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22 février 1835 - Numéro 23
 

 





 
 
     

AVIS ESSENTIEL.

[1.1]Un chef d?atelier nous a communiqué le fait suivant, que nous nous empressons de publier.

Un fabricant a eu l?incroyable précaution d?antidater la livraison d?une pièce à tisser, afin de se réserver ensuite une preuve irrécusable que le métier n?avait pas fait journée, et que par ce motif il n?avait pu couvrir ses frais de montage ; tandis qu?en fait, c?est le chef d?atelier qui avait été victime d?une attente de pièce. Jugez où va se nicher l?antidate !

On doit concevoir combien est vif le plaisir que nous éprouvons en voyant l?assentiment public sanctionner nos théories d?amélioration industrielle, et les travailleurs s?intéresser à leur mise en pratique. Oui, nous le disons, nous sommes heureux de penser que, grâce à la confiance intelligente des travailleurs et à leur généreux concours, les méditations auxquelles nous nous sommes livrés pour découvrir et indiquer à nos concitoyens les moyens les plus faciles, les plus praticables pour augmenter le bien-être social, ne seront pas sans résultat.

En effet, les nombreux témoignages de confiance qui nous sont parvenus, les efforts spontanés qui se sont manifestés en faveur de la prochaine tentative de réforme commerciale, ne nous laissent plus aucun doute maintenant sur la réussite de l?expérience décisive, que nous avons provoquée en conseillant l?établissement d?une première maison de vente d?articles d?épicerie, d?après le nouveau système commercial.

Encore quelque temps, encore quelques efforts, et sans doute ce ne sera pas seulement de projets qu?il s?agira, mais bien d?exécution, ce qui vaut cent fois mieux.

Maintenant nous n?avons plus à nous occuper de la théorie en elle-même ; elle est comprise, acceptée, cela suffit. Mais nous avons encore beaucoup à dire pour en opérer la réalisation.

On sait que de même qu?une entreprise basée sur des principes incomplets, peut quelquefois marcher avec une apparence de succès, si les hommes qui la conduisent sont intelligens, de même aussi un plan quelconque tant bon soit-il, peut très-bien échouer et ne pas réussir, si l?exécution en est confiée à des hommes incapables et inexpérimentés. C?est là l?écueil à éviter ; tout dépend du pilote qui conduira la barque, et vous le savez, ce pilote est encore inconnu : or c?est de le découvrir qu?il faudra s?occuper actuellement.

Combien la société n?aurait-elle pas besoin de voir à la tête de cette entreprise un de ces hommes de génie [1.2]qui, d?un ?il pénétrant, savent prévoir les difficultés, les empêcher de naître ou les surmonter, au lieu d?être vaincus par elles. Mais il ne faut pas se le dissimuler, ces hommes-là sont rares ; ils ne surgissent ordinairement que pendant l?action, on ne les connaît pas à l?avance. Toutefois, il est bon de chercher à se fixer d?avance sur les principales qualités qui doivent indispensablement se trouver à un degré plus ou moins éminent dans l?homme dont la fonction sera de gérer le commerce véridique.

Pour bien savoir quelles sont les qualités qu?on doit le plus désirer trouver réunies dans la personne du gérant, il faudrait que nous puissions prévoir tout ce qu?il aura à faire et les principales difficultés contre lesquelles il aura à lutter, ce qui n?est guère facile. Toutefois essayons un peu.

Prise dans toute son étendue, l??uvre du gérant, avons-nous dit, sera la conquête du commerce et, plus tard, de l?industrie, au profit du travailleur de tout rang et dans le but d?opérer son affranchissement complet. Or, toute conquête pacifique, ou autre demande, pour être effectuée, un homme hardi, actif, entreprenant, agissant avec une persévérante ténacité. L??uvre actuelle exige de plus, un homme doué à la fois d?une grande bonté de c?ur, d?une fermeté à toute épreuve et d?un grand fonds de probité. Il faut aussi qu?il se soit fait remarquer par un esprit d?ordre et d?économie, qualités indispensables, surtout dans le commencement. Voilà pour son caractère pris en général ; maintenant voyons ses différentes spécialités.

Le gérant doit avoir des connaissances assez étendues sur le commerce et ses ruses, pour pouvoir échapper aux piéges des marchands avec lesquels il se trouvera en rapport pour ses achats. Il serait à désirer que probe par caractère, il fût néanmoins familier avec les roueries commerciales, afin de n?être pas dupé trop souvent.

