Retour à l'accueil
22 février 1835 - Numéro 8
 
 

 



 
 
    

Elections du Conseil des Prud’hommes.

[1.1]Les élections de la section de soieries du conseil des prud’hommes auront lieu les sept et huit mars prochains. Dix-sept nominations seront faites.

Les membres réélus trouveront dans une nouvelle marque de confiance la récompense de leurs travaux passés ; ils y puiseront de nouvelles forces pour leurs travaux futurs. Ceux qui ne seront pas réélus pourront philosophiquement se consoler avec ce Spartiate, qui se félicitait que sa patrie eût trouvé trois cents citoyens plus dignes que lui ; ils pourront ensuite réfléchir, et sur les vicissitudes de la faveur populaire, et plus encore, Sur la manière dont ils auront rempli leur mandat.

Nous voudrions n’avoir des paroles de blâme pour personne, parce que blâmer irrite sans corriger ; cependant c’est notre devoir d’exprimer l’opinion et nous accomplirons ce devoir, quoiqu’il nous en coûte ; mais auparavant quelques considérations préliminaires ne seront pas sans importance ; elles feront le sujet de cet article.

Plût à Dieu que notre voix fût assez puissante pour se faire entendre de tous et porter des paroles conciliatrices au milieu de tous les intérêts divergens. Loin d’aigrir les esprits, nous sentons la nécessité de les rallier, et notre langage se ressentira de cette disposition où nous sommes.

Nous dirons aux négocians : vous êtes intéressés plus que qui que ce soit au maintien de l’ordre, vous avez donc le plus grand intérêt à réprimer ces petites injustices qui aigrissent l’ouvrier et lui font déverser sur toute une classe les récriminations que quelques-uns seulement méritent ; ne l’oubliez pas : l’injustice est la goutte d’eau qui creuse le rocher, et à un temps donné le rocher s’écroule. Punissez donc l’injustice individuelle pour que la masse n’en souffre pas. Nous leur dirons : votre fortune, votre position sociale, vos lumières vous défendent suffisamment, ce n’est pas vous qui avez besoin de protecteurs ; vous savez, parce que vous le pouvez, vous savez vous défendre vous-même. Ce sont donc des arbitres, des hommes de paix et de conciliation qu’il vous faut choisir, plutôt que, d’âpres et colères tribuns.

Nous dirons aux fabricans : Cessez en ce jour de malheureuses et folles dissensions, dont les ennemis de votre émancipation triomphent. C’est l’union morale qui fait la force, plus encore que l’union physique ; et celle-là est inattaquable, aucune loi ne peut l’atteindre. Vous étiez unis en octobre 1831 ! Quel mauvais génie vous a inspirés, n’ayant tous qu’un seul intérêt, qu’un seul but, de vous obstiner à marcher dans des voies différentes. La route la plus droite et la plus large est toujours la meilleure ; faites donc sur l’autel de Minerve prolétaire le sacrifice de vos animosités, de vos jalousies individuelles, ce sont ces animosités, ces jalousies qui vous ont fait rétrograder de la voie du progrès, où vous étiez entrés ; acceptez enfin ce toast à la concorde, que l’un de vous portait dans cette fête ouvrière, [1.2]qui n’a pu avoir de suivantei. – Réunis ensuite dans une même pensée, choisissez quelques-uns parmi les plus dignes, et que ceux-là soient vos chefs naturels ; entourez-les de votre confiance ; la confiance est nécessaire réciproquement ; ne la donnez donc pas légèrement, mais ne la retirez pas non plus par caprice. Il vous faut des hommes, non-seulement probes, ce n’est qu’un devoir ; non-seulement consciencieux et justes, c’en est un autre ; mais fermes, la fermeté est une vertu ; éclairés et capables, la capacité est un don providentiel.

Nous dirons encore aux ouvriers le contraire de ce que nous avons dit aux négocians. Nous leur dirons : vous avez besoin d’être protégés, parce que vous ne pouvez être vos protecteurs à vous-mêmes. Vos prud’hommes doivent donc être toujours des arbitres, mais ils doivent aussi être vos tribuns.

Nous dirons enfin aux candidats : savez-vous quelle charge vous assumez sur vos têtes ; il faut plus que de la bonne volonté pour ne pas succomber sous le faix ; être prêts à toute heure à entendre vos collègues ; les conseiller, les concilier, faire respecter leurs droits. Voilà votre devoir, car vous n’êtes pas seulement des juges ; pour y parvenir, vous devez faire abnégation même de vos intérêts privés.

Nous avons dit :

Quelques jours sont encore donnés ; il est temps de se préparer à ces élections, dont nous n’avons pas besoin de faire ressortir l’importance, abstraction faite de toutes les considérations sociales et politiques dont l’examen nous est encore interdit. Il faut employer le temps qui reste non à des intrigues occultes, non à des commérages de coteriesii, mais à une appréciation consciencieuse des candidats. Il faut se rendre compte des diverses candidatures, en discuter les mérites sans prévention, sans engouement, sans esprit de camaraderie, sans subir en un mot aucune influence que celle du bien public.

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique