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15 mars 1835 - Numéro 26
 

 




 
 
     

aux partisans de l’amélioration industrielle.

[1.1]Bientôt tout ce qui avait quelque droit de distraire le public travailleur des graves questions d’amélioration industrielle se trouvera accompli, terminé. Le carnaval, avec ses folles joies, ses travestissemens grotesques, ses burlesques ou satiriques allusions, a déjà passé devant le peuple spectateur et aussi quelque peu acteur : disons-lui adieu jusqu’à l’an prochain, et travaillons à le rendre plus gai, ou si vous voulez moins triste pour le grand nombre des travailleurs de notre ville, que celui qui vient de s’écouler.

Des opérations plus sérieuses, relatives à la nomination des prud’hommes s’achèvent aussi aujourd’hui, et hâtons-nous de le dire, le choix des élus manifeste de nouveau combien la confiance publique est intelligente et sage.

Mais voilà que le champ reste libre et attend les hommes à idées largement réformatrices.

Que ceux-là dont la prévoyance étendue ne se contente pas de regarder un jour de joie factice ou d’occupations électorales comme un remède suffisant aux maux présens et à venir de la société, se préparent à entrer dans l’arène pour y poser la base de l’institution dont nous avons publié l’ébauche, institution qui aura puissance d’abolir successivement tous les abus industriels et commerciaux, dont l’effet oppresseur s’appesantit sur les populations laborieuses.

Sentez-vous le soleil transformer par sa douce influence les jours ténébreux et froids de la rude saison d’hiver ? Que ceci soit pour nous un symbolique encouragement, et devienne le régulateur de notre conduite. Au moment où la nature fait des efforts pour se soustraire aux frimats sous lesquels elle semble engourdie, que par analogie, ce même moment soit aussi pour nous une époque d’efforts pour nous soustraire à la tyrannie commerciale, principe malfaisant de toutes nos misères.

A l’exemple de la nature, surmontons le froid égoïsme qui comprime et glace notre cœur. Laissons-nous pénétrer par ce chaleureux sentiment qui nous fait vivre, non pas seulement pour nous tout seul, mais qui unit notre vie à celle de la grande famille humaine, et nous en fait ressentir toutes les douleurs, comme aussi toutes les joies. Travailleurs, si vous voulez être bons !
Si vous voulez être justes !
Si vous voulez être heureux !
Unissez-vous d’intention avec tous les travailleurs, et comprenez la fraternité universelle !

Or, voici bientôt le moment où l’on connaîtra celui qui aura compris et celui qui n’aura pas compris ; où l’on se [1.2]dira le nom de celui qui aura vécu d’égoïsme, et aussi de celui qui aura ouvert son cœur à la générosité.

Et cependant je vous le dis : beaucoup cacheront leur avarice et leur mauvais vouloir sous le masque d’une indifférence jouée et d’une ignorance volontaire.

Beaucoup prendront pour prétexte de s’abstenir la défiance exagérée qui existe entre les hommes. Objection immorale ! croyance impie ! qui s’opposerait à tout progrès, à toute amélioration, si elle avait le malheur de devenir générale.

D’autres, et ce seront les plus dangereux et ceux contre lesquels il faudra se tenir le plus en garde, d’autres, ne pouvant croire dans leur jalousie vaniteuse à une autre réalisation que celle des rêves ambitieux enfantés par leur imagination malade, rêves qui n’ont pour but que de faire ressortir la fausse valeur de leur individu, mettront en usage pour combattre ce qui est bien, toutes les ressources d’un amour-propre blessé. Des paroles de dérision sortiront à foison de leur bouche, des écrits insidieux, des protestations hypocrites seront prodiguées, et au besoin, la calomnie servira leur haine pour tout ce qui ne sort pas de leur superficielle et présomptueuse intelligence.

Dès le commencement dédaignez leurs vaines clameurs, car l’opinion publique les aura bientôt jugés. Ils ne tarderont pas à recueillir le juste prix de leurs œuvres malveillantes, et quelque chose qui ne sera ni le mépris ni le dédain, mais qui ressemblera plutôt à de la pitié sera l’unique châtiment dû à leurs coupables tentatives pour arrêter le genre humain dans sa marche de réforme industrielle.