Il faut aussi qu?il ait une capacité administrative assez remarquable ; car il sera appelé non-seulement à diriger de vastes établissemens et un personnel nombreux, mais il faudra encore qu?il crée ces établissemens et en réglemente chaque partie ; il faudra qu?il forme lui-même son personnel et qu?il en fasse sortir de bons administrateurs, des gérans de second ordre, pour être placés à la tête des établissemens qui seront fondés plus tard ; ajoutez à cela une instruction suffisante pour soutenir une correspondance avec qui que ce soit. Poursuivons toujours.

Pour donner de l?extension à l?organisation commerciale et en répandre les bienfaits sur un plus grand nombre de consommateurs, il sera nécessaire que le gérant [2.1]agisse avec des capitaux de plus en plus considérables et dont il sera responsable nominativement. Or, pour que cette responsabilité ne soit pas illusoire, il faut qu?il possède lui-même quelques mille francs gagnés honorablement, lesquels combinés avec le premier fonds social formé par souscription, puissent présenter aux prêteurs une garantie réelle, seule capable d?inspirer une confiance indispensable.

Voilà tout ce qu?il faut trouver en celui qui se chargera de l?immense et difficile tâche de la réforme commerciale. Que si on dit que cet homme n?existe pas, nous disons, nous, qu?on se trompe et qu?il y en a au contraire plusieurs actuellement perdus dans la foule, qui sans doute, en lisant le programme de capacités que nous venons d?énumérer, se reconnaîtront eux-mêmes, et se manifesteront. Alors il y aura de nouveau quelque chose à faire, et à ce sujet nous devons encore quelques conseils.

On sait que pour le moment des obstacles insurmontables s?opposent à ce que l?amélioration industrielle soit le résultat d?une vaste association à la fois populaire et commerciale. Impossible de penser à imprimer aux fonctions du gérant le sceau d?une élection régulière et complète. Cependant quel est celui, tant capable fût-il, qui oserait se poser en face du consommateur laborieux et lui dire : C?est moi qui suis le plus digne ! Personne n?aurait cette témérité, personne n?oserait assumer sur sa tête la responsabilité d?une entreprise qui a besoin, pour réussir, de l?assentiment et du libre concours de chacun.

Or, pour rassurer la timidité de l?homme à la fois capable et de bonne volonté qui voudrait bien consentir à se charger du lourd fardeau attaché à la fonction de gérant, et pour conserver intact le principe qui veut que tout pouvoir nouveau, toute fonction ayant un caractère social émane de la source où réside la souveraineté, voici ce que nous conseillerions de faire.

A partir d?une époque fixée à l?avance, comme qui dirait, je suppose, le 1er mars, lorsque le nombre des souscripteurs formera un chiffre qui commencera à être respectable ; que les personnes qui spontanément se sont chargées de recueillir des souscriptions, se chargent également, pendant tout le mois désigné, de recueillir l?expression du désir que peut avoir chaque souscripteur de voir commencer l?entreprise par tel ou tel qui a su mériter sa confiance ou dont il a apprécié les qualités positives ; et qu?on agisse de telle manière qu?à la fin du mois celui ou ceux qui auront le plus obtenu de suffrages en soient informés ; alors, sans nul doute, quelqu?un de digne se décidera. Encouragé par la confiance publique, il ne craindra pas que le concours indispensable du consommateur lui manque. Se voyant soutenu, il sentira doubler ses forces ; son c?ur se gonflera d?un noble enthousiasme, et il entrera courageusement dans la carrière des améliorations pratiques.

Alors et dès ce moment, on passera définitivement à l?exécution. Celui qui sera investi de la confiance des souscripteurs, recueillera les souscriptions versées et se livrera aux opérations préparatoires du nouvel établissement.

Or, ces opérations seront : 1° la location d?un magasin dans une situation convenable ; 2° la réunion de capitaux suffisans, échangés contre un titre stipulé de manière à lier l?intérêt du capitaliste prêteur à la prospérité de l?entreprise, sans toutefois que ce titre soit une action non remboursable ; 3° formation d?un personnel de fonctionnaires qui réponde à l?attente du public consommateur ; 4° préparer un système de comptabilité, clair, peu compliqué, qui garantisse une publicité véritable pour tous les intéressés ; 5° consulter l?opinion publique et former, sous son influence, un conseil de surveillance qui soit composé d?hommes représentant tous les intérêts sociaux et possédant déjà une confiance méritée. Lorsqu?il en sera là, le gérant n?aura plus qu?à vous dire : travailleurs, en avant ! marchons à la conquête de notre droit le plus sacré, le plus imprescriptible, celui de vivre en travaillant.

