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8 février 1835 - Numéro 21
 
 

 



 
 
    
NÉCROLOGIE.

JACQUARD.

Joseph-Marie Jacquard naquit à Lyon, le 7 juillet 1752. Son père, Jean-Charles Jacquard était maître-ouvrier en étoffes d’or, d’argent et de soie ; sa mère, Antoinette Rive, liseuse de dessins, autre branche de la même industrie ; son aïeul, Isaac-Charles Jacquard était tailleur de pierres à Couzon. Cette humble généalogie vaut bien un titre de noblesse : elle montre d’où partit Jacquard pour s’élever, sans autre secours que la persévérance de son caractère, au rang des bienfaiteurs de son pays.

La vie de Jacquard fut pénible et agitée. Ses premières années s’étaient passées dans l’atelier d’un relieur de livres ; mais un secret pressentiment de sa destinée, qui le tourmentait déjà, empêchait qu’il ne se fixât dans ces régions inférieures du travail. Contre l’usage des familles lyonnaises, ce jeune homme, fils d’un maître-ouvrier, n’avait pas voulu prendre le métier de son père ; la profession de relieur ne l’arrêta pas davantage. Plus tard, on le retrouve marié et dirigeant une petite fabrique de chapeaux de paille, dans une maison que ses parens lui avaient laissée. Cette maison fut brûlée dans le siége de Lyon, en 1793 ; et quand les proconsuls de la nation vinrent décimer ceux des habitans que la mitraille avait épargnés, Jacquard se vit compromis dans la proscription.

Un fils qu’il avait dans les rangs de l’armée républicaine le sauva de ce danger. Le pieux jeune homme couvrit son père d’une cocarde tricolore, lui mit un fusil à la main, le coucha sur les contrôles d’un bataillon, et ils marchèrent ensemble vers la frontière. Peu de temps après, ce digne fils expirait, frappé d’une balle, sous les yeux de celui qu’il venait d’arracher à la justice de Couthon1.

Bientôt Jacquard trouva des protecteurs parmi ceux-là même qui l’avaient proscrit. Il put revenir à Lyon et s’y livrer à l’étude de la mécanique, vers laquelle l’entraînait un penchant que les circonstances contribuèrent à développer.

Dans le prochain numéro nous tracerons l’histoire de ses découvertes, telle qu’il l’exposait lui-même à quatre-vingts-ans, devant la Chambre de Commerce de Lyon et le docteur Bowring, au récit duquel nous emprunterons ces détails.

(Revue Lyonnaise2.)

Notes (NÉCROLOGIE.)
1 Georges-Auguste Couthon (1755-1794), révolutionnaire français qui dirigea le siège de Lyon en 1793.
2 Il s’agit plus précisément de la Revue du lyonnais, lancée en 1835 par Léon Boitel.

 

 

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