays.

Je me contenterai donc de tracer brièvement et par des chiffres l’état présent des fabriques de soieries de l’Italie.

On compte à Gênes de 600 à 800 métiers qui travaillent principalement en velours et en damas.

La Toscane, qui ne prohibe rien, compte encore près de 4,000 métiers que l’on peut répartir ainsi :

A Florence et ses environs, 3 200
à Sienne, 400
à Lucques, 400

Ces métiers fabriquent les lustrines, les serges, les satins pour le Levant et quelques damas.

On n’évalue, terme moyen, qu’à six pièces par an, le travail de chaque métier ; ce qui provient de ce que le tissage est une occupation accessoire, confiée presque exclusivement aux femmes, qui sont obligées de vaquer aux travaux domestiques une partie de la journée.

On compte à Milan et ses environs, 400 Métiers
à Côme et sur les bords du lac, de 2 500 à 3 000
à Turin, 3 000 à 4 000
à Bologne, 1 500 à 1 800
à Faverges, 1 000 à 1 100
à Rome, 1 000
à Naples, 300 à 400
à Naples, dans la fabrique royale, 130

ESPAGNE.

L’Espagne a possédé jadis des fabriques considérables de soierie à Séville, Grenade, Ségovie, Tolède, Cordoue, Murcie, Valence, Sarragosse, Valladolid, Medina-del-Campo, Burgos, etc. Don Ustaritzi1 dit qu’au 15e siècle et 16e siècle on comptait, dans Séville et ses environs, 16,000 métiers en soie qui, en moyenne consommation, employaient 260 à 300 onces de soie par an et dont le produit total s’élevait à 11,000,000 de piastres.

En 1478 et 1494, sous Ferdinand et Isabelle2, on trouve déjà des réglemens au sujet de la fabrication et de la vente des brocards de soie. Il paraît donc que l’Espagne connaissait [4.1]l’industrie de la soie avant la France et l’Angleterre. Il est à supposer que les Maures qui lui ont tant laissé, lui laissèrent aussi cette source de richesses qu’ils avaient eux-mêmes importée d’Orient.

Il existe encore des fabriques de soie en Catalogne et dans le royaume de Valence ; mais il faut qu’elles soient bien arriérées, puisque, malgré les énormes droits et les restrictions qui pèsent sur nos soieries, l’Espagne en consomme beaucoup.

(Un Mot sur les Fabriques étrangères, de M. A.-D.)


iThéorie et pratique du commerce et de la marine. Madrid, 1724.

NÉCROLOGIE.

JACQUARD.

Joseph-Marie Jacquard naquit à Lyon, le 7 juillet 1752. Son père, Jean-Charles Jacquard était maître-ouvrier en étoffes d’or, d’argent et de soie ; sa mère, Antoinette Rive, liseuse de dessins, autre branche de la même industrie ; son aïeul, Isaac-Charles Jacquard était tailleur de pierres à Couzon. Cette humble généalogie vaut bien un titre de noblesse : elle montre d’où partit Jacquard pour s’élever, sans autre secours que la persévérance de son caractère, au rang des bienfaiteurs de son pays.

La vie de Jacquard fut pénible et agitée. Ses premières années s’étaient passées dans l’atelier d’un relieur de livres ; mais un secret pressentiment de sa destinée, qui le tourmentait déjà, empêchait qu’il ne se fixât dans ces régions inférieures du travail. Contre l’usage des familles lyonnaises, ce jeune homme, fils d’un maître-ouvrier, n’avait pas voulu prendre le métier de son père ; la profession de relieur ne l’arrêta pas davantage. Plus tard, on le retrouve marié et dirigeant une petite fabrique de chapeaux de paille, dans une maison que ses parens lui avaient laissée. Cette maison fut brûlée dans le siége de Lyon, en 1793 ; et quand les proconsuls de la nation vinrent décimer ceux des habitans que la mitraille avait épargnés, Jacquard se vit compromis dans la proscription.

Un fils qu’il avait dans les rangs de l’armée républicaine le sauva de ce danger. Le pieux jeune homme couvrit son père d’une cocarde tricolore, lui mit un fusil à la main, le coucha sur les contrôles d’un bataillon, et ils marchèrent ensemble vers la frontière. Peu de temps après, ce digne fils expirait, frappé d’une balle, sous les yeux de celui qu’il venait d’arracher à la justice de Couthon1.