M. D.

[2.2]Souscription gratuite pour la fondation d?une vente sociale d?épiceries, devant commencer la réforme commerciale :

(Troisième liste.)

MM. Bruchet cadet, 5 fr. Pignon, 2 fr. Mlle Jeanbon, 2 fr. Grindelle, perruquier, 2 fr. Humbert, plieur, 1 fr. 50 c. Fontaine, 2 fr. 50 c. Dubost aîné, 2 fr. Martin, propriétaire, 2 fr. Molard, 2 fr. Chuard, plieur, 1 fr. Bornet, 2 fr. Pignon aîné, 2 fr. Carquillat, 2 fr. Mme Hospital, 2 fr. MM. Margue, 5 fr. Montessuy, 1 fr. 50 c. Dutel, 50 c. Reynier fils, 10 fr. Mme Rose Reynier, 25 fr. M. Reynier père, 25 fr. Mlle Elisa Reynier, 5 fr. M. Baptiste Preyre, 5 fr. Mlle Julie Rive, 2 fr. M. Antoine Phyly, 2 fr. Mlle Angélique Millery, 1 fr. M. Jean Cuzin, 1 fr. Mme Mariette T...., 2 fr. M. Romano, 1 fr. Mme Maria Romano, 1 fr. Mlle Rose Reverdet, 2 fr. Mlle Tonine Brochet, 2 fr. M. François Genis, 50 c. Mme Geneviève Gauthier, 50 c. M. Henry, ciseleur, 10 fr. Mlle Eléonore P., 1 fr. M. Edmond Vidal, 5 fr. Murat, 1 fr. A. M. 2 fr. Darle, professeur, 2 fr. Perretier, 2 fr. M. 5 fr. Cristin, 1 fr. 50 c.

Total : 161 fr. 50 c.

Listes précédentes : 252 fr. 40 c.

Total : 413 fr. 90 c.

A M. le Gérant de l?Indicateur.

Monsieur,

Dans l?intérêt de la vérité et afin que chacun porte la responsabilité de ses ?uvres, veuillez me permettre d?informer le public et en particulier la Tribune prolétaire, que je ne suis pour rien, soit dans l?insertion soit dans la rédaction de l?article intitulé : Un mot sur l?état actuel de l?industrie, que contient le n° 21 de l?Indicateur et qui m?est attribué à tort.

Agréez, etc.,

M. derrion.

A propos de cette réclamation de M. Derrion, provoquée, à ce qu?il paraît, par quelque malveillante insinuation de la Tribune prolétaire, nous allons nous expliquer sur l?article qui a été l?objet de sa furibonde déclamation contre l?Indicateur. Notre franchise, la sincérité de nos intentions ne nous feront pas chercher des moyens hors de la vérité ; c?est par nos actes que nous répondrons aux fausses imputations qui pourraient nous être faites. Nous dirons donc que l?article inséré dans le numéro 21, est l??uvre d?un écrivain emporté par l?indignation que lui fit éprouver un fait inoui commis par un négociant de cette ville.

Le gérant hésita plusieurs mois à insérer cet article qui lui paraissait contraire à la doctrine de l?Indicateur ; mais cédant lui-même à un mouvement involontaire produit par des plaintes sans cesse renouvelées des chefs d?atelier, victimes de spéculations vraiment coupables, l?article fut porté à l?imprimerie un peu à la hâte. Mais malgré cela le rédacteur de la Tribune prolétaire ne pourra pas faire prendre le change sur nos intentions conciliatrices et notre caractère dépourvu de haine.

Or, ceci a été une bonne fortune pour la Tribune prolétaire, qui a saisi cette occasion pour nous entraîner sur un terrain de discussions insignifiantes ; car nous devons dire que le rédacteur de ce journal, désolé sans doute de ne pouvoir nous suivre dans ses efforts pour l?amélioration du sort des travailleurs, fait tout ce qu?il pense pour nous distraire de ce noble but, en nous forçant d?engager avec lui une stérile polémique de journalistes.