Mais combien il en sera différemment de ceux qui, n’écoutant qu’une impulsion généreuse, auront selon leurs facultés, contribué à la fondation d’une institution réformatrice des abus de la concurrence commerciale. Satisfaits d’eux-mêmes, ils éprouveront ce contentement intérieur qui accompagne toujours une bonne action, surtout lorsqu’elle est sociale. Plus tard, ils seront heureux et fiers d’avoir cru que la probité et la bonne foi ne sont pas tout à fait bannies de dessus la terre. Oh ! croyez-le avec eux, il y a encore des honnêtes gens au monde. Il y a encore des hommes dévoués qui ne veulent pas que tout soit sacrifié à leur égoïsme, et qui ont encore quelque souci des intérêts sociaux. Or, ce sont ceux-là qui nous aident de leurs conseils ; ce sont ceux-là, qui spontanément, s’occupent de la préparation à la réforme commerciale ; ce sont ceux-là qui souscrivent pour la fondation des premiers établissemens de vente sociale. Et nous vous le prédisons, les noms de ceux-là deviendront glorieux et respectés. Un temps viendra où ils seront répétés par toutes les bouches, [2.1]avec cet accent de reconnaissance qui est plus éloquent que les louanges de l’adulation. Et qui sait même si quelque jour, une colonne érigée par nos heureux descendans ne retracera pas aux générations futures, les noms modestes et bienfaisans que l’Indicateur commence à enregistrer !

Quoiqu’il en soit, nous faisons aujourd’hui un appel positif à tous ceux qui nous lisent et nous aiment. A tous les partisans de l’amélioration industrielle nous disons : ayez confiance dans l’avenir, et préparez-le par votre coopération active à l’entreprise de réforme commerciale.

M. D.

ÉLECTIONS GÉNÉRALES DES PRUD’HOMMES.

fabricans.

MM. Ribout, Gaillard, Bender, Joly aîné et Pelin ont été proclamés membres titulaires ; et MM. Roux, Robert, Troubat et Dervieux ont été proclamés membres suppléans.

chefs d’atelier.

Première section.

Votans. 151
Au 1er tour de scrutin, M. Falconnet a obtenu 71 voix.
M. Berger, 37
M. Dumas, 28
Voix perdues, 15
Total, 151voix.

Aucun candidat n’ayant obtenu la majorité, on a procédé à un second tour de scrutin.

Votans, 116
M. Falconnet a obtenu 69 voix.
M. Berger, 33
Voix perdues 14
Total. 116

M. Falconnet a été proclamé membre suppléant.

Deuxième section.

Votans, 137
Au 1er tour de scrutin, M. Roussy a obtenu 65 voix.
M. Deval, 33
M. Berchout, 28
M. Valentiny, 5
M. Legras, 3
Voix perdues, 3
Total, 137

Aucun candidat n’ayant obtenu la majorité, on a procédé à un second tour de scrutin.

Votans, 103
M. Roussy a obtenu 59 voix.
M. Berchout, 23
M. Deval, 17
M. Legras, 3
Voix perdues, 1
Total, 103

M. Roussy a été proclamé membre suppléant.

Troisième section.

Votans, 142
M. Perret a obtenu 121 voix.
M. Bofferding, 8
M. Bouillon, 7
Voix perdues, 6
Total, 142

M. Perret a été proclamé membre titulaire.

Quatrième section.

Les électeurs de Vaise appartenant à cette section, n’ayant pas reçu leurs lettres d’électeurs et n’ayant été invités que par un simple avis d’un agent de police pour se rendre à l’assemblée élective, les électeurs de Saint-Paul ont protesté contre cette [2.2]manière de faire ; et l’élection a été renvoyée au dimanche 15 mars.

Cinquième section.

211 votans.

Comme les électeurs ont porté M. Bret (Charles) et un autre M. Bret en croyant porter le même candidat, l’élection a été nulle ; et comme à la fin du dépouillement du scrutin un grand nombre d’électeurs était absent, M. le président a trouvé à propos de renvoyer l’élection au dimanche suivant 15 mars.

Sixième section.

Dans cette section l’un des candidats, M. Millet, n’ayant pas voulu accepter, les électeurs ont été convoqués pour le lendemain. Voici le résultat.

