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15 février 1835 - Numéro 22
 
 

 



 
 
    
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Audience du 12 février.

présidence de m. ribout.

Sur 22 causes appelées, 7 ont été retirées, 2 ont fait défaut et 5 ont été renvoyées, soit à huitaine, soit en arbitrage.

Lorsqu’un chef d’atelier se permet de frapper son élève ; fait constaté par un procès-verbal du commissaire de police et l’attestation de deux médecins, les engagemens sont-ils résiliés ? – Oui. Mais, attendu que le chef d’atelier a contrevenu à la loi du 2 avril 1803, en frappant son apprenti, les conventions ont été résiliées sans indemnité. Néanmoins le père est resté passible de la somme de 50 fr. pour arriéré de tâches. Et comme l’apprenti a encore 8 mois à faire, il ne pourra se replacer qu’en cette qualité, sinon le chef d’atelier rentrera dans ses droits, et la somme fixée sur les écrits lui sera allouée.

Ainsi jugé entre Mermet, chef d’atelier, et Corsin, apprenti.

Lorsque l’agent comptable de la caisse de prêts exerce une contravention envers un fabricant qui n’a pas le livret d’un chef d’atelier emprunteur à la caisse, cette contravention peut-elle être considérée valide lors même que le chef d’atelier a à son avoir entre les mains du fabricant la somme de 120 fr. et qu’il n’est débiteur à la caisse que de 40 fr. ? – Oui ; attendu que le négociant est contrevenu à la loi sur les livrets. Comme le chef d’atelier s’est refusé d’ouvrir sa porte à l’agent comptable assisté de deux membres du conseil, lesquels voulaient connaître le [2.2]fabricant pour qui il travaillait, et qu’il a fallu faire ouvrir par un serrurier, il a été passible des frais d’ouverture.

Ainsi jugé entre Arnaud, négociant, et G....., chef d’atelier.

Lorsqu’un apprenti obtient, par raison de maladie, de passer quelques mois dans sa famille, doit-il rentrer au temps fixé s’il ne justifie pas de la prolongation de son indisposition ? – Oui ; et même comme il s’est écoulé un mois et demi depuis l’époque fixée pour sa rentrée, et que la mère de cet apprenti s’est renfermée dans un système de dénégation, ne voulant pas avouer où était son fils qu’elle déclarait être encore malade ; le conseil a décidé que si lundi, 16 courant , l’apprenti n’est pas rentré, les engagemens seront résiliés et une indemnité accordée au chef d’atelier.

Ainsi jugé entre Durand, chef d’atelier, et Bazin, apprenti.

Lorsqu’un arbitrage a été fait, que les parties ont consenti à la décision qui en a été le résultat, que celle même qui était débitrice a payé le prix stipulé dans la conciliation, peut-elle revenir sur son assentiment, sous prétexte qu’un tiers pour lequel l’objet a été confectionné ne veut pas le recevoir ? – Non ; attendu que le tiers n’était pour rien dans la cause et que le payement qui a été fait est une preuve irrécusable, que le débiteur s’en était rapporté aux experts.

Dans cette affaire il s’agissait de deux planches que le sieur Cornue avait gravées pour le compte du sieur Lazarre. Ce dernier, qui prétendait être remboursé d’une partie de la somme qu’il avait soldée, a été débouté de sa demande.

Lorsqu’un négociant prétend avoir compté à un chef d’atelier la somme de 100 fr. qui n’a point été portée sur le livre de ce dernier, mais seulement inscrite sur la caisse et le livre du fabricant, est-il fait droit au chef d’atelier réclamant le payement de sa créance ? Non ; attendu qu’une expertise a été faite, qui a constaté que le chef d’atelier avait pour habitude de prendre de l’argent à la fin de chaque pièce, et que le jour où le négociant prétendait lui avoir compté les 100 fr. il en avait rendu deux ; par là il a été débouté de sa demande et considéré comme ayant réellement reçu la somme.

Ainsi jugé entre E..... chef d’atelier, et Billion-Candy, négocianti. Comme ces derniers avaient fait défaut et qu’ils ne se sont rendus qu’à une citation, ils ont été passibles des frais.

Vu le défaut d’ordre, nous ne comprenons pas les motifs qui ont étayé ce jugement ; aucune preuve matérielle n’a pu convaincre le conseil que le chef d’atelier avait reçu la somme de 100 fr. Pas d’inscription sur le double livre du chef d’atelier ; seulement cette somme est inscrite sur le double du fabricant et sur le livre de caisse ; qu’est-ce que cela prouve ? Rien ; car on peut bien inscrire une somme quelconque sur ces deux livres, voire sur le grand livre : lorsqu’elle ne figure pas sur le double du chef d’atelier, toute inscription doit être considérée comme non avenue. A quoi servirait donc cet usage, consacré de temps immémorial, d’exiger que les livres des maîtres ouvriers tisseurs soient tenus à parties doubles ? Autant vaudrait dire que le livre du maître tisseur ne peut faire foi en justice. Ce n’est qu’une coutume inutile et incommode, quand on est disposé à payer les façons par une affirmation accompagnée du serment, comme l’a disposé le code civil dans les contestations entre maîtres et domestiques, en ce qui concerne la quotité des gages. Quant à nous, sauf le respect que nous portons aux décisions du conseil, nous ne comprenons pas un jugement de ce genre. Dans ce cas, les chefs d’atelier qui travaillent pour certaine maison feraient bien de prendre leur argent en rendant leur pièce, afin de ne courir aucun danger.

 

 

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