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29 mars 1835 - Numéro 28
 

 




 
 
     
LYON, le 29 mars.

[1.1]Deux intérêts bien distincts donnent l’impulsion à l’activité humaine ; l’un est juste et bienfaisant, et l’autre est honteux et coupable ; l’un opère un mouvement producteur et avantageux pour tous, et l’autre d’une main avide s’approprie des fruits que l’activité commune produit. C’est dans le premier que résident les élémens du progrès humanitaire, et c’est dans le second que résident les élémens du désordre qui enfante tant de maux. En un mot, l’un est le génie du bien, et l’autre est le génie du mal.

L’intérêt individuel qui s’isole de toute pensée sociale, qui circonscrit son activité dans un cercle étroit de principes égoïstes, est l’obstacle incessant des améliorations, dont le besoin se manifeste avec énergie dans les classes laborieuses. C’est contre cet intérêt que nous élevons notre voix ; c’est à en affaiblir la funeste influence, c’est à flétrir ceux qui s’y soumettent aveuglément et qui en font leur idole, que nous voulons consacrer nos instans. Nous n’avons pas la présomption de croire que le succès viendra immédiatement couronner nos efforts ; mais le sentiment que nous avons de tous les devoirs que nous impose notre mission, nous garantira du découragement ; et nous poursuivrons notre tâche avec persévérance et franchise ; nous la poursuivrons en amis des travailleurs, en homme consciencieux, qui se croiraient voués à la honte et au mépris public, s’ils souillaient l’Indicateur en accordant dans ses colonnes une place à de lâches calomnies et à d’impudens mensonges.

Pour démentir les funestes résultats de cet intérêt avide qui se renferme exclusivement dans sa sphère d’individualité, nous n’avons besoin que de rester dans le cercle de notre industrie ; nous y trouverons toutes les preuves nécessaires pour appuyer notre opinion.

Les tiraillemens que notre industrie a eu à subir à différentes époques ; les abus nombreux qui y existent, son insuffisance presque continuelle à pouvoir alimenter tous les bras que parfois elle occupe, sont les tristes effets d’un intérêt que rien ne régularise, et qui pour se soustraire à l’incertitude des lois du hasard, invoque l’assistance de la mauvaise foi et de tout son cortége de ruses et de mensonges : cet intérêt est celui de l’égoïsme.

Il est un autre intérêt individuel craintif et insouciant qui, par sa faiblesse et son inertie, se rend complice des turpitudes de l’égoïsme, en restant neutre dans la lutte entre ceux qu’anime l’amour de l’intérêt général, et ceux qui n’ont d’autre mobile que leur intérêt propre et exclusif.

[1.2]Comme principaux agens du développement de la fabrique d’étoffes de soie ; comme distributeurs de travail, ce sont les négocians qui ont créé les abus : mais si des chefs d’atelier n’eussent pas été eux-mêmes dominés par un intérêt sordide, ces abus n’auraient pu subsister, ils auraient été détruits aussitôt que créés, et le champ n’eut pas resté libre pour en laisser créer une infinité d’autres.

Pour nous renfermer dans des principes justes, nous dirons que plus un homme a de facultés plus il est blamable d’user des moyens que les lois de la justice condamnent. Or, notre blâme sera pour les négocians, et nos conseils pour les ouvriers, bien que parmi ceux-ci il en soit qui commettent des fautes, non-seulement par leur indifférence pour les abus qui existent, mais encore en dépréciant leur main-d’œuvre qu’ils vont offrir à un prix moins élevé.

C’est ainsi que des négocians peu délicats ont pu faire une rude concurrence à des maisons de fabrique de premier ordre et les ont forcées, si elles ont voulu conserver leurs débouchés, de suivre l’exemple contagieux du mal et de ravir aux travailleurs cette partie d’un salaire que leurs besoins réclament impérieusement.

La misère devenant de plus en plus profonde, la fortune de quelques hommes se produisant rapidement, ont dû inspirer à des chefs d’atelier de mettre fin à un tel désordre. La voie de l’association leur parut être le moyen le plus efficace pour atteindre leur but ; et ce fut en 1827 que les premières bases du mutuellisme furent posées. Cette association réunissant des volontés justes, courageuses et philanthropiques, devait opposer une puissance égale à celle qui abusait étrangement de l’isolement et de la faiblesse des ouvriers, et devait amener cette harmonie nécessaire entre les différentes classes qui se livrent à la même industrie.

Un des principes par lesquels le mutuellisme pensait mettre un frein aux abus, était le retrait de la main-d’œuvre à tout négociant indigne. Ce principe, deux fois il en a fait l’application, et deux fois cette application fut infructueuse. Les hommes n’étaient pas encore arrivés à cette saine compréhension de leurs véritables intérêts pour se borner à l’emploi des moyens qui commandaient une longue persistance et des scrupules puissans, pour n’avoir jamais des relations d’intérêts avec ceux que les lois de l’association avaient frappé d’interdit.

Entre le passé et l’avenir, malheur à qui interposerait l’oubli ! Malheur à celui qui, méprisant les graves leçons de l’expérience, se lancerait dans une nouvelle route sans avoir gardé le souvenir de celles qu’il a parcourues ; [2.1]il marchera peu de temps sans rencontrer un écueil qu’il apercevra trop tard pour pouvoir l’éviter.

Si les scrupules d’un honnête travailleur le poussaient à n’avoir pas plus de relations avec celui qui voudrait l’exploiter indignement qu’avec celui qui serait frappé justement d’une condamnation infamante, les exactions seraient moins nombreuses ; car que deviendrait le négociant qui ne trouverait aucun ouvrier qui voulut travailler pour lui, et c’est ce moyen que nous voudrions voir employer à l’égard de certaines maisons de fabrique, dont la conduite aujourd’hui est un vrai scandale. Ce moyen n’est pas nouveau, il s’est employé quelquefois pour certains marchands en détail, qui par ce fait, se sont trouvés forcés de quitter les affaires.

Ce moyen est du domaine du droit naturel ; il est conforme aux loix de la raison, nul ne peut en contester l’emploi. C’est de son application régulière dont nous devons seulement nous occuper.

La presse se présente comme un auxiliaire puissant qui peut reflèter les faits scandaleux et fréquens qui doivent déterminer la rupture de toutes relations avec celui qui se serait rendu coupable par ses méfaits. C’est par ce moyen que les mauvais effets d’un intérêt égoïste seront combattus avec succès. Les travailleurs doivent comprendre que s’ils refusent l’ouvrage d’une main qu’ils méprisent, ce même ouvrage se représentera à eux par une main plus équitable ; la publicité peut bien comprimer les volontés cupides de quelques hommes, à qui la voix de la conscience peut encore se faire entendre. Mais envers ceux que de longues habitudes de fraudes ont enveloppés du manteau de l’impunité, elle est impuissante, car le scandale est leur élément, ils ne reculent pas devant lui. Or, c’est donc à se refuser à tout rapport avec eux qu’il faut s’appliquer ; les instrumens de leur fortune leur étant ravis, ils se trouveront frappés d’inactivité, et leur égoïsme les dévorera sans qu’ils puissent trouver en dehors de leurs stériles facultés, de quoi satisfaire à sa faim vorace.

Le bureau d’indications prend tous les jours de l’extension ; déjà quelques négocians ont compris tous les avantages qu’ils pourraient retirer de cette entreprise. Nous croyons qu’il est utile d’annoncer aux chefs d’atelier que nous avons eu plusieurs visites de négocians, qui nous ont encouragé par leurs conseils et en se faisant inscrire sur le registre d’indication pour divers articles qu’ils avaient à faire fabriquer. Puissent tous les négocians imiter cet exemple de concorde qui détruirait toute idée de vision et de haine.

Souscription gratuite pour la fondation d’une vente sociale d’épiceries, devant commencer la réforme commerciale :

(Septième liste.)

MM. Meunier, 1 f. 50 c. Vignon, 1 f. Moiroux, 2 f. Morestat, 40 c. Guerpillon, 50 c. Léon Boitel, 1 f. Augiay, 1 f. Mme Augiay, 1 f. M. Thomasset, 4 f. Mlles Dodon Charbonnier, 50 c. Mariette Charbonnier, 50 c. Luce Renaudat, 1 f. MM. Léautau, 3 f. Vilequin, 2 f. Dugelait, 1 f. Lalemant, 50 c. Duverdier, 50 c. Ravaz, 50 c. Lacan, 1 f. Mme Moucheraut, 50 c. MM. Lamy, 3 f. 50 c. Escoffier, 2 f. Clair, Etienne, 60 c. Christophe, 2 f. 50 c. Journaux, aîné, 2 f. Mlle Joséphine Mollet, 1 f. MM. Jean Blanc, 2 f. Charles Soudagne, 1 f. Gauthier, 1 f. Didier, 1 f. Valentin, cadet, 5 f. Jeandard, 3 f. Jyjeant, aîné, 1 f. 50 c. Jyjeant, cadet, 1 f. 50 c. Annette Morel, 1 f. 50 c. Moley, 1 f. Chuard, 1 f. Rey, 1 f. Josserant, cadet, 2 f. Josserant, aîné, 1 f. Ferrière, 60 c. Lété, 2 f. P., 2 f. 55 c. Balland, 2 f. 55 c. Reymond, 2 f. 55 c. M. D., 2 f. 55 c.

Total, 70 f. 40 c.
Listes précédentes, 708 f. 45 c.
Total, 778 f. 85 c.

De la nécessité de la libre défense pour les chefs d’atelier.

La défense est un droit sacré acquis à tous les hommes, et dans tous les pays civilisés elle fut et est encore l’égide [2.2]protectrice de l’opprimé. Mais pour jouir de ce bienfait, il faut supposer dans celui qui en fait usage, de la défense, assez de connaissances, assez de sagesse, assez de force de caractère, pour ne pas se laisser intimider. Points essentiels sur lesquels nous étayons notre demande de la libre défense au conseil des prud’hommes.

Nous disons d’abord que les contestations entre les parties nécessitent des connaissances. En effet, le chef d’atelier n’a pas au conseil la mission exclusive de sa défense ; il est souvent appelé à faire ressortir ses droits qu’une partie adverse s’attache à lui enlever un à un. Il est donc indispensable pour que la religion des juges soit bien éclairée, que les questions soient posées, sinon avec éloquence, du moins d’une manière assez nette, assez précise, pour qu’elles puissent être appréciées : ce qui suppose, non des talens de la part de la personne qui parle, mais du moins un jugement assez étendu pour donner à la question la forme qui lui est propre. D’ailleurs, on ne peut se le dissimuler, il y a des chefs d’atelier qui, trop peu versés dans la connaissance de leurs droits, ne peuvent que faiblement faire connaître leurs intérêts froissés. Il faut donc alors que le conseil y supplée et fasse en quelque sorte les frais de la défense. Or, comment dans une telle circonstance les négocians qui font partie du conseil se défendront-ils dans une cause, par exemple, qui serait de nature à établir un principe qu’ils jugeraient leur être défavorable dans leurs intérêts commerciaux, comment se défendront-ils, disons-nous, d’un peu de partialité, surtout lorsque la cause a été développée de manière à leur laisser, en quelque sorte, le libre arbitre de leur décision ? A Dieu ne plaise que nous cherchions à jeter un jour défavorable sur les décisions du conseil, en faisant naître que la partialité serait susceptible de les dicter. Mais personne n’ignore, et le conseil lui-même en est convaincu, que souvent une cause en apparence peu importante, étant présentée sous son véritable aspect, peut acquérir le caractère d’une question de principe, sur laquelle le droit commun s’appuie. Or, s’il en est ainsi, et qui pourrait le révoquer en doute, la libre défense est donc indispensable à celui qui ne saurait par lui-même expliquer clairement sa cause à l’audience.

Mais, comme nous l’avons fait observer, ce n’est pas assez de la sagacité et de la prudence, il faut encore la force du caractère. En effet, la timidité ne se maîtrise point, et si elle fait souvent un sot d’un homme de mérite en lui ôtant la présence d’esprit et la confiance nécessaire au développement de ses idées, que ne peut-elle pas opérer sur un homme qui de son naturel, peu répandu dans le monde, se laisse dominer par la crainte sitôt qu’il est en public ? Dans cette position, sa plainte ne sera que balbutiée, ses raisons manqueront des faits capables de les faire apprécier. Si quelques questions lui sont adressées, l’appréhension de mal s’énoncer, la vue d’un auditoire qui scrute ses paroles, le porte souvent, quoique involontairement, à dénaturer sa réponse et la fait paraître sous un aspect différent de celui qu’elle devait avoir.

Si le droit est ce qui est dû à chacun, il faut aussi que chacun puisse le faire valoir ; et si des causes se trouvent souvent défendues de la manière que nous venons de l’exposer, aucun doute qu’une libre défense ne leur soit indispensable, à ces chefs d’atelier, pour obvier à tous ces inconvéniens.

Nous pensons que notre voix sera entendue de la part des membres du conseil et que leur sagesse autant que la justice, leur feront un devoir d’accorder la libre défense, objet des vœux de tous les travailleurs.

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Audience du 26 mars.

présidence de m. ribout.

Sur 27 causes appelées, 6 ont été retirées, 2 ont fait défaut, une renvoyée à quinzaine, 3 à samedi au greffe et 6 renvoyées à huitaine. Sur 7 causes qui devaient paraître sur citations, une a été jugée par défaut.

[3.1]Lorsqu’un dessinateur et metteur sur bois pour l’imprimerie, d’après des conventions écrites, doit à son chef, non-seulement le temps prescrit, mais encore ne doit s’occuper en aucune manière pour une autre manière pour une autre maison, est-il passible du temps perdu ? – Oui. Mais comme il avait aussi à sa charge l’éducation d’un élève et qu’il ne s’en est pas acquitté quoiqu’une somme lui ait été promise à cet effet, le conseil a pris en considération les réclamations du maître imprimeur, tendantes à ce que les conventions fussent résiliées avec indemnité, et a alloué à ce dernier 200 fr., plus a annulé la promesse de la somme promise au dessinateur pour les soins qu’il devait donner à l’apprenti.

Ainsi jugé entre Chauvet, imprimeur, et Golder, dessinateur.

Lorsqu’un compagnon quitte son métier en devant au chef, fait constaté d’abord par son livret qui est resté entre les mains de ce dernier, puis par une retenue qui avait déjà été opérée par le chef d’atelier chez lequel il était allé travailler ensuite ; peut-il, sous prétexte que les comptes n’ont pas été réglés, révoquer en doute la quotité de sa dette ? – Non. Le conseil considérant en cette rencontre que le compagnon devait réellement, fait prouvé par la retenue qui lui a été faite, a cru le chef d’atelier sur sa déposition, vu que le compagnon ne s’était pas mis en règle, en quittant la maison, par le retrait de son livret sur lequel devait être inscrite sa dette ; de plus, comme depuis 1826 il travaille à la manufacture des tabacs et par-là même a quitté sa profession, l’a condamné à payer de suite au requérant la somme de 40 fr. 25 c.

Ainsi jugé entre Horand, chef d’atelier, et Garnier, compagnon.

Lorsqu’un chef d’atelier prend un apprenti, le père peut-il, sous le prétexte que son fils n’est pas enseigné par son maître, vu qu’il est commis dans une maison de fabrique, peut-il, disons-nous, demander la résiliation des engagemens sans indemnité ? – Non. Comme il était parfaitement à la connaissance du père que la femme seule du chef d’atelier serait chargée de l’apprentissage, il n’a pas été admis dans sa réclamation. Néanmoins, sur son refus formel de renvoyer son fils chez son maître, le conseil a résilié les conventions en allouant à ce dernier 100 fr. d’indemnité, plus 150 fr. qui ont été comptés en passant les écrits, et l’apprenti ne pourra se replacer qu’en cette qualité.

Ainsi jugé entre Falcot, chef d’atelier, et Bonnafait, apprenti.

Lorsqu’un chef d’atelier obtient d’un négociant une indemnité pour la confection d’une pièce inférieure, ce dernier peut-il faire valoir cette même indemnité comme défrayement du montage du métier, ne voulant plus l’occuper ? – Non. Le conseil considérant que la somme de 20 fr. qui avait été promise au chef d’atelier était uniquement pour le défrayer de l’infériorité de la pièce, a décidé que le négociant continuerait à occuper le métier en laissant subsister les 20 fr. promis, et non 10 c. par aune comme ce dernier l’entendait, et continuerait à maintenir de l’occupation au chef d’atelier, jusqu’à ce qu’il ait recouvré la quotité de ses frais, sous peine de payer une indemnité de montage. Le négociant a préféré donner une pièce. Néanmoins, sur la crainte du chef d’atelier d’attendre trop long-temps, le conseil a décidé que la pièce serait donnée immédiatement.

Ainsi jugé entre Gauchon, chef d’atelier, et Bonnand, négociant.

A M. le Rédacteur de l’Indicateur,

Monsieur,

Dans votre compte-rendu de la séance du conseil des prud’hommes du 19 mars, vous avez fait une erreur en faisant dire au sieur Vincent ce qu’il n’a pas dit lui-même ; vous nous représentez comme étant les débiteurs de ce chef d’atelier pouf la façon d’une coupe de peluche ; c’est sur ce point qu’il y a erreur.

Sa réclamation est une demande en remboursement, 1° d’une action souscrite dans notre société et dont la valeur est de vingt-cinq francs ; 2° d’une somme de quatorze francs, provenant des cotisations payées par lui à la même société, et réglées par les articles du contrat qui la régit, lequel fixe à cinq ans la durée de chaque action ; de telle sorte que ce n’est que le premier janvier 1839 que le sieur Vincent sera recevable à faire la demande qu’il fait aujourd’hui, si toutefois la société ne l’a pas, dans son intérêt, remboursé avant ce temps.

Nous sommes d’autant plus étonnés d’avoir été appelés dans une cause semblable, que nous pouvions être demandeurs envers ce sociétaire qui nous tient depuis plusieurs mois à découvert d’une coupe de peluche, sans aucun motif plausible. Mais il y a plus, et c’est lui qui vous l’apprend, le remboursement de tout ce qu’il a mis dans la société lui a été offert par un des sociétaires, à la condition que le sieur Vincent rendrait ses comptes ; cela n’est-il pas de toute justice, et ce dernier peut-il rester détenteur de ce [3.2]qui ne lui appartient pas, sans se rendre coupable d’un abus de confiance ; il doit à notre modération que les tribunaux n’aient rien intenté contre lui pour ce fait.

Veuillez, monsieur le rédacteur, faire connaître dans votre prochain numéro ces explications que tout le monde peut vérifier.

Agréez, etc.

bonnard, charpine et Ce.

Dans la pensée que le sieur Vincent avait peut-être l’intention de nuire à la maison centrale par des déclarations mensongères, nous nous sommes abstenus de mentionner les noms dans la crainte que des préventions fâcheuses ne se répandissent trop dans le public. Outre les opérations de cette société, nous avons à cœur que l’on ne nous reproche jamais d’avoir contribué au non succès d’une entreprise d’amélioration, sous quelque forme qu’elle se présente : notre œuvre est d’édifier et non de détruire.

Le comité administratif de la société commerciale des chefs d’atelier et ouvriers, conformément au nouvel acte qui la constitue, a été réorganisé dimanche 15 courant, en assemblée générale de tous les actionnaires.

Cette assemblée a eu lieu dans le magasin de ladite société ; elle était présidée par un fonctionnaire public.

origine de l’art de lustrer la soie.

Le hasard a présidé à la plupart de nos découvertes. En voici une nouvelle preuve. Un de ces nombreux étrangers qui, au 17e siècle, avaient importé de l’Italie à Lyon l’industrie de la soie, et réalisé dans ce commerce le proverbe lyonnais : riche comme Gadagne1, Octavio Mey2 avait vu une fortune de plusieurs millions s’engloutir tout entière dans de fausses spéculations. Un jour donc qu’il rêvait sur les bords de la Saône au moyen de réparer un aussi grand échec, il broyait dans son désespoir quelques brins de soie entre ses dents. Cette action donna à la soie un éclat brillant, un lustre inaccoutumé. Octavio Mey s’en aperçoit, et il conçoit aussitôt l’application d’un procédé mécanique qui fit acquérir à la soie ce brillant que nous lui connaissons. Cette découverte le sauva du déshonneur d’une banqueroute et tripla sa fortune.

(Revue du Lyonnais.)

Monsieur le Rédacteur,

Seriez-vous assez bon pour publier dans votre prochain journal l’article suivant, extrait de la Revue du Lyonnais, en réponse à une lettre insérée dans vos colonnes du numéro 24 ?

nouveaux détails biographiques sur jacquard.

Une lettre signée le Solitaire des Remparts, et publiée par l’Indicateur, est venue donner un démenti à l’assertion contenue dans notre article sur Jacquard, au sujet de la vente d’un de ses métiers sur la place des Terreaux, et des différentes poursuites et menaces dont cet habile mécanicien fut l’objet de la part des ouvriers. Nous avons été aux renseignemens, et voici ce que nous avons appris.

En 1804 environ, M. Artaud fit vendre, sur la place des Terreaux, plusieurs métiers-modèles que M. Delasallei avait réunis dans une des pièces du Palais St-Pierre. Cette vente, dans laquelle se trouvait un métier à la Jacquard, n’était sollicitée par aucune mesure venant du Conseil des Prud’hommes pour satisfaire, comme l’a dit par erreur M. Léon Faucher, l’exaspération du peuple contre la mécanique de Jacquard ; mais elle eut lieu dans le but seul de donner une autre destination à la salle où se trouvaient ces métiers.

Le Conseil des Prud’hommes est établi pour juger les différens qui surviennent entre fabricans et ouvriers. Il ne pouvait prendre sur lui un acte public ; ses attributions ne vont pas jusque-là. Maintenant, que Jacquard ait été humilié de voir vendre comme du vieux bois l’œuvre de tant d’années de recherches et de travaux, cela se conçoit. Que le peuple ait, à cette vente publique, témoigné son contentement par quelques lazzis et quelques railleries sur l’inventeur du métier, cela se conçoit encore. Le peuple, froissé dans son intérêt privé, ne voyait alors dans cette machine qu’une rivale enlevant du travail à ses bras ; il ne calculait [4.1]pas les avantages immenses dont elle devait le doter sous le double rapport de la santé et du bien-être. Et de nos jours encore, n’avons-nous pas vu le peuple de juillet briser les presses mécaniques. Est-ce véritablement sa faute ? Eh non ! Qu’on l’instruise ! qu’on lui en donne la facilité, les moyens, et alors il saura que loin de nuire à son existence, tout ce qui hâte le travail, tout ce qui économise à la fois le temps et la main-d’œuvre, tout ce qui centuple nos produits, lui est rendu d’une autre façon avec de doubles avantages. C’est lui ôter 5 sous d’une main pour lui en mettre 20 dans l’autre. Il y a aujourd’hui dix industries qui vivent du métier à la Jacquard.

Pourquoi donc nier les fautes que le peuple a pu commettre à une époque déjà loin de la nôtre ; pourquoi donc ne pas les avouer plutôt, comme un enseignement pour notre génération, et comme une preuve du pas immense qu’elle a fait dans le domaine social et intellectuel. Le peuple de juillet et de novembre ressemble-t-il au peuple septembriseur de notre première révolution ? Il faut au peuple des amis qui lui disent ses vérités et non des courtisans comme au pouvoir. Disons-le donc hautement et sans détour, car les démentis ne sont pas des preuves et des argumens sans réplique ; il n’est que trop vrai que Jacquard ait été plus d’une fois en butte à des voies de fait, à des injures et à des menaces de la part des ouvriers en soie. Trois d’entr’eux l’assaillirent un soir sur le quai St-CIair et ne parlaient rien moins que de le jeter à l’eau, lorsque les cris de leur victime et l’approche de quelques personnes les mirent en fuite. Voici une autre anecdote que nous tenons, ainsi que la précédente, d’une personne à laquelle Jacquard l’a racontée lui-même.

Nous le laisserons parler.

Un jour que j’achetais des cordes, mon cordier vint tout-à-coup à s’appitoyer sur son sort et sur la diminution de sa vente. Je lui en demandai les motifs. Ah ! monsieur, c’est ce damné métier à la Jacquard qui en est cause ; il a tout simplifié, il a enlevé le pain au pauvre monde. Si ce n’est pas une infamie, je vous le demande, qu’on encourage de ces monstruosités d’inventions qui ôtent l’ouvrage à l’ouvrier. Allez, s’il ne fallait que de la corde pour pendre ce coquin de Jacquard, je donnerais volontiers… – Toute votre boutique ? – Oh non ! mais tout ce qui faudrait pour çà. – Vous ne connaissez pas Jacquard ? – Ni je n’ai envie de le connaître. C’est un mauvais citoyen ; car il n’y a qu’un mauvais citoyen qui puisse vouloir la mort du peuple. – On vous l’a fait plus noir qu’il n’est, et s’il vous expliquait lui-même que son métier est tout dans l’intérêt de la classe ouvrière ? – Je voudrais bien voir comment il s’y prendrait, le grugeur ! – Eh bien ! écoutez-moi, car je suis Jacquard. Et le cordier de balbutier force excuses et force regrets. C’est notre femme, ajouta-t-il en finissant, qui me conte chaque jour ces sornettes-là.

L. B.


i. C’est à M. Delasalle que nous devons le Sample volant, ingénieux procédé qui abrège le lisage d’un dessin. Un des premiers à Lyon, il conçut et exécuta avec des moyens très-compliqués, des dessins sur les étoffes de soie. Vaucanson, bien avant lui, avait deviné, d’après un cylindre à serinette, une grande partie du mécanisme que l’on appliqua plus tard à la fabrication des étoffes à dessin. Il était réservé à Jacquard d’accomplir et de compléter une œuvre imparfaitement ébauchée.

VARIÉTÉS.

On lit dans un journal de Paris, qu’un jeune homme, âgé de 22 ans s’est donné la mort avec une décoction de pierre infernale. Voici la singulière lettre qu’on a trouvée sur sa table de nuit.

« Je meurs dans la religion catholique ; je lègue à mon père et à ma mère ma dépouille mortelle, regrettant qu’ils aient laissé grandir et se développer une créature d’une conformation aussi désagréable que leur fils. Doué des facultés les plus expansives et les plus tendres, ma figure a toujours fait peur aux femmes. Je vais chercher dans les cieux une société qui ne s’effarouche pas à mon aspect ; car j’imagine que, débarrassée de son enveloppe charnelle, mon âme n’effrayera pas les habitans de l’autre monde. »

BIBLIOGRAPHIE.

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LA REVUE DU LYONNAIS,
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1re et 2e Livraisons. – Mois de Janvier et de Février.
La Revue du Lyonnais paraît une fois par mois. Chaque numéro forme un cahier de 3 à 4 feuilles grand in-8° (48 à 64 pages d’impression), sur papier vélin satiné, avec vignettes et couverture imprimée.
Chaque livraison, remise au domicile du souscripteur, sera payée seulement à sa réception.
Prix de la livraison :
Pour les souscripteurs, 2 fr., et chez les libraires, 2 fr. 50 c.
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Chez L. Boitel, imprimeur, directeur-gérant de la Revue du Lyonnais, quai Saint-Antoine, n° 36.

[4.2]LE CRI DU PEUPLE,
Par M. Terson
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Au Bureau de l’Indicateur et chez les principaux Libraires de Lyon.
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et du travail;
Par M. Derrion.
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Au profit du premier fonds social gratuit.

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Le sieur Desgarnier, détenu politique, ci-devant au magasin n°s 70 et 72, maintenant à l’entre-sol, escalier I, galerie de l’Argue, continue à livrer à 10 p. 100 au-dessous du cours, tout espèce d’objets de quincaillerie, étant obligé de liquider son commerce. Il invite tous les citoyens lyonnais à profiter de cette occasion pour faire leurs emplettes.

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S’adresser au bureau.

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Notes (origine de l’art de lustrer la soie . Le...)
1 Référence ici à la famille Guadani, riches marchands et banquiers florentins installés à Lyon à la fin du 15e siècle.
2 Référence ici à Octavio Mey (1618-1690).

 

 

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