Comme nous n?avons pas du temps de reste pour l?employer à ennuyer le public en imitant la Tribune prolétaire, nous renvoyons cette polémique au moment où nous aurons plus de loisirs. Seulement nous ferons remarquer en passant qu?en fait de dénonciation mensongère et de style réquisitorial la Tribune prolétaire n?a plus rien à reprocher à certaines feuilles que l?opinion publique méprise.

CONSEIL DES PRUD?HOMMES.

Audience du 19 février.

présidence de m. ribout.

Sur 23 causes appelées, 9 ont été renvoyées, 5 ont fait défaut, et une a été retirée.

[3.1]Lorsqu?une apprentie s?est enfuie de chez son maître, et que dans une précédente audience il a été accordé un délai à la mère pour faire rentrer sa fille, si au temps expiré, elle n?est pas rentrée, les engagemens sont-ils résiliés ? ? Oui. Et attendu que le chef d?atelier ne doit pas supporter la perte de l?absence de son élève, et que la caution est toujours responsable, une indemnité de 200 fr. lui est allouée.

Ainsi jugé entre les mariés Chana, chefs d?atelier, et Peysselon, apprentie.

Lorsqu?un ouvrier teinturier s?est engagé par conventions écrites à faire un gros-noir au poids de 28 onces, en lui donnant le croquant et le brillant que les marchands-fabricans exigent, son maître, sous prétexte qu?il n?a pas atteint son but, est-il en droit de casser les conventions ? ? Non. Attendu que les soies qui ont servi aux deux premiers essais ne peuvent être reproduites, et que le maître teinturier n?a pas fait constater la mal façon. Le conseil ordonne qu?un troisième essai sera fait par l?ouvrier, et que la partie de soie sera expertisée avant d?être livrée. Si elle ne remplit pas les clauses stipulées dans la convention, elle sera annulée, et l?ouvrier sera passible de la somme qui y est stipulée.

Ainsi jugé entre Broyas, maître teinturier, et Blanc, ouvrier.

Lorsqu?un négociant a fait l?avance à un chef d?atelier d?un remisse pour confectionner un velours, à condition qu?il sera remboursé par 1/3 sur les coupes qu?il rendra, ou intégralement s?il cesse de travailler pour la maison, est-il en droit, sous prétexte que le chef d?atelier a mis un apprenti sur le métier, non-seulement de ne plus lui donner d?ouvrage, mais encore de lui faire payer à la première coupe la valeur totale du remisse ? ? Non. Il ne lui sera retenu que le 1/3 comme portent les conventions, un second poil lui sera donné de suite, mais à condition que le maître exécutera par lui-même.

Ainsi jugé entre Niogret, chef d?atelier, et Morieux et Ce, négocians

ECHO DE FABRIQUE.

Un plieur de poil de peluches par fil, ayant appris que certaines maisons de fabriques en ce genre, faisaient plier les poils et les livraient ainsi aux maîtres tisseurs, conçut l?idée de faire concurrence à ceux de ses confrères qui travaillaient pour ces négocians et se présenta dans leurs magasins. Il leur promit non-seulement bonne exécution de sa part, mais ce qui est une plus forte chance de succès, il les assura de 15 centimes de rabais par cent aunes sur le prix qu?ils allouaient à ses prédécesseurs ; il n?en fallut pas davantage pour éveiller le système de spéculation de ces maisons de fabrique, et le pliage lui fut accordé. On avait fait la réflexion toute naturelle, que l?ouvrier en dehors de ces arrangemens, continuerait à payer le prix ordinaire, conséquemment, surcroit de bénéfices, et nous allons voir comme le hasard les servant à souhait et sans leur laisser faire aucuns frais d?imagination, leur fit en quelques jours doubler leurs espérances.

Le plieur qui était dans l?habitude de travailler pour ces maisons, s?apercevant que sa clientelle l?avait abandonné, fit tous ses efforts pour récupérer la bienveillance qu?un antagoniste lui avait enlevée. Quelle fut sa surprise lorsqu?on lui donna pour raison de préférence le rabais qui avait été offert ? A ce récit, lui aussi veut faire acte de générosité, et promet 25 centimes de rabais par cent aunes, si l?on veut renouer affaire avec lui. A son tour, celui qui l?avait supplanté s?aperçevant qu?on lui avait aussi donné du dessous, se présenta de nouveau et offrit encore un rabais de 15 centimes les cent aunes, ce qui fait qu?au lieu de 1 fr. les cent aunes, que l?on payait primitivement, l?on n?en donne plus que 60 centimes.