Votans, 106
M. Milleron a obtenu 77 voix.
M. Lamarre, 14
Voix perdues, 15
Total, 106

M. Milleron a été proclamé membre titulaire.

Septième section.

Votans, 113
M. Dufourd a obtenu 87 voix.
M. Martinon, 16
Voix perdues,10
Total, 113

M. Dufourd a été proclamé membre titulaire.

Huitième section.

Votans, 81
M. Verrat a obtenu 65 voix.
M. Charel, 8
Voix perdues, 8
Total, 81

M. Verrat a été proclamé membre suppléant.

aux électeurs des prud’hommes de la 7me section.

(2me de la Croix-Rousse.)

Dimanche dernier, n’étant pas présent au dépouillement du scrutin, je n’ai pu répondre à la demande qui a été faite par un électeur, au nom de l’assemblée ; je prends la voie du journal pour m’acquitter d’un devoir que je considère comme sacré ; car il s’agit, dans cette circonstance, de répondre à la confiance qui m’ont value les suffrages de mes confrères.

Je dois donc dire, que pendant le peu d’instans que j’ai pu rester dans la salle où avaient lieu les opérations, un seul électeur me demanda si j’accepterais un mandat impératif, en un mot, si je me retirerais, si l’on n’obtenait pas au conseil la libre défense. Je répondis d’abord, que je ne croyais pas que toutes les sections soient unanimes pour imposer ce mandat, et qu’au surplus, ce moyen n’aurait peut-être pas toute l’efficacité que l’on paraissait en attendre. J’ajoutai encore, que mes intentions étaient connues ainsi que mon dévouement à la cause des travailleurs, que si je me refusais d’accepter une telle condition, ce n’était pas pour me soustraire à un devoir, mais que c’était pour rester livré à la libre impulsion de ma conscience, voulant avoir par moi-même le mérite d’être un digne mandataire ou la honte d’en avoir méconnu toutes les obligations.

L’électeur qui m’avait interpellé ne parut pas insister davantage, et là, se termina à peu près notre entretien.

Je fus forcé de quitter la salle avant le dépouillement du scrutin, ce que je regrette beaucoup ; car si j’eusse pu rester, j’aurais évité des doutes sur mon compte, que je m’empresse de dissiper sur la demande que fit à haute voix le même électeur dont j’ai parlé, qu’il me fut prescrit de faire tous mes efforts pour obtenir la libre défense, un autre ayant mal interprété mes paroles, répondit que je n’en étais pas partisan. Je déclare que la libre défense est un droit naturel, [3.1]que si elle était admise au conseil, il en résulterait un avantage immense pour ceux qui n’ont pas la faculté de pouvoir énoncer facilement leur cause et que la religion des juges serait toujours mieux éclairée.

Ainsi, j’adhère aux vœux qu’ont exprimés les électeurs qui m’ont honoré de leurs suffrages. Ces vœux concordent avec ma volonté de travailler à pouvoir les satisfaire. Ce peu de paroles suffisent pour démontrer mes intentions ; d’ailleurs, c’est par des actions qu’un homme franc et généreux doit faire sa profession de foi. Ce sont des actions qui m’ont acquis l’estime de mes commettans ; c’est par elles que je veux toujours continuer de la mériter. L’estime publique est un encouragement aux efforts généreux et en est la récompense. L’encouragement m’est donné ; la récompense, j’espère l’obtenir.

Ant. dufour.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Audience du 12 mars.

présidence de m. putinier.

Sur 20 causes appelées, 5 ont été retirées, 3 ont fait défaut, 5 renvoyées, soit à quinzaine soit à huitaine, et sur 3 qui devaient paraître sur citations, deux ont été jugées par défaut.

Lorsque depuis longtemps une apprentie est sous la surveillance d’un membre du conseil qui constate que la mauvaise conduite, le peu d’application et les procédés vicieux de cette apprentie se renouvellent chaque jour, le chef d’atelier peut-il faire résilier les conventions ? – Oui. Et le conseil considérant que les parens doivent supporter les fautes de leurs enfans et non les chefs d’atelier chez lesquels ils ont été placés, condamne le père à 200 fr. de défraiement, résilie les conventions, et l’apprentie ne pourra se replacer que comme telle.

Ainsi jugé entre Léris, chef d’atelier, et Peillon, apprentie.

