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12 avril 1835 - Numéro 30
 
 

 



 
 
    

AUX OUVRIERS.

On est à peu près certain que des commissions ont été données et que pour le moment la fabrique est en voie d?activité. Si les commandes se succèdent, si sa marche n?est pas rétroactive, tout fait présager, sinon une saison des plus favorables, du moins une espérance prochaine d?occupation autant générale que les circonstances que nous allons démontrer pourront le permettre.

Il est de notre devoir lorsque les affaires semblent sortir de leur léthargie, de mettre en évidence les avantages de l?indication que nous avons fondée et de démontrer les bienfaits de son institution. En effet, si l?indication était cultivée par les chefs d?atelier, si chacun la regardait comme l?avant-coureur de ses opérations, si tous y venaient puiser des connaissances ou émettre des avis, l?on serait instruit d?abord du nombre des métiers qui sont à monter, de l?article qui semble avoir pris faveur pour la saison ; des prix des différens genres d?étoffes. Et par-là les chefs d?atelier ne seraient pas induits en erreur et exposés à monter souvent un métier pour une seule pièce, faute de savoir si l?article qui leur est proposé est à son aurore ou à son déclin. Il y a plus, il serait facile d?acquérir la statistique du nombre de métiers qui fonctionnent et celui des ouvriers qui sont en disponibilité.
Par-là l?on ne ferait pas souvent la dépense d?un montage sous le vain espoir de trouver un compagnon qui souvent ne se rencontre pas, ou plus souvent encore de confier à des mains inhabiles, faute d?autres, la confection d?une étoffe qui se trouvant mal fabriquée occasionne une perte, et au chef d?atelier qui, indépendamment du prix de la façon qui lui est diminuée, s?acquiert une mauvaise réputation, et au négociant obligé de couler à la vente, attendu le vice d?exécution. Ce qui occasionne que souvent après de grands frais, l?on se trouve sans ouvrage, sans espérance d?aucun défrayement, soit par la perte du temps faute de bras pour fonctionner, soif par le peu d?aptitude de ceux qui s?en sont occupés.

[2.2]Si les chefs d?atelier veulent enfin comprendre leurs véritables intérêts, qu?ils se rendent à nos avis, et qu?ils montent le moins de métiers possible, attendu qu?ils peuvent être certains que la pénurie des compagnons se fait déjà sentir maintenant, quoique beaucoup d?ateliers ne soient pas au complet. D?ailleurs, ce n?est pas un grand nombre de métiers montés qui font notre bonheur, car c?est souvent un surcroît de dépenses sans espoir d?un avantage réel, comme nous l?avons démontré. Ne nous dissimulons pas qu?en aucun temps le grand nombre de métiers en activité n?a produit une hausse dans les façons ; au contraire, le négociant voyant qu?il trouve facilement à placer ses commandes, sans s?inquiéter si les métiers seront susceptibles de fonctionner à souhait, tend plutôt à baisser la main-d??uvre qu?à l?augmenter, et par-là nous travaillons à notre perte, en acquiesçant à leurs sollicitations qui ne peuvent que nous être désavantageuses. Car supposez qu?après avoir fait vos dépenses comme la probabilité le démontre, vous ne trouviez pas à faire valoir vos métiers, qui vous indemnisera de vos frais, si le négociant peut prouver que depuis la disposition donnée jusqu?à l?époque où la commission a été achevée, il vous aurait été facultatif de faire suffisamment d?ouvrage pour vous indemniser ? La perte sera donc tout entière réversible sur vous et de plus vous aurez à déplorer le temps que vous aurez mis à le monter pendant lequel vous auriez pu activer vous-même l?ouvrage qu?il vous a fallu négliger. Il est donc urgent de ne s?occuper des frais d?un métier que lorsqu?on est sûr de le faire fonctionner par soi-même ou par un ouvrier sur lequel on peut compter.

Puissent nos sollicitations engager les chefs d?atelier à saisir avec empressement les avantages de l?indication et ne pas perdre de vue qu?ils sont la cause efficiente de son institution et concourir avec ardeur à son développement ; qu?il ne peut que leur être de la plus haute utilité, soit pour le montage des métiers, soit pour la situation des affaires, soit enfin par rapport même aux ouvriers qu?il pourrait leur procurer. Ne restons pas stationnaires, quand nous sommes réduits à faire nous-mêmes notre bonheur.

 

 

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