Vous penserez peut-être qu?avec une différence aussi sensible, les chefs d?atelier sont au moins entrés pour moitié dans le bénéfice ? pas du tout. S?il en eut été ainsi, nous aurions gardé le silence, attendu qu?ils auraient trouvé un avantage sur le prix qu?ils donnent en faisant plier eux-mêmes ; mais loin de là, le pliage leur est compté à raison de 1 fr. 25 c., comme ci-devant : or donc, la surcharge payée par l?ouvrier, vint s?enfouir intégralement dans la caisse de ces spéculateurs qui, satisfaits de cette découverte, obligent les chefs d?atelier qui travaillent pour leur maison, de recevoir leurs poils tout pliés, lors même qu?il leur serait facultatif en les faisant confectionner ailleurs, de payer beaucoup moins quoique tout aussi bien traités. Ainsi, les maîtres ne retirent de ce marché ridicule, que la peine de courir d?un bout de la ville à l?autre pour porter leurs rouleaux et les retourner chercher. Heureux encore quand il ne leur faut pas faire plusieurs voyages !

Nous sommes informés que le sieur Mermet, chef d?atelier, qui par décision du conseil du 12 courant, avait conservé ses [3.2]droits sur le sieur Corsin, apprenti, dans le cas où pendant les huit mois qui lui restaient à faire, il le trouverait à travailler en qualité de compagnon ou de maître, ignorant sans doute du motif général qui guide le conseil des prud?hommes, en empêchant aux apprentis de se placer compagnons avant la fin de leur apprentissage ; ce chef d?atelier, disons-nous, au lieu de comprendre la prévoyance du conseil, a permis, moyennant la modique somme de 15 fr., de travailler de suite où bon lui semblerait à celui qui, par ses provocations sans doute, avait amené les circonstances qui lui ont enlevé la somme de 300 fr. d?indemnité qui était portée sur les conventions, s?il ne finissait pas son temps.

Cette manière d?agir est une véritable prime d?encouragement aux apprentis provocateurs, qui presque tous ont un métier de compagnon qui les attend lorsque, par une insubordination révoltante, ils spéculent sur un accès de colère qui, tôt ou tard leur permette d?escroquer légalement le prix de leur apprentissage, mais le conseil, quoique convaincu de la fraude et de l?ingratitude de l?apprenti, ne peut que condamner celui qui en est victime.

aux électeurs de la deuxième section de soierie.

Dimanche dernier 15 février, comme nous l?avions annoncé, a eu lieu dans la salle d?Henri-Quatre, à l?Hôtel-de-Ville, un scrutin préparatoire, sous la présidence de M. Palluy, doyen d?âge, de MM. Berchoud, Marel, scrutateurs, et M. Sève, secrétaire. La réunion était au nombre de 28 et le dépouillement a produit le résultat suivant :

MM. Berchoud, 12 voix.
Deval, 6 id.
Legras aîné, 4
Palluy, 1
Marel, 2
Armand, 1
Edouard, 1
Bulletin blanc, 1
Total : 28

Aujourd?hui, 22 courant, à dix heures du matin, dans la même salle, aura lieu une seconde assemblée, dans le but de préparer les électeurs de cet arrondissement, à fixer leur choix sur le candidat qu?ils jugeront le plus capable de remplir leurs vues.

Nous engageons MM. les électeurs de cette section à montrer le plus grand zèle à cette réunion, attendu qu?ils sont chargés de représenter ceux de leurs commettans qui n?ont pas le cens électoral et qu?ils doivent, par-là, se regarder comme chargés d?une mission de la plus haute importance.

Il est parvenu à notre connaissance que la 5me section a aussi fixé à-peu-près son choix. Les suffrages semblent se réunir pour M. Bret.

AVIS AUX CHEFS D?ATELIER,

Nous prévenons les chefs d?atelier que le Bureau d?indication est en pleine activité. Nous les prions de vouloir bien nous communiquer tout ce qui peut intéresser leurs confrères. Cet établissement est une amélioration dans la fabrique, son succès dépend du concours général de tous ceux qui se livrent à cette profession. Ils trouveront dans l?administration de cet établissement, célérité, désintéressement et impartialité. Le Bureau est ouvert de 10 heures du matin à 2 heures du soir, et de 5 heures du soir jusqu?à 7.

NÉCROLOGIE.