Un chef d’atelier qui occupe depuis 5 mois un ouvrier, est-il admis, si ce dernier a mal confectionné son étoffe tout le temps qu’il a resté chez lui, à lui faire supporter intégralement le rabais coté par le fabricant ? – Non. Attendu que le chef d’atelier ne devait pas garder aussi longtemps un ouvrier qui était incapable de bien faire (ce compagnon n’a que 16 ans), le conseil a décidé que la perte serait réversible par moitié entre les deux parties.

Ainsi jugé entre Tridon, chef d’atelier, et Thévenon, ouvrier.

Un apprenti qui précédamment a bien fait, qui s’est même gagné de l’argent après ses tâches, et qui non content de ne vouloir plus rien faire se permet de manquer à son maître lorsqu’il lui fait des observations, le chef d’atelier est-il en droit d’exiger la résiliation des engagemens ? – Oui. Attendu qu’il est suffisament constaté par le membre du conseil, chargé de la surveillance, qu’il y a mauvaise volonté de la part de l’apprenti, le conseil résilie les conventions, alloue une indemnité au chef d’atelier, et l’apprenti ne pourra se replacer que comme apprenti. Les arriérés de tâches seront payés au chef d’atelier.

Ainsi jugé entre Mestre, chef d’atelier, et Narabutin, apprenti.

AVIS.

MM. les souscripteurs dont l’abonnement expire le 21 mars sont priés de le renouveler, s’ils ne veulent éprouver du retard dans l’envoi du journal.

A L’INDUSTRIEL DE RHEIMS.

Ce n’est pas sans étonnement que nous avons lu un article du Journal de l’Aube, reproduit par le Censeur dans son numéro 94, du 10 mars 1835. Il était ainsi conçu :

[3.2]L’Industriel, journal de Rheims, signale la découverte d’une sorte de larcin pratiqué dans quelques villes de fabrique, et contre lequel nous croyons devoir mettre en garde nos fabricans.

Le 18 de ce mois, M. Desmont, l’un des principaux fabricans de Rethel, s’aperçut qu’un de ses ouvriers peigneurs lui avait dérobé de la laine. De plus amples informations lui apprirent encore que le même ouvrier se rendait tous les quinze jours chez le même receleur, y portant chaque fois une bonne provision de laine. La justice est saisie de l’affaire : « Puissent ses efforts, dit l’Industriel, délivrer la fabrique d’un fléau qui la blesse au cœur. »

« Ce n’est pas seulement à Rheims et à Rethel, ajoute le Journal de l’Aube, que l’on a à se plaindre de ces soustractions. Il y a quelques jours, la police de Louviers a été mise sur la trace d’un vol semblable de la part de quelques ouvriers infidèles auxquels le tissage est confié, et qui trouvent à trafiquer de leur vol avec des individus qui ne craignent pas de s’associer à ce honteux commerce. Des fils de laine et de coton sont journellement soustraits de cette manière ; l’individu chez lequel ces fils ont été saisis est sous la main de la justice.

« Il est difficile d’apprécier tout le tort que causent aux fabricans les délits de cette nature ; c’est un mal qui se répète chaque jour, et qui offre de désastreux résultats au bout de l’année.

« Elbeuf a pris des mesures pour en atténuer les effets ; un service spécial de surveillance et de police y est monté. Les fabricans se sont réunis pour pourvoir aux frais qu’il nécessite ; ils ont en tout appui et tout concours de la part de l’autorité.

« Les fabricans de Lyon sont depuis long-temps victimes de vols de ce genre commis par les ouvriers en soierie, associés avec de riches receleurs. Les tentatives des fabricans pour arrêter ces vols, ont été impuissantes en face de l’adresse des ouvriers et du mystère impénétrable qui entoure les receleurs. »

Si nous avons reproduit cet article en entier, c’est pour faire voir à nos lecteurs combien l’Industriel de Reims est éloigné de connaître l’organisation de la fabrique de Lyon, et pour dire au rédacteur de ce journal, qu’il a induit en erreurs ses lecteurs, en supposant que les ouvriers en soie de Lyon peuvent voler des matières aux fabricans, sans que ceux-ci puissent y mettre ordre : et nous allons le prouver.