Bientôt Jacquard trouva des protecteurs parmi ceux-là même qui l’avaient proscrit. Il put revenir à Lyon et s’y livrer à l’étude de la mécanique, vers laquelle l’entraînait un penchant que les circonstances contribuèrent à développer.

Dans le prochain numéro nous tracerons l’histoire de ses découvertes, telle qu’il l’exposait lui-même à quatre-vingts-ans, devant la Chambre de Commerce de Lyon et le docteur Bowring, au récit duquel nous emprunterons ces détails.

(Revue Lyonnaise2.)

NOUVELLES.

On écrit de Besançon :

Un pan considérable du rocher sur lequel est bâti notre citadelle, près de la Porte-Taillée, s’est détaché de la montagne, mardi au soir, vers neuf heures, et est tombé avec un horrible fracas sur un bâtiment qui servait à l’exploitation d’une tannerie. Ce bâtiment a été écrasé, abîmé instantanément sous cette ruine, avec les marchandises qu’il contenait, et qu’on travaille maintenant à déblayer. Par bonheur, il ne se trouvait personne dans la tannerie au moment de l’accident : lorsqu’il a eu lieu, deux ouvriers venaient d’en sortir.

(Journal de l’Aube1.)

[4.2]– Les Etats-Unis ont eu avec la France, en 1833, un mouvement commercial, que le tableau général de l’administration des douanes porte à 73,835,905 fr. en importation d’objets nécessaires à l’industrie, et de produits naturels ou manufacturés ; et en exportations, à 107,984,153 fr., achats de nos produits.

Des sociétés de tempérance, tendant à augmenter dans l’Union la consommation du sucre, du thé ou du café, au détriment de celle de nos vins et eaux-de-vie, s’organisent avec succès. Des manufactures créées comme par enchantement menacent déjà les marchandises européennes d’une redoutable concurrence : quand le décroissement qui doit être la conséquence d’un pareil état de choses viendra réduire le chiffre de nos ventes à l’Amérique, les ouvriers en soie de Lyon seront encore plus malheureux. Grand Dieu ! comment serons-nous donc ?…

HYGIÈNE.

Il en coûte souvent plus aux riches pour se rendre malades que pour se guérir ; mais la maladie apauvrit constamment celui qui pourvoit à ses besoins par son activité.

– Les remèdes inutiles, ceux qu’on appelle de précaution, ont souvent plus de dangers qu’une maladie.

(Connaissances utiles.)

AVIS.

Le 25 janvier dernier, Auguste Baron, âgé d’onze ans, a disparu du domicile du sieur Dominique Baron, son père, perruquier à Lyon, rue Bellecordière, n° 4.

Signalement. – Taille ordinaire pour son âge, cheveux et sourcils châtains, front moyen, yeux bruns, nez épaté, bouche moyenne, menton à fossette, visage ovale, teint pâle. Vêtu d’un pantalon et une veste de chasse en drap bleu, d’une blouse en coton bleu rayé, coiffé d’un bonnet grec rouge.

Les personnes qui pourraient donner des renseignemens sur cet enfant, sont priées de les adresser à la préfecture du Rhône, division de la police.

ANNONCES.

En vente :
Au Bureau de l’Indicateur et chez les principaux Libraires de Lyon.
constitution de l’industrie,
ET ORGANISATION PACIFIQUE DU COMMERCE
et du travail;
Par M. Derrion.
Prix : fr.
Au profit du premier fonds social gratuit.

A vendre. Une mécanique en 600, plombs, maillons, arcades et autres ustensiles de fabrique ; chez M. Brachet, rue Masson, n° 29, au rez-de-chaussée.

Notes (ITALIE , SICILE . Les fabriques de Palerme ,...)
1 Geronimo de Uztariz (1670-1733) dont le Theorica y Practica de Comercio y de Marina fut publié en 1724  et traduit en français en 1753.
2 Il est fait référence ici au couple royal, Ferdinand II d’Aragon (1452-1516) et Isabelle Ier de Castille (1451-1504).

Notes (NÉCROLOGIE.)
1 Georges-Auguste Couthon (1755-1794), révolutionnaire français qui dirigea le siège de Lyon en 1793.
2 Il s’agit plus précisément de la Revue du lyonnais, lancée en 1835 par Léon Boitel.

Notes (NOUVELLES.)
1 Probablement ici Le Propagateur. Journal de l’Aube, publié depuis 1820.

 

 

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