JACQUARD. ? suite et fin.

Comme nous l?avons fait observer dans notre dernier numéro, aujourd?hui, sur trente-deux mille métiers qu?emploient Lyon et la banlieue, la machine ingénieuse que nous devons à notre illustre compatriote, en fait mouvoir près d?un tiers.

Mais là ne se borne pas l?importance de cette invention. Le métier-Jacquard est partout aujourd?hui, s?appliquant aussi bien aux étoffes mélangées de soie et de laine ou de coton, qu?aux tissus de soie et d?or ou d?argent. Paris compte un assez grand nombre de ces machines ; elles sont installées dans la plupart de nos villes manufacturières, et les étrangers ont appris à s?en servir.

Maintenant la machine de l?ouvrier lyonnais a pris place parmi les plus puissans moteurs de l?industrie. Ce nom, [4.1]prononcé d?abord avec rage dans les ateliers, est populaire dans toute l?Europe. Mais cette gloire est venue tard ; il a fallu que Jacquard fût doué d?une persévérance égale à son génie.

Pendant vingt ans, il lutta péniblement contre l?ignorance et contre l?envie. En 1813, les nouveaux métiers n?étaient pas encore adoptés par l?industrie ; dix ans après, l?Angleterre les importait avec éclat. Cette révolution fut secondée par deux manufacturiers intelligens, MM. Dépouilly et Schirmer. L?histoire ne doit pas oublier, dans le récit de cette courageuse initiative, le mécanicien Breton, ni le fabricant Culhiat. Ces noms sont associés par la reconnaissance publique au nom de Jacquard.

Les fabricans qui les imitèrent, une fois les obstacles aplanis, arrivèrent facilement à la fortune. Ils sont devenus riches, disait un jour Jacquard, et je suis resté dans ma très-modique fortune. Je ne m?en plains pas, il me suffit d?avoir été utile à mes concitoyens. ? Votre ville, lui disait un étranger de haute distinction, n?a pas été à votre égard d?une grande magnificence. Oh ! c?est bien assez, répondit-il, je n?en ai pas tant demandé, et je n?en voudrais pas davantage.

Le désintéressement de Jacquard n?était comparable qu?à la droiture de son c?ur. Il obtint plusieurs brevets d?invention qu?il négligea d?exploiter. Les étrangers lui firent des offres magnifiques : il les refusa sans faste, mais avec fermeté. Peu soucieux de sa fortune, il s?engagea avec le conseil municipal de Lyon, au prix d?une pension modique, à consacrer tout son temps et ses travaux au service de la ville, et à la faire jouir de tout perfectionnement à ses précédentes inventions. En 1819, après l?exposition, il reçut la décoration de la légion d?honneur, distinction dont il était fier, mais qu?il n?avait point sollicitée !?

Sur la fin de sa vie, il s?était retiré dans une maisonnette d?Oullins, à une lieue de Lyon. C?est là que d?illustres voyageurs, des savans, des hommes d?état venaient le chercher, tout étonnés de l?existence modique d?un homme dont le nom était européen ; car ce n?est pas ainsi que les nations devraient récompenser leurs bienfaiteurs. Jacquard se trouvait heureux de cet empressement, mais il n?en concevait aucun orgueil. La gloire avait été pour lui une chose si laborieuse, elle était venue si tard et après tant d?amertumes, qu?il avait bien le droit de la prendre en pitié.

Jacquard s?est éteint, dans cette existence paisible, le 7 août 1834, à une heure du matin. Le lendemain, quelques amis, un très-petit nombre d?admirateurs, accompagnaient sa dépouille au cimetière d? Oullins.

Le 26 août suivant, le conseil des prud?hommes de Lyon ouvrait, par le don de deux cents francs, une souscription pour élever un monument à la mémoire de Jacquard. Au 25 janvier 1835, après six mois, et malgré une immense publicité donnée au projet, la somme des souscriptions n?avait pas dépassé douze mille francs !? Douze mille francs dans cette grande manufacture qui exporte, chaque année, pour cent vingt millions de produits !

On ne dira plus, pour justifier l?égoïsme, que les grands hommes sont honorés du moins après leur mort. Mort ou vivant, Jacquard n?a trouvé dans sa patrie que la persécution, l?indifférence et l?oubli. Il a fallu que l?étranger nous enseignât son nom ; peut-être se chargera-t-il aussi de lui élever un tombeau !?i

(Revue du Lyonnais.)


i. Le beau portrait en pied de Jacquard, par M. Bonnefond, pour la ville de Lyon, a été exposé au salon de 1834.

PRUSSE RHÉNANE.

Les fabriques de Prusse qui pendant les guerres de l?Empire fournissaient les velours et les rubans de velours, avaient pris un grand développement ; mais depuis que la paix a renversé tant d?entraves et ouvert de si vastes débouchés, le nombre des métiers et des fabricans a presque doublé.

L?existence et la main-d??uvre sont plus chères qu?en Suisse ; mais comme les capitaux y sont abondans et accumulés [4.2]dans l?industrie, que la population y est active, intelligente, instruite et éclairée, leur esprit d?entreprise les porte à explorer tous les marchés du monde. En général, les fabricans y sont en même temps négocians, ce qui fait que, n?existant pas d?intermédiaire, cela les met à même de nous faire concurrence sur nos propres marchés, malgré les droits protecteurs de 15 à 20 pour cent.

ANCIENNE PRUSSE.

La révocation de l?édit de Nantes en 1685, ayant fait émigrer une grande quantité de Français protestans, les riches gagnèrent l?Angleterre ou la Hollande, mais les pauvres, au nombre de vingt mille, se réfugièrent dans le Brandebourg, et jetèrent les fondemens des manufactures qui enrichissent le pays.

En 1755, on comptait à Berlin 1,185 métiers, tant en étoffes de soie qu?en rubans étoffes de soie mêlées de laine et bas de soie. En 1773, on comptait 1,332 métiers. En 1797, il y en avait 2,313. On compte maintenant à Berlin près de 3,000 métiers.

Les façons y sont plus élevées qu?à Lyon et même qu?en Angleterre ; et cependant l?ouvrier de Berlin se plaint, se trouve malheureux, et gagne difficilement sa vie. Il faut donc que l?ouvrier de ce pays soit inhabile ou que le chômage, de son fait ou de celui du fabricant, soit encore plus considérable que dans nos fabriques.

AUTRICHE. ? VIENNE.

Les progrès des fabriques de ce pays sont fort douteux ; leurs produits mélangés laine et soie ne peuvent plus soutenir la concurrence des articles analogues de la Prusse et de l? Angleterre. Leurs châles de laine sont presque le seul article qui se vende hors de l?empire. On porte à 12,000 environ le nombre des métiers, tant à Vienne que dans les environs, employés soit de soie, de soie et laine, soie et coton, châles, manteaux, rubans et galons.
Il paraît que depuis la paix le nombre des métiers a plutôt diminué qu?augmenté. Mais l?introduction des métiers à la Jacquard qui date seulement de dix à douze ans, a naturellement dû augmenter la quantité de travail exécuté dans les articles façonnés.

On peut porter le nombre total des métiers, tant de Vienne que des provinces, à 24,000 ; mais il est impossible qu?ils puissent suffire à la consommation de l?immense empire autrichien.

RUSSIE.

L?on fait en Russie des velours, des peluches, des petits droguets, des damas pour meuble, des taffetas et des mouchoirs ; mais toutes ses étoffes sont de la médiocrité la plus marquée, et ces fabriques se traînent, parce qu?elles ne vivent que d?une vie artificielle.

(Un Mot sur les Fabriques étrangères, de M. A.-D.)

? On a trouvé un livre d?ouvrier ainsi que trois jointes, appartenant à M. Journet ; le maître peut le réclamer au bureau du Journal.

RÉCLAMATION.

Dans le numéro de dimanche dernier, à l?article souscription pour le fonds social d?épicerie, au lieu de M. Noul, cafetier, 5 fr. et MM. Lierkens et Alexandre, 2 fr., lisez M. Roux, cafetier, 5 fr., et M. et Mme Gierkens (Albert), 2 fr.

ANNONCES.

A vendre, pour livrer toutes préparées, plusieurs mécaniques de rencontre à dévider, rondes, longues et rangs à marche de toutes grandeurs, et à un prix très-modéré.
S?adresser, place Croix-Paquet, à M. David, mécanicien inventeur breveté des nouveaux dévidages et canetages ; lequel change celles construites sur ses nouveaux procédés, avec les anciennes.

? Un atelier de deux métiers en 600, tout travaillant avec leurs accessoires, ainsi que le mobilier, à vendre. S?adresser au bureau.

 

 

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