Lorsque le chef d’atelier a monté son métier, il va chercher sa pièce au magasin ; le fabricant écrit sur un livre double, dont l’un appartient au chef d’atelier et l’autre au fabricant, le poids, l’aunage de la pièce et même le prix de la façon du tissage. Le poids de la trame est encore écrit sur le même livre et toujours séparément avec celui de la pièce. Lorsque l’étoffe est fabriquée, nous la rendons au fabricant ; il écrit sur notre livre l’aunage rendu, le poids de l’étoffe et celui des matières qui n’a pu entrer dans la confection de la pièce. Le fabricant ajoute à l’avoir du chef d’atelier, 3 et 1/2 pour cent sur les cuits et 4 et 1/2 sur les crus, gros noir, laines et cotons. Après cela, on balance les comptes. Si l’ouvrier est en solde, le fabricant lui retient le prix sur ses façons ; mais si le fabricant, au contraire, devait une avance, il doit le payer à l’ouvrier. En conséquence, on voit par ce calcul qu’il est de toute impossibilité à un chef d’atelier de voler des matières à un fabricant, comme le dit l’Industriel. Or, nous croyons qu’il a confondu ce vol inventé avec le piquage d’once, qui s’opère de la manière suivante : Le chef d’atelier, ayant toujours au moins 3 et 1/2 pour cent de déchet, à titre d’indemnité sur l’étoffe fabriquée, il arrive quelquefois, que si ce chef d’atelier a de l’ordre et des soins tout particuliers dans son atelier, il aura au bout de quelques temps une avance qui fait ouvrir de grands yeux au fabricant, et dont celui-ci, s’il n’est pas honnête, par un chiffre accolé adroitement, détruit cette avance ; d’autres un peu moins rapaces ne le payent que 5 fr.i les 100 grammes ; mais comme nous avons de bons fabricans qui payent les avances 6 fr. 50 c., comme aussi à leur tour, les chefs d’atelier payent ce même prix ; il résulte donc de cette mauvaise organisation, dont les piqueurs d’once savent profiter, un commerce qui ne fait pas honneur aux fabricans qui ne payent pas 6 fr. 50 c. les 100 grammes.

Après ce détail, on voit que si un chef d’atelier porte ses déchets à un piqueur d’once, c’est parce que le fabricant, pour lequel il travaille, ne lui en donne pas le prix d’autant [4.1]plus vrai, que le piqueur d’once fait un énorme bénéfice et que celui qui achète en dernier ressort, y gagne encore davantage. Mais la raison la plus légitime pour laquelle l’ouvrier vend ses déchets à un piqueur d’once, est au bout de la plume d’un fabricant qui raye les avances de celui qui s’est donné beaucoup de peine pour les amasser.

Voilà une ébauche réelle de ce qu’on appelle voler les fabricans. Nous laissons au public à juger si c’est l’ouvrier ou le fabricant qui est le voleur.

Maintenant nous prions les rédacteurs des journaux qui ont inséré l’article du Journal de l’Aube et surtout son auteur, de faire droit aux chefs d’atelier de Lyon, indignement calomniés en insérant dans leur feuille, nos observations.


i. Comme les crus ne valent que 5 fr. les 100 grammes, sans doute ces fabricans en profitent pour ne les payer qu’au même prix.

C’est vendredi 20 mars que notre procès doit se terminer, attendu que M. le procureur du roi en avait rappelé du jugement rendu, qui nous condamnait à 200 fr. et à un mois de prison ; notre gérant vient d’être cité par-devant la cour royale.

LYON.

Je ne voulais parler que des fabriques étrangères ; mais après avoir examiné leur position, j’éprouve le besoin de dire quelques mots sur Lyon, son passé, son présent et son avenir.

Il n’est pas en Europe de situation plus naturellement commerciale que celle de Lyon ; et l’on comprend que dès qu’il a existé des hommes dans ce pays, ils ont dû le choisir d’abord pour s’y donner rendez-vous, afin d’échanger le produit de leurs grossiers travaux, et plus tard pour s’y établir et commercer.

Aussi, bien avant l’alliance de Rome, Lyon et ses habitans étaient déjà célèbres dans les Gaules par leur commerce. Cette alliance augmenta beaucoup l’importance de la ville de Lyon, et pendant long-temps, elle fut le marché le plus considérable et le plus fameux de l’empire romain.

