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12 avril 1835 - Numéro 30
 
 

 



 
 
    
Lyon, le 10 Avril.

[1.1]La quatrième chambre de la cour royale présidée par M. Reyre1, a prononcé le jugement de notre affaire qui était pendante depuis le 3 février dernier. Si nous avons continué de traiter l?amélioration industrielle, c?est parce que le jugement rendu en premier ressort nous avait laissé cette faculté comme l?on verra par les considérans de ce même tribunal, que nous reproduisons ci-après. Mais aujourd?hui nous sommes forcés d?abandonner ces questions, attendu que la cour royale, dans son arrêt de ce matin, nous condamne à un mois de prison et 600 fr. d?amende :

Considérant que les lois doivent être appliquées selon l?esprit qui les a dictées et qui a présidé à leur confection.

Considérant que lors de la discussion de celle du 18 juillet 1828 le cautionnement fut admis comme règle générale et l?exemption comme exception ; que c?est par ce motif que l?amendement de M. Devaux2 qui établissait le contraire fut rejeté.

Considérant que de là il suit que tout ce qui n?a pas été compris dans l?exception est resté soumis à l?obligation du cautionnement.

Considérant que par le paragraphe 2 de l?art. 3. ont été d?abord dispensés de cette obligation les journaux paraissant tous les jours ou plus de deux fois par semaine, exclusivement consacrés à certaines matières formellement spécifiées, et qu?ainsi les journaux de cette classe ne peuvent s?occuper d?aucun autre sujet que ceux qui sont compris dans cette désignation sans fournir de cautionnement.

Que c?est à ce paragraphe 2 du même article 3 que se rapporte l?explication donnée à la chambre des pairs par le garde des sceaux lorsqu?il disait que les sciences morales en étaient exclues.

Considérant que par le paragraphe 3 du même article 3 ont encore été dispensés du cautionnement, les journaux traitant non-seulement des matières dont il venait d?être parlé dans le paragraphe 2, mais encore de toutes autres connaissances, à l?exception de la politique, pourvu qu?ils ne paraissent que deux fois par semaine, et qu?ainsi pour ces journaux l?interdiction n?existe que relativement aux matières politiques ; en un mot, qu?il résulte des exceptions établies par l?art. 3 de la loi du 18 juillet 1828, que si un journal paraît plus de deux fois par semaine, il ne peut s?occuper que des sciences littéralement exprimées dans le paragraphe 2, et que s?il ne paraît que deux [1.2]fois par semaine, il peut s?occuper de toutes les branches des connaissances humaines, à l?exception des matières politiques exclusivement.

Considérant que dans quatre des numéros incriminés, savoir ; ceux des 26 octobre, 2 novembre, 20 et 28 décembre, le rédacteur du journal intitulé l?Indicateur s?est occupé de questions industrielles et commerciales, qu?il n?a parlé de réforme et de mécanisme social que sous le rapport commercial, et qu?il pouvait discuter ces questions industrielles et commerciales sans fournir de cautionnement, d?après le paragraphe 2 de l?art. 3 de la loi du 18 juillet 1828, puisqu?il ne paraît qu?une fois par semaine.

Que s?il en était autrement, c?est-à-dire si les journaux de cette classe ne pouvaient traiter aucun des sujets qui font partie de l?économie sociale par le motif que tous intéressent l?ordre moral de la société, et par conséquent le gouvernement, et sont nécessairement soumis à son action et à son influence, il s?en suivrait que la distinction introduite en faveur de ces journaux par le paragraphe 3 devient absolument effacée et que tous seraient placés dans les conditions du paragraphe 2.

Considérant qu?il paraît en effet que les quatre numéros dont il s?agit n?ont été compris dans la poursuite que parce que cette distinction n?a pas été observée, et qu?on y a été dominé par la pensée que la discussion des sciences morales n?était pas plus permise aux journaux ne paraissant que deux fois par semaine qu?à ceux qui paraissent plus souvent, tandis qu?elle n?est interdite qu?à ces derniers, d?où il suit que la poursuite n?est pas fondée en ce qui concerne ces quatre numéros.

Considérant qu?il n?en est pas de même en ce qui concerne le numéro du dimanche 23 novembre, parce qu?on y a évoqué les souvenirs d?une collision qui, à la vérité, n?avait pas eu dans le principe un caractère politique, mais qui en a reçu un par ses conséquences ; que d?ailleurs cet article a particulièrement acquis ce caractère en exprimant une opinion en portant un jugement sur des personnes qui ont trouvé la mort dans une insurrection armée contre l?autorité et la force publique.

Considérant que le journaliste a fait évidemment une excursion dans le domaine de la politique, et s?est ainsi rendu passible de l?application du paragraphe dernier de l?art. 2 de la loi du 18 juillet 1828.

Considérant que bien qu?il paraisse rigoureux de faire cette application, lorsqu?il n?existe qu?une seule infraction de la loi qui a voulu que les journaux qui ne fourniraient pas cautionnement restassent étrangers aux matières politiques, il s?en suit qu?il suffit que la ligne de démarcation qu?elle a tracée soit franchie, pour que la peine [2.1]soit encourue, et que la circonstance qu?il n?existe qu?une seule infraction, ne peut être appréciée que pour la réduction au minimum de cette peine et non pour en affranchir.

Par ces motifs, le tribunal jugeant en premier ressort, et appliquant le paragraphe 2 de l?art. 3 de la loi du 18 juillet 1828 et l?art. 6 de la loi du 17 mai 1819, déclare M. Favier contrevenant aux dites dispositions, et le condamne en un mois d?emprisonnement et deux cents francs d?amende.

Notes (Lyon, le 10 Avril.)
1 Il s?agit ici de Vincent Reyre (1762-1847), président alors à la Cour Royale de Lyon.
2 Référence ici au député du Cher, Augustin-Marie Devaux (1769-1838).

 

 

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