La chûte de Rome, entraîna aussi la chûte du commerce de Lyon ; mais les avantages de la position l’y rappelèrent bientôt, et ce furent les Italiens qui, étant à cette époque les plus habiles commerçans du monde, le rétablirent.

Comme ils avaient obtenu de grands priviléges, le commerce et l’industrie de Lyon restèrent long-temps dans leurs mains, et ils devinrent, pour ainsi dire, maîtres de la ville où ils étaient cantonnés par nation : les Florentins, les Gênois, les Piémontais qui, tous, avaient des priviléges particuliers. Peu à peu les Suisses et les Allemands s’introduisirent à côté des Italiens, leur firent concurrence et devinrent presque aussi puissans qu’eux.

A la fin les Lyonnais, instruits par ces divers étrangers, furent assez forts pour se passer d’eux ; et tous les priviléges qu’on leur avait accordés leur furent successivement retirés. Les Italiens ne relevèrent pas seulement le commerce de Lyon, ils fondèrent son industrie.

A côté de celle de la soie, bien d’autres ont fleuri qui peu à peu se sont éteintes ; et parmi elles je citerai la chapellerie, l’une des plus importantes et des plus anciennes ; elle doit son déclin à l’établissement de manufactures de chapeaux dans toutes les villes considérables de l’Europe, et de l’Amérique.

La fabrique de dorures autrefois si puissante, qui a perdu, par le changement des modes et par l’altération des titres, le débouché si considérable du Levant.

L’industrie cotonnière qui, avant que l’Angleterre y pensât, occupait à Lyon jusqu’à 2,000 métiers qui produisaient pour plus d’un million de livres tournois en futaines et en basins, dont la chaîne était en lin ou en chanvre et la trame en coton. Voici comment M. d’Herbigny, intendant de la généralité de Lyon, qui écrivait en 1698, explique sa chûte : « Le premier inconvénient qui a mis ce commerce si bas, est l’augmentation de 20 livres tournois sur l’entrée du coton filé, dont cette fabrique ne peut se passer, l’autre est la cherté des denrées dans Lyon, principalement du vin… Il s’est établi de ces manufactures en Flandres, à Marseille et autres lieux où elles peuvent mieux se soutenir, parce que les droits n’y sont pas, à beaucoup près, aussi gros qu’à Lyon. »

Il faut que notre sol convienne bien à l’industrie de la soie et qu’elle y ait poussé de bien profondes racines ; car, depuis sa création, bien des crises terribles l’ont ébranlée, qui semblaient devoir l’anéantir.

Les plus fortes furent bien certainement celles qui suivirent la révocation de l’édit de Nantes et le siége de Lyon. Quoique j’aie déjà parlé des conséquences de cet acte extraordinaire, je ne puis résister au désir de citer, [4.1]à ce sujet, un passage d’un ouvrage très-utile et fort remarquable, que publie M. Stéphane Flachat (l’Industrie1).

« Après la mort de Colbert, le mouvement industriel et commercial de la France s’arrêta : la révocation de l’édit de Nantes porta à notre industrie un coup dont les conséquences sont incalculables. L’esprit d’invention naît toujours de l’esprit d’examen. Une partie de nos plus habiles manufacturiers étaient protestans ; ils durent émigrer, et emportèrent du sol natal plus que des capitaux, le talent et l’expérience qui savaient les mettre en œuvre. De combien de richesses cette fatale mesure n’a-t-elle pas privé la France ! combien de débouchés lui a-t-elle fermés ! »

Avant la Révolution, Lyon comptait 18 mille métiers, tant pour l’uni que pour les différens genres. Ils consommaient annuellement 10 à 12 mille quintaux de soie, dont un tiers en soie de pays. Le façonné que les effets de la guerre et de la Révolution ont entièrement détruit, tombait peu à peu et était remplacé par l’uni.

Tous les documens consultés tendent à prouver que, de 1600 jusqu’à 1686, époque de la révocation de l’édit de Nantes, le nombre des métiers s’était élevé de 6 à 9,000 et même 12,000 ; plus tard, et entre autres années, en 1699, il était au-dessous de 4,000 d’après M. Roland de la Platière2, inspecteur des manufactures ; de 1,750 environ jusqu’en 1786, il s’éleva et se maintint à peu près à 12,000, variant cependant quelquefois de 2 à 3,000, par suite de la disette des soies, des deuils prolongés, des guerres ruineuses, des changemens du goût et de la mode, etc. De 1786 à 1788, le nombre des métiers s’éleva, momentanément, de 15 à 18,000 ; c’était sans doute une des conséquences du traité de commerce de 1786. Par ce traité, l’Angleterre maintenait bien la prohibition des soieries françaises ; mais comme beaucoup d’autres articles étaient admis, la contrebande dût devenir plus facile et plus considérable.

En 1789, le nombre des métiers fut réduit à 7,500. De 1795 à 1800, conséquence du siége et des guerres, il varia de 2,500 à 3,500. De 1801 à 1812, beau temps de l’empire, il se releva sans presque jamais dépasser 11 à 12,000. Mais dès la paix de 1815, l’échange des produits avec tous les pays du monde étant devenu facile, l’impulsion donnée à la fabrication fut prodigieuse, et le nombre de nos métiers s’éleva bientôt à 20,000. De 1820 à 1823, il fut porté à 24,000. Et de 1824 à 1825, époque des plus fortes expéditions pour l’Amérique, il dépassa 27,000, dont 18,000 dans la ville et 9,000 dans les faubourgs. Ce mouvement d’extension et d’activité avait été trop précipité pour pouvoir se soutenir ; une crise terrible aux Etats-Unis fut une conséquence des spéculations inconsidérées de 1823, 1824 et 1825, et par réaction, un calme long et profond désola notre industrie et consomma les épargnes faites par nos ouvriers pendant les bonnes années. En 1826, presque tous les métiers à la Jacquard étaient à bas, et je n’exagère pas en disant que de 27,000 le nombre total de nos métiers était réduit à moins de 15,000.

On comprend que, dans un pareil moment, le débouché de l’Angleterre apparut comme une providence.

Les conséquences immédiates de ce nouveau débouché furent la vente de beaucoup de marchandises fabriquées, et la mise en activité d’un grand nombre de métiers. La somme des importations directes et indirectes des soieries de Lyon, de Saint-Etienne et Saint-Chamond, s’éleva, dès la première année, à plus de 25,000,000 francs.

(Un Mot sur les Fabriques étrangères, de M. A.-D.)

INDICATIONS.

[4.2]A vendre. 6 métiers complets avec des ustensiles bien conditionnés, et un mobilier considérable.

– A vendre. Une mécanique en 400.

– A prêter. Plusieurs peignes 5/4 de 45 dents au pouce ; 3/4, 4/4 de 50 dents au pouce ; 3/4 de 66 dents 1/2 au pouce ; un 37 portées 1/2 en 11/24 ; plusieurs battans 5/4 à rats, 3/4 pour étoffes légères, et un pour rubans à quatre pièces, avec 8 navettes. Plus, des tampias de diverses grandeurs. Un peigne de 42 portées 1/2, en 3/4 ; un trente portées, en 1/2 ; un 25 portées, en 11/24, et une garniture de douze lisserons, en 3/4.

– On demande un apprenti pour toutes sortes de façonnés.

– A vendre. 4 rouleaux en 6/4 et un remisse de 60 portées, en 4/4. Ce remisse est en coton ; il est presque neuf.

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ANTOINE CURVAT
Fabrique toutes sortes de cordes pour arcades, colets à crochet, lisage, enlaçage et tout ce qui concerne la fabrique de soieries ; à des prix modérés.
Rue de Cuires, à la Croix-Rousse.

A vendre, pour livrer toutes préparées, plusieurs mécaniques de rencontre à dévider, rondes, longues et rangs à marche de toutes grandeurs, et à un prix très-modéré.
S’adresser, place Croix-Paquet, à M. David, mécanicien inventeur breveté des nouveaux dévidages et canetages ; lequel change celles construites sur ses nouveaux procédés, avec les anciennes.

– A vendre. Deux métiers en 400, travaillant en 8 chemins.
S’adresser au bureau.

Notes (LYON . Je ne voulais parler que des fabriques...)
1 Référence à L’Industrie. Exposition de 1834, rédigé par le saint-simonien Stéphane Flachat (1800-1884).
2 Jean-Marie Roland de la Platière (1734-1793), économiste et homme politique français, il avait été nommé inspecteur des manufactures à Lyon en 1784.

 

 

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